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Observatoire du système didactique

Chapite 10. Le système didactique

10.4 Notion d'algorithme

Une des questions secondaires que nous nous posions était celle de la construction par les élèves de la notion même d'algorithme. En effet cet objet mathématique fondamental n'est traité pendant les études primaires et secondaires - et même dans le premier cycle universitaire- qu'au travers d'exemples rencontrés sans que les caractéristiques mêmes soient mises en évidence. Le champ d'application, les limites, la puissance, la pertinence, l'origine87… des algorithmes utilisés sont rarement explicités.

Les conditions expérimentales ont probablement permis de faire un pas dans cette direction. Le "tournoi des méthodes" a eu pour effet de mettre en évidence l'efficacité de l'algorithme traditionnel et c'est à partir de ce moment que plusieurs élèves ont commencé à l'utiliser systématiquement comme susceptible de fournir dans tous les cas le "bon résultat" qu'il s'agisse de la recherche du quotient euclidien et du reste, qu'il s'agisse du quotient décimal exact ou approché.

87 Il s'agit pour nous de l'origine en tant que justification mathématique, en tant que réflexion épistémologique et

non d'origine historico-chronologique. L'approche historique tout à fait intéressante par ailleurs est actuellement valorisée dans une perspective culturelle mais les effets didactiques d'une telle approche ne sont pas discutés.

130 Nuançons cette observation par la prise en compte du fait que s'approchant de la fin de l'année scolaire, il n'est pas exclu que pour certains de ces élèves il s'agissait avant tout de clore la recherche par un retour au contenu traditionnel de l'enseignement de la division. Les demandes répétées de certains, en particulier dans le Journal mais aussi dans les interventions orales, demandes de se conformer à l'apprentissage usuel de la technique de division, sont là pour attester de l'existence pour les élèves de clauses d'un contrat qui les lient à l'institution scolaire même, débordant le cadre du contrat didactique qui les lient à leur maître. Les apprentissages scolaires sont, aux yeux des élèves, balisés par quelques éléments clés, dont les algorithmes de calcul. En fin d'année, la prégnance du contrat de recherche et celle du contrat didactique local s'estompent au profit du contrat didactique plus général dans lequel est plongé l'élève. Le temps didactique est alors rapporté à l'ensemble de la scolarité et pèse sur les négociations quant au savoir mathématique en jeu.

10.4.1 Algorithme de calcul: les contraintes

L'algorithmique est en plein essor et l'un des problèmes qui se pose est celui de la complexité des algorithmes88. Le nombre d'opérations élémentaires à exécuter est à évaluer de façon à déterminer, ce qui est essentiel pour un concepteur d'algorithme, «le temps que prendra son algorithme pour fournir le résultat escompté sur une machine donnée.89»

Les contraintes que sont la complexité des calculs et le temps nécessaire à leur exécution sont prises en compte par les élèves dans les choix qu'ils font. Dans un premier temps, de nombreux élèves essayent, lorsque c'est possible, différents procédés de calcul pour une même division-problème.

C'est le cas de AS qui fait apparaître différents essais dans l'exemple ci-dessous, mettant en évidence du simple point de vue de la longueur des étapes à écrire la différence entre ces procédés variés qu'elle conduit tous à leur terme. Il y a un travail de comparaison des procédés dont il est difficile de savoir dans quel but exactement il est mis en œuvre: comparaison des procédés (et sur quel critère?) ou vérification du résultat par confrontation des réponses obtenues.

as - d16

10.4.2 Choix d'un algorithme

Brun et Conne ont montré comment les formes intermédiaires mises en place et institutionnalisées lors de l'apprentissage de la division peuvent ensuite s'ériger en obstacle. L'abandon des formes censées, du point de vue de l'enseignement, être provisoires, n'est pas si aisé dans la position d'élève.

88 Nous limitons notre propos ici aux algorithme algébriques.

C'est ce qui semble se passer pour VI: sa technique de calcul, ayant été rendue publique par les conditions didactiques faites lors des séances de calcul, elle continue, contrairement aux autres élèves, à utiliser le procédé dont la forme diagrammatique s'apparente à celle de l'algorithme traditionnel, et ceci bien que les étapes de calcul produites relèvent d'une décomposition polynomiale du dividende. Cette difficulté à abandonner une démarche personnellement travaillée s'observe dans de nombreux cas. NA questionne continuellement la multiplication mystérieuse qui lui réussit si bien lorsque le diviseur est compris entre 1 et 9, STI tient à comprendre ce qui se joue avec la multiplication, FR développe une aisance quant au traitement chiffre à chiffre qui lui permet de questionner plus avant le numérique ("est-ce que ça existe 1,25?").

