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CHAPITRE 1 - CONTEXTE THÉORIQUE

II. TRAUMATISME CRÂNIEN ET CONDUITE AUTOMOBILE

1.2 Neuropsychologie du traumatisme crânien

Les troubles cognitifs et/ou comportementaux correspondent à la majorité des séquelles observées suite à un TC (Van Zomeren & Van den Burg, 1985) et sont à l’origine de ce qu’on appelle « le handicap invisible » des patients traumatisés crâniens. Effectivement, les troubles neuropsychologiques peuvent être discrets et passer inaperçus auprès de l’entourage du patient, pourtant ils sont bien présents et non négligeables.

L’hétérogénéité des tableaux cliniques que l’on peut rencontrer chez une personne avec TC rend la schématisation difficile. Selon Heaton et Pendelton (1981) (cités par Le Gall & Allain, 2008), deux patients cérébro-lésés ne peuvent pas se ressembler, bien entendu en raison de l’histoire de leur traumatisme et des perturbations qu’ils présentent, mais aussi parce que les environnements dans lesquels ils évoluent sont différents. Malgré tout, il est possible de lister les principaux troubles cognitifs rencontrés.

Les troubles des fonctions instrumentales peuvent être de trois types : (1) les troubles perceptifs : ils sont essentiellement visuels et concernent la reconnaissance d’objets, d’images, de l’écriture ; on parle d’agnosie visuelle. C’est la perte de la capacité à identifier les stimuli de l’environnement visuel, en l’absence de trouble visuel ou de détérioration intellectuelle ; (2) Les troubles praxiques : ils concernent les difficultés à réaliser des séquences gestuelles ou à reproduire des figures géométriques complexes sans déficit moteur observé ; on parle d’apraxie. C’est un trouble acquis de l’exécution intentionnelle d’un comportement moteur finalisé, consécutif à une lésion cérébrale focale en l’absence d’atteinte motrice, sensitive ou

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intellectuelle ; (3) les troubles de langage : ils peuvent se situer à différents niveaux, être afférents et concerner la perception et la compréhension, on parle d’aphasie de Wernicke ; et/ou être efférents et concerner l’expression, la production de parole, on parle alors d’aphasie de Broca.

Les troubles de la mémoire et de l’orientation spatio-temporelle peuvent engendrer : (1) la perte des souvenirs antérieurs à l’accident (mémoire rétrograde), essentiellement les souvenirs épisodiques, les connaissances sémantiques et procédurales étant généralement mieux conservés ; (2) la perte des possibilités de mémorisation à court ou long terme (mémoire antérograde) : mémoire épisodique (défaut d’encodage, défaut de récupération), mémoire sémantique, mémoire autobiographique, mémoire prospective (mémoire des faits et des actions futures) ; (3) la difficulté ou impossibilité de se situer dans le temps et de s’orienter dans l’espace, etc. Cependant, les troubles mnésiques principaux concernent la mémoire de travail (Azouvi, Jokic, Van der Linden, Marlier, & Bussel, 1996) et peuvent par exemple s’illustrer par une difficulté à suivre une conversation tout en gardant en mémoire le fil conducteur ou une difficulté à retenir un numéro de téléphone avant de le composer… Le plus souvent, les problèmes de mémoire observés ne sont pas apparentés à un syndrome amnésique mais sont la conséquence d’un syndrome dysexécutif avec des troubles de l’organisation et de la planification se répercutant sur le fonctionnement mnésique.

Les troubles de l’attention concernent principalement les troubles de la sélectivité de l’attention. Ils seront développés plus précisément ci-après (p. 46) étant donné qu’il s’agit des processus cognitifs sur lesquels porte notre intérêt.

Les troubles des Fonctions Exécutives (FE) font partie des fonctions cognitives les plus touchées après un TC (Mattson & Levin, 1990). Ces troubles sont très variés et peuvent être représentés par l’altération plus ou moins importante du raisonnement logique, la perte de l’autocritique, la difficulté ou impossibilité d’élaborer des stratégies simples ou complexes, la difficulté à manier l’abstraction, des troubles de l’initiation, du contrôle de l’action, une incapacité à prendre une initiative dans une situation imprévue, un défaut de flexibilité mentale, de planification (Cazalis, Azouvi, Sirigu, & Agar, 2001) ou de contrôle.

