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Algorithme de division

Observatoire du système didactique

Chapite 10. Le système didactique

10.3 Algorithme de division

Dans cette recherche le choix a été fait d'entrer dans le champ de la division sans faire référence explicitement à l'algorithme traditionnellement enseigné84, renonçant par là à la voie proposée par Brun, Conne, Lemoyne et Portugais (1994) d'un algorithme vu comme une curiosité culturelle à explorer numériquement et numéralement.

Certains élèves ont déjà pratiqué l'algorithme enseigné à l'école soit parce qu'ils y ont été initiés dans le cadre scolaire ou familial, soit parce qu'ils viennent d'un système scolaire dans lequel le découpage des sujets enseignés ne correspond pas à la même temporalité, c'est le cas en particulier de SAN qui arrive en cours d'année et dont les interventions vont, de façon évidente, modifier le cours de la recherche. Même si la majorité des élèves de la classe semble ne pas avoir reçu d'enseignement spécifique à ce sujet, il n'en reste pas moins que cet algorithme appartient à l'univers scolaire des élèves – il existe dans les livres - mais aussi à l'univers culturel de leurs aînés, qu'il s'agisse des parents, des frères ou sœurs plus âgés… et, ceci même si, du fait de l'existence des calculatrices, il est de moins en moins présent dans les pratiques sociales. C'est aussi, comme tous les algorithmes de

84 L'algorithme de calcul écrit de division traditionnellement enseigné sera souvent désigné par ALT.

Dans le texte et dans un souci d'allégement, il sera en général désigné sans autre précaution par "algorithme

126 calcul écrit, un objet sensible de l'enseignement traditionnel, identifié comme important par les familles et donc objet d'échanges familiaux lorsqu'il s'agit de l'école.

Il nous faut donc repérer comment ce procédé de calcul intervient dans les productions des élèves, comment –c'est-à-dire à quelles conditions- il diffuse dans la classe bien que non valorisé par la gestion didactique. Nous ne considérons pas que cet algorithme habituellement enseigné vient "polluer" ce que seraient les créations originales des élèves mais qu'il fait partie des conditions à prendre en compte dans une analyse didactique. Le statut culturel et scolaire particulier de cet algorithme nécessite une prise en compte spécifique.

Deux éléments sont à considérer quand on questionne les données en regard de l'algorithme traditionnellement enseigné, l'organisation spatiale des calculs et la prégnance de la soustraction. La question du reste dont on a vu dans une lecture d'ensemble des données, l'importance dans les débats, sera analysée dans un paragraphe spécifique.

10.3.1 Diagrammes

Lors de la toute première division proposée, AS fait référence à l'algorithme de calcul traditionnellement enseigné:

séance 1 division 1

as- l'année passée on nous a expliqué pour les divisions alors on met un trait au milieu / 9 on met un trait / et puis après on fait …combien de fois 9 // dans 99 combien de fois 9 ça fait 11 fois et puis

élève- après on met 0

Le maître n'écrit rien, personne ne commente cette intervention, un autre élève est sollicité par le maître. Manifestement quelques élèves ont déjà abordé de tels calculs mais ici, rappelons-le, le calcul est fait oralement, seuls les procédés explicités publiquement pour justifier un résultat annoncé sont interprétés par écrit au tableau par le maître. Pour la deuxième division qui sera traitée cette fois par écrit sur une feuille, trois élèves AS, HE et TA produisent un algorithme écrit tel que présenté dans les manuels en vigueur. Or, aucun de ces élèves ne s'exprimera publiquement. Plusieurs hypothèses, non exclusives, peuvent être formulées:

1° L'intervention du maître, ou plutôt sa non intervention, lors de la première division a donné un indice fort du contrat en vigueur et a de fait en créant une rupture, favorisé l'entrée des élèves dans un contrat de recherche85 qui exclut la reproduction pure et simple d'une technique précédemment "apprise".

2° Le démarrage de l'activité par un problème de division à effectuer mentalement, n'a peut-être pas permis à ces trois élèves de dérouler d'entrée la suite des règles liées à l'algorithme; en particulier l'absence d'écrit rend problématique l'exécution de soustractions. Même si cet algorithme a déjà été abordé l'année précédente en classe, il n'est pas encore familier aux élèves de ce niveau puisque c'est un objet sensible d'enseignement pour l'année en cours. Ces deux aspects combinés, division traitée oralement par les camarades avec des procédés personnels et technique algorithmique non encore routinisée86, ont pu à la fois déstabiliser les élèves quant à la pertinence de l'utilisation de l'algorithme traditionnel dans cette situation et les autoriser à explorer d'autres voies. Cette "déstabilisation" sera renforcée par le choix fait, dès la division n°5, d'un diviseur supérieur à 9, nous reviendrons sur ce point. Ajoutons à cette hypothèse, ce qui a été exprimé précédemment en termes de contrat de recherche et nous avons un faisceau explicatif du fait que rapidement, et à l'exception d'une élève, AS, l'algorithme traditionnel est abandonné au profit de la recherche d'autres procédés.

