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CHAPITRE 3 : MÉTHODOLOGIE

II. MATÉRIEL ET MÉTHODE

2. Training attentionnel

2.4 Training avec simulateur de conduite

Une fois le modèle attentionnel choisi (Van Zomeren & Brouwer, 1994), les conditions expérimentales spécifiques à chaque scénario ont été clarifiées. C’est ce que l’on nomme « l’étape de conceptualisation des scénarios ». Ensuite, le développement informatique a permis de concrétiser les scénarios. Quatre scénarios attentionnels distincts (dix minutes chacun) ont été programmés pour être « joués » sur le simulateur de conduite (cf. annexe 16 : Consignes de passation). Nous détaillerons donc dans cette section de chapitre chaque scénario du training (étape de conceptualisation), puis nous verrons les caractéristiques principales de la programmation informatique (étape de développement).

a) Alerte phasique

L’alerte phasique réfère à la capacité de se préparer à l’action grâce à la prise en considération d’un stimulus avertisseur. Le scénario d’alerte phasique était scindé en deux parties : une première partie sans stimulus avertisseur et une deuxième partie où le participant était prévenu de la survenue de l’obstacle via un signal visuel (Figure 4).

Lors du scénario d’alerte phasique, le participant était confronté à des obstacles qui surgissaient brusquement sur la route. Sa tâche consistait à réagir le plus rapidement possible en appuyant sur la pédale de frein dès l’apparition de l’obstacle. Un triangle rouge apparaissait au centre de l’écran pour alerter le participant de la survenue imminente d’un danger (obstacle).

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Sur la Figure 4, la vue de gauche représente la condition sans avertisseur au cours de laquelle le participant devait freiner à l’apparition de l’objet (carton, par exemple). La vue de droite représente la condition avec avertisseur lors de laquelle un triangle rouge apparaissait juste avant la survenue du carton.

Caractéristiques du scénario d’alerte phasique :

 Nombre de parties : deux parties : condition sans avertisseur visuel et condition avec avertisseur (triangle). Chaque partie durait 5 minutes, soit 10 minutes au total.

 Type de route : 2*2 voies sur autoroute (limitée à 110 km/h), impliquant une certaine pression temporelle.

 Trafic : pas de trafic sur la voie du sujet, ni sur la voie opposée

 Vitesse de conduite : on demandait au sujet de maintenir la vitesse aux alentours de 80km/h pour éviter un ralentissement du véhicule qui aurait pu entraîner une apparition plus longue de l’obstacle.

 L’avertisseur : il était visuel et non sonore pour être au plus près d’une situation réelle de conduite et donc favoriser la transférabilité. Il s’agissait d’un triangle rouge de danger, placé au milieu de l’écran en bas (sur la route). L’amorce disparaissait toute seule et son temps d’apparition était d’une demi seconde.

 Temps d’alerte (=délai entre avertisseur et obstacle) : l’état de préparation optimale se situe entre 500 et 800 ms (Leclercq & Zimmermann, 2000). Ainsi, nous avons décidé de faire varier aléatoirement le temps d’alerte selon 5 modalités : 100ms, 300ms, 500ms, 1000ms, et 1500ms. La randomisation du temps d’alerte était effectuée en intra-bloc. Chaque essai avait donc un temps d’amorce différent par rapport au précédent.

 Les obstacles : les mêmes obstacles ont été utilisés pour les deux parties et présentés de manière aléatoire. Ils surgissaient au milieu de l’écran et apparaissaient 20 mètres devant le véhicule du participant. Tous les obstacles étaient des objets statiques afin d’éviter tout contenu émotionnel (pas de piétons ou d’animaux par exemple). Les obstacles d’une même série avaient tous la même saillance (même couleur et même taille). Cinq séries de quatre obstacles ont été créées pour varier les sessions de training (cf. annexe 17). Les obstacles restaient sur la route jusqu’à ce que le participant réponde (appui sur le frein) ou dépasse l’obstacle.

 Nombre d’essais : 5 essais pour chacune des modalités du temps d’amorce, soit 25 essais au total.

 Intervalle Inter-Stimuli (ISI) : dans la première partie sans avertisseur l’ISI correspond à l’intervalle entre les différents obstacles à éviter. Il est variable pour éviter l’automatisation de la réponse (10±3sec). Dans la deuxième partie avec avertisseur, il correspond à l’intervalle entre l’obstacle et l’amorce qui suit. Il est fixe (10 sec) étant donné qu’il y a déjà une variabilité du temps d’amorce.

 Neuf sessions différentes : les obstacles diffèrent d’une session à une autre.

 Difficulté de la tâche : elle est conditionnée par le changement du temps d’amorce.

 Paradigme expérimental : Il s’agit d’un paradigme de type événementiel : dans la partie A, les événements sont espacés par des ISI de durées variables et dans la partie B par des intervalles longs et constants (Figure 5).

