Transformation de Fourier
5.6 Transformation de Fourier et s´ eries de Fou- Fou-rierFou-rier
L’un des avantages du cadre des distributions temp´er´ees pour y ´etudier la transformation de Fourier est que ce cadre est commun `a la th´eorie des s´eries et des int´egrales de Fourier — ce qui n’est pas le cas si on ´etudie la transfor-mation de Fourier sur L1(R) ou L2(R), car une fonction continue p´eriodique n’appartient `a L1(R) ouL2(R) que si elle est identiquement nulle. Cette diffi-cult´e n’existe pas dansS0(R) car toute fonction continue p´eriodique surRest born´ee sur R, et d´efinit par cons´equent une distribution temp´er´ee surR.
Tous les ´enonc´es ci-dessous ont ´evidemment des analogues dans RN, mais nous nous limiterons au casN = 1 afin de n’avoir `a manipuler que des s´eries de Fourier usuelles — au lieu de s´eries de Fourier multiples, c’est `a dire pour des fonctions de plusieurs variables.
Commen¸cons par une identit´e remarquable de l’analyse de Fourier.
Th´eor`eme 5.6.1 (Formule sommatoire de Poisson) La distribution T =X
k∈Z
δk appartient `aS0(R), et sa transform´ee de Fourier est
FT = 2πX
k∈Z
δ2kπ dansS0(R).
D´emonstration.QueT ∈ S0(RN) se v´erifie en appliquant la D´efinition 5.3.1
— voir aussi la Proposition 5.6.3 ci-dessous.
La distribution T v´erifie
T◦τ1=T o`u on rappelle que
τa : R3x7→x+a , pour touta∈R.
D’apr`es la Proposition 5.4.3 (c), il s’ensuit que F(T◦τ1) =eiξFT=FT , ce qui montre en particulier que
supp(FT)⊂2πZ. Soitχ∈Cc∞(R) telle que
χ
[−π/8,π/8]= 1, et supp(χ)⊂]−π/4, π/4[. Alors
FT =X
k∈Z
χ(· −2πk)FT .
D’autre part
0 = (eiξ−1)χ(· −2πk)FT = (ξ−2πk)eiξ−1
ξ−2πkχ(· −2πk)FT . Ceci montre que
eiξ−1
ξ−2πkχ(· −2πk)FT = Const. δ2πk
(voir la premi`ere Application `a la fin de la section 4.1) ou encore, de mani`ere
´
equivalente
χ(· −2πk)FT =ckδ2πk puisque ξ−2πkeiξ−1 →ilorsqueξ→2πk. On en d´eduit que
FT =X
k∈Z
ckδ2πk. Calculons les coefficientsck. Observons que
ei2πxT =T dansS0(R), de sorte que, d’apr`es la Proposition 5.4.3 (d)
FT◦τ2π=FT .
En confrontant cette identit´e avec la formule ci-dessus pourFT, on conclut qu’il existe une constantec∈C telle que
ck =c , pour toutk∈Z.
Autrement dit
FT =cX
k∈Z
δ2πk.
Identifions maintenant la constantec. Pour toutφ∈ S(R) et touty∈R cX
k∈Z
φ(2πk+y) =hFT, φ(·+y)i
=hT,Fφ(·+y)i=hT, eyFφi=X
k∈Z
Fφ(k)eiky
o`u l’avant-derni`ere ´egalit´e d´ecoule de la Proposition 5.4.3 (c), en notant ey la fonction
ey: R3x7→eiyx.
Int´egrant chaque membre de l’identit´e ci-dessus par rapport `a y sur [0,2π], on trouve que
c Z
R
φ(x)dx=cX
k∈Z
Z 2π 0
φ(2πk+y)dy
=X
k∈Z
Fφ(k) Z 2π
0
eikydy= 2πFφ(0) = 2π Z
R
φ(x)dx
d’o`uc= 2π. L’interversion int´egrale-s´erie se justifie sans difficult´e, par exemple par convergence domin´ee, car les suites
(Fφ(k))k∈Z ainsi que sup
y∈[0,2π]
|φ(y+ 2πk)|
!
k∈Z
sont sommables puisqueφ(et doncFφ) appartient `aS(R).
La th´eorie des s´eries de Fourier porte sur les fonctions p´eriodiques. Com-men¸cons par ´etendre cette notion au cas des distributions.
D´efinition 5.6.2 (Distributions p´eriodiques) Une distributionT ∈ D0(R) est dite p´eriodique de p´eriodea si
T◦τa=T o`uτa d´esigne la translation de a:
τa : x7→x+a .
