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4 Information géographique et MNT pour décrire les réseaux

4.2 Quelques traitements avancés des MNT par « réingénierie »

4.2.1 Traitement de la connectivité des parcellaires agricoles

A une échelle de gestion qui concerne les petits bassins versants entre 1 et 50 kilomètres carrés, l’amélioration des schémas de circulation superficielle de l’eau sur les bassins versants fait l’objet d’un besoin croissant pour la modélisation hydrologique, en particulier lorsqu’on s’intéresse au déclenchement du ruissellement, aux effets des aménagements anthropiques sur l’hydrologie et au couplage avec des modèles de flux de solutés (Ambroise, 1999).

Figure I.11 : Représentation d’un arbre de drainage et de son découpage par exutoire de parcelle agricole (Tortrat, 2005) : En bleu : pixel dont l'aire contributive est interne à la parcelle de ce pixel et qui se dirige vers un pixel de sortie bleu foncé ; en vert : pixel dont l'aire contributive n'est pas uniquement comprise dans la parcelle ; en jaune : pixel dont l'aire contributive est interne à la parcelle à laquelle appartient ce pixel et qui se dirige vers un pixel de sortie vert foncé.

La méthode développée dans l’outil MNTsurf (Aurousseau & Squividant, 1997) a pour objectif de corriger les anomalies de drainage de type arborescence imparfaite relatives également aux zones à relief peu variables : fonds de vallée, plaine d’inondation, méandres... Elle consiste à utiliser un réseau hydrographique hiérarchisé pour corriger le MNT le long du parcours des cours d’eau en imposant des altitudes décroissantes de l’amont vers l’aval. Il s’agit d’une méthode de correction sous contrainte qui nécessite de numériser des réseaux hydrographiques. La numérisation s’effectue en mode binaire selon la présence ou l’absence des polylignes sur les mailles du MNT (valeur 1 si la polyligne est projetée sur la grille, valeur 0 sinon). Un arbre de drainage est ensuite construit à partir du point bas du réseau en passant par toutes les mailles. Les altitudes

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sont alors corrigées pour assurer une décroissance suivant la topologie du réseau. Une large part des anomalies est ainsi corrigée.

Cet outil a été également développé pour prendre en compte les structures paysagères anthropiques telles que parcellaire agricole, haies, fossés, talus, chemins ou routes qui agissent sur le transfert hydrologique. La méthode de traitement des MNT développée avec MNTsurf (Aurousseau & Squividant, 1997) a ainsi été reprise dans un but d’aide à la décision en réalisant un couplage d’un modèle hydrologique avec un modèle agronomique permettant d’estimer les transferts diffus de pesticides sur un bassin versant bocager de Bretagne (Tortrat, 2005 ; Gascuel-Odoux & al, 2009).

Ces travaux s’appuient sur un maillage raster pour découper des unités hydrologiques fonctionnelles connectées hydrologiquement. Pour cela un modèle spatialisé est basé sur une structure arborescente. Le modèle intègre les haies, talus, fossés, les limites parcellaires et les fourrières liées au sens du travail du sol. Toutes ces informations sont numérisées en conservant des attributs hiérarchiques selon des considérations hydrologiques : La priorité est donnée aux rivières puis aux fossés, puis aux parcelles... Le MNT est traité de façon à ce que l’écoulement suive cette hiérarchie topologique : pour chaque objet supportant les écoulements les directions des mailles sont forcées jusqu’à leur exutoire en intégrant une zone tampon périphérique d’une maille pour capter les écoulements latéraux. Enfin le passage de cet arbre de drainage maillé à une arborescence de surfaces contributives connectées hydrologiquement est réalisé. L’approche spatialisée est basée sur un découpage au sein des parcelles agricoles en fonction des points d’entrée et de sortie de l’eau (relevés terrain). Ces surfaces unitaires emboîtées sont classifiées selon qu’elles jouent le rôle d’aire contributive ou d’exutoire (Figure I.11). La production du débit est par la suite générée dans cette arborescence selon un modèle effectuant le partage entre infiltration et ruissellement sur chaque aire unitaire.

