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La Répétition de la scène

C. Les Foires aux vanités

C. 2. Le Train miniature

La mise en abîme du jeu du petit train87 redouble cette dernière question de la suivante :

quelle histoire génère l’autre ? Il traverse les séquences 3 et 4 du récit réunionnais. Chacune de ses cinq étapes ne s’étend pas au-delà de quatre pages. Il rompt momentanément l’ennui des deux derniers résidants du cirque. Le jeu substitue à la monotonie de leur quotidien sa propre continuité. Ses règles ont un aspect rituel. La matérialité de la miniature distingue complètement les constructions imaginaires qu’élaborent le vieil homme et son petit-fils de celles d’Emmanuel et du gardien du phare : ces derniers ne jouent pas, n’inventent pas. Le mot « jeu » revêt dans l’énoncé narratorial trois acceptions : il désigne l’aire de jeu (« Sven est sorti du jeu et a reculé jusqu’au mur », « face au jeu », p. 74 et 93), les règles et le scénario qui le constituent (« […] ce n’est pas le passé du vieillard que le jeu restitue », p. 106) et l’action de jouer (« ce jeu des personnages », p. 100).

Témoignage / transgression du passé. Comme Sven en a l’intuition, « les instants recréés » dans le jeu « n’ont jamais eu lieu » (p. 106). Cependant la maquette sur laquelle est installé le circuit est une reproduction du cirque de Salazie en miniature. Le vieillard l’étale sous les yeux du garçon en deux phases : le train et les rails tout d’abord (pages 72-75), puis le cirque et les figurines (pages 93-94). La découverte du jeu donne lieu dans un premier temps à un travail de reconnaissance suivi instantanément d’une élaboration mentale transformant le jouet en paysage traversé par un train et par des gens dotés de caractéristiques propres, physiques et morales, ainsi que d’une histoire. La « gare jaune et rouge » (p. 73) devient le théâtre des retrouvailles tant attendues (jouées page 94). La reconnaissance procède par comparaison : « la version jouet » de la maison « où il se trouve » est « toute neuve, la peinture n’en est pas écaillée, il n’y manque pas un bardeau aux murs, pas un croisillon aux fenêtres, pas une gouttière au toit. » (p. 93). Les

jeu.

propositions et les syntagmes à la forme négative indiquent tout ce qui fait défaut à la vraie maison qui porte les stigmates du temps et du manque d’entretien. Dans son essai La Poétique de

l’espace, Gaston Bachelard qualifie « ces maisons en miniature » d’« objets faux pourvus d’une

objectivité psychologique vraie »88. Le vieux jouet se transforme en souvenir de l’époque

florissante du domaine et donne à voir, en négatif, ce qu’il pourrait être : la miniature commémore le passé et se fait représentation sublime de ce à quoi aurait pu prétendre le présent. Dans l’écart qui existe entre la vieille demeure et sa réplique réside le drame familial. Cet écart affecte également le cirque. Le grand-père de Sven se réserve la disposition des pièces : « le village loin de la gare, puis la forêt, et enfin la maison, au milieu des arbres » (p. 93). Du plus loin au plus proche des joueurs : l’ordonnance des éléments annonce le trajet à venir, le trajet désiré. Sven relève les différences. La description est méliorative : le lexème « demeure » remplace celui de « maison », plus neutre ; le parc régulièrement entretenu appelle des comparaisons simples de supériorité (« plus d’espace qu’aujourd’hui ») et d’égalité (« aussi vaste qu’une place de village ») qui contrastent avec la forme négative et restrictive employée pour rendre compte de l’envahissement de la végétation (« le couloir où Maya [la jument] n’avance plus maintenant qu’en écartant les branches de la tête et du poitrail »). La « petite pièce d’eau » dotée d’un « jet d’eau » et de « nénuphars » parachève la représentation magnifiée du lieu emblématique du passé. La nature domestiquée et utilisée comme ornement participe à l’opulence du lieu et à l’effet la vie suivant son

cours : « la route dont les graviers blancs crissent sous les pneus, la longue allée bordée de fleurs,

avec son herbe rase et fraîche qu’un tourniquet arrose » (p. 96). L’image d’Epinal échafaude un foyer qui associe la douceur à la protection. Le tourniquet donne lieu à la métaphore de « l’écharpe de gouttes brillantes qui constellent le pare-brise ». L’arrière-plan du tableau est confié à un pinceau impressionniste : « des taches floues et tremblantes sur les dalles de la véranda » sont produites par « un rayon de lumière » qui « traverse les feuilles d’un tamarinier » (p. 97). Telles sont « les images de l’île d’autrefois », du « monde disparu du vieux », page 99. La représentation

