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L’édiction règles intrinsèques aux restructurations transfrontalières

Para I. la dualité du régime des restructurations transfrontalières

B. L’édiction règles intrinsèques aux restructurations transfrontalières

572. L'objectif de la directive communautaire sur les fusions transfrontalières est d'établir une réglementation comportant des éléments communs applicables au niveau transnational afin d’en faciliter la réalisation. Dans ces conditions, chaque Etat membre doit se conformer aux règles impératives fixées par la Directive qui sont volontairement limitées en nombre.

573. C’est dire qu’une fusion transfrontalière ne peut se réaliser par application exclusive de la règle du « chacun chez soi ». Les lois en présence pouvant entrer en conflit sur des questions sensibles notamment sur la date de prise d'effet de la fusion, la directive a édicté un certain nombre de règles matérielles appelées à s'appliquer dans tous les Etats membres. Ces règles particulières qui sont relatives par exemple à l'information des salariés ou au contrôle de la légalité de la fusion ont été reprises par la loi de transposition française du 3 juillet 2008.

574. Se surajoutant aux règles du droit interne, elles compliquent quelque peu la réalisation et le calendrier de la restructuration sans excès cependant397. Ces règles sont diverses et nous traiterons de celles qui ne se retrouvent pas en droit commun. Elles ont trait notamment au contenu du projet de restructuration qui déroge au droit commun (1) et à la transmission des rapports sur la restructuration, obligations complémentaires qui ne se retrouvent pas en droit interne(2).

1- Un contenu du traité de fusion dérogatoire du droit commun

575. En droit national, la restructuration se matérialise par la transmission universelle du patrimoine des sociétés dissoutes sans liquidation à une société préexistante (fusion-absorption) ou à une société nouvelle (fusion avec création d’une société nouvelle) avec un échange de titres représentatifs du capital en faveur des associés des sociétés

dissoutes. Une telle opération peut se réaliser avec le versement d’une soulte en espèces qui ne peut dépasser en principe 10% de la valeur nominale ou à défaut, du pair comptable de ces titres398. Cette position de principe connait une dérogation dans le cadre des dispositions transfrontalières car il est prévu le versement d’une soulte en espèce supérieure à 10 %.

576. A cet effet, l’article L.236-26 du code de commerce prévoit que : « Par dérogation aux dispositions de l’article L.236-1 et lorsque la législation d’au moins un des Etats membres de la Communauté européenne concernés par la fusion le permet, le traité de fusion peut prévoir, pour les opérations mentionnés à l’article L.236-25, le versement en espèce d’une soulte supérieure à 10 % de la valeur nominale ou, à défaut, du pair comptable, des titres, parts ou actions attribués399 ».

577. Il est possible dans le plan de restructuration transfrontalière de stipuler une soulte supérieure à 10%. Cette disposition introduit un peu de souplesse dans les restructurations transfrontalières en ce qu’elle permet par dérogation aux dispositions nationales, d’introduire dans le plan de restructuration une clause prévoyant le versement en espèces d’une soulte supérieure à 10% de la valeur nominale des titres échangés ou à défaut, du pair comptable de cette action ; celui-ci étant défini comme la quote part du capital social représentée par une action400.

578. Toutefois, la disposition pour technique qu’elle soit n’est pas sans intérêt : d’abord parce que dans les fusions internes, une soulte supérieure de 10 % ne peut jamais être stipulée sauf à exposer la fusion à un risque de disqualification en vente lui faisant perdre le bénéfice du régime fiscal de faveur normalement réservé aux fusions internes.401 Ainsi, cette solution, pour notre part, pouvant être fiscalement désavantageuse pour la restructuration

398

C.Com ., art. L.236-1alinéa 3 dispose à cet effet que les associés des sociétés qui transmettent leur patrimoine dans le cadre des opérations mentionnées aux trios alinéas précédents reçoivent des parts ou actions de la ou des sociétés bénéficiaires et, éventuellement, une soulte en espèces dont le montant ne peut dépasser 10 % de la valeur nominale des parts ou actions attribuées.

399 C.Com., art. L.236 -26.

400 art. L.236-26 précité. Cette possibilité trouve sa source dans l’article 3-1 de la directive fusion transfrontalière

qui prévoit nonobstant l’article 2, point 2, la présente directive s’applique également aux fusions transfrontalières lorsque la législation d’au moins un des Etats membres concernés permet que le versement de la soulte en espèce visée à l’article 2 point 2),a) et b) dépasse 10% de la valeur nominale ou, à défaut de valeur nominale du pair comptable de ces titres ou parts représentant le capital de la société issue de la fusion transfrontalière.

transfrontalière, il aurait fallu modifier l’article 210-A du code général des impôts pour rendre la restructuration transfrontalière avec soulte supérieure à 10% plus attractive et lui faire bénéficier de la neutralité fiscale applicable aux opérations de fusion interne. Tel n’est toutefois pas le cas étant entendu qu’une telle modification n’est pas aussi aisée à réaliser car elle pourrait être analysée comme une violation de la directive fiscale sur les fusions du 23 juillet 1990 qui ne prévoit la neutralité que pour les cas de restructuration avec soulte inférieure à 10 %. Par conséquent, la modification du code général des impôts pourrait provoquer une distorsion fiscale condamnable si les autres Etats membres n’agissaient pas de même. En pratique, il est inadmissible pour une société française participant à une opération transfrontalière, de prévoir une soulte supérieure à 10 % et ne pas bénéficier du régime de faveur.

2. La transmission du rapport des dirigeants sur la fusion aux représentants des salariés : des obligations complémentaires nouvelles

579. Outre les droits que les salariés de la société (française) tiennent du droit national d'être informés et consultés sur le projet de fusion402 ou de transmettre leur avis à son propos à l'assemblée403, le législateur français leur a ouvert deux droits complémentaires qui n'ont pas résonance dans une fusion interne. En effet, il est précisé que :

« En complément du respect des obligations prévues à l’article L.2323-19 du Code du travail, le rapport de l’organe de gestion est mis à la disposition des délégués du personnel ou, à défaut des salariés eux-mêmes, dans les conditions prévues par décret en Conseil d’Etat.

Sans préjudice du dernier alinéa de l’article L.225-10, l’avis du comité d’entreprise consulté en application de l’article L.2323-19 du Code du travail ou, à défaut, l’avis des délégués du personnel est, s’il est transmis dans les délais prévus par décret en Conseil d’Etat, annexé au rapport mentionné au premier alinéa du présent article. »404

580. Le législateur met des obligations complémentaires à la charge des dirigeants des sociétés parties à la restructuration transfrontalière. La première est d'obtenir via leurs

402

C. trav. art. L. 2323-19.

403

Voy. supra, para 286.

représentants ou à défaut directement la transmission du rapport du conseil d'administration ou du directoire sur l'opération de fusion dans le délai d’un mois au moins avant la date de l’assemblée générale appelée à se prononcer sur le projet de fusion transfrontalière405

. La seconde consiste pour le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, préalablement consultés sur le projet de fusion406, d'exiger que leur avis soit annexé au rapport des dirigeants sur la fusion, pour autant que cet avis aura été transmis aux dirigeants dans le délai d’un mois407

.

581. Ce rapport de l’organe de direction ou d’administration établi par chaque société participante explique et justifie le projet de fusion transfrontalière de manière détaillée, en aspects juridiques et économiques, notamment en ce qui concerne le rapport d’échange des actions et méthodes d’évaluation utilisées, qui devront être concordantes pour les sociétés concernées, ainsi que les conséquences du projet de fusion pour les associés les salariés et les créanciers.

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