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Schèmes et situations

Etude du sous-système élève

Chapitre 13. Schèmes et Invariants Opératoires

13.2. Schèmes et situations

Dans la théorie des champs conceptuels, la notion de schème renvoie à celle de situation tandis que la notion d'invariant est à rapporter à l'objet mathématique en question. Rappelons que la notion de "situation" dans la terminologie de Vergnaud est liée à situation expérimentale, et donc liée aux tâches proposées à un sujet. Nous l'employons ici au sens de situation expérimentale mais sans négliger

l'approche didactique qui prend en compte que la situation est plongée dans un contexte didactique et est de ce fait à la fois source et objet d'assujettissements spécifiques au didactique. Nous emploierons d'ailleurs le terme de "classe de situations" référant par là à la théorie des champs conceptuels qui veut qu'un schème soit associé à une classe de situations et non à une situation particulière. Rappelons que c'est bien le couple schème – situation qui est au centre de la construction du sens.

Peut-on parler de schème de calcul? L'une des définitions que Vergnaud donne d'un schème est l'organisation invariante de l'activité95 pour une classe de situations donnée. Il s'agit ici de la classe des calculs numériques à effectuer dans le contexte scolaire et donc, de ce fait, cette activité n'est pas totalement étrangère au contrat didactique classique même si le fait d'être en position d'effectuer un calcul sans disposer d'un algorithme représente une certaine rupture de ce contrat. La preuve en est que le problème peut être dévolu sans résistance majeure de la part des élèves, la véritable rupture de contrat sera le déficit de validation de la part du maître sur la durée, rupture qui, elle, provoquera des réactions d'opposition.

Il est clair que les schèmes activés dans une situation de calcul à l'école ne sont pas les mêmes que ceux activés dans une situation que les ethnologues appellent "mathématique des rues". Une différence majeure est la prégnance de l'écrit et nous avons vu que les procédures utilisées lors du premier calcul fait oralement, diffèrent de celles mises en œuvre dès le deuxième problème de calcul après que les élèves aient réclamé du papier. Il est intéressant de noter que les procédures utilisées oralement à l'école constituent la plus souvent un sous ensemble des procédures scolaires écrites et non pas un transfert de ce qui se ferait oralement hors école. En effet, situations de référence et répertoire de résultats à disposition ne sont pas les mêmes dans les deux cas; la différence de situation en termes de conditions d'effectuation du calcul modifient les connaissances mises en jeu et donc modifient l'élaboration de nouveaux schèmes. C'est bien la lecture de la situation en termes de données, contraintes et but qui initie l'élaboration de nouvelles connaissances.

En contexte scolaire, les activités numériques de calcul écrit sont massivement présentes, à chaque opération étudiée est associée un algorithme de calcul: il ne semble donc pas abusif de parler de schème de calcul, schème dont les différents composants (règles d'action, inférences, type de contrôle....) vont être inscrits dans le contrat didactique habituel, vont être d'emblée associés à la reconnaissance d'une "situation de calcul".

13.2.1. Situation de calcul

Quel est le point de départ de ce qui va constituer la macro- situation expérimentale? "a : b " est écrit au tableau et lu par un élève "a divisé par b"

Il va s'agir, concernant les neuf premières séances, de lire l'action des élèves, action initiée par la seule donnée écrite au tableau par le maître de "a : b ", a et b étant deux entiers naturels. Ces neuf premières séances constituent un bloc expérimental au cours duquel la même structure didactique a été conservée (voir description) la seule variable activée étant la variable numérique.

a et b sont des entiers naturels appartenant, en ce qui concerne les activités numériques scolaires, au répertoire familier des élèves excepté pour la division n°14 dans laquelle le nombre 80645834 est

trop "long" pour être habituel dans les activités de calcul à ce niveau; il pose d'ailleurs des problèmes de lecture

95 Dans les exposés de Vergnaud le terme "d'activité" a remplacé celui de "conduite" initialement utilisé dans le

Quelles sont les connaissances numériques à priori disponibles pour les élèves dans cette situation? Potentiellement à disposition des élèves, se trouve ce qui a été enseigné précédemment concernant le numérique, c'est-à-dire en termes de curriculum:

- la numération de position (base dix et autres bases)

- l'addition, la soustraction, la multiplication dans N et les algorithmes de calcul correspondants

Rappelons le programme d'enseignement du numérique de la classe concernée, celle de 5ème primaire:

- nombres décimaux positifs

- algorithmes de calcul pour l'addition, la soustraction et la multiplication avec des "nombres à virgule"

- division et algorithme de calcul dans N

A propos des divisions, les élèves identifient, par exemple, que 2 est le résultat de la division de 8 par 4 et ce, en référence au produit 2.4 =8, cette opération de division étant notée ":" qui se lit "divisé par". Autrement dit et pour nous intéresser à l'aspect opératoire de cette 'définition', ce qui à priori peut être en jeu pour les élèves se traduit sommairement par:

effectuer a : b c'est trouver q tel que b . q = a

Le mot 'définition' n'est pas employé ici dans un sens mathématique de convention logique puisque, en particulier, se posent les questions de quantification des variables, de domaine de validité, et aussi d'équivalence entre multiplication et division.

