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Les procédures de vérification

Etude du sous-système élève

11.2. Les procédures de vérification

Nous gardons au vocabulaire utilisé les significations issues de l'arithmétique usuelle pour autant qu'il n'y ait pas de confusion avec l'usage fait de ces mots en didactique des mathématiques. Nous avons par exemple choisi de garder l'intitulé vérification; en effet, la connotation attachée par exemple au terme de "contrôle" nous écarte de la lecture des enchaînements des actions correspondant à ce qui nous occupe ici. Le terme de contrôle est présent dans la définition analytique du schème de Vergnaud, règles d'actions et de contrôles y étant associées pour former l'un des éléments de cette définition, nous

y reviendrons dans l'analyse faite en terme de schème. De même, en référence à la théorie des situations, le terme de "validation" attaché à un fonctionnement particulier des connaissances dans une situation de communication dite de "validation", est lui aussi à écarter dans le cas qui nous occupe. Les termes de vérification d'une part et d'invalidation d'autre part nous semblent convenir sans travers majeur.

Il n'y a pas ici de référence à ce qui serait une preuve du type de la "preuve par neuf" largement diffusée dans l'enseignement primaire. Employé dans ce sens la "preuve" (d'une opération) est une technique rapide de vérification qui peut avoir pour effet l'invalidation du résultat mais sans donner l'assurance, dans le cas contraire, de l'exactitude de ce résultat. En effet si un nombre x est écrit dans la base k; le reste de la division de x par (k-1) est le même que le reste de la division par (k-1) de la somme de ses chiffres, la preuve porte donc sur des égalités de congruence. S'il n'y a pas d'erreur, aussi bien dans l'exécution du calcul que dans celle de la preuve, tout va bien! Si la preuve ne réussit pas, c'est que l'on s'est trompé soit dans la preuve, soit dans les opérations, soit dans les deux. La preuve par 9 qui est celle utilisée dans la plupart des cas ne décèle pas les erreurs lorsque celles-ci jouent sur les multiples de 9.

Les procédures de vérification peuvent avoir comme conséquence, soit une invalidation du résultat, soit une certification de l'exactitude du résultat.

Les vérifications relevées dans notre recherche se font soit: - par additions répétées,

- par multiplication.

Les procédures d'invalidations sont fondées sur:

- l'ordre de grandeur du résultat (approximation, encadrement) - l'invalidation d'un des chiffres du résultat

- l'invalidation d'une partie du quotient

11.2.1. Vérifications

Les vérifications s'appliquent à un résultat déjà obtenu, le sien propre, ou le résultat annoncé par un pair. Il peut bien sûr s'agir d'un résultat intermédiaire. Nous traitons ici des vérifications mises en jeu à propos des divisions, l'exactitude des opérations multiplicatives est, elle, attestée par la conformité au déroulement institutionnalisé de l'algorithme ainsi que par l'adéquation des calculs intermédiaires aux livrets. Il s'agit là d'un contrôle fait par les pairs dans l'interaction.

Vérification par additions répétées

Pour les quotients entiers exacts, deux types d'addition sont à l'œuvre, l'addition répétée du diviseur ou celle du quotient. Il n'y a pas de vérification par soustractions successives

Pour vérifier que 12 est bien le quotient de 180 par 15 LU additionne 12 fois le diviseur 15

Encore en fin d'année pour vérifier que 199 est bien le quotient de 995 par 9, ER additionne 9 fois le quotient 119 en mettant en place des procédures de contrôle de son addition basées sur le contrôle du chiffre des unités.

165 lu- d10

er -d55

Vérification par multiplication

Pour la division n°10 [180:12] JU utilise une procédure fondée sur les décompositions coordonnées du

dividende et du diviseur. Par recomposition elle obtient 54, la multiplication de 54 par 15 est faite et donne 810. JU n'annonce pas son quotient, la vérification par multiplication lui a permis d'invalider son résultat en cours de recherche.

ju d10

D'autres multiplications sont effectuées après l'annonce des différents quotients proposés et servent soit de certification d'exactitude, soit d'invalidation explicite dans les échanges.

11.2.2. Invalidation

Invalidation d'un chiffre ou d'une partie du quotient

Ces techniques précèdent l'élaboration de procédures verbalisées de vérification.

Dans l'exemple ci-dessous l'argument avancé concerne le passage du 8 (des centaines) de 1818 au 4 de 1458 . La comparaison entre les deux est rapportée au diviseur 9 qui suffit à invalider ce 4

division n°2 [ 1818 : 9] STI propose 1458 comme quotient

44 ER- à mon avis il a pas raison parce que comme c'est du divisé je vois pas pourquoi il faudrait que ça fasse 1458 // comme c'est divisé par 9 // 1818 euh… c'est pas divisé euh par 2

45 ME- je vois ce qu'il veut dire/ c'est pas divisé par 2 c'est divisé par un nombre plus élevé donc ça peut pas faire 1458

46 ER- 1458 là le 400 ça serait 8 qui serait divisé par 2

L'invalidation porte plus souvent sur le chiffre des unités division n°15 [35 787 : 3]

VI a proposé 13 343 comme quotient, elle l'a obtenu avec une procédure chiffre à chiffre combinée à un système de report de retenue que les autres ont du mal à suivre

LI intervient pour abréger les explications de VI

LI- si tu fais 3 fois 3 ça fait 9 à la fin / tu t'es trompée AL- comment elle a fait pour vérifier

VI- j'ai pas vérifié

Cette invalidation peut aussi porter sur une partie du quotient.

