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hydrologiques multi-locales du réseau hydrographique

3 Exploitation des données de l’expérimentation multi-locale

3.1 Approche et objectifs

3.1.1 Fonctionnement du réseau de drainage : simplicité ou complexité ?

L’activité de drainage du réseau hydrographique lors d’un épisode pluvieux est liée à la production du ruissellement qui dépend essentiellement de l’intensité des averses par rapport à la capacité d’infiltration des sols, et de manière conjointe à la vitesse à laquelle les eaux de ruissellement peuvent se déplacer vers le réseau. Les ruissellements élémentaires rejoignent le réseau hydrographique puis se propagent. C’est la dynamique de ruissellement dans l’espace qui détermine la vitesse de concentration des eaux dans le réseau de drainage et qui contribue à la forme de l’hydrogramme.

En termes de débit le long d’un réseau hydrographique, l’importance progressive de la surface contributive sur le transfert a été observée depuis de nombreuses années. Ainsi, de manière empirique sous hypothèse d’averses homogènes, le débit de pointe est lié à la surface contributive par une fonction puissance (Roche, 1963 ; Ogden & al, 2003) :

n p

kA

Q =

(Equ.4.2)

Avec :

Qp : débit de pointe du bassin versant A : Superficie du bassin versant

K et n : coefficients liés aux caractéristiques géographiques et pluviométriques locales avec n< 1.

Cette formulation de la réponse hydrologique se traduit par un amortissement du débit de pointe aux cours du cheminement de l’eau dans le réseau. Les différentes phases de l’écoulement se produisant en un point du réseau se reproduisent en aval avec un décalage de temps nécessaire à la propagation de l’onde de crue (phénomène ondulatoire associé à la propagation d’une crue dans un cours d’eau). A chaque passage d’un tronçon du réseau à l’autre, les temps de propagation changent. Au niveau d’une confluence les hydrogrammes faisant suite à une averse homogène se mélangent, mais en raison du déphasage des pointes, le maximum de l'hydrogramme résultant sera toujours plus ou moins inférieur à la somme des deux débits de pointe (Roche, 1963). Un second type d’abattement se produit par diffusion dans le lit du cours d’eau. Une surface plus réduite des bassins induit globalement moins de perturbations dans le transfert. L’effet d’amortissement de la réponse est alors moins marqué. En tous points du réseau, la liaison entre le débit et l’aire drainée (Equ.4.2) est d’autant plus forte que le ruissellement est produit de manière efficace et de façon homogène dans l’espace. Par exemple cette règle se vérifie aisément en bassins emboités dans un contexte très hortonien qui induit une tendance à la linéarité dans la réponse, comme l’ont montré les analyses effectuées dans un bassin expérimental rural de l’USDA10 (Ogden & al, 2003).

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En revanche cette « simplicité » de fonctionnement n’est pas valable dans des contextes de non linéarité de la réponse hydrologique, lorsque par exemple la linéarité est perturbée par l’action de zones saturées qui se mélangent aux effets des autres facteurs physiques. C’est le cas des bassins ruraux de moyenne montagne sur socle cristallin tel que l’Yzeron (cf Partie II, Chapitre 2). Les zones saturées sont réparties de manière hétérogène et induisent une inertie de la réponse qui se traduit par l’entretien d’un débit de base sur des durées largement supérieures à celles des épisodes pluvieux. Ce comportement conduit à une contribution très variable à l’écoulement rapide de crue (Cosandey & Oliveira, 1996) qui dépend de l’état d’humidité antérieur. C’est pourquoi, en lien avec l’action de ces zones, l’existence de seuils de fonctionnement a été proposée pour expliquer le passage d’une réponse hydrologique perturbée à une réponse plus linéaire lors de crues violentes. Une hypothèse d’engorgement progressif des zones saturées du haut vers le bas des versants qui finiraient par se connecter au réseau et rendre soudainement contributif l’ensemble du complexe versant-réseau a été proposée (Cosandey, 1994). Les surfaces ruisselantes se développent jusqu'en bas des versants où elles rejoignent la zone saturée de fond de vallon, et ce jusqu’à ce qu’il n'y ait plus d’effet tampon capable d'absorber le ruissellement venant de l'amont. Toutefois dans ce même contexte de bassins du Massif Central sur socle, d’autres travaux montrent que des montées de crue rapides peuvent également résulter d’un ruissellement hortonien qui se développe dans des zones favorables proches du drain principal. Cela peut être lié à des structures anthropiques. Seules les crues les plus violentes, après des précipitations très abondantes et présentant des intensités élevées, sont liées à une extension marquée des zones contributives du fait de fortes capacités d’infiltration des sols (Martin & Didon-Lescot, 2009).