 Variable dépendante : TR (en ms) calculé entre l’apparition de l’obstacle et l’appui sur la pédale de frein (d’au moins 25%).

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Figure 5. Paradigme expérimental de la tâche d’alerte phasique

b) Vigilance

Selon Parasuraman et al. (1998) il est possible d’observer des fluctuations de la vigilance en cinq minutes sous certaines conditions strictes. La condition indispensable serait la dégradation de l’image (Nuechterlein, et al., 1983). Le scénario de vigilance sur simulateur de conduite respectait cette condition, le stimulus cible étant difficilement perceptible. Le déclin de la vigilance (decrement vigilance) peut être mesuré de deux façons : par un déclin dans le temps du taux de détection de cible, ou par une augmentation des temps de réponse pour la détection de cette cible (Parasuraman et al., 1998). Ainsi, nous avons pris comme variables dépendantes le nombre d’omissions et le temps de réponse.

Dans le scénario de vigilance, le participant conduisait sur une route assez monotone, le trafic était faible et l’intervalle inter-véhicule était stable, de façon à renforcer la monotonie de la tâche. Il était au volant du simulateur et suivait une voiture qui parfois freinait et reprenait ensuite une allure normale. Le participant avait son pied sur l’accélérateur comme position de base et sa tâche consistait à donner un appui sur la pédale de frein le plus rapidement possible lorsque le véhicule placé devant freinait (Figure 6 vue de droite). Il s’agissait d’une situation de temps de réaction dynamique puisque le participant devait rouler et suivre un véhicule qui se déplaçait à la même vitesse que lui. Le faible éclairage des feux arrière s’éteignait à la réponse du participant via l’appui sur la pédale.

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Figure 6. Vues de la tâche de vigilance sur simulateur

Dans la Figure 6

,

les feux du véhicule sont allumés sur la vue de droite et éteints sur la vue de gauche.

Caractéristiques du scénario de vigilance :

 Nombre de parties : une seule partie de 10 minutes.  Type de route : 2*1 voie, milieu rural (limité à 90km).

 Trafic : une seule voiture sur la même voie, placée à 50 mètres devant le propre véhicule du participant. Il s’agissait d’un véhicule asservi, c'est-à-dire qu’il roulait à la même allure que la voiture du participant (il est donc impossible de le doubler).

 Vitesse de conduite : pas d’instruction particulière.

 Frein : l’essai était considéré comme réussi lorsqu’on enregistrait un appui d’au moins 25% sur la pédale de frein.

 Nombre d’essais : il y avait 12 stimuli au total (+ 2 essais), le participant devait donc seulement freiner 12 fois.

 ISI : l’intervalle inter-stimuli correspondait au délai entre les différents coups de frein de la voiture. Il était variable (40, 50 ou 60 secondes) et réparti selon un ordre aléatoire.  Neuf sessions différentes : le décor et les voitures différaient d’une session à une autre.  Difficulté de la tâche : la difficulté résidait dans la monotonie de la tâche à effectuer mais

la tâche ne comportait pas plusieurs niveaux de difficulté.

 Variable dépendante : TR (en ms) calculé entre le moment où la voiture de devant freinait et l’appui sur la pédale de frein du participant.

c) Attention sélective

L’attention sélective est la capacité à sélectionner l’information pertinente pour la tâche parmi toutes les informations disponibles dans l’environnement. La tâche d’attention sélective sur simulateur de conduite consistait alors à détecter un panneau cible parmi des panneaux distracteurs éparpillés dans l’environnement. Ce scénario comprenait un décor principalement urbain puisque la tâche portait sur des panneaux de signalisation. Sur la partie centrale supérieure de l’écran (à gauche du rétroviseur central), un emplacement stable était dédié à une image : celle d’un panneau routier dit « cible » ou « modèle ». Il s’agissait de détecter ce panneau dans l’environnement routier. Le participant conduisait le simulateur et se trouvait confronté régulièrement à deux panneaux routiers positionnés de chaque côté de la route. Les panneaux pouvaient être simples ou triples. (Figure 7).

À l’approche des panneaux, la cible apparaissait en haut de l’écran et la tâche consistait à la repérer dans l’environnement. Autrement dit, le participant devait regarder

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l’information pertinente (le modèle) puis observer l’environnement routier afin d’identifier si un des deux panneaux correspondait à l’identique au modèle. Il devait répondre à la question : « la cible était-elle présente ? » et indiquer la position du panneau-cible sur l’écran (« non », « oui droite », ou « oui gauche »). Le panneau-modèle restait affiché à l’écran pendant la durée d’apparition des autres panneaux. De nouveaux apparaissaient ensuite à l’écran avec une nouvelle cible.