Miniature », p. 140.

de l’île jardin d’Eden que manifeste le jeu revisite le mythe du paradis perdu et prend soin de laisser en suspens la question de la culpabilité. Mènent à ce décor lilliputien un train d’un autre âge (« une locomotive à vapeur et des wagons à compartiments séparés dont les portes ouvrent directement sur le quai », p. 73), « une 11CV Citroën, avec un chauffeur en casquette » (p. 95) et « une Peugeot 203 blanche » (p. 112). Les premiers à y prendre vie sont des « voyageurs » placés « sous un auvent au milieu du quai » puis le chef de gare interrogé par un petit garçon (p. 74). Le jeune joueur anime les personnages qui sont les plus proches de ce qu’il est en train de vivre, lui dont « l

octroyée à chacun. Force est de remarquer que Sven doit s’estimer heureux d’en avoir une, aussi e cœur […] commence déjà à voyager » (p. 73) et qui, comme eux, attend depuis de longs mois (p. 74). Viennent ensuite les membres de sa famille qu’il n’a jamais connus, à l’exception du vieillard. La première à apparaître est la mère d’Emmanuel. C’est dans ce jeu que naît le mystérieux personnage de « la Dame en vert » qui hante plus tard les rêves de Sven. Elle est ainsi dénommée parce qu’elle porte une robe de cette couleur. Emmanuel la suit immédiatement, d’une façon très différente de celle de l’homme au loden vert qui séjourne dans l’île des Wadden. Ce sont les deux personnages tous deux, lieu du manque dont le narrateur, mimant l’observation minutieuse de l’enfant, décrit très précisément l’apparence vestimentaire. Une grande attention est accordée aux couleurs : la femme est « brune », sa robe est « verte », ses cheveux « noirs », ses yeux « très clairs, de la couleur des feuilles qui viennent de s’ouvrir » (p. 94), tandis que la moustache d’Emmanuel est « brune », son complet de « couleur coquille d’œuf avec une cravate rouge » assorti de « chaussures à peine plus foncées » (p. 94-95). Ils sont perçus à travers le regard du jeune joueur. Leur élégance désuète n’étonne pas l’enfant : il remarque des figurines ce qui les distingue fortement des autres et qui tend à faire de chacune d’elle la représentation d’un type spécifique. A chaque type, sa place sur la scène familiale. Le « vieillard comme le sien » est déjà un vieillard. Le jeu de rôle est complet avec l’entrée dans le drame d’un petit garçon qui accompagne le vieillard pour accueillir les deux personnages précédents. La voiture qui mène la famille réunie à la maison constitue un espace emblématique de la place

exiguë soit-elle. La sympathie du narrateur va au personnage éponyme, comme le montre l’exclamation en discours indirect libre « il ne faut quand même pas exagérer ! » (p. 96). Le scénario comprend successivement les étapes suivantes : l’accueil à la gare, la traversée du cirque dans la Citroën, l’arrivée au domaine, l’accueil sur le perron des domestiques immédiatement suivis des chiens. Cette euphorie prend fin dès que se manifestent les signes de l’ennui d’Emmanuel et de sa mère dans le cirque : fatigue, voire refuge dans le sommeil, et désœuvrement du jeune homme (p. 100-101), migraines de sa mère (p. 105). Le jeu rejoue le passé et le vieillard, fort de rectifier les imperfections du décor, reproduit son aveuglement tyrannique d’antan. Son avatar entraîne celui du jeune homme à travers la propriété. Quand Sven objecte, après avoir déposé « Emmanuel à l’ombre d’un manguier », « il est fatigué », il « a chaud »