4.2.2 Traitement de l’influence des routes sur la connectivité de surface

L’algorithme REA (Route Enforcement Algorithm) développé au Canada permet de tenir compte dans les MNT des effets perturbants des routes sur les directions d’écoulement (Duke & al, 2003). Le modèle est constitué de trois niveaux permettant de l’utiliser en fonction du type d’informations disponibles sur les routes et leurs aptitudes à modifier les directions de flux : présence de fossés adjacents aux routes et profil des sections de route. De manière simplifiée, il s’agit de définir comment le ruissellement s’oriente en parvenant aux abords d’une route : soit latéralement selon la pente de la route si celle-ci est surélevée ou bordée de fossés, soit en traversant la route dans la continuité du flux lorsque celle-ci est « fondue » dans la topographie. Il s’agit également de définir, selon l’altimétrie voisine, des points de convergence du flux en cas de dépressions locales aux abords des routes et de savoir si le comblement de ces dépressions orientera le flux latéralement dans le fossé ou le conduira à traverser la route. L’algorithme produit une matrice de direction qui tient compte de ces phénomènes de concentration puis les contourne par itérations successives. Cette procédure a le mérite de modéliser spatialement le comportement du flux face à des obstacles anthropiques avec en terme d’impact, le remodelage des dimensions des bassins versants testés. Mais elle semble relativement lourde à mettre en œuvre.

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4.2.3 Développements des MNT par la triangulation

Les alternatives au maillage raster existent et présentent de nombreux avantages. Les travaux récents sur les modèles numériques de terrain de type TIN (Triangular Irregular Network) ou réseaux de triangles irréguliers offrent notamment la possibilité d’intégrer des données spatiales exogènes au MNT grâce aux méthodes de triangulation contrainte (Rognant, 2000). Bien qu’il faille faire face à des difficultés techniques extrêmement importantes liées aux mailles irrégulières, plusieurs travaux parviennent à un arbre de drainage du bassin versant. L’algorithme appelé « cascades dynamiques » (Palacios-Vélez & al, 1998) a été souvent pris comme base et exploité de façon différentes pour proposer un réseau (Tableau I.II).

Tableau I.II : Présentation synthétique de 5 méthodes d’exploitation des TIN pour des applications hydrologiques (Sarrazin, 2006).

Auteurs

Palacios-Vélez & al, 1998

Langlois & Delahaye,

2002

Bocher, 2005 Tucker & al, 2001

Mita & al, 2000 Structure

triangulaire

TIN Delaunay Régulière issue du MNT raster

TIN Delaunay TIN Delaunay Semi-irrégulière Interpolations Logique d’écoulement Cascade dynamique Cascade dynamique Cascade dynamique Plus grande pente Cascade dynamique Extraction de la topologie de réseau Cascade de facettes connectée à une cascade d’arcs Typologie des configurations arc / facette puis cascades et graphe de cellules Graphe de cellule avec obstacles et collecteurs puis graphe de bassins Cascade de cellules de Voronoï passant par les arcs du TIN Cascade de facettes connectée à une cascade d’arcs Finalité Modélisation hydrologique Modélisation du ruissellement Modélisation du ruissellement Modélisation hydrologique Modélisation hydrologique

Le format irrégulier permet d’éviter la contrainte d’une résolution spatiale fixe contrairement au maillage raster qui ne s’adapte pas toujours aisément aux dimensions des objets d’étude tels que les drains (Tortrat, 2005 ; Mita, 2000). Quand on se place dans un contexte de genèse des débits, le TIN permet donc de prendre en compte la schématisation des réseaux anthropiques, en intégrant directement les drains lorsqu’ils existent dans des bases de données disponibles au format vecteur.

Le maillage en TIN autorise une meilleure souplesse d’évolution par rapport au maillage régulier. La construction du MNT peut être effectuée de différentes manières suivant les modalités de triangulation et d’intégration d’objets divers utiles à la compréhension des phénomènes hydrologiques de surface. Le routage des écoulements peut bénéficier de multiples combinaisons des trois primitives graphiques du TIN que sont les nœuds, arcs et facettes triangulaires. Enfin la taille du maillage peut être conditionnée par des indices majeurs affectant les processus hydrologiques comme l’indice topographique (Equ.1.1) provenant d’un maillage raster de façon à détailler la topographie des zones les plus informatives sur un plan hydrologique (Vivoni & al, 2001). Le traitement informatique de ces maillages progresse mais reste complexe.

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4.3 Apports des MNT LiDAR (Light Detection And Ranging)

Pour des détails complémentaires sur cette partie bibliographique se reporter à la Partie III où est présentée l’article « On the use of high resolution LiDAR DEM to study drainage network extensibility from a functionnal typology of headwater channels ».