Ordre de grandeur et encadrement.

Nous avons vu comment dans la division n°2 [1818 : 9] ES associe 2 à chacun des deux blocs "18" et comment face au quotient 22 elle le modifie pour annoncer finalement 222. Une hypothèse qui peut être faite est que la taille du nombre 222 lui semble plus conforme au nombre cherché que 22. C'est un premier niveau de contrôle de l'ordre de grandeur, dont on peut faire l'hypothèse qu'il découle de la maîtrise de la multiplication.

division n°4 [ 2592 : 6] LU propose 850

Sans faire la multiplication LI estime que le produit du quotient 850, par le diviseur 6 est à priori trop grand pour que ce quotient convienne

32 LI- LU on peut déjà l'enlever

33 LM- bon LU dehors/ / bon pourquoi on peut enlever LU 34 LI- si on fait 6 fois 850 ça fera déjà plus

35 LM- si on fait 6 fois 850/ on va peut-être le faire dans l'autre sens ça sera plus facile/ plus rapide à calculer

36 élève- t'as oublié le fois

37 LM- je l'ai effacé du coup/ 6 fois 0 / 0 // 6 fois 5

38 élève- 6 fois 5 ? 39 LM- oui 40 élèves-30

( brouhaha)

41 LM- donc 5100/ est-ce que la proposition de LI/vous paraît acceptable c'est à dire de éliminer la version de .LU/ et FR?

42 élève- c'est un peu peu je trouve 43 LM- c'est un peu peu

44 élève- je veux dire c'est pas assez

11.3. Remarques

Il n'est pas possible de dissocier la totalité des procédures de vérification de celles de recherche initiale du quotient. Dans nos données, l'instauration de la consigne de changement de couleur qui conduit à différencier deux moments de l'action, celui de la recherche initiale et celui de l'action sur la liste des résultats proposés permet dans certains cas de différencier des actions liées à la recherche initiale, des actions liées à la vérification, mais il s'agit alors de la vérification du quotient final. Il n'en reste pas moins que la recherche initiale même, comporte des actions de vérification-contrôle d'une étape. Cette dialectique a déjà été signalée par Margolinas (1993) qui la définit comme une articulation entre phase de vérification et phase de rectification.

Réponses proposées au tableau 180 fr 432 ta, as, na 850 lu 850 x 6 5100

167 Le problème de la vérification va se trouver mêlé à celui de l'unicité du résultat. La question de l'unicité sera reprise dans le chapitre suivant mais il est clair que le calcul du quotient décimal exact avec la vérification par multiplication (diviseur * quotient) qui lui est associée et le calcul du quotient euclidien vérifié par le calcul de la somme (diviseur*quotient entier +reste) pose le problème de l'existence de deux résultats, tous deux validables par vérification. Il y a donc lieu d'engager un processus de validation des procédures de vérification elles-mêmes. La première qui consiste à multiplier quotient et diviseur est directement issue de la définition choisie pour introduire la division. Introduire une addition combinée à la multiplication dans le processus de vérification est une rupture qui ne peut se faire sans débat pour situer l'articulation de cette addition avec la division, opération inverse d'une multiplication

.

séance 41 division n°56

les résultats proposés sont 801 reste 81 reste 4 81 reste 4

814 801,5

Rapidement après calcul du produit 814*8, ME et VI "se retirent" c'est-à-dire qu'ils renoncent à défendre leur résultat.

NA- 801,5 fois 8 ça fait 6412 et 801 fois 8 et reste 4 ça fait 6412

ER- dans notre loi on a dit un seul résultat à moins que l'on se trompe/ avant tout le monde était d'accord

VI- on faisait pas l'officiel AS- avant il y avait pas de reste FR- vous aviez qu'à penser au reste

LI- je comprends pourquoi la moitié dit c'est faux avec le reste comme moi/ quand on fait la preuve on fait pas l'officiel on fait la multiplication

ER- c'est normal que pour faire la preuve on multiplie LM- du coup on est avec deux résultats

LI- un seul celui du bas élève- deux résultats

FR- il faut demander à un mathématicien si les restes existent (…]

Cet extrait de la séance 41 montre comment l'élaboration du calcul de division s'appuie sur des processus de vérification. Il y a contradiction à ce moment entre l'existence de deux quotients et la loi institutionnalisée suite à un débat concernant l'unicité. FR, dans la dernière intervention citée, en appelle au savoir mathématique, seul susceptible de lever cette contradiction. Il montre d'ailleurs par là que la recherche même, quel que soit l'espace de liberté qu'elle crée, est assujettie à une institution mathématique qui organise les différents savoirs. Dans cette institution mathématique, il n'y a pas de place pour la contradiction, il s'agira donc de choisir entre unicité du résultat et existence de deux quotients tous deux validés par des vérifications adéquates.

