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CHAPITRE 4 : RÉSULTATS

III. ANALYSES INDIVIDUELLES ET CHRONOLOGIQUES DES PERFORMANCES AU TRAINING CHEZ LES

1. Training sur simulateur de conduite

1.1 Patient 1

La patiente 1 est une femme de 25 ans, victime d’un accident de la route en 2010. Elle a subi un traumatisme crânien grave (GCS=6) avec des lésions temporo-occipito-pariétales gauches. Elle a effectué l’évaluation pré-training 10 mois après son traumatisme.

a) Tâche d’alerte phasique

Dans un premier temps, nous rappelons que la tâche d’alerte phasique était scindée en deux parties de cinq minutes, la première consistait à réagir à l’apparition soudaine de l’obstacle sans qu’il soit prévenu, alors que dans la deuxième partie, les participants étaient prévenus de la survenue de l’obstacle par un avertisseur visuel (triangle rouge), censé faciliter la réaction. Dans le cas où le patient réagissait au stimulus avertisseur au lieu de réagir à l’apparition de l’obstacle, ses temps de réponse n’étaient pas enregistrés. La Figure 20 permet de comparer les temps de réponse moyens du patient 1 obtenus à la tâche d’alerte phasique dans deux conditions expérimentales : avec et sans avertisseur visuel.

Figure 20 : Evolution du temps de réponse moyen selon la condition expérimentale (Patient 1) Nous avons effectué une analyse de la variance (ANOVA) à deux facteurs indépendants pour voir si il y avait un effet de la condition expérimentale (avec ou sans avertisseur) et/ou un effet des séances de training (avec 9 modalités) sur les temps de réponse. Enfin, l’ANOVA nous a permis de vérifier s’il n’y avait pas d’interaction entre ces deux facteurs. Les résultats ont révélé un effet significatif de la condition expérimentale (F(1,17)=141.99 ; p<.001). La patiente est plus rapide pour freiner dans la condition avec stimulus avertisseur (TR moyen : 581.32 ± 242.97 ms) en comparaison avec la condition sans avertisseur visuel (TR moyen : 777.88 ± 252.47 ms) toute sessions confondues.

Ensuite, on note un effet de la variable session sur les temps de réponse (F(8,17)=44.11 ; p<.001). L’analyse post-hoc avec le test Bonferroni montre que les temps de réponse de la première session diffèrent de manière statistiquement significative des temps de réponse de toutes les autres sessions de training (par exemple S1=1185 ± 443 ms ; S3=524.19

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± 150.41 ms ; p<.001) quelle que soit la condition expérimentale. Cependant, cette chute des temps de réponse est surtout prononcée entre S1 et S2 puisque la deuxième séance diffère seulement avec la dernière et non avec les sessions intermédiaires (S2=596.19 ± 233.80 ms ; S9=759 ± 105.5 ms ; p<.050). Cette amélioration des temps de réponse tend ensuite à se stabiliser. Enfin, on observe une différence significative entre la dernière session de training et toutes les autres (à l’exception de S8). Les temps de réponse du patient 1 sont plus élevés en dernière session si on les compare aux sessions qui la précèdent, à l’exception de la première session.

Aucune interaction n’a pu être observée entre ces deux facteurs, démontrant un pattern d’évolution des temps de réponse statistiquement similaires lors de la condition avec ou sans avertisseur. La patiente 1 se sert autant du stimulus avertisseur lors de S1 que de S9.

Dans la condition avec avertisseur visuel, une autre variable a été prise en compte, il s’agit du temps d’alerte, autrement dit du temps entre l’apparition du stimulus avertisseur et l’apparition du stimulus-cible. Nous avons fait varier le temps d’alerte entre les essais expérimentaux, cette variable pouvait prendre cinq valeurs : 100 ms, 300 ms, 500 ms, 1seconde ou 1.5 seconde. Une ANOVA à un facteur a été réalisée pour analyser les temps de réponse. Étant donné que le facteur analysé (temps d’alerte) comprenait plus de deux modalités, le tde Student ne pouvait s’appliquer. L’analyse n’a montré aucun effet du facteur temps d’alerte sur les temps de réponse à la tâche d’alerte phasique (F(4,43)=0.76 ; p=.558). Ainsi, le changement du temps d’alerte (court ou long) n’a pas eu d’influence sur les performances du patient 1.

