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Le traitement des données

Mise en place expérimentale

Chapite 6. Choix méthodologiques

17 d23 4 824 266 2 2412133 35 Tournoi des Méthodes n°

8.2 Le traitement des données

De façon paradoxale, l'intérêt - pour nous - de cette recherche réside dans le fait que, d'une certaine façon, le sujet traité est "didactiquement ancien". En effet le thème des algorithmes de division à l'école a été travaillé sous de nombreux aspects et il est donc possible de s'appuyer sur les résultats accumulés par les recherches antérieures et de travailler en retour l'articulation de différents modèles théoriques. Nous entendons par là que nous disposons à la fois des études faites dans le champ de la théorie des situations (ingénieries, liste des conceptions de la division…) et de celles faites en relation avec la théorie des champs conceptuels (liste des erreurs, intégration de la notion de schème dans le système explicatif de production des erreurs …). Cette accumulation de résultats dans des univers théoriques différents est un point d'appui pour travailler maintenant la mise en relation des deux

modèles qui nous intéressent ici, à savoir, modélisation du système didactique dans la théorie des situations et théorie des champs conceptuels qui articule entrée par les situations et entrée par les concepts et théorèmes, avec de plus, une unité d'analyse originale en didactique, celle de schème. Nous sommes là dans la continuité de la réflexion que mène Jean Brun dans ses travaux à propos de la mise en relation nécessaire des modèles - originaux - de la didactique avec des modèles de niveau "infra", ceux de la psychologie développementale.

Jusqu'où la théorie des situations tient-elle ses promesses quant à la création de sens pour les élèves sur un objet dont la majorité des enseignants pensent qu'il n'a pas d'intérêt pour la formation mathématique des élèves de ce niveau? Quelle est la pertinence de l'utilisation de la notion de schème dans l'étude des rapports situation-algorithme à propos des situations de classe, dans l'étude du sous- système élève du système didactique? Qu'en est-il du concept de mémoire didactique dans la théorie des situations? Ces questions sont traitées avec comme entrée principale, le sous-système élève.

Les travaux de Schubauer-Leoni (dès 1986) ont montré l'impossibilité de dissocier les trois pôles du système didactique. Il s'agira donc pour nous, selon la formule de Schubauer-Leoni, de replacer l'étude du sous-système élève dans le contexte de la relation ternaire maître, élève, savoir. (voir aussi à ce sujet la thèse de Leutenegger, 1999). Au niveau des analyses nous constituerons donc un observatoire pour rendre compte du positionnement du maître, de son rôle effectif notamment dans la mise en place de la situation, dans la dévolution de la situation aux élèves.

8.2.1 Questions relatives au contrat de recherche

Le maître est pris dans un double contrat didactique et de recherche. Cette double insertion d'abord mise en évidence par Schubauer-Leoni a été retravaillée d'abord par Portugais à propos de la formation des enseignants pris eux dans un double contrat à la fois didactique et de formation, et plus récemment par Leutenegger dans sa thèse (Leutenegger, 1999). Reprenant les modélisations associées à cette problématique, nous nous poserons la question d'un double contrat attaché au sous-système élève. En effet, le sous-système élève, est lui aussi inséré, de par la situation expérimentale, dans un double contrat didactique et de recherche. La schématisation habituellement utilisée quant au double positionnement du maître est reprise ci-dessous.

Maître Contrat de Contrat de Recherche Recherche Contrat Contrat Didactique Didactique Elève Elève Savoir Savoir Mathématique Mathématique Savoir Savoir Didactique Didactique Chercheur Chercheur

?

Figure 3

75 Dans cette schématisation adaptée de Portugais nous avons ajouté le questionnement concernant les liens directs qui unissent élèves de l'expérimentation et chercheur. Les deux plans, celui de la gestion didactique de la classe et celui de la recherche ne peuvent être étanches dans notre expérimentation. D'une part, et nous l'avons déjà signalé, le maître est intégré à l'équipe de recherche pendant la durée de l'expérimentation, d'autre part, le chercheur, même s'il n'intervient jamais directement dans le déroulement des séances en classe, est toujours physiquement présent, et son rôle dans les décisions n'échappe pas aux élèves. D'ailleurs certaines conditions matérielles sont explicitement rapportées au travail du chercheur; les problèmes de bruit pour l'écoute des bandes, l'interdiction de gommer sur son cahier personnel, etc., et font que les élèves sont clairement avertis que "cahiers des divisions" et "Journal" sont destinés au chercheur. Le maître n'est donc pas le seul à être impliqué dans les deux plans mis en évidence ci-dessus; de fait, compte tenu de la durée de la recherche et de la fréquence de notre présence en classe, les élèves objets de l'observation et des questions de recherche sont partie prenante dans les décisions concernant la recherche. Ceci sera confirmé dans nos analyses. (voir dans la partie des analyses ce qui concerne le contrat de recherche).

