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B Figure II.2 : Cartographie d’occupation du sol du bassin versant du Mercier (UMR 5600)(A) et vue

3 Enjeux et objectifs de la thèse

3.2 Détail des axes de recherche et applications sur le Mercier

3.2.1 Quelle dynamique du réseau de drainage et comment l’observer ?

Les travaux qui rapportent des tentatives de fortes densifications des observations dans un réseau hydrographique transitoire sont souvent basés sur des périodes de jaugeages ponctuels (Krasovskaia, 1988 ; Motovilov & al, 1999 ; Kuras & al, 2008). Il s’agit de stratégies d’observation en stations emboitées dont nous avons vu qu’elles possèdent de nombreux avantages. Elles permettent de détecter la connectivité entre des entités spatiales contigües drainées par le réseau (Ali & Roy, 2009). Les stations d’observations doivent donc être dispersées dans le réseau hydrographique de manière systématique pour couvrir, si possible, la totalité de la topologie (Figure II.6).

Figure II.6 : Observations spatialisées ponctuelles des débits et de la conductivité électrique sur de multiples stations d’un bassin scandinave au cours de la fonte des neiges (Kuras & al, 2008)

Mais pour aller plus loin que des mesures ponctuelles, il faut disposer d’une instrumentation d’usage suffisamment simple, automatisée, et qui plus est à faible coût. Un travail important doit donc être établi pour faire face à cet ensemble de contraintes techniques et logistiques. Les capteurs qui sont évalués et utilisés dans cette thèse mesurent un niveau d’eau. Positionnés correctement au sein du réseau de talwegs, ils permettent de détecter la mise en charge du chenal par l’activation du drainage superficiel, puis d’apprécier la dynamique de l’écoulement et potentiellement de calculer le débit.

Dans le contexte particulier du bassin versant du Mercier et des connaissances acquises sur son fonctionnement hydrologique, quelles hypothèses peuvent être avancées sur la dynamique de fonctionnement du réseau hydrographique et son rôle dans la réponse hydrologique ?

Le fonctionnement du Mercier analysé à l’exutoire est marqué par un cycle saisonnier lié à l’action de réservoirs qui favorisent une inertie du système hydrologique et alimentent le réseau de drainage dans le temps long. En été le réservoir tend à se vidanger, le tarissement complet du réseau hydrographique est fréquent. Le débit d’étiage ne semble donc pas soutenu par des réserves souterraines importantes de type nappe aquifère. En hiver le réservoir se recharge, et une fois chargé, le réseau hydrographique est à nouveau alimenté

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durablement. Malgré des lames d’eau de pluie mensuelles plus faibles en moyenne qu’en été (Figure II.4), les lames d’eau écoulées en hiver sont beaucoup plus importantes car soutenues par la vidange du réservoir. Cette fonction de réservoir/vidange à l’échelle du bassin versant est en partie constituée par l’activité d’aires qui présentent un potentiel de saturation. La saturation d’un talweg se produit lorsque le volume amené par la pluie infiltrée et par les transferts issus de surfaces adjacentes est trop élevé par rapport au flux de drainage exportant les volumes d’eau vers l’aval. Les zones qui présentent les potentiels de saturation les plus élevés peuvent être mises en évidence par les fortes valeurs de l’indice topographique de Beven (Equ.1.1) (Beven & Kirkby, 1979). Sur le bassin du Mercier ces zones apparaissent nettement et sont distribuées principalement dans les fonds de talweg au voisinage du réseau hydrographique, mais ont parfois tendance à s’étendre sur certains versants (Figure II.7).

Figure II.7 : Cartographie de l’indice topographique de Beven (Equ.1.1) sur le basin versant du Mercier calculé à partir d’un MNT à 20m de résolution. Pour une meilleure lisibilité, les valeurs de l’indice ont été moyennées sur une fenêtre 3x3.

Il est donc certain que les zones saturées exercent un contrôle important sur le fonctionnement du réseau hydrographique du Mercier.

