Support et convolution des distributions
4.4 Produit de convolution des distributions
∂x1f(x) ...
∂xNf(x)
d´efinit, en tout pointx∈Σ, un vecteur non nul orthogonal `a l’hyperplan tangent
`
a Σ au point x. On notera dσ l’´el´ement de surface sur Σ pour l’orientation d´efinie par le champ normal ∇f — voir Exemples 3.2.5 et 3.2.6 au chapitre pr´ec´edent pour un rappel de ces notions.
Sous ces hypoth`eses, la distributionδ0◦f est bien d´efinie, d’apr`es la discus-sion ci-dessus. On trouve alors que
hδ0◦f, φi= Z
Σ
φ(x)|∇xf(x)|−1dσ(x) pour toute fonction test φ∈Cc∞(U).
La d´emonstration de cette formule ne pose aucune difficult´e compte tenu de la discussion pr´ec´edente ; le lecteur est invit´e `a l’´ecrire `a titre d’exercice.
4.4 Produit de convolution des distributions
On a vu dans la section 4.2 qu’on peut d´efinir le produit de convolution d’une fonction C∞ `a support compact et d’une distribution, et que le r´esultat de cette op´eration est une fonction de classeC∞. On va donc pouvoir proc´eder comme dans le chapitre 3 (section 3.3) pour ´etendre le produit de convolution au cas de deux distributions par un simple argument de transposition pour la dualit´eE0−C∞.
L’extension du produit de convolution au cas de deux distributions est abso-lument fondamentale dans l’´etude des ´equations aux d´eriv´ees partielles lin´eaires
`
a coefficients constants : nous en verrons de tr`es nombreuses applications dans la partie II de ce cours. Pour toute distribution T ∈ D0(RN), on notera ˜T la compos´ee deT avec l’antipodiex7→ −x:
T˜:=T◦(−IdRN). Autrement dit, pour toute fonction testφ∈Cc∞(RN)
hT , φi˜ =hT,φi˜ , o`u ˜φ(x) =φ(−x).
D´efinition 4.4.1 (Produit de convolutionD0?E0) Pour tout T ∈ D0(RN) et toutS∈ E0(RN), on d´efinit le produit de convolutionT ? S∈ D0(RN)par la formule
hT ? S, φi=hT,S ? φi˜ pour toute fonction test φ∈ D0(RN).
Cette nouvelle extension du produit de convolution conduit `a la mˆeme ma-joration du support que dans le cas des fonctions.
Proposition 4.4.2 (Majoration du support) Pour toutT ∈ D0(RN)et tout S∈ E0(RN), on a
supp(T ? S)⊂supp(T) + supp(S).
D´emonstration. A nouveau, supp(T) + supp(S) est ferm´e dans RN puisque supp(S) est compact dansRN — de mˆeme que dans le cas des fonctions : cf.
Lemme 1.3.6.
Soient O = RN \(supp(T) + supp(S)) et φ ∈ C∞(RN) `a support dans l’ouvertO.
D’apr`es les Propositions 4.2.2 et 4.2.3, la fonction ˜S ? φest de classeC∞ sur RN et `a support dans
supp( ˜S) + supp(φ) ={−x+y|x∈supp(S) ety∈supp(T)}. Or
supp(T)∩(supp( ˜S) + supp(φ)) =∅ faute de quoi il existeraitx∈supp(S) ety∈supp(φ) tels que
y∈supp(T) +{x} ⊂supp(T) + supp(S) ce qui contredit l’hypoth`ese queφest `a support dansO.
Comme ˜S ? φ est une fonction de classe C∞ sur Ω `a support compact ne rencontrant pas supp(T), on d´eduit du point (b) de la Proposition 4.1.2 que
hT ? S, φi=hT,S ? φi˜ = 0. Par cons´equentT ? S
O= 0, d’o`u la majoration annonc´ee pour supp(T ? S).
Exemple 4.4.3 (Convolution par la masse de Dirac) La masse de Dirac en l’origine est l’´el´ement neutre pour le produit de convolution : pour toute distributionT ∈ D0(RN), on a
T ? δ0=T
Plus g´en´eralement, pour touta∈RN, notonsτa la translation de vecteura, c’est `a dire
τa : RN 3x7→x+a .
On v´erifie alors sans aucune difficult´e que, pour touta∈RN, T ? δa=T◦τ−a.
Observons que, sous les mˆemes hypoth`eses que dans la d´efinition ci-dessus, c’est `a dire pour tout T ∈ D0(RN) et toutS ∈ E0(RN) on aurait ´egalement pu d´efinir le produit de convolutionS ? T par la formule
hS ? T, φi=hS,T ? φi˜ .
