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Nombres et numération

Etude du sous-système élève

12.1. Nombres et numération

La perspective est diachronique et met en évidence comment, à l'occasion du travail sur les algorithmes de calcul, les conditions didactiques peuvent donner à l'élève l'occasion de retravailler la numération de position. La différence entre les observations faites en 4P et en 5P est nette et nous pourrions à propos de la numération, faire le même commentaire qu'en ce qui concerne l'ordre de grandeur. Une certaine maîtrise de la numération de position est nécessaire pour aborder l'objet algorithme de calcul qui lui est subordonné, et inversement le travail sur les algorithmes de calcul conduit manifestement à une plus grande maîtrise du système de numération. Nous sommes bien là

dans une approche constructiviste où l'action de l'élève conduit à une restructuration permanente des connaissances (déplacement topogénétique), et pour en faire la lecture, le schème, en tant qu'unité qui en même temps qu'il est organisé, organise l'action du sujet dans le champ de ses connaissances est adéquat.

La savoir mathématique numération n'est manifestement pas stabilisé en quatrième primaire et est l'occasion de nombreux débats.

Pour la multiplication 12 x 41, l'élève DU propose 82

suit un débat sur la valeur du 4

DU- 2 fois le 1 égal 2 4 fois le 2 égal 80 OLF- si ça faisait 80 il devrait mettre 0 DU- je sais plus comment j'ai fait

VA- il sort d'où le 80 /4 fois 2 ça fait pas 80 / il le met où le 0 DU- 40 fois 2 80

élève- tu le sors d'où le 40?

(du va montrer le 4)

élève- ça c'est 4 pas 40 du - 41 c'est quatre un alors

TIF- quand on a fait le 1 après il faut compter le 4 / 41 quand on enlève le 1 après c'est le 4

OLF- c'est un 4 pas 40

(brouhaha)

DU- le 4 il y a un 4O il y a un 1 c'est 41 //eux ils disent que 40 c'est un 4 /c'est 41 alors il y a pas 0 devant le 4

YAS- vu que il y a 12 avant tu dois faire 12 fois 41 MA- on peut faire aussi 41 fois 12

TIF- je veux dire c'est pas 11 fois 11 c'est pas 41 fois 12 le 40 il l'a peut-être trouvé dans 42

CI- c'est pas que un quatre / quarante // c'est un quatre et un zéro

JD- j'ai compris 2 fois 1 2 ils ont disparu ces nombres alors le 4 ça fait 40 quand il y a plus le 1 il reste un zéro à la place

LM- c'est ça DU? DU- non

Tout comme dans l'expérimentation sur les calculs de division, celle concernant les algorithmes de multiplication met l'élève en situation de décomposer massivement les données. Les débats et contestations sont fréquents en 4P quand il s'agit de combiner schème de décomposition et schème de calcul lorsque celui-ci met en jeu la distributivité de la multiplication par rapport à l'addition.

La difficulté majeure de la conceptualisation de la multiplication dans une approche centrée sur les algorithmes, est la distributivité en jeu. Elle est constitutive de la multiplication qu'elle permet de définir par récurrence. C'est la confrontation à cette difficulté qui est le moteur d'interrogation nouvelle. Nous sommes dans le cadre d'un accroissement de la complexité cognitive. Le changement de niveau de complexité ne vient pas de la complexification des données à traiter ni d'une modification du but à atteindre, mais de la nécessité dans le traitement de ces données, de s'appuyer sur un invariant mathématique nouveau et plus complexe. Là encore il s'agit d'un déplacement topogénétique. La lecture faite dans le cadre de la notion de schème permet de différencier des situations correspondant à un accroissement de la complexité des données, ou de la définition des buts ou des invariants en jeu; les schèmes associés à ces classes de situations sont à différencier.

En cinquième primaire, compte tenu de l'enchaînement des objets d'enseignement, on voit à l'œuvre non plus un réel questionnement sur la numération via les valeurs de position comme cela existait encore en 4P mais des mises en relation qui pointent de nouvelles problématiques centrées sur des objets numériques nouveaux, sensibles à ce niveau scolaire: c'est le cas des nombres à virgule. Les nombres négatifs sont eux aussi présents dans les débats, mais il ne s'agit pas d'une intégration de

12 x41 82

171 nouveaux apprentissages en lien avec la numération, ni même d'un questionnement à leur sujet. Présents dans l'univers social des enfants bien qu'absents en tant que tel des apprentissages scolaires à l'école primaire, les nombres négatifs sont convoqués pour marquer un manque, une compensation: nous traiterons ce thème en lien avec la notion de reste. Ils sont convoqués en tant qu'outil à disposition dans l'univers numérique mais non en tant qu'objet questionné dans ses relations avec les concepts voisins.

