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CHAPITRE 1 - CONTEXTE THÉORIQUE

III. RÉÉDUCATION COGNITIVE

4. Rééducation spécifique de la compétence de conduite automobile (approche fonctionnelle et/ou

4.8 Training physique

Le dernier type d’entraînement abordé concerne une approche bien différente des précédentes puisqu’il s’agit d’une intervention ciblée sur la kinésithérapie.

McCoy et al. (1993) font partie des premiers chercheurs à s’être intéressés au training physique avec un objectif d’amélioration de la sécurité routière de personnes âgées de 65 à 88 ans (N=105). Les personnes âgées bénéficiaient d’une intervention kinésithérapique et étaient évaluées au début de l’entraînement et un an après lors d’un test sur route effectué par un inspecteur du permis de conduire. Les résultats ont montré une amélioration au test sur route. Par conséquent, un training se basant sur des exercices physiques peut améliorer la performance de conduite.

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Plus de dix ans après, Marottoli et al. (Marottoli, et al., 2007a) ont utilisé un training physique multi-composantes qui ciblait les habiletés physiques pertinentes pour la sécurité routière, avec pour objectif d’améliorer la performance de conduite des personnes âgées de plus de 70 ans (N=178). Un groupe expérimental a bénéficié de trois mois de rééducation dispensée par un kinésithérapeute. Le professionnel rendait visite une fois par semaine au participant, qui devait effectuer les exercices de manière quotidienne. Le programme d’entraînement était constitué d’exercices ciblant trois domaines : (1) le conditionnement de l’axiale et des extrémités (flexion et extension des cervicales, des épaules, des genoux et des chevilles ; rotation du tronc et de l’axiale), (2) la coordination / dextérité des extrémités supérieures et la puissance des mains, et (3) les anomalies de la démarche et des pieds. Chaque exercice durait quinze minutes, les participants âgés devaient les effectuer seuls, tous les jours pendant douze semaines et une fois par semaine avec le kinésithérapeute. Le groupe contrôle, quant à lui, ne bénéficiait d’aucun entraînement. Les participants étaient évalués sur route réelle, avant et après le training physique. Les performances étaient mesurées par un ergothérapeute à l’aide d’un questionnaire à 36 items et par un moniteur d’auto-école qui donnait une réponse finale sur une échelle en quatre points : pas de problème de conduite, problèmes mineurs, problèmes modérés et problèmes majeurs. Les résultats ont montré que le groupe expérimental (training physique) n’améliorait pas forcément ses performances de conduite entre le pré et post-test, mais maintenait le niveau baseline trois mois après l’intervention, alors que l’on observait chez le groupe contrôle (sans training) un déclin des performances à trois mois. Selon les auteurs, la compétence de conduite diminuerait au cours du vieillissement normal mais pourrait se stabiliser grâce à un entraînement kinésithérapique. Ils concluent cependant, que pour avoir une vraie valeur ajoutée à cette recherche, il faudrait s’intéresser au bénéfice que pourrait avoir une telle intervention sur le risque d’accident de la route. On est donc en mesure de se demander si le transfert de l’apprentissage obtenu sur route peut avoir un impact bénéfique sur l’épidémiologie des accidents.

Synthèse sur la rééducation de la compétence de conduite

Il existe un large choix de techniques permettant d’entraîner la compétence de conduite automobile. La question qui se pose alors est de savoir quelle est la meilleure méthode. Quelle méthode permettra d’améliorer la connaissance routière, les aptitudes sur route, ou bien encore de diminuer l’accidentologie routière ?