4.3.1 Haute résolution

Le développement des MNT se fait dans la perspective de schématiser des éléments de plus en plus fins du paysage pour non seulement obtenir automatiquement les réseaux hydrographiques pérennes, mais également les linéaires au fonctionnement éphémère. Ces derniers sont responsables d’une partie de la fonction de transfert, on parle de potentiel d’extension des réseaux hydrographiques (Wharton, 1994). Les MNT bâtis à partir de données LiDAR permettent des progrès du fait d’une bien meilleure précision que n’importe quel autre produit MNT obtenu par photogrammétrie (Lindsay and Evans, 2008; Tarolli et al, 2009). Il s’agit d’une technologie de télédétection ou de mesure optique basée sur l'analyse des propriétés d'une lumière laser renvoyée vers son émetteur. Ce dernier est aéroporté dans un avion ou un hélicoptère. Il existe également des LiDAR terrestres pour des observations très locales. La distance à un objet ou à une surface est donnée par la mesure du délai entre l'impulsion et la détection du signal réfléchi. En dépit d’un coût d’acquisition encore élevé, l’information est dense et peut s’obtenir dans un délai assez court.

Pour les applications hydrologiques, seule la surface topographique du sol nu est utile pour l’étude du cheminement de l’eau, or les ondes retour du capteur LiDAR proviennent du sol nu mais aussi de tous les éléments dits de « sursol » tels que les surfaces bâties et la végétation. La principale contrainte est alors l’extraction des impulsions renvoyées par le sol de celles renvoyées par des éléments de sursol avec en particulier le cas de la végétation (Baltsavias, 1999). Plusieurs méthodes de filtrage existent et leurs performances dépendent des caractéristiques paysagères (Baligh & al, 2008). La précision finale des points filtrés est généralement très grande de l’ordre de quelques centimètres. Mais selon sa densité la végétation peut dégrader cette mesure (Hodgson & al, 2003).

4.3.2 Enjeu de la microtopographie : progrès ou détails inutiles ?

La disponibilité croissante et la précision des données LiDAR dans une majorité de contextes rend possible l’extraction des linéaires de drainage directement à partir de considérations géométriques et morphologiques. Il s’agit d’alternatives à la méthode standard délivrée par les outils SIG qui se base sur des formats de MNT interpolés en mode raster. Ainsi des travaux récents ont exploités les levés LiDAR pour détecter des fossés agricoles (Bailly & al, 2006). D’autres ont cherché en mode raster à évaluer les localisations probables des réseaux de drainage à partir des formes et des courbures (Lashermes & al, 2007 ; Pirotti & Tarolli, 2010). Mais le bénéfice des MNT LiDAR pour la cartographie des réseaux reste très important avec les méthodes standards comme le D8 (cf 4.1.1). Cela se vérifie en comparaison avec des MNT standard ou de la photo-interprétation (Murphy & al, 2007). Ainsi la détection des ravines sous forêts est facilitée (James & al, 2007 ; Remel & al, 2008).

Plusieurs études effectuées dans des contextes naturels indiquent que l’usage d’un MNT LiDAR peut se substituer à des mesures de terrain pénibles et coûteuses pour la caractérisation de certaines propriétés des réseaux hydrographiques comme la pente ou la nature du lit (Cavalli & al, 2007; Vianello

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& al, 2009). En revanche dans les contextes anthropiques l’avantage de la haute résolution n’est pas systématique. Le capteur LiDAR apparait alors comme un outil complémentaire à d’autres sources de données (Ackermann, 1999; Baltsavias, 1999 ; Bailly & al, 2006; Murphy & al, 2007).

On peut s’interroger sur l’intérêt immédiat du capteur LiDAR à révéler les éléments éphémères du réseau hydrographique qui assurent l’extension du transfert. Les MNT à haute résolution spatiale dérivés de levés LiDAR sont caractérisés par une variance locale importante capable de révéler des formes significatives (Cavalli & al, 2007), mais comme dans toute mesure de distance il existe également une erreur de mesure qui se répand dans les valeurs des cellules du MNT. Donc l’analyse par la microtopographie possède des limites qu’il est difficile de quantifier sans expertise terrain. Selon les contextes l’usage du MNT LiDAR peut donc être plus ou moins pertinent.

Les cheminements de l’eau dans la microtopographie peuvent contrôler la connectivité de zones saturées et les rendre contributives. Il peut s’agir de seuils qui contrôlent la dynamique interne des écoulements dans un sens topologique (Ambroise, 2004). A ce titre, la connaissance de la microtopographie amenée par le capteur LiDAR peut permettre un progrès en hydrologie (Lane & al, 2004).