Figure 7. Vues de la tâche d’attention sélective sur simulateur Caractéristiques du scénario d’attention sélective :

 Nombre de parties : une seule partie de 10 minutes.

 Type de route : 2*2 voies, sur autoroute (limitée à 110km/h).

 Trafic : il n’y avait volontairement aucun trafic puisque l’objectif était de tester la distraction provenant des panneaux distracteurs et non d’éventuels véhicules rencontrés.  Vitesse de conduite : le participant devait rouler à environ 70km/h afin d’induire une

pression temporelle et surtout éviter qu’il s’arrête devant les panneaux pour faciliter sa réponse. De plus, le véhicule était bridé à 80km/h de façon à uniformiser la vitesse entre les participants.

 Panneaux de l’environnement : ils étaient positionnés de chaque côté de la route (apparition aléatoire) et à la même distance : 50 mètres devant le véhicule piloté. Il y avait deux variables avec deux modalités chacune :

 Nombre de panneaux de l’environnement : deux ou six (saillance faible/forte)  Similarité des distracteurs avec la cible : ressemblance ou dissimilarité

 Cible (= panneau-modèle) : il s’agissait de panneaux créés sans poteau qui changeaient à chaque essai. Le panneau-modèle se situait à un emplacement précis (rétroviseur), lieu de regard habituel d’un conducteur. Il apparaissait 4 secondes après l’apparition des panneaux de l’environnement, pendant 3 secondes. La cible apparaissait à droite pour la moitié des essais et à gauche pour l’autre moitié. Il y avait une variable avec deux modalités : cible présente ou absente.

Remarque : lorsque la cible était présente, les distracteurs étaient toujours dissimilaires pour avoir une certitude quant à la justesse de leurs réponses. En effet, une réponse positive n’aurait pas permis de déterminer s’ils avaient vu la cible ou le distracteur similaire.

 Nombre d’essais : 20 essais avec présence de la cible et 40 essais avec absence de cible.  ISI : correspond à l’intervalle entre la fin d’apparition des panneaux de l’environnement et

l’apparition du modèle-cible suivant : il est de 10 secondes.

Neuf sessions différentes : changement des panneaux-modèles et des panneaux de l’environnement d’une session à une autre.

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 Difficulté de la tâche : variation du niveau de difficulté en fonction de la saillance de la cible et de la similarité de la cible avec le distracteur.

 Variables dépendantes : lenombre d’erreurs (omissions et confusions) était comptabilisé, ainsi quelesTR (en ms) calculés entre l’apparition des panneaux et la réponse verbale du sujet (enregistrement de la réponse orale à l’aide du micro-casque).

d) Attention divisée

L’attention divisée réfère à la capacité à allouer des ressources attentionnelles à deux tâches simultanément. Pour rééduquer l’attention divisée, nous avons donc choisi deux tâches :

 Une tâche de contrôle de trajectoire inspirée d’une étude de Brouwer et al. (1989) qui considèrent que le contrôle du véhicule lors de rafales de vent requiert une partie des ressources attentionnelles. Lors du scénario d’attention divisée, les effets d’un vent latéral ont donc été simulés sur la direction du simulateur de conduite.

 Une tâche de calcul mental.

Tout d’abord, les participants devaient réaliser la tâche de contrôle de trajectoire seule. Ensuite, cette même tâche était réalisée simultanément à la tâche de calcul mental. La simple tâche consistait à maintenir la trajectoire du véhicule et à rester le plus possible dans sa voie en évitant de franchir la ligne blanche de droite ou de gauche (Figure 8). En double tâche, un chiffre de départ était donné au participant auquel il devait soustraire ou additionner d’autres chiffres durant toute la durée de l’épreuve. La tâche de conduite avait donc un niveau de charge changeant (intervention de différentes intensités du vent) tandis que la tâche verbale avait un niveau de charge constant.

Figure 8. Vue du contexte routier de la tâche d’attention divisée sur simulateur Caractéristiques du scénario d’attention divisée :

 Nombre de parties : deux parties : condition de simple tâche (tâche de conduite seule) et condition de double tâche (conduite + tâche de calcul). Chaque partie durait 5 minutes, soit 10 minutes au total.

 Type de route : 2*1 voie, milieu rural (limité à 90km).

 Trafic : trafic continu sur la voie opposée et trafic asservi sur la voie du participant (véhicule qui roule à la même vitesse que le participant).

 Vitesse de conduite : aucune vitesse particulière n’était imposée.