3.1.2 Quelles approches pour exploiter le dispositif multi-local ?

La multiplicité des facteurs agissant sur l’initiation du drainage amène à différents scénarios de propagation du flux dans le réseau hydrographique très différents les uns des autres comme illustré de manière schématique par la Figure IV.8.

La propagation suivant la topologie avec une lame d’eau écoulée croissante (Figure IV.8-S1) est l’hypothèse la plus logique et attendue en contexte hortonien sous pluie homogène (Equ.4.2) (Ogden & al, 2003). La propagation suivant la topologie avec une lame d’eau décroissante (Figure IV.8-S4) suppose d’énormes pertes en cours de transfert dans le réseau, ce n’est pas l’hypothèse la plus couramment admise mais elle a été observée sur de grands bassins dans le cas de pluie hétérogène concentrée sur l’amont (Goodrich & al, 1997). La propagation dans un ordre opposé à la topologie de réseau avec une lame d’eau croissante (Figure IV.8-S2) est plausible lorsque la dynamique de ruissellement est ralentie en amont par des phénomènes de perte par infiltration dans des stocks tampons de surface comme les zones saturées. Le même scénario avec une lame d’eau décroissante (Figure IV.8-S3) est quand à lui peu probable sous hypothèse de pluie homogène sur le bassin.

Différents aspects fondamentaux du fonctionnement des réseaux hydrographiques ne sont actuellement pas assez pris en compte de manière systématique car les données de terrain sont manquantes. Ce constat est préjudiciable face à des contextes hydrologiques complexes incluant des zones saturées en combinaisons avec d’autres facteurs agissant sur le transfert. C’est le cas du bassin versant de l’Yzeron dans le cadre du site pilote rural du Mercier

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(cf Partie III section 3). Or, il est délicat de simplifier le fonctionnement du réseau hydrographique en utilisant un simple facteur d’échelle (Equ.4.2) pour modéliser toutes les situations hydrologiques en particulier en dehors des crues violentes.

Figure IV.8 : Quatre scénarios possibles de propagation du transfert sur trois sous bassins emboités A, B et C, en fonction de la topologie du réseau et la grandeur de la lame d’eau écoulée : en suivant la topologie avec une lame d’eau croissante (S1), en suivant la topologie avec une lame d’eau décroissante (S4), en suivant un ordre inverse à la topologie avec une lame d’eau croissante (S2), en suivant un ordre inverse à la topologie avec une lame d’eau décroissante (S2).

Les propagations suivant la topologie avec une lame d’eau écoulée croissante (Figure IV.8-S1) devraient, dans des petits bassins versant ruraux de quelques km² comme le Mercier, rester rares et limités aux évènements extrêmes. Sous hypothèse de pluie homogène, il semble raisonnable de penser que le fonctionnement du réseau du Mercier se situe autour des scénarios S1 et S2 (Figure IV.8) pour lesquels la lame d’eau écoulée s’accroit avec le rang topologique. C’est l’hypothèse que nous suivrons car dans cette étude, nous ne disposons pas de mesures suffisamment précises des débits via le dispositif limnimétrique multi-local pour étudier l’évolution de la lame d’eau dans le réseau de drainage. Mais face à la complexité des processus, l’enjeu de connaitre au sein du réseau les facteurs contrôlant la réponse ainsi que la dynamique topologique de drainage dans différentes situations hydrologiques reste pertinent.

3.1.3 Objectifs et contraintes

Nous souhaitons évaluer l’intérêt du dispositif d’observations limnimétriques multi-locales mis en œuvre sur le Mercier pour amener vers une meilleure compréhension du fonctionnement du réseau hydrographique en substitution de suivis de terrain lourds et coûteux. Il s’agit d’étudier comment se construit la réponse de surface dans la topologie du réseau hydrographique du Mercier lorsqu’il est sollicité par un épisode pluvieux. Dans ce but, les trois principales étapes d’exploitation des chroniques limnimétriques collectées à l’aide du dispositif multi-local sont résumées dans le Tableau IV.V. Ces étapes d’analyse des données limnimétriques conduisent à unir des connaissances sur des aspects spatiaux et temporels du fonctionnement du réseau de drainage peu pris en compte actuellement dans les applications hydrologiques.