85 A ce sujet voir le chapitre "contrat de recherche"

86 Nous utilisons ici le sens figuré originel de "routine", à savoir une action accomplie par habitude,

3° Une troisième hypothèse plus faible, serait que la séance a été interrompue – rythme scolaire oblige- avant que tous aient pu s'exprimer; mais de fait, ceci renforce la clause du contrat qui semble exclure toute ostension de l'algorithme traditionnel.

Certains élèves disposent donc d'entrée d'une technique de calcul apprise et dès le passage à l'écrit ils la mettent en œuvre, c'est le cas, pour la division n°2 de AS, HE, TA.

he – d2

En traduisant au tableau les procédés verbalisés par les élèves, des diagrammes sont institutionnalisés par le maître. Diagramme associé à la décomposition en multiples de dix avec l'indication de multiplications, ou de divisions, parfois les deux comme le fait LU à la division n°3

Au tableau 2546 2000:2=1000 500:2= 250 40:2= 20 6:2= 3 1273 1000x2=2000 250x2= 500 20x2= 40 3x2= 6 2546

Les élèves adaptent le diagramme proposé au tableau, ils simplifient les traces écrites associées à cette technique; par exemple, pour VI il ne reste plus dans le calcul de la division n°37 que l'écriture du dividende partiel et du quotient, les signes de division et le diviseur sont sous-entendus.

lu – d3 vi - d 37

128 . Dans la division n°64, ER combine pour les

besoins de son calcul:

- la division "chiffre à chiffre" avec le diagramme associé, celui des "flèches", quand il s'agit de diviser par 2

- une décomposition polynomiale, quand il s'agit de diviser par 10.

Notons que, à cette période de l'année, il serait à même de faire le calcul avec l'algorithme traditionnel.

er d 64

La "multiplication mystérieuse" elle aussi trouve rapidement une forme d'écriture initiée par ME et qui devient la forme canonique associée à ce procédé.

séance 2 division 3

189 ME- alors moi comme j'ai pas le temps / j'ai trouvé des trucs alors j'ai fait comme dans la multiplication mystérieuse / j'ai fait 2 fois euh... sans rien/ / j'ai mis 2546 euh...

190 LM- au résultat

191 ME- au résultat

192 LM- alors 2546 / si t'as fait ... t'as mis quoi là

193 ME- fois 2

194 LM- fois 2 / et puis après tu mettais ça (pointillés)

195 ME- j'ai pas fait ça moi

196 LM- bon/

197 ME- j'ai fait 2 fois 3 ça fait 6 198 LM- ah oui/ je vois

ME - 2 fois 7 ça fait 14

. ... x 2 2 5 4 6 1 73 x 2 2 5 4 6 1 1 2 73 x 2 2 5 4 6

10.3.2 Diagramme et algorithme traditionnel

Indépendamment des quatre élèves qui utilisent d'entrée l'algorithme traditionnel, plusieurs autres indiquent par la forme écrite de leurs calculs qu'ils ont une connaissance visuelle de cet algorithme et que la présentation que nous allons nommer "en croix" ne leur est pas totalement étrangère. VI produit un diagramme proche de celui de l'algorithme traditionnel

vi- d2

Celui –ci va se diffuser à sa voisine ES qui va l'abandonner rapidement. D'autres élèves produisent des formes différentes mais inspirées de la présence des traits verticaux et horizontaux présents dans l'algorithme traditionnel, FR quant à lui conserve de la disposition classique, l'organisation spatiale respective des dividende, diviseur, quotient.

es - d5 ta - d6 me - d5 ste - d4 fr – d7

Ces éléments du diagramme - traditionnel pour nous - ne sont présents qu'au début de la recherche et sont très vite abandonnés. En effet la prégnance culturelle du schéma de calcul de division explique son apparition sous des formes aménagées mais, n'étant associé à aucune action de calcul, il ne permet pas d'aboutir à un résultat; les élèves le réalisent rapidement et ils abandonnent la reproduction d'une forme qui leur semblait pertinente, au profit d'une technique associée à un autre schéma d'écriture. A l'inefficacité mesurée du seul diagramme sans technique de calcul associée, s'ajoutent probablement les effets du contrat de recherche qui, nous l'avons dit, permet aux élèves de sortir du contrat didactique habituel dans lequel la reproduction de formes considérées comme canoniques est un élément important au profit d'une adaptation au but dévolu, celui de trouver un résultat défendable dans le débat.

L'élève VI n'abandonne pas son diagramme si facilement et elle l'utilise jusque la division n°21. Elle ne constitue pas pour autant une exception en regard des remarques précédentes car elle associe d'entrée cette disposition à une technique personnelle de calcul qu'elle va essayer d'affiner au fil des divisions; les échecs répétés quant au résultat obtenu vont finalement la conduire à abandonner technique et diagramme associé au profit d'autres procédés de calcul.