 Intervention du vent : le vent se ressentait au niveau visuel (déviation du véhicule) ainsi qu’au niveau physique avec un retour de force sur le volant. La durée d’intervention du vent était de 10 secondes, suivies de 5 secondes sans vent (avant le lancement de l’essai

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suivant). Il y avait trois intensités concernant l’intervention du vent : vent faible, modéré ou fort et deux latéralités concernant la provenance du vent :

 Vent faible : degré de 20°, 5 essais avec vent gauche et 5 essais vent droit  Vent modéré : degré de 35°, 5 essais avec vent gauche et 5 essais vent droit  Vent fort : degré de 45°, 5 essais avec vent gauche et 5 essais vent droit

 Double tâche (calcul mental) : le chiffre de départ était donné oralement par l’expérimentateur, puis la tâche consistait à additionner ou soustraire des chiffres pendant la durée de conduite (5min). Les chiffres utilisés allaient de -7 à +7 et s’enchaînaient de manière aléatoire (cf. annexe 18 : Exemple de tâche de calcul mental).

 Nombre d’essais : 10 essais pour chaque intensité de vent, soit 30 essais au total.  ISI : 10 secondes

 Neuf sessions différentes : la randomisation de l’intensité et de la latéralité du vent, le trafic, et le décor changeaient à chaque session.

Difficulté de la tâche : les différents niveaux de difficulté dépendaient de la force du vent.  Variables dépendantes :

 Maîtrise de la trajectoire : calcul du nombre de franchissements de la ligne médiane (ligne de gauche) et de la ligne de droite. La déviation standard du véhicule était aussi calculée.

 Vitesse de conduite : vitesse en km/h en simple et double tâche. e) Caractéristiques de la programmation informatique

Le développement informatique a suivi le développement conceptuel des scénarios. A l’aide des logiciels Archisim et Sim2 développés par l’INRETS, des scénarios de conduite ont pu être créés pour répondre spécifiquement à l’enjeu de la rééducation attentionnelle. C’est en fonction des limites des logiciels de programmation et d’après nos connaissances conceptuelles que nous avons pu mettre en œuvre nos choix méthodologiques grâce au logiciel informatique.

Avant d’écrire les scénarios, nous avons dû concevoir le circuit virtuel sur lequel les conducteurs allaient se déplacer. La géométrie de la route a été tracée, puis un certain nombre de caractéristiques ont été précisées : le type de route (autoroute, nationale…), le type d’intersection (en forme de T, de Y, de croix, de rond-point…), le choix du décor (arbres, maisons, animaux, véhicules…) et le choix des panneaux routiers. Une fois la route créée, nous nous sommes concentrés sur l’écriture des scripts (scénarios). Un scénario d’expérimentation est un ensemble d’essais se déroulant de manière successive et défini par des instructions. L’unique méthode permettant de créer un scénario est donc d’écrire un code source dans un fichier ASCII. Le langage de scénario Archisim est fondé sur les notions d’instructions, de procédures, de fonctions et de variables. Un scénario comprenait alors plusieurs essais, comprenant eux-mêmes plusieurs instructions. Les instructions faisaient appel à de multiples conditions de déclenchement et d’actions : liées au trafic, à la trajectoire, à la cabine (au véhicule piloté), relatives au temps, relatives à une action sur un bouton, etc.

Le lancement d’une simulation se faisait avec le programme Dr2 qui charge le code spécifique au scénario et attend la connexion avec une restitution visuelle. Il s’agit d’un modèle de simulation de trafic qui intègre la possibilité de gérer des véhicules autonomes et des véhicules asservis dont le comportement est défini dans les scripts. Pour avoir une représentation visuelle en deux dimensions, il faut lancer le programme Sim2 qui permet de conduire le simulateur dans le contexte paramétré au préalable dans le code du scénario. L’usage conjoint de ces deux logiciels et d’un dispositif de pilotage d’un véhicule virtuel (manette de jeu, cabine de pilotage…) permet d’obtenir une simulation de conduite.

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Enfin, une période de développement a suivi. C’est lors de cette dernière étape que nous avons pu concrétiser les scénarios et les tester pour la première fois. Le développement en tant que cycle dynamique permet de vérifier le bon fonctionnement des scénarios de conduite créés sur ordinateur, en les faisant « jouer » sur le simulateur de conduite pour en avoir une représentation visuelle. En effet, lors de la conception des scénarios, il s’agit d’une écriture codée qui ne permet pas d’avoir accès à une image, c’est donc seulement à la fin de l’écriture d’un scénario qu’il est possible de vérifier sur simulateur de conduite, si l’image visualisée correspond bien à l’image attendue. À l’issue de la première visualisation, le scénario est toujours perfectible. S’installe alors une boucle de modification-revisualisation qui permet d’atteindre au plus près l’objectif de départ décrit lors de la conceptualisation des scénarios. Dans un contexte de simulation, ce sont les paramétrages du script qui vont être modifiés au cours de la phase de test. Il s’agit d’une phase de « pré-manips » durant laquelle des participants ont été inclus avec pour objectif le calibrage des scénarios de simulation. (cf. annexe 19 : Architecture du simulateur)