Compte tenu des symboles proposés, trois concepts peuvent être jugés comme pertinents par les élèves pour lire la situation:

- le concept de nombre - le concept de division

- le concept d'égalité qui n'est pas présent par le symbole habituel "=" mais sous forme d'injonction du maître "combien est-ce que cela peut-il faire?"

Face à l'écriture "990 : 9 " proposée au tableau, que se passe -t - il pour un élève en situation de classe avec son maître habituel? Deux lectures sont possibles, l'une analytique, les symboles présents étant associés à deux concepts plus ou moins familiers: nombre, signe opératoire. L'autre plus globale prend en compte l'organisation spatiale de ces symboles, organisation elle aussi familière, et qui permet à l'élève d'inférer que le problème posé est celui d'un calcul à faire.

Dans un traitement analytique des données, l'entrée peut se faire par les nombres, le signe opératoire de division, le signe d'égalité.

• Traitement des nombres

a et b sont des entiers naturels connus, ils sont exprimés en base dix, et peuvent être associés à la décomposition, en particulier la décomposition polynomiale propre à la numération de position.

• Traitement du signe de division

C'est le moins familier des symboles en présence, il peut être lu comme un signe d'opération arithmétique associé à la multiplication mais sans que soit disponible un algorithme de calcul spécifique à cette opération de division. L'analyse des données permet de voir en quoi consiste le lien fait entre multiplication et division. S'agit-il d'équivalences ou d'implications? sur quelles implications reposent les inférences96 faites? Les données ne permettent pas de trancher cette question.

96 Il s'agit de la distinction mathématique à faire entre implication A=>B et inférence qui correspond au cas où

A=>B est vrai

séance s divisions a:bdate a b 1 nov 1 990 9 2 1818 9 2 3 2546 2 4 2592 6 3 5 345 23 4 6 720 20 7 426 2 5 8 425 5 9 175 14 6 10 180 15 11 427 7 7 12 4500 150 13 633 3 8 14 8 645 834 2 9 15 35 787 3

Traitement du signe d'égalité

Les travaux de Schubauer-Leoni ont montré que la présence du signe "=" engage un processus dynamique de calcul, le signe d'égalité invite à opérer sur les nombres: il y a activation d'un "schème de calcul". Ici un autre signifiant, la parole du maître, jouera le même rôle et quand bien même rien n'est dit, la présence d'un signe d'opération arithmétique suffit à ce que l'élève interprète la situation comme une situation de calcul à effectuer, donc en termes d'actions à mettre en œuvre.

Trois concepts donc qui, d'entrée de jeu, vont structurer la lecture de la situation, induire l'activité de l'élève. Conformément à la théorie des champs conceptuels ces trois concepts sont constitués à la fois:

- de l'ensemble des situations donnant du sens respectivement à ces trois concepts - des invariants opératoires qui rendent opérationnels les schèmes activés

- de l'ensemble des formes symboliques associées

13.2.2. Classes de situations

Nous l'avons souligné dans les analyses précédentes, deux grandes classes de situations sont identifiables, celle de recherche du quotient, celle de vérification/invalidation d'un quotient (final ou partiel) trouvé. Nous avons vu comment la confusion, du point de vue des invariants identifiés comme pertinents, entre ces deux classes de situations a des conséquences sur la construction des connaissances.

Le point de départ d'une situation de calcul lorsqu'il s'agit de la recherche du quotient, est la donnée de deux nombres et il s'agit d'en trouver un troisième. Il ne s'agit pas ici de division euclidienne qui elle, est en rupture avec les opérations habituelles d'addition, de soustraction et de multiplication puisqu'elle consiste, nous l'avons dit, à associer un couple de deux nouveaux nombres, quotient et reste, à celui proposé, dividende et diviseur. Il y aurait là modification du contrat habituel de calcul. Ici il y a un unique nombre à trouver, nombre qui sera le résultat du calcul, nombre appartenant au domaine du vraisemblable didactique, nombre dont la détermination va demander l'activation de règles d'actions, de règles d'inférences fondées sur celles caractéristiques des situations de calcul habituelles, actions liées à la numération de position et aux algorithmes en vigueur.