Les troubles du comportement peuvent être représentés par une euphorie, une impulsivité mal contrôlée, une familiarité parfois excessive, une instabilité, irritabilité, dépression, des désordres émotionnels (émoussement affectif), une désinhibition, etc.

Le dysfonctionnement frontal englobe les troubles exécutifs et les troubles comportementaux (Le Gall, Joseph, & Truelle, 1987). Ce pattern de déficits était communément appelé « syndrome frontal » au début, mais à l’heure actuelle on lui préfèrera le terme de « syndrome dysexécutif » (Godefroy, Roussel-Pierronne, Routier, & Dupuy-Sonntag, 2004).

Enfin, la fatigue mentale est une plainte fréquemment évoquée par les patients victimes de TC (Belmont, Agar, Hugeron, Gallais, & Azouvi, 2006). Bien que ce ne soit pas un processus cognitif à part entière, elle engendre indirectement un ralentissement de la vitesse de traitement de l’information.

Toutes ces séquelles neuropsychologiques n’interviennent pas de manière conjointe chez un même patient, on observe plutôt des combinaisons variées de troubles selon la gravité du TC et la localisation lésionnelle. Cependant, certains d’entre eux ont une fréquence d’apparition bien plus importante ; c’est le cas des troubles mnésiques, attentionnels et dyséxécutifs et ils persistent même longtemps après le traumatisme (Van Zomeren & Van den Burg, 1985).

46 b) Troubles attentionnels

Avec les problèmes de mémoire, les troubles de l’attention représentent les conséquences les plus fréquentes d’un dysfonctionnement cérébral (Azouvi, et al., 1998; Leclercq & Zimmermann, 2000; Van Zomeren & Brouwer, 1994). Du point de vue des patients, les plaintes référant à la sphère attentionnelle sont les plus rapportées, elles concernent principalement la distractibilité, le ralentissement, la fatigabilité, le temps de concentration, les difficultés en double tâche et dans le maintien de l’attention (Van Zomeren, 1995). Ces troubles persistent même à distance du traumatisme, les patients traumatisés crâniens se plaignaient encore de difficultés de concentration deux ans après l’accident (Alaoui, et al., 1998; Van Zomeren & Van den Burg, 1985) ou même, dans certains cas, dix ans après le traumatisme (Draper & Ponsford, 2008). Ces troubles peuvent toucher différents mécanismes attentionnels, mais par soucis de cohérence avec le chapitre premier, nous décrirons seulement les troubles attentionnels se rapportant au modèle de Van Zomeren et Brouwer (1994). Nous confronterons alors les plaintes des patients aux études expérimentales ayant cherché à définir le processus attentionnel spécifiquement déficitaire chez ces patients.

 Ralentissement de la vitesse de traitement

Avant toute chose, il est important de tenir compte de la réduction de la vitesse de traitement de l’information chez un patient traumatisé crânien. En effet, un tel déficit peut avoir une répercussion sur la genèse des troubles attentionnels (Van Zomeren & Brouwer, 1994). La pensée serait comme « engluée », on parle de lenteur mentale. Le ralentissement du traitement de l’information mis en évidence chez les patients avec TC est global puisqu’il concerne à la fois le plan moteur, verbal, perceptif et cognitif. Par ailleurs, d’après Van Zomeren (1995), la lenteur mentale dépend de la sévérité du traumatisme, de la complexité de la tâche à réaliser et de la distance par rapport à l’accident. Par conséquent, les études qui se sont intéressées à un processus attentionnel en particulier ont dû au préalable neutraliser ce ralentissement global afin de s’assurer que le déficit observé n’était pas le simple retentissement de la lenteur mentale mais bien attribuable au processus étudié.

 Alerte phasique

La méthode classique pour évaluer les capacités d’alerte phasique repose sur l’observation d’un abaissement des temps de réponse lorsqu’un signal d’alerte est donné au sujet avant le stimulus à traiter (Azouvi, et al., 1998). L’alerte phasique semble préservée chez les patients avec TC. En effet, les études montrent que le bénéfice apporté par un signal avertisseur est identique chez les patients avec TC et chez les sujets contrôles (Ponsford & Kinsella, 1992). Les auteurs ont utilisé une tâche de temps de réponse simple et une tâche de temps de réponse à choix. Les deux épreuves était réalisées dans deux conditions : avec et sans avertisseur sonore. Les résultats obtenus sont similaires pour le groupe de patients traumatisés crâniens et le groupe de sujets sains : ils s’améliorent dans la condition avec stimulus avertisseur (dans le TR simple et à choix). Selon eux, cette étude n’apporte donc pas de preuves qui supportent la présence d’un déficit d’alerte phasique chez des patients avec TC.