Pour résumer, cette patiente semble utiliser l’avertisseur visuel comme un indice lui permettant de répondre plus rapidement dans la condition avec avertisseur par rapport à la condition sans avertisseur. L’alerte phasique serait alors préservée chez cette patiente. En revanche, le changement du temps d’alerte n’impacterait pas ses temps de réponse et ne permettrait pas d’aboutir à un temps de réponse optimal.

b) Tâche de vigilance

La tâche de vigilance consistait à appuyer sur la pédale de frein le plus rapidement possible lorsque la voiture qui précédait freinait (allumage des feux de stop). Il y avait 12 stimuli, par conséquent 12 temps de réponse ont été recueillis. La moyenne générale de chaque session a été réalisée mais c’est surtout la variance entre les 12 temps de réponse au cours d’une session qui nous a intéressés. La moyenne permet d’avoir une estimation de la vitesse de traitement de l’information, alors que l’écart-type permet d’estimer si le patient traite tout les stimuli de manière comparable durant les dix minutes de la session. Un écart-type élevé révèle alors une grande variabilité des temps de réponse au cours des dix minutes d’exercice et donc une diminution de la capacité de vigilance. La Figure 21 présente les TR moyens et l’écart-type existant entre les 12 temps de réponse pour chaque session.

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Figure 21. Effet principal de la session de training sur les temps de réponse et évolution de l’écart -type à la tâche de vigilance (Patient 1)

L’ANOVA à un facteur permet de conclure à un effet de la session sur les temps de réponse du patient (F(8,105)=3.43 ; p<.002). Les tests post-hoc montrent que cet effet est dû à une différence significative entre les temps de réponse de la première session (S1=1332 ± 489.64 ms) et les temps de réponse de la session 2 (S2=1004 ± 328.16 ms ; p<.003), session 4 (S4=920 ± 139.67 ms ; p<.001), session 5 (S5= 959.18 ± 54.37 ms ; p<.008) et session 8 (S8=1016.67 ± 94.37 ms ; p=.046). Lorsqu’on observe la Figure 21, on s’aperçoit qu’il ne s’agit pas d’une diminution progressive des temps de réponse mais plutôt d’une fluctuation d’une séance à une autre.

Cependant, l’écart-type diminue progressivement de la première session à la cinquième session (S1=489.64 ms ; S5=54.37 ms), puis remonte légèrement (S6=165.36 ms ; S7=161.47 ms) pour finalement se stabiliser (S8=94.37 ms). Il semblerait donc que la patiente diminue la variabilité de ses TR au cours des différentes sessions de training.

c) Tâche d’attention sélective

La tâche d’attention sélective consistait à sélectionner un panneau-cible (information pertinente) parmi tous les panneaux de l’environnement. Pour ce faire, le patient était confronté à des panneaux routiers présentés à gauche de la route et à droite. Le patient devait répondre verbalement par « oui » si la cible était présente et préciser de quel côté elle se situait, ou par « non » si elle était absente. Ainsi, nous avons comptabilisé le nombre d’erreurs effectuées par le patient (erreur d’omission : il répond non au lieu de oui, erreur de confusion : il répond oui au lieu de non ou il répond « oui à droite » au lieu de « oui à gauche »). La variable dépendante utilisée est la somme totale des erreurs. Le test du Q’ permet de travailler sur des proportions, ainsi il a été utilisé pour analyser les erreurs. Ce test a été effectué sur le facteur « session de training » à neuf modalités avec pour objectif d’observer l’évolution du nombre d’erreurs d’une session à une autre. Le nombre de facteurs étant inférieur à deux, c’est la version classique du test Q’ 2xk qui a été utilisée. Les résultats n’ont montré aucune différence significative entre les séances (Q’(8)=7.87 ; p=.446). La proportion des erreurs est restée stable d’une séance à une autre. La Figure 22 rapporte le nombre d’erreurs pour chacune des neuf sessions.

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Figure 22. Nombre total d’erreurs pour chaque session de training à la tâche d’attention sélective

(Patient 1)

Le nombre total d’erreurs du patient 1 était de 38, avec une moyenne de 4 erreurs par session. On note une diminution du nombre d’erreurs de S1 à S4. Cependant ses performances fluctuent constamment. Il n’y a aucune stabilité dans ses réponses, par conséquent, on ne peut conclure à une amélioration entre les séances de training.

d) Tâche d’attention divisée

Nous rappelons que cette tâche était composée de deux parties de cinq minutes, une première partie où le participant effectuait la tâche de conduite seule et une deuxième partie où il effectuait en même temps une tâche de calcul mental. Durant les dix minutes d’exercice, des rafales de vent d’intensité différentes intervenaient régulièrement, requérant de la part du patient de maintenir et stabiliser la trajectoire de son véhicule.