Chacune des techniques utilisées a pu aboutir à un bénéfice différent : (1) un training perceptif permet d’améliorer la performance de conduite sur route réelle de patients cérébro-lésés lorsqu’il s’agit de tests papier-crayon, contrairement à l’utilisation d’un outil informatique (Dynavision), (2) un training avec l’UFOVpermet d’améliorer la performance de conduite sur route seulement lorsqu’il s’adresse à des personnes âgées, et non pour des patients avec accident vasculaire cérébral, (3) un training attentionnel sur ordinateur serait bénéfique pour des personnes âgées, permettant d’améliorer leur capacité de conduite sur simulateur, (4) un training sur simulateur de conduite permettrait d’améliorer la compétence de conduite sur simulateur et sur route des personnes âgées et des patients avec accident vasculaire cérébral, (5) un training avec un petit véhicule électrique ne fonctionne que s’il inclut une dimension attentionnelle aux exercices de conduite et permet d’améliorer le score de patients traumatisés crâniens à un test sur route, (6) un training sur route, combiné à un training éducationnel, permet d’améliorer la sécurité de conduite sur route des personnes âgées, (7) une intervention éducationnelle aboutit à une meilleure perception et conscience du risque en conduite automobile des personnes âgées, et (8) un training physique semble utile

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pour améliorer les conditions de conduite des personnes âgées et ainsi améliorer leurs performances de conduite.

Au regard de ces données de littérature, le simulateur de conduite apparaît particulièrement pertinent pour l’entraînement de la compétence de conduite. Il semble être plus efficace que d’autres types de training (comme par exemple l’UFOV, Roenker, et al., 2003), et ce pour plusieurs raisons. D’une part parce que son effet ne se limite pas à une seule population (Akinwuntan, et al., 2005b; Roenker, et al., 2003), d’autre part il semble faciliter le transfert, et enfin l’effet perdure à six mois (pour des patients avec accident vasculaire cérébral, Akinwuntan, et al., 2005b).

Pour résumer, la combinaison de deux trainings (éducationnel et sur route) ou la combinaison de deux approches (restauratrice et fonctionnelle lors d’un training unique sur simulateur de conduite) semble être efficace et améliorer respectivement la compétence de conduite des personnes âgées et des patients céréro-lésés. En revanche, les trainings basés sur un fondement purement fonctionnel, ne permettraient pas d’améliorer la performance des participants à un test sur route. En effet, le training avec un véhicule motorisé ne fonctionne pas, excepté lorsque les exercices utilisés endossent une dimension cognitive (attentionnelle dans l’étude de Kewman et al., 1985). De même, un training purement cognitif (sans inclure le contexte de la conduite), avec utilisation de l’UFOV par exemple, ne permettrait pas non plus d’obtenir l’amélioration escomptée sur route réelle (pour des patients cérébro-lésés).

Dans le cadre d’une rééducation des habiletés de conduite (approche fonctionnelle), il semble donc important de ne pas négliger le type de population visée lors de la construction du programme d’entraînement. En effet, un training conçu pour un groupe de patients cérébro-lésés n’aura peut-être pas les mêmes exigences cognitives qu’un training conçu pour une population sans lésion cérébrale, lorsqu’il s’agit d’une rééducation visant l’amélioration de la compétence de conduite automobile. Cependant, cette distinction entre les populations est moins évidente lorsque les chercheurs optent pour une rééducation à visée restauratrice, et plus précisément attentionnelle. Ainsi, un même type d’entraînement attentionnel pourrait être bénéfique à deux populations différentes.

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Tableau 4. Récapitulatif des études portant sur la rééducation de la compétence de conduite (approche fonctionnelle et/ou restauratrice)

Etude Population Training Evaluation Résultats

TRAINING VISUO-PERCEPTIF OU VISUEL Sivak et al.

(1984)

Cérébro-lésés (N=8) - 8 à 10h (5 à 9 sessions) - Tests papier-crayon entraînant les processus perceptifs : scanning visuel, mouvement du regard, perception, discrimination spatiale, différenciation figure-fond, imagerie visuelle, capacités attentionnelles…

-Tests neuropsychologiques standardisés évaluant les processus visuo-perceptifs

- Évaluation sur route réelle - Pré-test et post-test

- Amélioration aux tests perceptifs - Amélioration au test sur route

- Corrélation entre le degré d’amélioration des tests perceptifs et le degré d’amélioration du test sur route

Crotty & George (2009)

AVC (N=26) - 12h

- 6 semaines, 3 sessions de 40 minutes par semaine

- Outil informatisé : Dynavision

- Groupe expérimental : training Dynavision - Groupe contrôle : pas de training

- Baseline : TR informatisé, tâche de balayage visuel

- Outcomes : baseline + test de conduite sur route

- Pas d’amélioration aux tests visuels - Pas de différence entre les groupes à l’évaluation sur route

TRAINING AVEC UFOV Mazer et al.