Cependant, plusieurs études électrophysiologiques indiquent le contraire avec l’utilisation de la Contingente Negative Variation (CNV), qui représente pour certains auteurs l’alerte phasique au niveau physiologique (Rugg, et al., 1989). Il s’agit d’une onde électroencéphalographique négative qui est observée entre le signal d’alerte et le signal d’exécution. Ces auteurs ont utilisé une tâche de Go/No-go auditive lors de laquelle les patients traumatisés crâniens étaient confrontés à des tonalités au travers d’un casque audio. Un premier son était présenté avec des fréquences sonores différentes (250 Hz ou 750 Hz), suivi d’un deuxième son d’une fréquence constante (500 Hz). La tâche du participant

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consistait à réagir au deuxième son seulement lorsqu’il était précédé d’un son de 250 Hz (essai go) en bougeant le pouce de sa main dominante (enregistré par un électro-encéphalogramme). Les résultats n’ont montré aucune différence de CNV entre les essais go et les essais no-go chez les patients traumatisés crâniens sévères, suggérant qu’ils ne se servent pas du stimulus avertisseur. De plus, ils ont observé une diminution de l’amplitude de la CNV chez les patients comparés aux sujets contrôles et sont donc en faveur d’une atteinte de l’alerte phasique chez ces patients. La signification clinique de ces modifications reste à préciser.

Ces discordances pourraient s’expliquer par le fait que la CNV correspond à plusieurs phénomènes différents et dont seulement certains d’entre eux seraient liés au raccourcissement des temps de réponse (Van Zomeren & Brouwer, 1994). Il semblerait que seuls les composants précoces de la CNV soient diminués, or ils correspondraient surtout au traitement du signal avertisseur et non à la préparation de la réponse.

 Vigilance / Attention soutenue

La vigilance serait également préservée chez les traumatisés crâniens graves. En effet, bien que les patients réalisent les tâches de vigilance bien plus lentement que les contrôles, leurs performances ne se détériorent pas plus au cours du temps (Ponsford & Kinsella, 1992 ; Van Zomeren, 1995). Ponsford et Kinsella (1992) utilisent une tâche de vigilance visuelle d’une durée de 45 minutes dans laquelle les patients devaient juger la couleur de deux lumières qui leur étaient présentées sur une boîte métallique. Lorsque les deux lumières s’éclairaient de la même couleur (toutes les deux en vert ou en rouge), le sujet devait appuyer sur un bouton réponse étiqueté de l’annotation « FAUX ». A l’inverse, il devait appuyer sur le bouton annoté « VRAI » lorsque l’une des couleurs se différenciait de l’autre (condition cible). Cette tâche mesurait bien la vigilance dans la mesure où les participants étaient confrontés à 900 stimuli dont seulement 60 étaient des cibles. Les résultats montrent que le nombre de bonnes réponses (appui sur le bouton « VRAI » lors de l’apparition de la cible) se détériore entre la quinzième et la trentième minute, mais de manière comparable entre le groupe contrôle et le groupe de patients ; il en est de même pour le nombre d’erreurs. En revanche, en ce qui concerne le temps de réponse, la différence inter-groupe est statistiquement significative : les patients sont plus lents pour réagir. Les auteurs concluent alors que les patients sont plus ralentis que les contrôles mais effectuent la tâche de vigilance avec autant de précision.

Les capacités d’attention soutenue des patients avec TC seraient en revanche affectées, avec une détérioration plus marquée de leurs performances dans ce type de tâche (variabilité du temps de réaction) comparativement aux sujets contrôles (Loken, Thornton, Otto, & Long, 1995; Whyte, Polansky, Fleming, Coslett, & Cavallucci, 1995). Whyte et al. (1995) ont utilisé un test Go/No-go de détection visuelle d’une durée de 14 minutes lors duquel une paire de lignes verticales était présentée sur un écran d’ordinateur. Le patient traumatisé crânien devait réagir le plus rapidement possible en appuyant sur un bouton-réponse lors de la survenue de la cible, représentée par deux lignes identiques (de même taille) et ne devait rien faire lorsque les lignes différaient. Bien que les auteurs appellent cette tâche vigilance task, elle mesure bien selon nous l’attention soutenue dans la mesure où les participants étaient confrontés à 140 stimuli dont la moitié était des cibles. Les résultats montrent une diminution de la détection de cible en fin de tâche pour les deux groupes, mais cette dégradation était bien plus marquée chez les patients comparés aux contrôles, révélant ainsi des difficultés à soutenir leur attention pendant une longue période.