4.4 Conclusion et perspectives des MNT

4.4.1 Deux voies de développement pour décrire les réseaux transitoires

Nous avons vu qu’au-delà des cours d’eau permanents, le fonctionnement des réseaux à régime intermittent est contrôlé par des processus hydrologiques dont la distribution spatiale est complexe. Le transfert des masses d’eau est néanmoins soumis à la force gravitaire c’est pourquoi la connaissance de la surface topographique terrestre reste indispensable. Les MNT, issus du développement de la géomatique, constituent une information spatialisée de cette surface. Les utilisateurs de SIG peuvent extraire des schémas arborescents de réseaux hydrographiques de cette topographie modélisée, mais les résultats obtenus sont dépendants de l’échelle de représentation, de la qualité et de la structure des MNT. Or, pour une finalité de simulation des flux hydrologiques et de solutés ou contaminants véhiculés à la surface des bassins versants, les modèles hydrologiques requièrent une information fiable et précise sur le cheminement et le transfert des masses d’eau. C’est une condition nécessaire pour simuler l’organisation spatiale en cause et proposer des solutions de gestion.

Pour décrire les éléments transitoires des réseaux hydrographiques et garantir le lien d’échelle avec les réseaux pérennes, nous pouvons résumer les approches en deux grandes voies possibles de traitement des MNT dans la perspective d’aboutir à des tracés de circulation de l’eau les plus réalistes possibles :

⇒ Exploiter des données de qualité standard et améliorer le MNT en portant une expertise sur la localisation et le fonctionnement a priori du réseau hydrographique : intégrer artificiellement la géométrie des objets linéaires du paysage à la surface topographique virtuelle disponible, en leur conférant un rôle dans le fonctionnement hydrologique de surface (collecteurs, obstacles…). Les contraintes sont essentiellement d’ordre technique et de connaissance locale des éléments paysagers qui peuvent impacter la circulation du ruissellement. Ce travail est appelé « réingénierie » des MNT (Charleux, 2001).

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⇒ Utiliser des nouvelles techniques qui procurent une augmentation significative de la densité et de la précision de l’information spatiale dans la construction des surfaces topographiques numériques au point d’intégrer systématiquement les objets de la microtopographie à des niveaux d’échelle très fins, à condition de savoir éliminer le sursol. Les contraintes sont d’ordres technologiques et économiques avant d’être technique. Dans cette voie, les contributions portant sur l’usage de MNT LiDAR vont plutôt dans le sens d’un capteur de télédétection prometteur pour l’hydrologie de surface. En particulier cet usage apparait comme une substitution possible à une connaissance terrain des réseaux transitoires qui reste indispensable dans la première voie. Des difficultés persistent dans le cas des réseaux anthropiques qui introduisent une variabilité brutale de la microtopographie.

Ces deux voies possèdent des atouts et contraintes, elles peuvent tout à fait se compléter. Dans les deux cas une contrainte de validation de terrain devrait s’imposer pour garantir un sens physique, une réalité géographique, dans la construction de ces modèles géométriques de réseau.

4.4.2 Prudence concernant la voie portée par la haute résolution spatiale

Figure I.12 : Représentation conceptuelle du lien entre le niveau d’information hydrologique et la résolution du MNT (Grayson & al, 1993).

Selon Grayson & al (1993) le pouvoir d’explication des processus hydrologiques amené par la topographie décline d’autant plus que la taille des cellules du MNT augmente et dépasse l’échelle à laquelle sont effectuées les observations de terrain (Figure I.12). Il s’agit d’un problème d’agrégation à un niveau plus grossier qui se traduit par une perte d’information. Inversement on peut considérer que ce pouvoir d’explication est lié à la résolution du MNT (à condition de bénéficier d’informations altimétriques plus denses). Néanmoins, deux scénarios sont possibles lorsque l’on affine la maille du MNT en deçà de l’échelle des observations hydrologiques :

⇒ la topographie reste un bon index pour expliquer les processus hydrologiques à échelle plus fine. Donc l’utilisation des MNT en substitution à une connaissance de terrain est intéressante en association avec des observations hydrologiques

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⇒ la topographie n’est plus un index suffisant pour expliquer les processus hydrologiques à échelle plus fine : ils sont contrôlés par d’autres termes tels que la nature du sol avec par exemple des cheminements préférentiels.

Dans le premier cas tout de même, Grayson & al (1993) incitent à la prudence dans la confiance que l’on accorde aux indices dérivés de la topographie car il faudrait systématiquement vérifier que ces derniers sont bien corrélés aux processus hydrologiques dominants que l’on cherche à contrôler. Cette réflexion nous ramène au problème de la connaissance de la connectivité hydrologique par des protocoles de terrain en adéquation, en termes d’échelle, avec les données spatiales mobilisées (cf 3.2). Le rôle de la microtopographie révélée par les levés LiDAR sur la connectivité de surface représente donc une question délicate.

Ce conseil de prudence prévaut également dans le cadre du développement des modèles hydrologiques (Grayson & al, 1993).

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5 Réseaux transitoires dans la modélisation spatialisée :