(2003)

AVC (N=97) - 10 à 20h

- 20 sessions de 30 à 60 min. - 2 à 4 sessions par semaine - Groupe expérimental : UFOV

- Groupe contrôle : training visuo-perceptif sur ordinateur

- Baseline : tests neuropsychologiques standardisés visuo-perceptifs et attentionnels, 3 tâches UFOV (vitesse de traitement, attention divisée et attention sélective)

- Outcomes : Baseline + test sur route

- Pas de différence entre les groupes aux tests neuropsychologiques et au test sur route - Amélioration plus importante pour le groupe expérimental aux tâches UFOV

Roenker et al. (2003) -Personnes âgées de 55 à 86 ans (N=95) - Réduction du champ visuel - 4 à 5h

- Groupe expérimental : UFOV (tâche vitesse de traitement), 1 session de 4 à 5h - Groupe contrôle : training sur simulateur de conduite (type éducationnel), 2 sessions de 2h

- Test UFOV

- Test sur simulateur (TR simple et à choix)

- Test sur route réelle

- Pré-test, post-test et follow-up (à 18 mois)

- Amélioration au test UFOV pour le groupe expérimental en post-test et en follow-up - Amélioration au test sur simulateur pour les 2 groupes

- Amélioration test sur route pour les 2 groupes  + importante pour le groupe contrôle effet durable pour groupe expérimental

TRAINING SUR ORDINATEUR Sivak, Hill &

Olson (1984)

Cérébro-lésés (N=4) - 10h : 6 sessions, 2 semaines - Training perceptif sur ordinateur : tâche de recherche visuelle, balayage visuel, poursuite visuelle, discrimination…

- Tests neuropsychologiques standardisés mesurant les capacités perceptives

- Pré-test et post-test

- Amélioration aux tests perceptifs  Limites : pas de test sur route

112 Cassavaugh & Kramer (2009) Personnes âgées d’environ 71 ans (N=21) - 12h : 8 sessions de 90 min.

- Training attentionnel sur ordinateur : poursuite de cibles, attention sélective, tâche de N-back, 2 double tâches

- Évaluation sur simulateur de conduite : tâche de poursuite, de mémoire visuelle, de surveillance et 2 doubles tâches

- Pré-test et post-test

- Analyse de régression

- Facteurs permettant de prédire la performance de conduite sur simulateur : la performance sur simulateur en pré-test, la performance sur ordinateur de la 1ère session de training, et l’amélioration entre la 1ère session de training et la dernière

 Transfert de l’apprentissage d’un ordinateur à un simulateur

TRAINING SUR SIMULATEUR DE CONDUITE Javobs et al. (1997) Personnes âgées de + de 55 ans (N=21)

- Simulateur de conduite sans interactivité, visionnage de films

- Groupe expérimental : visionnage de 4 films sur simulateur + conduite de 2h sur simulateur

- Groupe intermédiaire : visionnage de 2 films en classe

- Groupe contrôle : pas de training

- Outcomes : évaluation sur route réelle

1 mois après le training - Groupe expérimental meilleur que les 2 autres groupes au test sur route - Limites : pas de baseline (pré-test)

-Akinwuntan et al. (2005b) -Devos et al. (2009) - Devos et al. (In Press)

AVC (N=83) - 15h : 3 sessions d’1h par semaine, 5 semaines

- Groupe expérimental : training cognitif sur simulateur

- Groupe contrôle : training cognitif avec des jeux commercialisés

- Tests neuropsychologiques

standardisés (UFOV, batterie SDSA…) - Test sur route (TRIP)

