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Des restructurations transfrontalières circonscrites quant aux opérations

Para I La double circonscription du domaine de la restructuration en droit français

B- Des restructurations transfrontalières circonscrites quant aux opérations

518. Les restructurations transfrontalières sont circonscrites en droit français en raison de la nature des opérations pour lesquelles elles sont possibles. Il est précisé que : « Les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés immatriculées en France, les sociétés à responsabilité et les sociétés par actions simplifiées peuvent participer avec une ou plusieurs sociétés ressortissant du champ d’application du paragraphe 1 de l’article 2 de la directive 2005/56/CE du parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux et immatriculées dans un ou plusieurs autres Etats membres de la Communauté européenne, à une opération de fusion dans les conditions prévues par les dispositions de la présente section ainsi que par celles non contraires des sections 1 à 3 du présent chapitre »365 . Et, concernant les opérations de fusion prescrites par ladite disposition, il est mentionné qu’elle est l’opération par laquelle : « Une ou plusieurs sociétés transfèrent, par suite et au moment de leur dissolution sans liquidation, l’ensemble de leur patrimoine activement et passivement à une autre société préexistante, la société absorbante , moyennant l’attribution à leurs associées de titres ou de parts représentatifs du capital social de l’autre société et éventuellement d’une soulte en

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sur renvoi de la directive n° 2005/56/CE.

espèces dépassant pas 10% de la valeur nominale ou, à défaut de la valeur nominale des parts ou actions attribuées. »366

519. Il en résulte qu’une opération de restructuration transfrontalière en droit français ne peut résulter que de la création d’une société nouvelle par plusieurs sociétés existantes ou l’absorption d’une société par une autre à laquelle sera transmis universellement le patrimoine de la société absorbée. Cette appréhension de la restructuration nous le pensons, même si elle n'est pas expressément précisée, s'étend également aux restructurations par voie de fusion simplifiée367.

520. Pour cette opération, c'est à dire celle par laquelle une société absorbe une ou plusieurs sociétés dont elle détient en permanence, depuis le dépôt au Greffe du tribunal de commerce du projet de fusion jusqu'à la réalisation définitive de l'opération, la « totalité des actions représentant la totalité de son ou de leur capital », les choses sont assez claires puisque cette opération est effectivement définie tant par la loi française368 que par la directive369 disposant notamment qu'est une fusion l'opération par laquelle « une société transfère par suite et au moment de sa dissolution sans liquidation, l'ensemble de son patrimoine, activement et passivement, à la société qui détient la totalité des titres ou des parts représentatifs de son capital social ».

521. La solution se discute d'autant moins que la loi nouvelle comporte un mécanisme destiné à alléger encore tant le « processus » des fusions internes simplifiées que celui des fusions transfrontalières simplifiées (lorsque la société absorbante est française) puisqu'elle précise qu'il n'est même plus nécessaire de solliciter désormais les services d'un

366 C.com., art.L.236-1. Notons que la conception également de la fusion au plan transfrontalier est celle qui

consiste à la caractériser par la transmission universelle, alors que la conception contractuelle peut solutionner certaines contraintes liées à ce type de restructuration, notamment les différents contrôles.

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La directive 2005/56/CE s'applique également à l'opération de « fusion simplifiée », c'est-à-dire celle réalisée par absorption d'une autre société dont les titres représentatifs du capital social sont détenus en totalité par la société absorbante, qui a pour effet de transférer, par suite et au moment de sa dissolution sans liquidation, l'ensemble du patrimoine de la filiale, activement et passivement, à sa société mère. Voy. Dir. 2005/56/CE, art. 2. Voy. Sur ce point. COZIAN M., VIANDER A., DEBOISSY F., droit des sociétés précité, n° 1506, p.741.

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C. Com., art. L. 236-11.

simple commissaire aux apports ; la société absorbante n'ayant pas vocation, lorsqu'elle détient la totalité des actions de la société qu'elle absorbe, à augmenter son capital social370.

