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La Récursivité structurelle

B. 1. Le Bleu des vitraux

B. 1. 1. Analyse séquentielle

Le Bleu des vitraux présente une construction d’une facture plus traditionnelle que La

Morte saison, qui s’apparente à une structure enchâssée. Le récit qui coïncide avec la cérémonie

s’inscrit dans l’actualité du narrateur. Non seulement, il encadre le récit du passé, mais il ouvre et il clôt le roman. Cependant la structure présente très tôt des libertés à l’égard de la tradition : le récit du passé est interrompu par des évocations récurrentes et de plus en plus courtes de l’office en cours qui signale le présent de la narration. Cette célébration se caractérise par l’unité de temps, de lieu et d’action. Ainsi ce récit de Jean Lods, dans sa structure, réalise-t-il la rencontre

du genre romanesque et du genre théâtral. Le narrateur, Yann Toulec, s’exprime à la première personne, dans le récit relatif à l’office religieux comme dans le récit de l’enfance. Dans ce dernier, la première personne tend à s’effacer au profit de la troisième personne. Parallèlement, le narrateur Yann fait place à Yannou enfant. Ce passage d’une personne à l’autre témoigne d’une distanciation du narrateur à l’égard de l’enfant qui vit encore en lui. A la différence de La Morte

saison, le roman est composé de plusieurs chapitres (quinze) non numérotés. Une page blanche

les sépare de ce qu’il convient d’appeler « l’épilogue » constitué de quatre pans. L’ensemble donne à lire une alternance de dix-sept séquences relatives au présent de la narration et au passé du narrateur. Seule la treizième séquence (séquence 7 des récits 1 et 2) montre la fusion des deux temporalités. Le tableau n°5, proposé en annexe, rend compte de cette distribution séquentielle.

Dès l’incipit, le récit commence in medias res au moment de la mise en bière du corps de la mère défunte : « Vous voulez la voir ? » (p. 9). Yann refuse de voir la dépouille mortelle. Le dernier hommage familial est immédiatement suivi de la cérémonie funèbre, mais le récit procède à une analepse : la veille, Yann se revoit, rue des Feuillantines, dans l’appartement de sa mère, en train de faire le tri de ses affaires. Le début de l’office est aussitôt interrompu par le récit enchâssé. Celui-ci engage tout le roman dans une lente remontée dans le temps, remontée qui se donne pour point de départ la rencontre des parents de Yann. Cette pré-histoire que s’imagine le narrateur s’étend sur deux séquences du récit de l’enfance. La bascule du présent au passé s’effectue au chapitre « 2 », au gré d’une reprise en anaphore : « Alors, seul, divinement seul, je pouvais enfin regarder l’île naître de la mer dans son collier d’écume. » (p. 22). Le Porthos fait route vers l’île de l’océan Indien ; à son bord, la mère du narrateur. Son équipage cède soudainement la place à l’officiant de la messe funèbre : « L’officier de quart est debout derrière la vitre, et l’on voit le marin immobile à la roue dont les poignées de cuivre luisent. » (p. 30) et « Mais là-bas l’officiant poursuivait son oraison funèbre, […]. » (p. 31). Comme l’indique la conjonction de coordination « mais », le présent s’oppose au passé, dans l’esprit du narrateur. La nature rêveuse de la mère, évoquée par l’officiant, donne lieu à la deuxième séquence du récit

enchâssé (p. 32-52). René Toulec est la première personne qu’elle rencontre sur le quai de Saint-Denis. Peu de temps après, Anne-Sylvie Imbert accepte de l’épouser. La description de la célébration du mariage placée sous le signe du bonheur fait contraste de nouveau avec les obsèques. La phrase clausule du chapitre 4 décrit un paysage réunionnais érotisé qui semble augurer de la nuit de noces :

« Au-dessus, très loin, clignotent les lumières de Hell-Bourg, et de l’autre côté, comme sur le second plateau d’une balance au fléau incliné dont le couteau serait le toit nappé de lune de la maison, brille la constellation de Salazie dont les étoiles s’étirent tout au long de la fente sombre de la ravine. » (p. 52).