- Test sur simulateur - Pré-test et post-test

- Follow-up (à 6mois et à 5 ans) pour le test sur route

- Amélioration aux tests neuropsychologiques pour les 2 groupes

- Amélioration au test simulateur pour le groupe expérimental

- Amélioration au test sur route pour les 2 groupes

- Amélioration à 6 mois au test sur route + grande pour le groupe expérimental

- Différence due aux items visuo-intégratifs et tourne-à-gauche

- Pas de différence 5 ans après

TRAINING MOTEUR AVEC VÉHICULE ÉLECTRIQUE MOTORISÉ Kewman et al.

(1985)

TC (N=24) - 16h : 8 sessions de 2h

- Groupe expérimental : training sur véhicule AMIGO + exercices spécifiques mettant en jeu l’attention

- Groupe contrôle : conduite de AMIGO sans exercice + cours sur la sécurité routière

- Test sur route réelle

- Pré-test et post-test - Amélioration du groupe expérimental au cours du training (baisse du TR) - Amélioration au test sur route pour le groupe expérimental

 Implication importante de la dimension attentionnelle dans un training moteur

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TRAINING SUR ROUTE Marottoli et al. (2007) Personnes âgées de + de 70 ans (N=126)

- Groupe expérimental : training sur route avec 2 sessions de 1h sur les habiletés de conduite (contrôle de la vitesse, distance de sécurité, respect de la signalisation..) +

training éducationnel avec 2 sessions de 4h

- Groupe contrôle : modules d’enseignement sur la sécurité en générale

- Test de connaissance sur la conduite automobile

- Test sur route

- Pré-test et follow-up (à 2 mois)

- Amélioration + importante du groupe

expérimental pour le test de connaissance et le test sur route

Bédard et al. (2008) Personnes âgées de + de 65 ans (N=75)

- Groupe expérimental : training sur route avec 2 sessions de 30 à 40 min. + training éducationnel avec 2 sessions de 3 à 4h - Groupe contrôle : pas de training

- QCM sur les connaissances des règles de sécurité routière - Test sur route

- Pré-test et post-test

- Amélioration + importante su groupe expérimental pour le QCM et le test sur route - Diminution des erreurs de déplacement sur la chaussée

 Amélioration du niveau tactique et stratégique

INTERVENTION ÉDUCATIONNELLE Owsley et al. (2003) -Personnes âgées de + de 60 ans (N=365) -troubles visuels -accident de la route

- Groupe expérimental : intervention éducationnelle avec 2 sessions : discussion de l’impact des troubles visuels sur l’aptitude à la conduite, puis consolidation de la discussion (1mois après)

- Groupe contrôle : pas de training

- Questionnaire par téléphone sur le comportement routier des participants - Pré-test et follow-up (à 6 mois)

- Le groupe expérimental admet mieux ses troubles visuels en post-test (pas le groupe contrôle)

- De plus, il admet que ces troubles peuvent impacter la conduite

 Auto-régulation des comportements de conduite TRAINING PHYSIQUE McCoy et al. (1993) Personnes âgées de + de 65 ans (N=105) 4 types d’intervention : - training perceptif - training éducationnel - amélioration de la signalisation - training kinésithérapique

- Test sur route

- Pré-test et post-test - Amélioration au test sur route pour les 4 trainings

 Efficacité du training physique

Marottoli et al. (2007) Personnes âgées de + de 70 ans (N=178)

- Groupe expérimental : 3 mois de training kinésithérapique, séance quotidienne - Groupe contrôle : pas de training

- Test sur route

- Pré-test et follow-up (à 3 mois) - Pas d’amélioration en follow-up pour les 2 groupes

- Maintien du niveau baseline pour le groupe expérimental

- Déclin des performances pour le groupe contrôle

La performance de conduite sur route diminuerait au cours du vieillissement normal, mais pourrait se stabiliser grâce à un

entraînement kinésithérapique

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