De nombreuses études ont permis de décrire le fonctionnement des zones saturées dans différents contextes. Selon Mirabo (1986) la dynamique spatiale des zones saturées est l’élément majeur de contrôle du débit dans les bassins où ce processus est dominant. Dans ce cas lors d’un épisode pluvieux, la relation entre l’extension spatiale des zones saturées et le débit est un outil indispensable pour modéliser. Cette relation est de plus spécifique à chaque bassin. Mais, selon Mérot (1988), les zones saturées n’expliqueraient pas la variabilité totale des débits car la densité de drainage dans le réseau hydrographique est également explicative du débit. Alors comment établir le lien entre extension spatiale des zones saturées et de la densité de drainage ? Au sein d’un talweg, l’extension de l’aire saturée dépend de l’équilibre entre les apports de masses d’eau et l’aptitude du réseau de drainage à exporter cette masse d’eau. L’équilibre entre l’extension des aires saturées et le débit peut donc prendre des formes variables lors d’un épisode pluvieux. La présence massive de zones potentielles de saturation se traduit par l’extension spatiale des aires saturées avant la

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croissance significative du débit (Figure II.8A). L’existence d’un mécanisme de drainage de la zone saturée est un élément important car il tend à favoriser l’augmentation du débit au détriment de l’extension spatiale de la saturation (Figure II.8B). Q (t) Extension des aires saturées Q (t) Extension des aires saturées

A

B

Débit

Figure II.8 : Deux grandes tendances d’extension spatiale des aires saturées du bassin versant en fonction du débit à l’exutoire lors d’un épisode pluvieux. La croissance d’extension spatiale des aires saturées est plus rapide que celle du débit (A) ou bien l’inverse (B). Adapté de Mirabo (1986).

Dans cet équilibre d’autres facteurs peuvent intervenir au niveau des talwegs, avec une dynamique temporelle à plus ou moins long terme :

⇒ Écologiques : en lien avec la végétation et l’activité biologique avec de l’interception et de la consommation d’eau.

Pédologiques : en lien avec la conductivité hydraulique et les écoulements

préférentiels.

Géométrique : en lien avec la forme des talwegs.

Par conséquent l’interaction entre les zones saturées et le réseau hydrographique ne conduit pas à un équilibre identique sur l’ensemble de la surface du bassin versant. Dans ce contexte, une connaissance plus étendue du fonctionnement du réseau hydrographique serait utile pour distinguer parmi les zones potentiellement saturées celles qui sont les plus rapidement contributives.

3.2.2 Quel apport de la haute résolution ?

S’intéresser à la dynamique spatiale et temporelle du drainage dans le réseau hydrographique nécessite d’abord de décrire les linéaires de ce réseau et leur extensibilité. Nous avons vu que l’efficacité des traitements numériques est indiscutable et de nombreux outils sont disponibles pour l’utilisateur qui souhaite extraire automatiquement un réseau hydrographique sous SIG. Mais toute l’information topographique utile pour représenter les cheminements transitoires n’est pas accessible à partir des MNT standards. C’est le cas des éléments de la « microtopographie » comme les réseaux artificiels de fossés ou les caractéristiques morphologiques des talwegs naturels : incision, chenalisation. Dans ces deux cas, les MNT à haute résolution spatiale peuvent apporter des informations nouvelles par rapport aux MNT standards. Les publications récentes sont relativement peu nombreuses mais montrent que les réseaux extraits de MNT Lidar sont les plus proches de la réalité terrain (Figure II.9). De plus, la haute résolution peut apporter des informations complémentaires sur leur nature morphologique en substitution de campagnes de terrain (Tarolli & al, 2010).

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Figure II.9 : Réseau hydrographique et bassin versant extrait à partir d’un MNT standard (image de gauche) et d’un MNT LiDAR (image de droite) (Murphy & al, 2007).

Le cas des réseaux « naturels »

Le terme réseau « naturel » est relatif aux linéaires de drainage inscrits dans les talwegs issus de la géomorphologie, et non pas directement de l’activité humaine. Il n’est pas exclu cependant que ce réseau naturel soit influencé par l’activité agricole ou par la connectivité avec des structures anthropiques voisines.