En effet, ˜T ? φ est une fonction de classeC∞ surRN et S une distribution `a support compact dans RN, de sorte que le membre de droite de l’´egalit´e ci-dessus est bien d´efini grˆace `a l’extension de la dualit´e deE0(RN) `aC∞(RN) — voir Proposition 4.1.4.
En r´ealit´e cette distinction est sans objet comme le montre la proposition ci-dessous.
Proposition 4.4.4 (Commutativit´e de la convolution) SoientT ∈ D0(RN) etS ∈ E0(RN). Alors
(a) pour tout φ∈Cc∞(RN)
hS,T ? φi˜ =hT,S ? φi˜ ; (b) si on d´efinit la distributionS ? T par la formule
hS ? T, φi=hS,T ? φi˜ , pour toutφ∈Cc∞(RN) alors
S ? T =T ? S .
D´emonstration.V´erifions l’´enonc´e (a). Pour cela, soitζ∈Cc∞(RN) telle que supp(ζ)⊂B(0,1), ζ≥0,
Z
RN
ζ(x)dx= 1. Posons
ζn(x) =nNζ(nx), x∈RN, ainsi que
Sn=S ? ζn, n≥1.
D’apr`es les Propositions 4.2.2 et 4.2.3,Sn est une fonction de classeC∞sur RN `a support dans supp(S) +B(0,1n) qui est compact (car ferm´e born´e dans RN.)
D’apr`es le th´eor`eme de Fubini pour le crochet de dualit´e (Proposition 3.3.21) hSn,T ? φi˜ =
Z
RN
Sn(x)hT , φ(x˜ − ·)idx
= Z
RN
Sn(x)hT, φ(x+·)idx
=
T, Z
RN
Sn(x)φ(x+·)dx
=
T, Z
RN
Sn(−x)φ(−x+·)dx
=hT,S˜n? φi
Passons ensuite `a la limite enn→ ∞dans chaque membre de cette ´egalit´e.
On sait, d’apr`es le Th´eor`eme 4.2.5, que
Sn→S dansD0(RN) pour n→ ∞ et que
supp(Sn)⊂supp(S) +B(0,1), pour toutn≥1.
Soit d’une part χ ∈ Cc∞(RN), identiquement ´egale `a 1 sur un voisinage ouvert du compact supp(S) +B(0,1). Alors
hSn,T ? φi˜ =hSn, χ( ˜T ? φ)i → hS, χ( ˜T ? φ)i=hS,T ? φi˜ lorsquen→ ∞.
D’autre part
supp( ˜Sn? φ)⊂Kpour toutn≥1 avec
K= supp(φ) + supp( ˜S) +B(0,1)
(d’apr`es la Proposition 4.2.2) qui est compact dans RN car ferm´e (d’apr`es le Lemme 1.3.6) et born´e. De plus, pour toutα∈NN, on a
∂α( ˜Sn? φ) = ˜Sn?(∂αφ)→S ?˜ (∂αφ) =∂α( ˜S ? φ) uniform´ement sur K, d’apr`es la Proposition 4.2.7.
Par cons´equent
S˜n? φ→S ? φ˜ dansCc∞(RN) lorsquen→ ∞.
Par continuit´e s´equentielle de la distributionT (cf. Proposition 3.2.10) hT,S˜n? φi → hT,S ? φi˜
lorsquen→ ∞, ce qui implique (a).
Enfin, l’´enonc´e (b) est une cons´equence triviale du (a).
Th´eor`eme 4.4.5 (Continuit´e s´equentielle du produit de convolution) Soient des suites(Tn)n≥1 deD0(RN) et(Sn)n≥1 deE0(RN)telles que
Tn →T etSn→S dansD0(RN)lorsquen→ ∞.
Supposons en outre qu’il existe un compact K⊂RN fixe tel que supp(Sn)⊂K pour toutn≥1.
Alors
Tn? Sn →T ? S dansD0(RN) lorsquen→ ∞.
D´emonstration.Soitφ∈Cc∞(RN) ; ´ecrivons que hTn? Sn, φi=hTn,S˜n? φi Par hypoth`ese, pour toutn≥1
supp( ˜Sn? φ)⊂supp( ˜Sn) + supp(φ)⊂supp(φ)−K , d’apr`es la Proposition 4.2.2. (Rappelons que
A−B={x−y|x∈Aet y∈B}
et queA−B est ferm´e lorsque Aet B sont compacts — voir Lemme 1.3.6 — et born´e dansRN, donc compact.) Et d’apr`es la Proposition 4.2.7,
∂α( ˜Sn? φ) = (∂αS˜n)? φ→(∂αS)˜ ? φ=∂α( ˜S ? φ) uniform´ement surRN lorsquen→ ∞. Autrement dit,
S˜n? φ→S ? φ˜ dansCc∞(RN). Alors, d’apr`es la Proposition 3.2.18,
hTn? Sn, φi=hTn,S˜n? φi → hT,S ? φi˜ =hT ? S, φi
lorsque n → ∞. La fonction testφ ∈Cc∞(RN) ´etant arbitraire, on en d´eduit queTn? Sn →T ? S dansD0(RN) pourn→ ∞.