En conclusion, les patients auraient des difficultés à maintenir un niveau attentionnel suffisant au cours du temps, seulement lorsque la tâche implique une fréquence de stimulation élevée. Selon Azouvi et al. (Azouvi, Couillet, & Vallat, 2002), ces résultats expérimentaux

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font écho à une des plaintes subjectives fréquente des patients : la fatigue. Ainsi, les difficultés des patients à maintenir leur attention durant une tâche d’attention soutenue s’objectiverait par un ressenti de fatigue de la part de ces derniers, qui impliquerait une dégradation des performances.

 Attention sélective/focalisée

Les difficultés de concentration sont fréquemment signalées chez les patients traumatisés crâniens, pourtant l’existence d’un déficit de l’attention sélective chez ces patients reste débattue dans la littérature (Azouvi, Couillet & Agar, 1998). Au niveau comportemental, Azouvi et al. (2002) rapportent qu’un déficit d’attention sélective peut se traduire par une difficulté de concentration, une distractibilité ou une difficulté à résister à l’interférence. Au niveau expérimental, le test du Stroop est un moyen classique pour évaluer l’attention focalisée (Azouvi, Couillet & Vallat, 2002).

Ponsford & Kinsella (1992) ont utilisé le test de Stroop qui comprend trois conditions à réaliser : dénomination de couleur, lecture de mots et une condition « interférence » (le participant doit donner la couleur de l’encre des mots alors que ceux-ci désignent une couleur). Ils ont montré un ralentissement des temps de réponse chez les patients traumatisés crâniens comparé aux sujets contrôles, et ceci dans toutes les conditions du test. En revanche, les patients ne présentaient pas une sensibilité disproportionnée à l’interférence par rapport aux contrôles. Les auteurs concluent à une préservation de l’attention sélective du fait que les patients n’étaient pas plus sensibles à l’effet d’un distracteur (couleur du mot). Si l’attention sélective n’est pas déficitaire chez les patients traumatisés crâniens, on est alors en mesure de se demander pourquoi ils se plaignent de difficulté de concentration. Selon Van Zomeren (1995), les plaintes des patients référeraient en fait à l’augmentation de leur fatigabilité mentale et non pas à un problème de focalisation.

Cependant, des résultats opposés ont été rapportés dans la littérature, mettant en évidence des difficultés chez les patients à ignorer une information redondante ou un distracteur externe à la tâche (Vakil, Weisz, Jedwab, Groswasser, & Aberbuch, 1995). Les auteurs ont utilisé une version particulière du test de Stroop qui comprend un sub-test supplémentaire dit « amorçage négatif ». Dans ce sub-test, les participants doivent désigner la couleur de l’encre des mots sans tenir compte de ce qui est écrit, tout comme dans la condition interférence, à la différence que la couleur de l’encre du mot est la même que le nom de couleur écrit du mot qui précède. Ainsi, la couleur du mot que le participant doit donner correspond au mot écrit qu’il a inhibé à l’essai précédent. Un ralentissement dans cette condition comparée à la condition interférence sera alors utilisé comme un index mesurant la capacité des participants à inhiber la lecture du mot précédent considéré comme distracteur. Dans un premier temps, les résultats ont montré une sensibilité à l’interférence au test de Stroop qui était disproportionnée chez des patients avec TC modérés et sévères en phase subaiguë (avant six mois). De plus, l’effet de l’amorçage négatif a fonctionné seulement chez les sujets contrôles (temps de réponse supérieur en condition amorçage comparé à la condition interférence), suggérant un déficit des mécanismes inhibiteurs chez les patients traumatisés crâniens. En conclusion, les auteurs sont en faveur d’un trouble de l’inhibition plutôt qu’un déficit de la sélectivité de l’attention. Cependant, une investigation plus récente de l’amorçage négatif n’a pas permis d’aboutir aux mêmes conclusions (Simpson & Schmitter-Edgecombe, 2000). Ces auteurs ont utilisé le paradigme de l’amorçage négatif mais avec une tâche différente : une paire de mots était présentée au participant avec un mot écrit en rouge et un en bleu, la tâche consistait à lire à voix haute le mot écrit en rouge, ensuite dans la paire suivante le mot écrit en rouge était le même que celui écrit en bleu à l’essai qui précédait. La logique du paradigme est que l’information écrite en bleue est inhibée et cela engendrera une augmentation des TR dans la condition d’amorçage négatif. A l’inverse de Vakil et al., les