Le talweg est la ligne joignant les points les plus bas d’un vallon. Le chenal est l’inscription d’un écoulement concentré qui entretient des mécanismes d’incision/dépôts de matériaux. L’incision et donc le chenal ne sont pas forcément continus au sein du talweg. La section en travers du talweg informe sur le degré d’incision du linéaire d’écoulement et donc sur la possibilité d’apparition d’un écoulement concentré. La surface seuil d’apparition du chenal est variable. Elle est déterminée par la nature des couches du sol et du sous sol au voisinage versant-talweg. Cette apparition est généralement liée à la localisation d’une nappe colluviale dans le talweg. Mais le chenal peut apparaitre de manière plus précoce ou plus tardive en aval à cause de phénomènes de diffusion dans certains matériaux colluviaux accumulés. Dans une région vigoureusement disséquée avec des versants se terminant directement au pied du talweg, l’incision des talwegs joue un rôle plus important que dans des reliefs à fonds de vallée larges, où le lit ne se place jamais au contact du versant (Tricard & Callieux, 1968). Dans ce dernier cas, qui correspond au bassin versant du Mercier, tous les talwegs ne sont pas incisés. L’analyse de l’extensibilité du réseau hydrographique inclut donc des considérations morphologiques dans les talwegs naturels. Deux grandes tendances pour décrire le réseau hydrographique dans les talwegs du bassin du Mercier peuvent donc être déclinées :

Des talwegs qui font fréquemment partie du réseau de drainage du fait de

la présence d’une chenalisation marquée

Des talwegs qui font rarement partie du réseau de drainage du fait de

l’absence de chenalisation marquée.

On peut s’attendre à ce qu’un MNT à haute résolution spatiale puisse permettre de révéler, au moins en partie, ces deux tendances dans le réseau de talwegs. Mais dans tous les cas la plus légère chenalisation détectée sera marquée d’une

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incision dont la dimension sera de l’ordre de la résolution du MNT (Figure II.10).En revanche, l’exploitation du MNT standard ne permet pas d’aller au-delà de l’extraction du réseau de talwegs (Figure II.10).

Resolution MNT standard (30 mètres)

Resolution MNT LiDAR (1 mètre)

Niveau de saturation

Figure II.10 : Schéma d’un profil en travers d’un talweg et de son chenal de drainage soumis à un fonctionnement hydrologique par saturation du sol.

La présence d’une chenalisation marquée peut être liée à une plus grande fréquence d’activation car les écoulements de subsurface peuvent apparaitre à la faveur de cette rupture micro-topographique. Cela représente le signe de l’extension facilitée du réseau de drainage dans les zones de talweg. Il est donc utile de distinguer les zones où une activité de transfert significative risque de s’installer en surface. Une telle distinction devrait permettre de mieux séparer notamment les zones saturées qui peuvent participer à la composante rapide de l’écoulement de crue de celles qui restent dévolues à la composante retardée d’écoulements sub-surfaciques.

Le cas des réseaux anthropiques

Les travaux de modélisation hydrologique intégrant le rôle des infrastructures anthropiques restent relativement peu nombreux. L’analyse bibliographique montre que les traitements géomatiques avancés de la géographie du cheminement de l’eau sont délicats et restent aujourd’hui à l’état de recherches notamment en amont des modèles hydrologiques spatialisées lors de travaux appelés « préprocessing » établis sous plates formes SIG (Lagacherie et al., 2010). Le projet AvUPUR présenté dans le chapitre précédent a aussi pour but de progresser dans ce domaine (Jankowfsky, 2011). L’étape de préprocessing consiste à intégrer des cheminements potentiels à l’aide d’objets linéaires utilisés comme collecteurs ou obstacles. Ces éléments sont issus de données géographiques standards et choisis par expertise. C’est une approche qui a le mérite de valoriser des informations spatiales existantes mais les traitements sont relativement lourds. Nous pensons que le MNT à haute résolution spatiale s’inscrit comme une voie alternative pour produire un réseau de drainage intégrant des éléments fins au fonctionnement hydrologique transitoire. C’est pourquoi ce travail méthodologique s’insère également dans le projet AvUPUR de manière à explorer une voie géomatique alternative. Même si des difficultés ont été révélées concernant l’extraction des éléments anthropiques en milieu rural (Bailly & al, 2006), il est utile de tester ces outils dans différents contextes. En cas de succès, la disponibilité croissante de ces données apparaitrait comme une opportunité pour étudier efficacement différents contextes et envisager de transposer des modèles construits à des niveaux d’échelle fins.

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