8.2.2 Sélection des données

Pour étudier les phénomènes de conceptualisation et les conditions de réalisation didactique favorisant ces conceptualisations, nous nous appuierons dans nos analyses, sur les procédures d'une part et les débats d'autre part. Il ne s'agit pas pour nous d'isoler ce qui serait de l'ordre des traces écrites de calcul d'un côté, des verbalisations faites d'un autre côté. Bien au contraire, nous adhérons tout à fait à l'idée défendue par Tavignot de la nécessité d'un systèmes de protocoles (Tavignot 1993, 1997), idée prolongée et formalisée par Leutenegger dans sa thèse (Leutenegger, 1999)). Parmi les principes d'analyse exposés par Leutenegger, (1999, p101) est celui du questionnement réciproque des différents types de traces en vue de réduire l'incertitude quant aux interprétations avancées. C'est dans cette optique que nous travaillerons. Les procédures, rapportées aux connaissances mathématiques culturellement organisées, seront inférées des traces écrites des calculs, croisées avec les verbalisations faites, au cours des échanges consécutifs à ces verbalisations. Quant aux débats, c'est à travers la lecture des objets mathématiques nouveaux ou rendus sensibles pour la classe, que nous les traiterons.

L'organisation et le découpage du corpus sera donc fait selon deux critères, celui des procédures selon qu'elles se diversifient, qu'elles se rapportent à un domaine de validité élargi… et celui des thèmes émergeants dans les débats. Ceci pour nous permettre de voir les questions vives présentes dans la classe et conséquemment, les questions mathématiques problématisées par les élèves.

8.2.3 Concepts clés de l'analyse

Au titre des éléments clés pour analyser les données, deux dimensions sont évidemment incontournables lorsqu'il s'agit de penser l'élaboration des connaissances, les dimensions chronogénétique d'une part et topogénétique d'autre part. Les définitions données par Chevallard (1985/1991) ont été rappelées dans le troisième chapitre, ainsi que l'analyse de la mémoire didactique de l'enseignant, faite, en référence à ces concepts, par Brousseau et Centeno. Ces deux axes seront omniprésents dans l'analyse de nos données.

Autre notion clef, celle de schème, telle que définie par Vergnaud dans la théorie des champs conceptuels puisque c'est autour de cette unité d'analyse que nous tenterons de comprendre la construction de la rationalité dans le sous-système élève à propos des connaissances numériques.

En conclusion de ce cadrage méthodologique nous citerons Morf dont la position résume les mouvements qui s'opèrent dans une telle recherche. Les concepts et modèles initient la mise en place expérimentale tout en étant en retour travaillés à partir des données recueillies:

«La recherche modifie autant la théorie que celle-ci détermine l'expérimentation» (Morf 1972, p107)

8.2.4 Questions liées à la mise en place expérimentale

Nous aimerions intégrer à cette partie méthodologique, les remarques faites lors d'analyses "on line". En effet notre dispositif expérimental est fondé sur l'organisation de moments d'analyse réguliers. Les décisions concernant la "macro - situation" de recherche sont prises dans le cadre général pré-déterminé de la recherche, en intégrant les analyses hebdomadaires des observations déjà faites et des données déjà récoltées. Autrement dit, l'intégration de résultats et de questions intermédiaires fait partie du dispositif général prévu. C'est, par quelques remarques faites lors de ces analyses "on line" et à propos des situations dites de calcul, que nous voulons terminer cette partie méthodologique avant de passer, dans la troisième partie, aux analyses faites après coup de l'ensemble du corpus.

Dans une lecture linéaire du déroulement de la situation de classe, au début il s'agit d'un jeu: deux nombres sont donnés avec une opération dont on sait ce qu'elle signifie pour de très petits nombres, en référence aux livrets (tables) de multiplication. Il s'agit alors, pour chaque élève, de faire une proposition de réponse après un temps de recherche individuelle.

C'est ce qui se passe en effet, dès la première division [990:9], les élèves proposent des résultats. Ils s'emparent du problème qui leur est soumis et mettent en œuvre leurs connaissances antérieures, numériques et algorithmiques, pour proposer une réponse plausible. Ces observations avaient déjà été faites lors des analyses préalables.

Qu'est-ce qui permet la dévolution de cette situation de jeu? - les éléments pérennes du contrat,

- les connaissances numériques antérieures scolairement institutionnalisées.