522. C’est dire que la loi n° 2008-649 retient une définition assez étroite de la restructuration transfrontalière car elle n'a pas cherché à dégager un régime transfrontalier ni pour les opérations d’apport partiel d’actif ni pour les scissions qui en droit national sont étudiées concomitamment avec la fusion. Cette restriction se justifie par la nature spécifique de l'opération de restructuration transfrontalière et semble s'expliquer parfaitement dans le cadre d'une scission transfrontalière qui socio-économiquement est plus rare371 qu'une fusion. De même que les apports partiels d'actif transfrontaliers. Ces deux opérations nécessitent la décision unanime des actionnaires.

523. Il convient toutefois de relativiser concernant ces dernières opérations et ce par une incursion rapide en droit national. En effet, depuis la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, l'apport partiel d'actif peut être soumis suivant décision des associés aux dispositions régissant les fusions. En effet, désormais : « la société qui apporte une partie de son actif à une autre société et la société qui bénéficie de cet apport peuvent décider d'un commun accord de soumettre l'opération aux dispositions des articles L.236.1 à L.236-6 »372 . Il est possible désormais pour les actionnaires de soumettre l'apport partiel d'actif au même régime que celui d’une fusion.

524. Est ce pour autant qu'un apport partiel d'actif transfrontalier ne devrait désormais plus requérir l'unanimité des actionnaires? A priori, l'affirmative s'impose car le législateur européen en général et français particulièrement n'ayant pas prévu la possibilité d'un apport partiel au plan transfrontalier, il faudrait une décision unanime des actionnaires. Toutefois, nous pensons que ce principe devrait être relativisé car désormais si l'apport partiel d'actif peut être considéré comme une fusion, il en résulte une similarité du régime. Pour notre part, cette modalité particulière sera possible au plan transfrontalier sans nécessiter une

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suppression au texte de l'article L. 236-11 du code de commerce, de la dernière phrase qui appelait l'assemblée générale de la société absorbante à statuer « au vu du rapport d'un commissaire aux apports ».

371 Pour la scission proprement dite, il est assez probable qu'elle constitue, comme la fusion, une « modalité

particulière d'exercice de la liberté d'établissement » au sens de la jurisprudence Sevic Systèmes ; pour autant, l'opération continue de requérir le consentement de tous les associés de la société dissoute, la scission entraînant un changement de la loi applicable à la société qui se scinde.

décision unanime des actionnaires. Toutefois, un accord des sociétés parties est nécessaire pour permettre l’assimilation de l'apport partiel d'actif au régime de la fusion avec toutes les conséquences de droit y attachées.

525. A rebours, ni la directive ni la loi ne visent les opérations de scission et d’apports partiels d'actifs au titre des opérations de restructuration possible au plan transfrontalier. On peut le regretter d'autant que la scission est, en droit français, une opération assez proche de la fusion ; et que les deux opérations sont décrites au même texte373 et produisent exactement les mêmes effets. Les scissions transfrontalières ne peuvent en conséquence se réaliser que suivant les règles du droit international privé qui exige la décision unanime des associés. Cette exclusion apparait comme une nouvelle entrave aux possibilités de réalisation d’un tel procédé au plan transfrontalier dont l’utilité dans l’union européenne n’est pas à négliger et qui pourrait constituer un outil supplémentaire de mobilité des entreprises.

526. En toutes hypothèses, les dispositions françaises pas plus que la directive qu’elle transpose ne visent ni les opérations d’apports d’actifs transfrontaliers, ni celles de scissions transfrontalières. En outre, elles sont circonscrites aux seules sociétés de capitaux ; ce qui heurte le principe de la liberté d’établissement dans l’espace européen affirmé par le traité et consacré dans l’arrêt SEVIC374

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527. Toutes ces restrictions nous le pensons entament l'efficacité des restructurations transfrontalières et ce à l’instar du droit OHADA où elle n’est pas en marge en raison de l’imprécision du régime juridique applicable malgré sa consécration.

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