La contradiction du présent semble à l’origine du doute du narrateur : « Etait-ce ainsi que cela s’était passé ? Tandis que le prêtre, revenu à la célébration de sa messe, élevait le ciboire au-dessus de lui, […]. » (chapitre 5, p. 53). Quelques lignes encore, et cette courte évocation du présent est de nouveau interrompue par le récit du passé, de la fin des flonflons et du quotidien avec la « femme en noir », la mère de René, dans le cirque de Salazie et à Bois-Rouge. Yann assiste sans y être à la cérémonie funèbre : sa rêverie-souvenir, d’une qualité très nervalienne, le transporte dans son enfance insulaire. Le passé redevient présent : les jeux d’enfants avec Bozzo ; la rédaction ratée, l’aide tardive de sa mère ; les parents surpris dans leur intimité par Yannou et sa mise à l’écart par sa grand-mère, leur secret. Reviennent également la visite « rituelle » des pères, le silence de la Grande Maison et la scène de voyeurisme avec Lise, au Butor. Mais c’est le rire d’Anne-Sylvie qui ramène le narrateur à la cérémonie. Son souvenir coïncide avec la fin de l’office religieux (p. 119). Le passé et le présent se rejoignent : ils sont marqués tous deux par une rupture dans leur continuité, comme l’indique la phrase par laquelle reprend le récit enchâssé : « Car rien ne devait plus être pareil après l’explosion de ce rire. » (p. 120). La quatrième séquence (p. 120-128) apparaît, marquée par l’éclatement progressif de la cellule familiale, la tentative et l’échec de René pour nouer un dialogue avec son fils. Elle s’achève par le départ d’Anne-Sylvie qui quitte définitivement l’île pour regagner la France. Ce départ vécu par le père et le fils comme un abandon constitue une désertion humiliante pour la Veuve Toulec : « Elle [la vieille Toulec], elle reste immuable. Elle attend. Quoi ? Je le sais maintenant, ou je crois savoir, ou j’imagine que je

sais… » (p. 128). Le passé et le présent se rejoignent dans la mesure où le narrateur adulte ose enfin nommer, qualifier les événements passés. Réagissant par rapport à ce passé qui l’envahit, Yann se met soudain à rechercher dans la théorie qui suit le cercueil d’Anne-Sylvie cet amant présumé avec lequel elle aurait quitté l’île : « […] celui qui, apparu on ne sait comment à cette époque, ne relâchait plus le poids de sa présence invisible. » (p. 129). Il revit l’idéalisation de cet homme et la douleur d’être privé de sa mère (p. 129-130), avant de renoncer à percer le secret de sa mère (p. 131). Son souvenir semble lui préférer les derniers moments de complicité partagée avec sa mère. Ils paraissent fragiles face au sentiment d’infamie qui affecte soudain la puissante famille Toulec. De la même façon, la joie suscitée par la visite de Lise placée sous le signe du plaisir naissant est aussitôt balayée par la lettre de son père qui informe Yann du divorce parental. Yann rétorque à la déconstruction de son univers d’enfant par l’invitation de Lise dans la chambre de ses parents. Il se réveille de sa torpeur pour apercevoir la réunion du conseil de famille. Avec la mise en abîme de la ballade de Goethe, « Le Roi des Aulnes », la septième séquence du récit du présent se confond avec la septième séquence du récit de l’enfance, Yann et Yannou ne font de nouveau qu’un. Le récit de la fuite du père et du fils à Hell-Bourg coïncide avec celui de l’enterrement d’Anne-Sylvie Imbert. Dans l’esprit du narrateur, la mort de sa mère est synonyme de la mort de son enfance, de Yannou. La ballade de Goethe réalise le lien entre les récits distincts l’un de l’autre grâce aux nombreuses métalepses narratives et l’épilogue. Le père et le fils se font face dans la douleur de la mère perdue (p. 169-171). L’évocation de l’assistance dans l’ignorance du drame (p. 171-172) répond à cette entrée dans le drame. Yann adulte commente le refuge-prison de Hell-Bourg. A l’analyse succède l’assaut de la vision issue du souvenir : le mutisme de Yann ; la visite des curieux qui suscite une surveillance éperdue des lieux par René ; l’abus des colons depuis la perte de la tutelle de la douairière ; la bienveillance inquiète de Nénène. Les ballades autour de l’étang aident Yann à sortir de la maison pour errer seul dans le cirque. Le retour de l’enfant dans la grande maison, la lettre de la Veuve Noire à son fils, la remise de cette lettre à René par l’intermédiaire de Yann s’enchaînent avec une rapidité (p. 187-193) telle