cette particularité de la miniature que Bachelard résume ainsi : « elle permet de mondifier à petits , le vieux joueur rétorque : « A son âge ! […] Allez ! On continue ! » (p. 101). Son avatar ne respecte pas davantage l’isolement voulu de sa femme durant ses migraines (p. 105). Autres indices qui préfigurent la crise : les chuchotements vespéraux de la Dame en vert et de son fils. Le jeu reproduit la mise à l’écart du vieillard (p. 102). La crise est passée sous ellipse : elle a déjà eu lieu lorsque la Peugeot 203 franchit le portail avec la Dame en vert pour passager. Le jeu de rôles met ici en scène le « rêve du vieil homme » (p. 106). S’il échoue à « modeler une autre mémoire au vieillard », il contient à la fois la mémoire effective plus ou moins en filigrane et / ou « en négatif », de même qu’il dénonce les attentes satisfaites ou refusées par les circonstances de la vie. Dans la mesure où il explore et résulte à la fois l(d)es diverses hypothèses relatives à une crise-charnière de l’existence du personnage, le jeu implique ici que le vécu est envisagé comme un destin et qu’il revêt ainsi un caractère doublement testimonial. Le témoignage, quand bien même il transgresse et digresse la vérité du passé, se fait legs.

Le Principe de plaisir et le déplaisir. Le jeu sollicite le principe de plaisir, car il répond à un désir et le satisfait réellement et parfaitement sur sa propre et seule scène. Le plaisir qu’il procure est double : il est le fait à la fois de la scène du jeu et de l’acte de jouer. Il ressortit aussià

risques ».89 Cette mondification autorise une appropriation de l’espace du cirque de Salazie qui donne libre cours à un « végétalisme intime », expression que nous empruntons à Bachelard. Revenons sur le jardin d’Eden que fait apparaître le jeu. Sa composition est placée sous le signe de l’osmose des éléments et de celle de la Nature et de l’Homme. Les trois phrases de type négatif et restrictif qui en parachèvent la description (p. 99-100) imposent le cirque d’autrefois comme l’envers de celui d’aujourd’hui, et réciproquement. La luxuriance de la végétation se laisse pénétrer par une lumière liquide qui « pleut à travers les feuillages » (p. 99). Sa transparence appelle cette synesthésie. Ne pouvant céder à l’anarchie, elle se contente de former des « îlots sombres au fond du cirque » (p. 100). Une île dans l’île. L’opacité des bosquets contraste avec la clarté jaune des « champs de maïs ou de cannes » qui s’étendent « sur les plateaux et dans les vallées ». Cette terre réunionnaise imaginée permet de concilier parfaitement l’hospitalité et la préservation d’enclaves sauvages. Le regard progresse selon une verticalité ascendante. En raison des infrastructures peu développées, les limites de l’espace marquées par « la ceinture des montagnes » ne se laissent pas atteindre aisément. Défi de la nature, les villes semblent construites à flanc de montagne dans « un défilé qui perce le massif », tandis qu’une route unique rend possible l’accès à la maison. Aménagé depuis peu comme lieu d’habitation, le cirque se présente à la fois comme une retraite isolée et comme un refuge. La comparaison dont fait l’objet la ravine oppose une terre passée qui se livre avec son eau vive qui « glisse » et « son cours » qui « s’évase », alors qu’elle « s’enfonce […] dans la saignée d’une gorge vertigineuse et étroite». L’antithèse est mise en exergue par la ponctuation des deux points. La terre aujourd’hui hostile semble retenir l’eau. En revanche, celle d’alors offre un escalier de « retenues d’eau ». Capté par cette nature accueillante, l’œil accompagne le cours de la ravine et décroît. L’hospitalité du paysage ressortit à l’aisance avec laquelle il se laisse saisir, dominer, posséder par le regard du joueur.