En conséquence, les réponses ne sont pas données au hasard, elles restent dans le domaine numérique, et une justification de la proposition est verbalisable lors de la mise en commun puisque les élèves disposent d'un répertoire commun de vocabulaire et de symbolisations attaché au numérique. A noter que, du point de vue des connaissances des élèves, il y a, de par le problème proposé, prolongement de la notion de division du point de vue des ensembles de nombres concernés.

Notons également que la dialectique dévolution - institutionnalisation est perturbée puisque le maître se refuse à confirmer ou infirmer une réponse donnée, refus qui se prolongera sur l'ensemble des séances de calcul. Ceci pose des problèmes d'incertitude chez les élèves et doit être regardé en regard du concept de dévolution

Phase d'action: remarques

Pendant cette première phase qui pourra rester tout à fait privée - mais à vocation d'être rendue partiellement publique -, le jeu de l'élève consiste à trouver une réponse qu'il peut justifier par un enchaînement de calculs acceptables sans introduction de nouvelle donnée numérique non justifiable. Dans un premier temps, le critère de validité de la réponse est assimilé à l'existence d'une procédure verbalisable. Il peut s'agir pour l'élève d'inventer après-coup, une suite d'actions justifiant une réponse donnée et plausible. Le jeu peut aussi consister à trouver des réponses variées, des réponses différentes, sans souci de justification, avoir la surprise (comme le dira un élève) dans la confrontation avec autrui; on est alors dans le domaine de l'inventivité sans critère de validité de la réponse. Il y a donc au début, des moyens de contrôle des actions engagées, mais pas de contrôle de la validité de la réponse en tant que résultat de la division proposée.

77 Dans les termes de la théorie, une condition nécessaire à la dévolution d'une situation, est que les élèves disposent de moyens de contrôle pour valider le résultat de leur action. Une hypothèse est que le choix d'un milieu exclusivement numérique rend (participe à rendre) possible la dévolution; en effet connaissances numériques déjà acquises et algorithmes de calcul étudiés avec d'autres opérations jouent ce rôle. Nous prenons cette position en opposition à celle usuellement retenue qui veut que c'est en donnant des problèmes "concrets", que l'élève peut -doit- se rendre compte du bien fondé de sa réponse. L'hypothèse faite est celle alors d'une logique numérique "naturelle" qui doit conduire l'enfant à refuser une réponse "absurde". Les travaux sur le contrat didactique (voir notamment les travaux de Schubauer-Leoni et de Sarrazy) ont largement montré que la logique scolaire est autre.

La question se pose d'ailleurs de savoir ce qu'il en est des compétences mathématiques réelles des "mathématiciens de rue". Ne s'agit-il pas là d'un répertoire de résultats accessibles et validés par la pratique mais d'un répertoire peu extensible, peu généralisable du fait de la dépendance des calculs faits avec la situation concrète en jeu? Il manque le lien avec d'autres connaissances qui permettraient reconnaissances d'invariants et généralisations. Nous reprenons là l'hypothèse de la nécessité de la constitution d'un réseau de connaissances mathématiques pour construire du sens en mathématique. Dans l'univers scolaire, et sous certaines conditions que la didactique étudie, le répertoire de connaissances - et pas seulement de résultats - attaché à l'objet division peut s'enrichir et par là, créer du sens.

Adidacticité et validation: remarques

Revenons à la situation générique dite de "calcul" et proposée dans notre expérience. Le processus de dévolution de cette situation peut être amorcé. Y a-t-il pour autant situation a-didactique? En regard de la théorie, la réponse est non. Si la situation présente bien les caractéristiques d'une situation- problème qui peut être dévolue, il n'y a pas de milieu de validation, les connaissances des élèves dans un premier temps, ne leur permettent pas de trancher quant à l'exactitude de la réponse, encore moins quant à la pertinence du procédé utilisé, le problème se pose même de l'unicité de la réponse. Parlons de situation ante-adidactique au sens où l'essentiel du travail va justement consister à dévoluer aux élèves la construction de ce milieu de validation. C'est par le jeu des variables, variable de situation d'une part (variable numérique dans le cas de la situation de calcul) et variable de commande (modifiant la nature même de la situation) d'autre part, qu'il va être possible de créer les conditions d'existence d'un milieu de validation et par là de rendre possible l'émergence d'une situation a- didactique.

Il s'agit, en reprenant les termes de Margolinas (1993) de créer les conditions d'un passage d'une

vérité assertorique à une vérité apodictique. Dans un premier temps la réponse est vraie puisqu'elle

existe en termes de possible et même de contrôlable par les pairs dans le domaine considéré et avec les règles de transformations numériques connues mais il n'y a pas de débat sur le "vrai et le faux" possible. Est à construire l'idée d'une vérité apodictique, construction en plusieurs étapes à lire dans leur enchaînement en termes de contingence et de nécessité.

Troisième partie