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résultats ont montré un effet d’amorçage négatif chez les patients, suggérant la préservation des processus inhibiteurs chez les patients traumatisés crâniens. Selon Simpson et Schmitter-Edgecombe, ces discordances seraient dues à la distance après le traumatisme, en effet, dans leur étude, les patients étaient vus au moins un an après l’accident alors que dans l’étude de Vakil et al. (1995) les deux tiers étaient vus avant six mois et le tiers restant entre six et douze mois. Ils proposent une seconde hypothèse selon laquelle l’absence de l’effet d’amorçage négatif observé par Vakil et al. serait le résultat spécifique de la tâche de Stroop, dans laquelle les caractéristiques pertinentes et non pertinentes des stimuli sont contenus dans le même stimulus ; contrairement à leur tâche où l’information à inhiber correspond à un mot différent de l’information à sélectionner. Pour vérifier ces hypothèses, Ries et Marks (2005) ont mis au point une tâche similaire à celle de Simpson et Schmitter-Edgecombe et ont inclus seulement des patients à plus d’un an du traumatisme. La tâche utilisée était plus complexe que la précédente car la liste de mots incluait des conditions « dégradées », soit par une suppression de pixels, soit par une superposition d’un caractère spécial ("=" ou " /") sur le mot. Leurs résultats ne montrent pas d’effet d’amorçage négatif pour des patients à distance du traumatisme. Les auteurs suggèrent alors que l’utilisation d’une tâche d’amorçage négatif complexe permet de dévoiler un déficit de l’inhibition qui ne peut être révélé par un design expérimental plus simple. Par conséquent, ils réfutent les deux hypothèses proposées par Simpson et Schmitter-Edgecombe, et concluent que les patients traumatisés crâniens auraient des déficits d’inhibition qui ne peuvent être attribués ni à la phase aiguë du traumatisme, ni à l’effet d’une tâche type « Stroop ». En effet, dans cette étude les patients étaient en phase chronique et la tâche utilisée ne faisait pas intervenir l’information pertinente et distractrice dans le même stimulus.

Pour résumer, les contradictions entre les différentes études sont habituellement expliquées en fonction des caractéristiques du TC : l’attention sélective serait préservée chez les patients en phase chronique (après six mois) et déficitaire à une phase plus précoce (Van Zomeren & Brouwer, 1994). Cependant, la prise en considération des dernières études sur l’amorçage négatif va à l’encontre de ce constat, les discordances observées pourraient alors s’expliquer par le fait que l’attention sélective implique un double mécanisme dont chacune des composantes peut être atteinte de manière indépendante. Ainsi, la plupart des études montrent un déficit spécifique de la capacité d’inhibition, alors que la capacité de sélection de l’information pertinente (focalisation attentionnelle) est préservée, sauf lorsque la tâche est très coûteuse et implique des mécanismes de la mémoire de travail (Azouvi, Couillet & Vallat, 2002). Enfin, il existerait une relation très forte entre la fatigue subjective ressentie par les patients et les déficits d’attention sélective (Ziino & Ponsford, 2006), ce qui pourrait expliquer les plaintes des patients concernant les difficultés à se concentrer sur une tâche.

 Attention divisée

Il existe un large consensus dans la littérature en faveur d’une difficulté chez les patients traumatisés crâniens à effectuer deux tâches simultanément. Cependant, l’origine du déficit est encore débattue : simple conséquence du ralentissement de la vitesse de traitement de l’information pour certains, déficit spécifique de la capacité à diviser son attention entre deux tâches pour d’autres.

Les premières études qui se sont intéressées à ce processus attentionnel étaient en faveur d’un déficit se référant à la vitesse de traitement de l’information. Pour Kanheman (1973), si l’individu dispose de ressources attentionnelles limitées, les difficultés rencontrées