La magie du jeu, et le sentiment de puissance voire de toute-puissance qui en est la conséquence immédiate, réside dans l’illusion qui consiste à croire, ici de façon partagée, que l’on prête vie à de l’inanimé. Illusion qui ressortit au « je sais bien, mais quand même… » qu’Octave

Mannoni analyse dans son recueil d’articles Clefs pour l’imaginaire ou l’Autre scène90. Les rituels qui

accompagnent l’entrée dans le jeu manifestent le glissement progressif dans l’illusion. Avant de pouvoir jouer, il faut extraire le train de sa « boîte ». Sven « dénoue la ficelle », « soulève le couvercle » (p. 73, 93 et 112). Le geste s’impose chaque fois qu’il lui faut sortir le train, les personnages renfermés quant à eux dans un coffret et les éléments qui composent le cirque miniature. La précision et la récurrence de cette étape initiale du jeu invitent à envisager la boîte, dotée d’une grande charge affective, comme une sorte de jarre de Pandore. Paradoxalement, ce contenant qui annonce l’illusion la dénonce chaque fois que le narrateur fait part de la plongée de la main de l’enfant à l’intérieur de ses rebords. La pièce dans laquelle jouent l’enfant et le vieillard offre par ailleurs un espace que les joueurs aménagent afin de faciliter et de maintenir l’illusion : ainsi un fauteuil devient-il un tunnel (p. 73). Mais il arrive qu’elle soit perçue comme susceptible de menacer également l’illusion fragile : le vieillard ne voyant plus « Emmanuel » regarde « si la figurine n’a pas roulé sous le rocking-chair » (p. 105). Aussitôt que l’illusion est rompue, les « lames du plancher » réapparaissent (p. 73 et 75). La désignation des personnages reflète aussi la disparition de l’illusion ou son travail en cours. Ainsi sont-ils tantôt des « figurines » ou des « petits personnages en plastique », des « corps de plastique », tantôt des hommes, des voyageurs, des employés ou « Emmanuel, la mère d’Emmanuel, ma femme ». Enfin, l’illusion requiert la participation des joueurs, ici de Sven. Pour donner vie à la locomotive (l’électricité étant coupé), l’enfant imite ses sifflements et la mélodie à trois temps de la rotation de ses roues (p. 73). Il doit faire avancer les figurines. Le narrateur n’omet pas de rapporter comment le garçon s’en empare : il « soulève » la Dame en vert « du quai en la prenant par les épaules » avant de poser « le petit personnage » (p. 95) ; au « vieillard en miniature », il fait faire « des cercles autour de l’arbre où sa

femme simule le sommeil pour ne pas le voir » (p. 105). C’est encore lui qui « ouvre les portières [de la voiture] et pousse tout le monde à l’intérieur » (p. 95). Le scénario ne se déroulerait pas sans l’intervention du joueur : Sven devient indispensable à sa réalisation.

La jouissance ressortit aussi au fait de pouvoir répéter les scènes favorites du vieillard : l’arrivée au domaine est de ce fait relatée deux fois. Cette répétition approfondit le « je sais bien, mais quand même… » de l’illusion. Ainsi le grand-père de Sven se laisse-t-il gouverner par le plaisir éprouvé. Impérieux, il commande : « Reprends l’arrivée. C’est le moment que je préfère, quand la voiture tourne et remonte l’allée. » (p. 97). Le type injonctif, sa posture « au-dessus de Sven » et l’obéissance zélée du garçon l’imposent comme maître du jeu. Comme sur un plateau de théâtre, les figurines regagnent l’espace correspondant au moment qui précède l’arrivée des hôtes. Le narrateur commente la nouvelle mise en scène de Sven : « En reprenant la scène, il l’améliore. Il précise un détail, ajoute un bruit qui manquait, complète une image. » (p. 97). La perfectibilité de la mise en scène, au regard du narrateur, semble résider dans sa capacité à satisfaire les sens de l’ouïe (« bruit ») et de la vue (« image »). De ces sens de la distance dépend l’effet de réalité. La description qui suit immédiatement le commentaire parfait le récit premier de la scène (p. 94) en recourant à la métaphore de l’écharpe et au tableau impressionniste étudiés ci-dessus. Le détail de la gracilité de la Dame en vert révélée par le jeu du vent dans ses cheveux et sa nuque ainsi découverte clôture la scène, à la façon des films hollywoodiens des années 1950-1960. Mais au plaisir succède le déplaisir : le vieillard spectateur demande à Sven d’arrêter de jouer aussitôt, tant il est ému. La sortie du jeu coïncide avec l’irruption peu ou prou de la réalité dans le jeu, lorsque celui-ci tend à reproduire trop parfaitement celle-là (p. 74-75), signale par sa perfection le caractère déceptif du présent (p. 97), s’avère impuissant à la changer (« Sven se dit qu’il ne pourra jamais les empêcher de reprendre le train où le vieillard et lui étaient venus les chercher », p. 102), ou lorsque les vérités qu’il met à nu dérangent (p. 107 et 113). L’équilibre entre le plaisir et le déplaisir est à la fois précaire et sans cesse menacé.