Remarque. Si (ζ)0<<0 est une suite r´egularisante — voir D´efinition 1.3.12
— il r´esulte, comme on l’a dit, de la Proposition 3.2.15, que ζ → δ0 lorsque → 0+. De plus, toutes les fonctions de la famille (ζ)0<<0 sont `a support dans un mˆeme compact deRN. D’apr`es le Th´eor`eme 4.4.5 ci-dessus, il s’ensuit donc que, pour toute distributionT ∈ D0(RN), on a
ζ? T→T dansD0(RN) lorsque→0.
On retrouve ainsi le Th´eor`eme 4.2.5 de r´egularisation des distributions.
Th´eor`eme 4.4.6 (D´erivation et convolution) Soient T ∈ D0(RN) et S ∈ E0(RN). Alors, pour tout multi-indiceα∈NN, on a
∂α(T ? S) = (∂αT)? S=T ?(∂αS). D´emonstration.Soitφ∈Cc∞(RN). Alors
h∂α(T ? S), φi= (−1)|α|hT ? S, ∂αφi
= (−1)|α|hT,S ? ∂˜ αφi
= (−1)|α|hT, ∂α( ˜S ? φ)id’apr`es la Proposition 4.2.3
=h∂αT,S ? φi˜ =h(∂αT)? S, φi.
De mˆeme
h∂α(T ? S), φi= (−1)|α|hT,S ? ∂˜ αφi
=hT,(−1)|α|(∂αS)˜ ? φid’apr`es la Proposition 4.2.3
=hT,(∂^αS)? φi=hT ? ∂αS, φi.
Exemple 4.4.7 (D´erivation et convolution par les d´eriv´ees deδ0) Pour toute distribution T ∈ D0(RN), et pour tout multi-indice α∈NN, on a
T ? ∂αδ0=∂αT .
Cet exemple, qui montre que la d´erivation s’exprime comme un produit de convolution (avec la d´eriv´ee de la masse de Dirac) sugg`ere une notion de “d´eriv´ee d’ordre fractionnaire”.
Exemple 4.4.8 (D´eriv´ee fractionnaire) On a introduit les distributionsχa+ au chapitre 3 — voir Exemple 3.5.7. On rappelle que
χa+= pfxa+
Γ(a+ 1)pour touta∈C\Z∗− et que
χ0+=1R∗
+ (fonction d’Heaviside), χ−1+ =δ0, χ−k+ =δ(k−1) sik >1. Autrement dit, les d´eriv´ees successives de la masse de Dirac sont plong´ees dans la famille des distributions χa+ index´ees par a ∈ R. Au vu de l’exemple pr´ec´edent, cela sugg`ere de d´efinir une notion de “d´eriv´ee d’ordre fractionnaire”
par la formule
∂aT=T ? χ−a−1+ , a∈R+, pourT ∈ E0(R).
Ces distributions jouent un rˆole important dans la th´eorie des “conditions aux limites transparentes” pour les ´equations aux d´eriv´ees partielles. Ces condi-tions aux limites prescrites au bord du domaine de calcul permettent de simuler num´eriquement la propagation d’ondes dans un domaine infini.
Dans un code num´erique (de type diff´erences finies, par exemple) il est
´
evidemment impossible d’impl´ementer un domaine de calcul infini. Le domaine de calcul est donc n´ecessairement born´e, ce qui introduit des risques de re-flexions parasites des ondes au bord de ce domaine de calcul. Les conditions transparentes sont pr´ecis´ement des conditions aux bord du domaine de calcul permettant aux ondes d’en sortir sans r´eflexion parasite.
Th´eor`eme 4.4.9 (Associativit´e du produit de convolution) SoientR,S et T, trois distributions sur RN. Supposons qu’au moins deux de ces distribu-tions sont `a support compact dansRN. Alors
R ?(S ? T) = (R ? S)? T .
D´emonstration. En utilisant la commutativit´e, on peut toujours se ramener au cas o`u S etT sont `a support compact. Quitte `a prendreR >0 assez grand, on supposera que
supp(S), supp(T)⊂B(0, R). Soitζ∈Cc∞(RN) telle que
supp(ζ)⊂B(0,1), ζ≥0, Z
RN
ζ(x)dx= 1. Pour toutn≥1, d´efinissonsζn par la formule
ζn(x) =nNζ(nx). V´erifions que
R ?(Sn? Tn) = (R ? Sn)? Tn, n≥1. En effet
R ?(Sn? Tn)(x) =hR, Sn? Tn(x− ·)i
=
R, Z
RN
Sn(x− · −z)Tn(z)dz
= Z
RN
hR, Sn(x− · −z)iTn(z)dz
= Z
RN
R ? Sn(x−z)Tn(z)dz= (R ? Sn)? Tn(x). d’apr`es le th´eor`eme de Fubini pour le crochet de dualit´e (Proposition 3.3.21).