Les élèves qui utilisent l'algorithme traditionnel l'abandonnent très vite ou le travaillent au même titre que d'autres formes de calcul. En effet l'abandon de la forme traditionnellement enseignée semble être la marque d'une technique ni routinisée par un entraînement spécifique ni même un schème familier associé à une classe de situations de calcul suffisamment étendue.

♦ HE reconnaît dans les problèmes proposés une situation qui peut être traitée par l'algorithme traditionnel; il calcule ainsi les quotients de 1818 par 9 (division n°2) et de 2546 par 2 (division n°3). Dès la division 4 il exerce d'autres techniques verbalisées par les pairs lors des mises en commun (procédure dite "chiffre à chiffre" ou décomposition polynomiale). Les traces écrites des recherches faites pour les divisions 7 à 10 montrent de nouvelles tentatives d'adaptation du schème algorithme usuel. Ne restent plus ensuite que des traces d'une disposition classique.

♦ NA fait une unique tentative (division n°3) pour laquelle la disposition et la présence de soustractions font penser à l'algorithme traditionnel; elle ne reprendra ceci qu'en fin de parcours lors de la diffusion plus importante de la technique usuelle.

♦ TA calcule régulièrement avec l'algorithme traditionnel pour autant que le diviseur soit suffisamment petit. Cela ne l'empêche pas à l'occasion d'utiliser d'autres procédés : il y a adaptation du procédé de calcul.

♦ AS semble avoir une connaissance du schème algorithme usuel qui lui permet de le mettre très souvent en œuvre. Pour elle, c'est la variable numérique qui détermine le choix du procédé utilisé, en particulier - mais non exclusivement - la présence d'un diviseur supérieur à 10 l'oriente vers d'autres règles d'action.

♦ SAN qui arrive dans le courant de l'année d'un autre système scolaire est la seule à avoir une maîtrise de la technique usuelle de calcul qui en fait pour elle un véritable algorithme de calcul qu'elle peut utiliser quelles que soient les valeurs données aux diviseur et dividende.

Une seule fois elle va s'essayer à une autre technique, celle de la décomposition (voir ci- dessous)

132 Sauf pour SAN, l'algorithme

traditionnel ne correspond pas à un schème routinisé. L'aspect officiel de cet algorithme ne suffit pas, pour les autres élèves, et compte tenu des conditions expérimentales mises en place, à lui donner une place prépondérante dans les recherches effectuées

san –d46

.

Pour les élèves concernés, le schème – algorithme de division ne semble convenir que pour une classe très limitée de problèmes de calcul et les variations numériques des données conduisent ces élèves à adapter le schème de division à ces nouvelles situations. Nous retrouvons là la caractéristique d'adaptabilité aux variables de la situation d'un schème, caractéristique soulignées par Brun et Conne dans leurs travaux.

Ceci apparaît nettement lors du choix d'un diviseur à deux chiffres, l'algorithme traditionnel est utilisé en combinaison avec le schème de décomposition du diviseur. C'est le cas de TA dès la première division correspondant à cette classe, soit [345 : 23] c'est encore le cas pour cette élève en fin de parcours (division 64 [375 : 12] )

ta – d 5

ta-- d 64

L'exemple de TA dans la division n°5 montre bien comment, dans ses recherches, elle combine le sous-schème "décomposition additive du diviseur" ( division par 20 puis par 3 pour diviser par 23) soit dans le cas d'un calcul de type "décomposition" (ci-dessus en haut à gauche) soit dans celui de l'algorithme traditionnel (en bas à gauche).

Le cas de SAN est particulièrement significatif des adaptations faites lorsque la lecture des données fait apparaître que le problème qui se pose n'appartient pas à la classe de situations qui peuvent être traitées avec un schème familier.

Pourquoi SAN décompose-t-elle le diviseur pour la division 44 [ 369 : 246]?

C'est, pour SAN, la première division avec trois chiffres au diviseur et pour laquelle, de plus, le quotient n'est pas entier.

En effet lorsque le diviseur comporte deux chiffres SAN déroule sans problème apparent l'algorithme traditionnel, de même pour la division 38 [ 465 : 155] qui a un quotient entier, sa technique habituelle lui a permis de fournir la réponse correcte.

134 Avec la division 44, SAN lit une nouvelle

situation qui n'appartient pas à la même classe que les précédentes et de ce fait, elle modifie l'organisation de ses actions et combine l'algorithme traditionnel avec une décomposition additive du diviseur.

san – d 44

Le schème familier avec des diviseurs inférieurs à 99, demande à être adapté lorsque le diviseur comporte trois chiffres. Notons que la variable "taille du diviseur" n'est bien sûr pas la seule en cause puisque un diviseur à deux chiffres tel que 71 ne pose pas de problème lorsque le dividende est lui- même 71, la variable rapport entre dividende et diviseur intervient, les différentes études didactiques faites ont mis ceci en évidence.