Ces moments où les personnages jouent « ensemble » sont les seuls où le vieillard daigne s’adresser à son petit-fils. Il n’est plus un être humain, mais « une voix au-dessus de lui » lorsqu’il lui conseille de façon autoritaire d’avancer davantage le train « pour que les derniers wagons soient à la hauteur du quai » (p. 73). Ses interventions sont pour la plupart jussives : « Tiens l’échelle ! » (p. 92), « Donne-les [les cartons] -moi » (p. 93), « Installe le circuit » (p. 93), « Vas-y ! Joue ! » (p. 94), « Continue ! » (p. 95). Ses questions sont des ordres ou des désapprobations : « Qu’est-ce que tu attends ? » (p. 73, 94) et « Pourquoi fais-tu ça ? » (p. 74), « Non ! C’est moi ! » (p. 93), « Pourquoi t’arrêtes-tu ? » (p. 101). Rares sont les moments où le vieillard s’adresse de façon valorisante à l’enfant. Face aux entretiens factices d’Emmanuel et de sa mère, il attend de Sven une réponse sur ce que le jeu lui donne à voir : « Qu’est-ce qu’ils disent ? » (p. 102). Le jeu de Sven ayant mis en exergue la fatigue d’Emmanuel, le vieillard interprète la gêne du garçon comme de la fatigue et respecte celle-ci dans une certaine mesure (il emmène l’enfant en ballade). Le jeu lui a-t-il ouvert les yeux ? Craint-il pour la première fois de perdre l’affection de l’enfant, sa dernière compagnie ? Le texte ne permet pas de trancher en faveur de l’une ou de l’autre de ces hypothèses. En parfait mauvais joueur, le vieil homme accuse : « Tu triches ! » (p. 74), lorsque Sven prend la liberté de faire une place dans le scénario du jeu à l’attente absurde que tous deux vivent dans le cirque. L’enfant est plus souvent son exécutant que son adversaire de jeu. En témoignent encore une orientation du jeu telle que « Le bassin ! » (p. 100) et la phrase injonctive « On continue ! » (p. 101). Le pronom indéfini « on » implique dans la réalisation du procès non seulement le locuteur, mais aussi Sven et « Emmanuel ». Effectuée par Sven, elle est alors susceptible de donner crédit, dans l’esprit du vieillard, à la rencontre du jeu et de la réalité de la fiction romanesque. Elle donne une certaine réalité à son fantasme des retrouvailles des trois générations masculines.

L’Instrumentalisation du jeu et les joueurs joués. Ainsi le jeu se voit-il instrumentalisé par les joueurs. Sven ne supporte pas l’autorité égoïste du vieillard : « Il se dit qu’il voudrait inventer un jeu qui fasse mal au vieux » (p. 73-74). L’enfant a alors l’idée des voyageurs qui

attendent depuis un mois et de l’attente « depuis plus longtemps encore » du couple que forment un homme et un petit garçon. Il utilise le jeu pour se venger. Et c’est probablement pour se faire pardonner qu’il réclame le jeu par la suite : « J’ai envie de jouer avec le train. Je ferai attention cette fois. », promet-il. Chaque minute passée devient alors la confirmation de son engagement. Par ailleurs, Sven « se sent bizarre quand les miniatures de bois ou de plastique font renaître progressivement les images de l’île d’autrefois » (p. 99). Cette fonction attribuée au jeu suscite un