On sait que toute fonction continue p´eriodique est n´ecessairement born´ee surR. Voici, pour le cas des distributions, un ´enonc´e qui va dans le mˆeme sens : Proposition 5.6.3 Toute distribution p´eriodique surR est temp´er´ee surR.
Nous aurons besoin dans tout ce qui suit d’une fonction φ appartenant `a Cc∞(R) telle que
X
k∈Z
φ(x+k) = 1, pour toutx∈R. Pour cela, on part d’une fonctionψ∈Cc∞(R) telle que
ψ≥0, ψ[−1,1]= 1, supp(ψ)⊂]−2,2[
de sorte que
Ψ(x) =X
k∈Z
ψ(x+k)>0, pour toutx∈R.
Notons que la somme d´efinissant Ψ(x) ne fait intervenir qu’un nombre fini de termes, grˆace `a la condition supp(ψ) ⊂]−2,2[. Par construction, Ψ est une fonction p´eriodique de p´eriode 1, et la fonctionφd´efinie par
φ(x) = ψ(x)
Ψ(x), pour toutx∈R r´epond `a la question.
Passons maintenant `a la
D´emonstration de la proposition. SoitTdistribution p´eriodique de p´eriode
CommeφT est une distribution `a support compact, elle v´erifie la propri´et´e de continuit´e suivante : il existe un entier p≥0 et une constante C >0 tels que, pour toutk∈Ztel que|k| ≥3, l’on ait et on conclut en remarquant que la s´erie de terme g´en´eral
X est ´evidemment convergente enk.
Nous pouvons maintenant expliquer comment la th´eorie des s´eries de Fourier pour les fonctions continues p´eriodiques s’inscrit dans le cadre de la transfor-mation de Fourier des distributions temp´er´ees.
Proposition 5.6.4 (Transformation et s´eries de Fourier) Soitu∈ D0(R) distribution p´eriodique de p´eriode 1. Pour toute fonction testφ∈Cc∞(R) telle que
X
k∈Z
φ(x+k) = 1 pour toutx∈R, la transform´ee de Fourier de uest donn´ee par la formule
Fu= 2πX
k∈Z
ckδ2πk avec ck =F(φu)(2πk), le membre de droite ´etant une s´erie convergente dansS0(R).
Supposons que la distribution p´eriodiqueuest en fait une fonction continue up´eriodique de p´eriode 1. Alors
ck=F(φu)(2πk) =
ce qui est la formule usuelle donnant lek-i`eme coefficient de Fourier de la fonc-tion continueu.
Le point de vue classique sur les s´eries de Fourier consiste `a associer `a toute fonction u continue sur R et p´eriodique de p´eriode 1 la suite (ck)k∈Z de ses coefficients de Fourier — voir le cours de P. Colmez, chapitre I.2.6, pp. 19–20.
Le point de vue des distributions associe, `a la mˆeme fonction continue p´eriodique de p´eriode 1 surR, la distribution
2πX
k∈Z
ckδ2πk
concentr´ee aux points multiples entiers de 2π, dont la donn´ee est ´evidemment
´
equivalente `a celle de la suite (ck)k∈Z.
D´emonstration de la Proposition 5.6.4. Pour toute fonction testψ∈ S(R), on a D’apr`es la formule sommatoire de Poisson (Th´eor`eme 5.6.1)
X
d’o`u le r´esultat annonc´e.
La formule d’inversion de Fourier donne alors u=F−1 2πX
k∈Z
ckδ2πk
!
=X
k∈Z
ck2πF−1δ2πk=X
k∈Z
ckei2πkx, o`u on rappelle que
ck =F(φu)(2πk) pour toutk∈Z, et o`u la s´erie au membre de droite converge dansS0(R).
Comme on l’a rappel´e apr`es l’´enonc´e de la Proposition 5.6.4, dans le cas o`u la distribution uest en fait une fonction continue p´eriodique sur Rde p´eriode 1, le nombre ck est le coefficient de Fourier d’ordre kdeu. Comme la fonction ud´efinit un ´el´ement deL2(R/Z), la th´eorie classique des s´eries de Fourier nous dit que la s´erie de Fourier deu
X
k∈Z
ckei2πkx
converge dans L2(R/Z) vers u — voir cours de P. Colmez, chapitre IV.3. Le point de vue des distributions nous dit que cette mˆeme s´erie converge dans S0(R) (ce qui est ´evidemment une information plus faible.)