12.1.1. Nombres à virgule et numération

La division n°24 [4 962 : 2 ] est l'occasion, dans le traitement qu'en font les élèves, d'un travail sur les nombres à virgule, leur écriture et la compatibilité de cette écriture avec les procédés de calcul utilisés.

ste – d24 er – d24

li- d24

STE distribue la division sur chacune des positions, en commençant par la droite à l'instar des algorithmes de multiplication. Le problème se pose non pas pour diviser 9 par 2 mais pour intégrer le "virgule cinq" dans l'écriture du quotient. Le choix fait alors par STE est de respecter le positionnement habituel de la virgule qui vient à droite des unités laissant de côté le fait que le nombre divisé n'est pas 9 unités mais 9 centaines. Dans un compromis analysable dans les termes que Brun et Conne utilisent lorsqu'ils travaillent les erreurs consécutives à l'exécution de l'algorithme traditionnel, STE combine ses connaissances sur les virgules, sur la numération, sur le sens du traitement d'un nombre dans un algorithme. Il y a adaptation aux caractéristiques de la tâche, caractéristiques numériques des données, caractéristiques du but à atteindre et qui ne peut s'écrire avec une virgule au niveau des centaines: cette combinaison des sous-schèmes disponibles permet au calcul de conserver sa fluidité:

séance 17 division n°24

STE- j'ai fait la moitié de 2 c'est 1/ la moitié de 6 c'est 3 / pour 9 ça fait 4 et vers la fin j'ai mis virgule 5// j'ai hésité à mettre 3 ou 5 / puis 4 en 2

LI- question/ ça devrait être 50 normalement élève- ça peut pas être en virgule

ME- c'est des centaines ça / ça ferait 450 c'est ça qui est faux

FR- il faut l'ajouter au 3 élève- si il décomposait STE- j'hésitais 4962 31 4962 2431,5

La décomposition sera verbalisée, elle se présente alors comme un outil permettant, en revenant aux sources de la numération, d'argumenter dans les échanges. Ce type de difficulté est probablement l'une des raisons qui va conduire à l'abandon de la division chiffre à chiffre de droite à gauche au profit d'une division de gauche à droite. En effet la lecture de gauche à droite qui permet de prendre en compte d'abord les unités des ordres les plus élevés facilite la gestion numérique des quotients partiels. C'est ce que suggère FR quand il propose d'ajouter le 5 au quotient partiel qui suit.

En ce cas 4962 produirait 2481 comme quotient:

2 unités de mille au quotient pour 4 unités de mille du dividende 4,5 centaines obtenues à partir des 9 centaines du dividende 8 dizaines au quotient pour les 6 dizaines du dividende

obtenues par addition de 6 divisé par 2 égal 3 (dizaines) et de 5 dixièmes de centaines

et enfin 1 unité

C'est la technique utilisé par ER, la verbalisation qu'il fait de son procédé fait état des difficultés conceptuelles sous-jacentes

ER- 4 divise par 2 ça fait 2 / 9 divisé par 2 ça fait 450 c'est 4,5

LM- t'as écrit comme ça 4,5

ER- au début, oui, et après quand j'ai vu que 6 divisé par 2 ça faisait 3 j'ai remarqué que 5 et 3 ça faisait 8 alors j'ai marqué 8 sous le 6

LM- à la place du 5 alors ER- voilà / et puis après 1 LM- donc t'as trouvé 24,81 ER- j'enlève la virgule/ voilà

Point d'appui lors du calcul des quotients partiels, la virgule est ensuite réexaminée dans le contexte du quotient final. C'est bien dans la coordination des concepts entre eux que les problèmes se posent: numération de position et positionnement de la virgule sont à articuler.

Dans la même séance, LI questionne l'écriture obtenue par division de 4962 par 2, trouvant un compromis partiellement satisfaisant à cette occasion en utilisant deux lignes d'écriture, pratique déjà utilisée dans des séances précédentes pour mettre des quotients partiels en attente. C'est dans la dialectique entre procédé de calcul et procédé de vérification que LI trouve la justification de sa notation.

LI justifie le résultat qu'il a annoncé

il s'agit d'un seul nombre écrit sur deux lignes)

LI- je sais que c'est juste / au début j'ai trouvé23581 j'ai fait fois 2 / 1 fois 2 2 / 2 fois 8 16 / 2 fois 3,5 7 plus 1 8

ER- je te préviens aussi que 900 divisé par 2 c'est 450 c'est 4,5

(…)

LI- quand j'ai fait ça j'ai trouvé le bon résultat ER- on peut pas multiplier avec 'virgule 5' en dessous LI- je sais mais j'ai quand même essayé

ER ne peut que contester le procédé de vérification car si cette vérification est considérée comme valide alors le résultat de LI doit être accepté comme solution du problème.