Q (t) A B C A B C A B C Q (t) S1 S2 Q (t) C B A S3 C B A Q (t) S4

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Tableau IV.V : Objectifs de l’exploitation du dispositif multi-local mis en œuvre dans le réseau du Mercier en lien avec les différents aspects du fonctionnement des réseaux hydrographiques actuellement peu pris en compte dans les applications hydrologiques

Déficit d’information sur le fonctionnement du réseau hydrographique :

Etapes d’analyse des chroniques limnimétriques multi-locales en stations emboitées : Au niveau temporel et spatial : méconnaissance

des cycles d’expansion et contraction du réseau de drainage

1) Identification des stations dont le fonctionnement est très intermittent et étude des facteurs déclencheurs du drainage

Au niveau des processus, variabilité des facteurs de contrôle du débit de pointe au sein du réseau en conditions de non linéarité

2) Etude de la hiérarchie des facteurs contribuant à l’élaboration du débit de pointe dans les stations emboitées

Au niveau temporel méconnaissance de la dynamique de propagation de la crue dans le réseau de drainage

3) Adaptation et analyse comparative de temps caractéristiques des hydrogrammes de crue dans les stations emboitées

Classiquement, comprendre la réponse hydrologique par l’analyse pluie-débit consiste à établir une relation entre des sollicitations de précipitation et des variations temporelles de débit en un point du réseau : l’exutoire du bassin versant. Cette approche globale permet de déterminer les processus majeurs à l’œuvre de la transformation pluie-débit en caractérisant une fonction de production et une fonction de transfert. Les modalités de cette transformation dépendent de deux grandes catégories de facteurs qui interagissent : des facteurs structurels liés à la géographie des bassins et des facteurs fonctionnels liés au cycle de l’eau.

De la même façon, notre objectif est d’ici d’associer la réponse des diverses stations limnimétriques à ces deux catégories de facteurs à travers les trois étapes d’analyse proposées. Dans le cas d’un réseau de drainage intermittent voire temporaire comme le Mercier qui présente une forte saisonnalité de fonctionnement, l’analyse doit être effectuée à deux échelles temporelles (Tableau IV.V) :

Echelle annuelle

Ce niveau d’échelle concerne seulement l’étape 1 consistant à déterminer les tronçons et les périodes intermittentes, par distinction avec celles qui bénéficient d’un écoulement de base.

Echelle de l’épisode pluvieux

Ce niveau d’échelle concerne les étapes 2 et 3. L’analyse est effectuée pour une série d’épisodes pluvieux dans le but d’identifier les facteurs pluviométriques contrôlant la réponse hydrologique des tronçons instrumentés. Il est important de chercher à identifier le poids des antécédents de pluie relatifs à un niveau d’échelle temporelle large par rapport à celui des caractéristiques de la pluie dans la réponse observée.

Cependant, l’analyse croisée des dynamiques pluviométriques et limnimétriques multi-locales pose directement le problème de la connaissance spatialisée de la pluie dans le bassin versant. Cet aspect est fondamental car il s’agit du principal facteur qui contrôle le fonctionnement du réseau hydrographique. L’homogénéité de la pluie dans l’espace et le temps est contrôlée dans la mesure des données disponibles de façon à limiter les effets de ce facteur sur les écarts de comportement des différentes stations limnimétriques, pour pouvoir évaluer les

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effets des autres facteurs physiques sur le fonctionnement du réseau de drainage. Le travail de dépouillement se limite donc à une sélection d’épisodes pluvieux adaptée pour ces objectifs.

Compte tenu de ces limites métrologiques concernant la pluie et le débit, il est important de préciser que la plus value apportée par le dispositif multi-local n’est pas de réaliser une analyse précise des processus hydrologiques pour chaque station de manière individuelle. L’intérêt d’un tel dispositif est plutôt d’acquérir une vue synoptique du fonctionnement du bassin versant, qui reste le niveau d’échelle ciblé, en analysant comparativement les résultats obtenus localement sur chaque station.

3.2 Sélection des séries et des variables pluviométriques pour l’étude