Un grand nombre de mesures ont été enregistrées pour la tâche d’attention divisée. Dans un premier temps, le nombre de franchissements de ligne a été calculé en simple tâche puis en double tâche, représentant ainsi le nombre d’erreurs. Un franchissement de ligne était considéré à partir du moment où une des roues du véhicule du participant atteignait la ligne blanche de droite ou de gauche qui bordent la voie routière. Le véhicule du participant était de petit gabarit, les mesures ont été établies en fonction d’une voiture de type Clio. Le nombre de franchissement total du patient était de 170.

La première variable dépendante utilisée est donc la somme totale des franchissements de lignes. Le test du Q’ a été effectué sur le facteur « tâche » (simple ou double), « côté du franchissement » (droit ou gauche), et « sessions » (au nombre de neuf). Le nombre de facteurs étant supérieur à deux, nous n’avons pu utiliser la version classique du test Q’ 2xk. Ainsi, c’est une version modifiée qui a été utilisée : 2x2xk (Michael, 2007). Ce test non paramétrique pour analyse de cas unique a révélé un effet principal de la tâche (Q’(1)=5.79 ; p=.016) (Figure 23). La proportion d’erreurs (de franchissement de ligne) était plus importante en double tâche (0.034 ± 0.035) comparée à la simple tâche (0.022 ± 0.018). L’ajout d’une tâche complémentaire a eu pour effet d’augmenter le nombre d’erreurs à la tâche principale de conduite. Le test a ensuite révélé un effet principal du côté du franchissement (Q’(1)=5.79 ; p=.016). La patiente 1 a franchi une proportion plus importante de lignes à droite (0.034 ± 0.034) que de lignes à gauche (0.022 ± 0.019), toute condition confondue (tâche et session). Enfin, l’effet principal de la session s’est avéré très significatif (Q’(8)=42.08 ; p<.0001). La proportion des erreurs a progressivement diminué entre la première et la dernière session (S1=0.265 ; S3=0.106 ; S6=0.076 ; S9=0.024).

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Figure 23. Effet principal du type de tâche, du franchissement et de la session (Patient 1) Après ces trois effets principaux, l’analyse du Q’ a révélé une interaction qui tend à être significative entre la session et le type de tâche (Q’(8)=14.63 ; p=.067). Selon les tests de comparaisons multiples l’effet principal de la session (diminution du nombre d’erreur d’une session à une autre) s’observe seulement en double tâche (Figure 24). Cette interaction pourrait s’expliquer par le fait qu’il y ait une différence significative entre S1 et S9 en double tâche (Q’(8)=4.99 ; p<.002) alors qu’il n’y en pas en simple tâche. Autrement dit la patiente s’est améliorée entre la première et la dernière session seulement en double tâche.

Figure 24. Interaction entre la session de training et le type de tâche (Patient 1)

Enfin, le test du Q’ a révélé une double interaction entre la session, le côté de la ligne et le type de tâche (Q’(8)=25.09 ; p<.002). La situation pour laquelle la proportion d’erreurs est moindre concerne les franchissements de ligne à droite en situation de simple tâche lors de la dernière session.

Nous avons ensuite calculé la déviation standard de la position du véhicule en fonction du type de tâche (simple ou double) (Figure 25). La déviation standard du véhicule est représentée par la distance en centimètre entre l’axiale de la route (ligne médiane) et le centre de gravité du véhicule.

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Figure 25. Evolution de la déviation standard moyenne selon la condition expérimentale (Patient 1) Il faudra porter une attention toute particulière sur le fait qu’aucune analyse statistique n’a pu être effectuée sur cette mesure étant donné qu’il s’agit d’une valeur unique (l’écart-type), les résutlats sont donc descriptifs. Lorsqu’on prend en compte la déviation moyenne du véhicule, toutes conditions confondues (simple et double tâche), on remarque qu’elle diminue d’une séance à une autre (S1=89.82 cm ; S3=59.92 cm ; S6=44.49 cm ; S9=38.46 cm). Que ce soit en double tâche ou en simple tâche le profil semble similaire, à savoir une diminution progressive en centimètre de la déviation du véhicule. Cependant, cette diminution semble s’accentuer lors de la double tâche. En effet, en situation de double tâche l’écart entre la première session et la dernière session est plus important (S1=103.37 cm ; S9=35.90 cm ; écart=67.47 cm) qu’en situation de simple tâche (S1=76.26 cm ; S9=41.01cm ; écart=35.25 cm).

Enfin, la vitesse kilométrique moyenne a été calculée de façon à pouvoir comparer l’allure à laquelle le patient roulait en simple tâche avec son allure kilométrique en double tâche.