4962 2481 4962 24,81 2381 5 au tableau 23581 x 2 4 8 6 2

173 Au delà de l'erreur faite par LI (3,5 au lieu de 4,5dans la division de 9 par 2) il est intéressant de voir à cette occasion comment l'appui sur la vérification par la multiplication permet de questionner non seulement le procédé de calcul mais aussi la numération elle-même. La conceptualisation ne peut se repérer que dans le cadre de champs conceptuels dans lesquels l'évolution des concepts est pensée dans le cadre d'interactions permanentes entre les concepts.

Notons également à propos des exemples ci-dessus l'inventivité des élèves. C'est un indice de la pertinence de l'approche en termes de schèmes pour travailler les connaissances. Cette inventivité se manifeste dans l'enchaînement des actions et la coordination des invariants en jeu, dans la création d'un symbolisme; c'est le cas ci-dessus avec une écriture sur deux lignes pour gérer une contradiction.

L'exemple ci-dessous montre comment un élève, face à l'enjeu qui est le sien, à savoir, prouver la validité d'un résultat, fait apparaître le lien fondamental qui se crée entre la production d'un calcul et sa vérification. C'est un point important sur lequel nous reviendrons dans

le chapitre suivant.

en 4P DU, pour la multiplication 12x12

DU- je peux prouver que c'est 144 on invente un signe qui veut dire fois moins / quand c'est fois c'est plus on à qu'à faire à l'envers ça fera 12

il produit alors l'écrit ci-contre

La présentation d'un moyen de vérification lui permet de "prouver" la validité de sa réponse, il ne pose pas bien sûr le problème de la validité de sa vérification, la cohérence apparente suffit dans un premier temps.

12.1.2. Existence de nombres à virgule

La division successive des unités des différents ordres dans le traitement chiffre à chiffre des problèmes de division, génère nous l'avons vu, un questionnement sur les nombres décimaux. La question même de l'existence d'un nombre avec deux chiffres après la virgule est explicitement posée par FR pendant la séance 39.

séance 23 division n°40 [ 4 854 816 : 4]

EST- celui de FR et ER il est faux parce que 1213204 fois 4 c'est 4852816

FR- ben c'est bon c'est 816 VI- c'est 852 au lieu de 854

(…) fr-d40 er-d40 144 ~ 12 12 Résultats annoncés 1 213 704 na lu li ta san as 1 213 204 fr er 1 214 204 me

LU verbalise ensuite la décomposition. A partir de cet exposé ER et FR questionnent le procédé des "flèches" qu'ils ont utilisé

ER- les flèches il y a juste un truc que je comprends pas / pourquoi 704?

FR- nous on n'a pas mis les 500 de 2500

élève- on peut pas trouver directement avec les flèches

ER- 4 ça fait 1 / 8 ça fait 2 / 5 pour moi ça fait 1,2 / 4 ça fait 1 plus 2 3 / je ne comprends pas / 4 divisé par 5 ça fait 1,2 / 4 fois 1 égal 4 plus 4 fois 2 égal 8 / 4,8 ah oui

élève- ils ont tort ER- on a faux

FR- comme ça fait 12 500 il manque le 5 / on a oublié de mettre le 5 au 2 de 204

SA- j'ai fait ça mais j'ai pas trouvé le bon résultat VI- ce qui fait 1,2 c'est 6:5 et pas 5 divisé par 4 LM- comment on peut gérer le problème

ER- je sais que je me suis trompé / je sais que celle-ci est juste FR- LM est-ce que ça peut exister 1,25?

élève- c'est possible

Mis dans la même situation d'invalidation du quotient qu'ils ont obtenu tous deux par le même procédé, FR et ER réorganisent leurs connaissances en s'appuyant l'un sur la décomposition verbalisée par LU et dont les traces écrites restent au tableau, l'autre sur la vérification par l'opération inverse. Le quotient partiel 12 500 se traduit pour FR en questionnement sur l'existence de nombres tels que 1,25. S'il a donné un quotient erroné c'est parce qu'il a utilisé comme quotient partiel 1,2 au lieu de 1,25. Peut-on faire l'hypothèse que ce nombre était inconnu pour lui? Probablement pas mais il est clair que 1,25 n'existait pas en tant que nombre utilisable dans le contexte de la division. Il s'agit pour FR d'un processus de réorganisation des connaissances en ce sens que le nombre 1,25 probablement exclusivement rattaché à des problèmes de mesure devient alors lié au concept de division.