Passons maintenant `a la limite pourn→ ∞.
Par construction, pour toutn≥1, on a
supp(Sn) et supp(Tn)⊂B(0, R+ 1) et
Sn→S , Tn→T dansD0(RN) lorsquen→ ∞.
D’apr`es le th´eor`eme de continuit´e s´equentielle du produit de convolution, on a d’une part
R ? Sn→R ? S , puis (R ? Sn)? Tn→(R ? S)? T dansD0(RN) lorsquen→ ∞.
D’autre part, on d´emontre de mˆeme que
Sn? Tn→S ? T et supp(Sn? Tn)⊂supp(Sn) + supp(Tn)⊂B(0,2R+ 2). Par continuit´e s´equentielle du produit de convolution, on en d´eduit encore que
R ?(Sn? Tn)→R ?(S ? T) dansD0(RN) pourn→ ∞,
ce qui entraˆıne queR ?(S ? T) = (R ? S)? T.
On prendra bien garde au fait que ce r´esultat peut ˆetre faux si une seule des trois distributions est `a support compact, bien que les membres de droite et de gauche de l’´egalit´e ci-dessus aient un sens. Voici un exemple de ce ph´enom`ene.
Exemple 4.4.10 (Compacit´e des supports et associativit´e) DansD0(R), notons H la fonction d’Heaviside :
H(x) = 1six≥0, H(x) = 0six <0. Alors
(1? δ00)? H = 10? H= 0? H= 0, tandis que
1?(δ00? H) = 1? H0= 1? δ0= 1.
4.5 Exercices
Exercice 1.Montrer que la forme lin´eaire Cc∞(R)3φ7→X
k≥1
√1 k
φ
1 k
−φ(0)
d´efinit une distribution. Quel est son support ?
Exercice 2. Soit (an)n≥1 suite de nombres r´eels. On consid`ere les formes lin´eaires
Cc∞(R∗+)3φ7→T(φ) =X
n≥1
anφ 1
n
, et
Cc∞(R∗+)3φ7→S(φ) =X
n≥1
anφ(n) 1
n
. a) Montrer queT et S sont des distributions surR∗+. b) Montrer qu’il y a ´equivalence entre
il existeu∈ D0(R) telle queT =u ]0,∞[, et
il existel≥0 tel quean =O(nl) pourn→ ∞.
c) Montrer qu’il y a ´equivalence entre
il existev∈ D0(R) telle queS=u ]0,∞[, et
il existe N≥0 tel quean= 0 pourn≥N.
Exercice 3.Soitf ∈L1loc(R∗+) telle quef ≥0 p.p.. Montrer quef se prolonge en une distribution surRsi et seulement si
il existel≥0 tel queR1
f(x)dx=O(−l) pour→0+. Exercice 4. D´eterminer toutes les distributionsu∈ D0(R) telles que
hu, φ ? ψi=hu, φihu, ψi pour φ, ψ∈ D0(R).
Exercice 5.
a) Soitu∈ D0(R) telle queu0 ∈C(R). Montrer queu∈C1(R).
b) Soit u ∈ D0(RN) telle que ∂ju ∈ C(RN) pour tout j = 1, . . . , N. Soit (ζ)0<<1 suite r´egularisante, et f=u ? ζ. Soit enfing=f−f(0). Montrer que
(i)∂jf →∂juuniform´ement sur tout compact lorsque → 0+ pour tout j= 1, . . . , N;
(ii)gconverge uniform´ement sur tout compact lorsque→0+. c) Montrer que f(0) admet une limite pour→0+.
d) D´eduire de ce qui pr´ec`ede queu∈C1(RN).
Exercice 6.SoitUune application lin´eaire deCc∞(RN) dans lui-mˆeme v´erifiant les propri´et´es suivantes
U(φ◦τa) = (U φ)◦τa pour touta∈RN et toutφ∈Cc∞(RN), en notantτa : x7→x+ala translation de vecteura, ainsi que
pour tousK⊂RN compact et p∈N,
il existeL⊂RN compact,q∈NetC >0 tels que max
|α|≤psup
x∈K
|∂α(U φ)(x)| ≤Cmax
|β|≤qsup
x∈L
|∂βφ(x)|. Montrer qu’il existeu∈ E0(RN) telle queU soit de la forme
U(φ) =u ? φ , pour toutφ∈Cc∞(RN).