Dans un premier temps, L’ANOVA à deux facteurs (sessions et type de tâche) a révélé un effet principal du type de tâche sur la vitesse kilométrique (F(1,17)=28.59 ; p<.001). La vitesse kilométrique moyenne, toutes sessions confondues, est plus haute en condition de double tâche (79.89 ± 6.87 km/h) comparée à la condition de simple tâche (74.57 ± 6.31 km/h). La patiente roule plus vite lors de la tâche de calcul mental. Un effet principal de la session a ensuite été mis en évidence (F(8,17)=9.18 ; p<.001). Le test complémentaire de Bonferroni a révélé une augmentation que la vitesse kilométrique d’une session de training à une autre, tout types de tâches confondus (chaque session diffère au moins d’une session qui la précède ou qui la suit). Enfin, l’interaction session*tâche s’est aussi révélée significative (F(8,17)=3.26 ; p<.003). Les tests post-hoc ont montré un effet plus prononcé de la variable « session » en situation de simple tâche (F(8,44)=8.55 ; p<.001) comparée à la situation de double tâche (F(8,44)=4.82 ; p<.001). En d’autres termes, la patiente 1 avait tendance à rouler plus vite d’une session sur l’autre et d’autant plus en situation de simple tâche (Figure 26).

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Figure 26. Interaction entre les sessions de training et la condition expérimentale (Patient 1) Nous avons ensuite isolé l’écart-type de la vitesse kilométrique pour chaque condition expérimentale dans un autre graphique, de manière à pouvoir observer les variations de la vitesse kilométrique au sein d’une session de training (Figure 27).

Figure 27. Evolution de l’écart-type de la vitesse kilométrique selon la condition expérimentale (Patient 1)

Comme précédemment, les résutlats sont descriptifs en ce qui concerne l’écart-type. On s’aperçoit que le profil diffère en fonction de la condition expérimentale. En simple tâche l’écart-type de la vitesse kilométrique a tendance à diminuer d’une session à une autre (S1=6.33 ; S3=5.65 ; S6=4.33 ; S9=2.43) alors qu’en double tâche cet écart-type varie constamment (S1=5.02 ; S3=5.37 ; S6=5.78 ; S9=7.17). La patiente 1 a donc une variation intra-session de la vitesse kilométrique qui se stabilise au fur et à mesure des séances de training mais seulement en simple tâche. La double tâche entraînerait une variation constante de la vitesse du véhicule qui persisterait durant l’intégralité du training.

e) Synthèse des résultats du patient 1

La patiente 1 semble avoir une alerte phasique préservée. En effet, elle se sert de l’avertisseur visuel (triangle rouge) dès la première séance de training puisque ses temps de réponse sont plus rapides que dans la situation sans avertisseur. De ce fait, il n’y a pas d’amélioration notoire entre les sessions de training, étant donné que le stimulus avertisseur joue le rôle escompté dès le début du programme d’entraînement. Cependant, on observe une

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augmentation de la vitesse de traitement de l’information entre la première et la deuxième session sur les temps de réponse globaux.

La vigilance est la capacité à maintenir son attention durant de longues périodes. L’écart-type des temps de réponse durant une session est donc une mesure de grande importance puisqu’elle révèle la variabilité des réponses au cours du temps (dix minutes). On note une diminution du temps de réponse moyen entre la première et la deuxième session, reflétant une habituation à la tâche. De plus, l’écart-type diminue progressivement de la première à la cinquième session de training, laissant penser que l’homogénéité des temps de réponse intra-session s’améliore au cours du programme de training. Le training attentionnel aurait donc permis une amélioration de la vigilance jusqu’à la cinquième séance et se stabiliserait ensuite.

Concernant l’attention sélective, il n’y a pas de réelle amélioration des performances. Seule une diminution du nombre d’erreurs est observée de la première à la troisième session, révélant une habituation à la tâche.

Enfin, l’ajout d’une tâche secondaire à la tâche de conduite a eu un impact négatif sur les performances de la patiente. En effet, durant la condition de double tâche, la patiente a franchi plus de lignes et a adopté une vitesse kilométrique plus rapide que lors de la condition de simple tâche. On observe une diminution du nombre d’erreurs, mais seulement en double tâche. Le coût dû à la double tâche a donc diminué au cours des différentes sessions de training. Ainsi, lors des dernières séances de training, le nombre de lignes franchies en double tâche était semblable au nombre de franchissements en simple tâche. De plus, la déviation standard du véhicule a diminué d’une session à une autre et d’autant plus en double tâche. Pour résumer, la capacité à réaliser deux tâches simultanément a été améliorée au cours du training et ceci s’est objectivé par : une diminution de la déviation du véhicule et une diminution du franchissement de lignes lors des dernières sessions de training en double tâche. Par conséquent, il semblerait que la tâche de calcul mental ait moins d’impact sur les mesures de conduite lors des dernières sessions de training par rapport au début du programme.