Il y a manifestement une construction conjointe des processus de calcul du résultat et de vérification, cette construction ne va pas de soi. Dans un premier temps FR annonce son résultat sans avoir vérifié, ce que les autres élèves lui reprochent. Il explique alors préférer "avoir la surprise". Manifestement FR est alors dans une logique de jeu ou ce qui importe est de participer (ici d'annoncer un résultat) et c'est seulement dans le débat, dans la confrontation à autrui que la vérité mathématique se construit.

Les données sur la multiplication montrent de façon nette l'enjeu de la vérification et comment l'imbrication des processus de calcul et de vérification peuvent être un obstacle à la construction des connaissances. En effet, en ce qui concerne l'algorithme de multiplication, l'addition étant le procédé le plus souvent utilisé pour calculer le résultat de la multiplication-problème, elle ne peut être considérée par les élèves comme un moyen de vérification. Ainsi, encore au mois de juin, les élèves de 4P ont dans le cours du débat des remarques significatives à cet égard:

séance du 29 mai - classe 4P

CI- c'est à propos de l'affiche et du résultat //si on fait …// des fois il est faux on peut jamais savoir

TIF- elle dit quand on fait notre calcul on n'est pas hyper hyper… comme on n'a pas fait à la calculatrice on n'est pas sûr

séance du 2juin – classe 4P

LM- est-ce qu'on est sûr du résultat? élève- oui sauf DU

OLF- sans la calculatrice ! … juste pour une fois (…)

HE- c'est quand que tu vas nous dire si c'est juste

TIF- si on s'est trompé on nous a prouvé pourquoi on s'est trompé/ tout le monde a le même résultat

LM- imaginez que vous êtes à la maison perdu sur une île déserte est-ce qu'il y a un moyen de savoir si le résultat est juste

NIC- avec la table de multiplication DU- grâce à mes méthodes

HE- c'est pour ça que [les chercheurs] viennent ici c'est pour nous apprendre LM- ils disent rien

HE- on entend toutes les méthodes

Les moyens de vérification sont assimilés à une validation externe (le maître, la calculatrice…) ou à un accord social. Il y a des débats, des règles d'invalidation sont nombreuses mais c'est le débat de validation (au sens de la théorie des situations) qui peut difficilement s'instaurer en regard de l'objet algorithme de multiplication.

Il y a à clarifier cette problématique, celle de l'enjeu que représente l'existence dans le milieu des moyens de vérification pour qu'existe un débat de validation lorsqu'il s'agit de connaissances numériques.

169

Chapitre 12 . Les thèmes des débats: un indice topogénétique

Certaines questions sont débattues ponctuellement, d'autres débouchent sur des débats plus longs. La récurrence de certains débats est l'indice d'un "nœud" mathématique, dont la conceptualisation et l'articulation avec les autres concepts du champ numérique demandent du temps. Les variables de commande qui modifient la nature de la situation favorisent ce que nous pourrions appeler une macro- situation de communication. Chaque situation de calcul articule phases d'action et phases de communication. Les débats, tournois… mettent l'accent sur l'articulation de ces différentes phases de communication. Il nous semble important de lire l'ensemble des séances selon deux approches: il y a d'une part succession temporelle des séances, ce qui joue sur la chronogenèse des connaissances, il y a d'autre part une lecture qui prend en compte la macro-situation didactiquement organisée. Dans cette optique, les débats et tournois divers s'appuient sur l'ensemble des situations de calcul, ensemble alors vu comme macro-situation d'action, ce qui permet une relecture de ces situations en terme d'actions effectuées et débattues. C'est sur cette macro-situation d'action que peut se construire dans la durée, un nouveau fonctionnement des connaissances, que peut s'élaborer un débat de preuve. La notion de schème rend compte à nos yeux, d'une part de l'articulation des différentes élaborations et de la relecture permanente nécessaire à ces élaborations; cette perspective met l'accent sur la topogenèse des connaissances.

L'identification des thèmes des débats permet de repérer les objets mathématiques traités. Ils sont révélateurs des étapes de l'élaboration de l'objet division, des restructurations à l'œuvre dans le champ numérique. Notons qu'ici, le terme "d'étape" est à entendre sans connotation de progression linéaire mais dans le sens de "halte temporaire", "point important" sans préjuger des retours en arrière, des changements de direction, …ni même du trajet suivi pour y arriver. Les thèmes des débats sont également le révélateur du processus de diffusion dans le groupe classe, processus que nous aborderons dans le dernier chapitre de cette étude.

Si nous centrons cette partie sur les débats, c'est toujours dans une analyse croisée avec les autres données. La perspective qui est la nôtre nous permet de repérer comme thèmes essentiels:

- le travail de la numération significatif de connaissances anciennes revisitées,

- les questions associées au résultat attendu ( quotient et reste) de la division – problème, - la dialectique procédé de calcul- résultat, constitutive de la conceptualisation de la division.