Ces caractéristiques concernent par exemple le sens de traitement des nombres, le séquencement fait, l'usage des retenues, l'appui sur un diagramme particulier…

Dans les travaux précédents faits par Brun et Conne, a été montré le caractère adaptatif des conduites apprises. La réutilisation partielle ou totale, d'un algorithme précédemment enseigné et son adaptation à un calcul nouveau ont été mises en évidence dans l'analyse de procédures spontanément mises en œuvre pour des calculs de division97. Il avait alors été souligné comment l'élève initiait son calcul de la droite vers la gauche comme dans un algorithme de multiplication ou comment il traitait les restes intermédiaires comme des retenues. Nous reviendrons sur la question des retenues ultérieurement. Concernant le sens de traitement du nombre, nos données mettent en évidence que deux situations sont à différencier en terme d'action initiale. Si dans la "multiplication mystérieuse" le traitement est bien fait de droite à gauche dans un calcul "chiffre à chiffre" ou par décomposition, il est fait de gauche à droite.

C'est bien en terme de lecture de la situation et de schème initial activé que cette différence se fait. Une lecture qui privilégie le traitement de l'opération induit un traitement de droite à gauche à l'instar des algorithmes de calcul antérieurement étudiés. En effet, nous entendons par traitement de l'opération la transformation de la division pour laquelle il n'y a pas de schème-algorithme disponible en une combinaison d'opérations connues (multiplication, addition ou soustraction): sont alors convoqués, les schèmes-algorithmes correspondants qui tous opèrent sur les nombres de droite à gauche. Dans le cas où la lecture faite de la situation initie non plus un traitement de l'opération mais

une action sur les nombres, ce sont les invariants associés au concept de nombre qui deviennent prédominants et le traitement se fait de gauche à droite.

Existe une deuxième classe de situation, celle de vérification/invalidation du résultat intermédiaire ou final. En effet si dans le premier cas il s'agit de faire correspondre à un couple de nombres entiers (a, b) un élément unique q, les données de la situation de vérification/ invalidation sont différentes. Dans ce cas, à un triplet (a,b,c) de nombres il faut attribuer une valeur de vérité, vrai ou faux. Ensemble de départ et ensemble d'arrivée de ces relations en jeu sont différentes: les données ne sont pas les mêmes, ni le but à atteindre, ni les questions qui se posent.

Dans le premier cas – celui de la recherche du quotient- les interrogations portent sur l'existence, la nature de l'image de chacun des couples travaillés; l'ensemble de définition est à déterminer et fait partie des éléments à questionner dans la construction du concept de division. Autre question, s'agit-il d'une fonction? un couple peut-il être associé à plusieurs images, peut-il y avoir plusieurs quotients pour les mêmes nombres donnés. C'est ce type d'interrogation qui est à l'œuvre, interrogation sur la nature même de la relation quand il s'agit de comparer quotient euclidien et quotient exact ou approché mais non entier.

Dans le cas des situations de vérification/ invalidation, à partir du triplet (dividende, diviseur, quotient), une et une seule valeur de vérité doit être associée au triplet donné. En fait deux cas se présentent. L'élève peut être dans une phase de calcul personnel au cours de laquelle il entre dans la problématique de vérification/ invalidation ce qui lui permet ensuite d'ajuster (ou non) ses actions. Deuxième cas, l'élève dispose d'une liste de résultats fournis par ses pairs, cette liste constitue une nouvelle donnée externe et l'élève entre dans une nouvelle phase puisqu'un accord sera nécessaire à l'intérieur du groupe. Il faut donc à la fois attribuer une valeur de vérité et anticiper une argumentation: il y a là modification du but à atteindre et modification du fonctionnement des connaissances . Cette modification du but, initiée par les conditions didactiques mises en place, va se traduire par des échanges qui porteront soit sur le résultat, soit sur la méthode élaborée pour atteindre ce résultat.

Ces deux situations aux caractéristiques mathématiques différentes activent des schèmes différents; schème de recherche d'un résultat en ce qui concerne la première classe de situations définie, schème de validation/ invalidation en ce qui concerne le deuxième cas. Les invariants en œuvre peuvent être différents, ils peuvent aussi être les mêmes. C'est l'organisation, la hiérarchie des procédures engagées qui n'est plus la même. Pour apparaître comme telle, la vérification doit se différencier de la recherche initiale du résultat. Il s'agit bien, et les analyses faites le montrent, de deux problématiques différentes qui activent des schèmes différents.

Ces deux schèmes sont des sous-schèmes à différencier et coordonner dans le calcul. Ils sont à voir plutôt en tant que schème d'assimilation, c'est-à-dire ne désignant pas une action particulière mais désignant une structure commune aux actions ou aux représentations. La notion de schème avec ce qu'elle implique d'emboîtements entre schèmes et sous - schèmes, de réorganisations permanentes, nous semble rendre compte des imbrications relevées dans la lecture des procédures. Vérifier/invalider émerge en tant que sous-schème dans des situations de calcul du quotient et inversement. A d'autres moments, de par la transformation de la situation et en particulier par la définition d'un nouveau but, c'est en fait une nouvelle classe de situations qui peut être définie autour de ce schème. Dans les deux cas les connaissances opératoires ne sont pas nécessairement les mêmes.