qu’elle semble mimer l’enchaînement inéluctable des événements. Le récit laconique du suicide du père est placé sous le signe de la pudeur. Le tragique est mis en relief par l’ellipse narrative, page 197, qu’indique le changement de paragraphe, ainsi que par les phrases nominales qui achèvent l’ultime séquence du récit du passé. L’office religieux achève le roman : les obsèques sont finies, Yann est assis au volant de sa voiture en route pour Paris, sa femme et ses enfants à

ses côtés. Remarquons dès à présent, mais nous y revenons en fin de chapitre43, qu’à l’instar de

La Morte saison et de Mademoiselle, Le Bleu des vitraux s’achève sur une mise en question de la

fidélité, au sens littéral du terme qui en fait un synonyme du mot foi. Martin renoue avec la fidélité à soi-même, libérée du regard des autres, alors que Yann se heurte à la « fidélité terrible » de son père, « active comme un défoliant jeté sur l’avenir ». Cette fides est une thématique qui traverse toute l’œuvre de Jean Lods. Elle est également à l’œuvre dans le motif de l’attente de l’enfant.

L’intrication des histoires est telle que les événements semblent ne pouvoir qu’entraîner le suicide du père. Cet avenir déjà passé est présent dès le début du roman. S’il n’est pas annoncé en

tant que tel, son caractère tramé contamine le récit du passé dès les premiers souvenirs rapportés.

La dramatisation du rêve de la pré-origine dont s’empare la remembrance à l’orée du roman fait résonance avec celle de la remémoration fantaisiste (scansion des strophes de la ballade de Goethe) des derniers jours à Hell-Bourg.

Les séquences 3 et 4 du Bleu des vitraux donnent à lire la reconstitution que réalise le narrateur-personnage adulte de la rencontre de ses parents jusqu’à leur mariage. Elle est relatée en deux volets qui retracent les étapes de la rencontre, de l’enamorento au mariage. Ils s’achèvent tous deux par la victoire du regard social, rappelé par la mère de René Toulec à l’issue du premier volet (évocation du bon parti que représente Armande de Vilenne), mais réinvesti par l’héritier à la fin du second (son mariage avec Anne-Sylvie). Le souvenir du caractère rêveur de la mère qui s’impose à son fils lors de la cérémonie des obsèques de cette dernière appelle la rêverie du fils, Yann. La fantaisie de la rencontre de ses parents prend le relais des rêveries de la mère défunte.

Le premier volet s’étend de la page 32, « Moi j’aimerais les arrêter là […] », à la fin de la séquence (page 41). Nous numérotons chacune de ses lignes de 1 à 316. Le récit de la fantaisie reprend page 44, de « A lui on ne dira rien en face […] » jusqu’à la fin de la séquence 4, page 52 (lignes 1 à 287).

B. 1. 2. Le Rêve de la pré-origine

Le narrateur, Yann Toulec, puise autant dans l’histoire familiale que dans ce qu’il convient d’appeler ses « fantasmes originaires ». Les psychanalystes, Jean Laplanche et J-B Pontalis, désignent ainsi :

« […]les structures fantasmatiques typiques (vie intra-utérine, scène originaire, castration, séduction) que la psychanalyse retrouve comme organisant la vie fantasmatique, quelles que soient les expériences personnelles des sujets ; […] »44.

Il s’efforce de rétablir chaque étape de sa préhistoire en prenant soin de garder sous silence l’Urzsene, comme si la parade de son père et les préparatifs du mariage devaient demeurer sans but ou manquer irrémédiablement leur but. Pourtant, on constate que chaque détail de cette chronique d’une naissance annoncée converge vers cette scène hors champ dans le tissu narratif. L’Urzsene correspond à cette « scène de rapport sexuel entre les parents, observée ou supposée

d’après certains indices et fantasmée par l’enfant »45. Comme la naissance et les années de la petite

enfance, cette scène fait l’objet d’une ellipse du récit. Celui-ci reste et reprend son cours à leur seuil. L’Urzsene ne manque pas de stigmatiser l’énonciation de cette préhistoire, notamment l’intrication d’éléments ressortissant au réel et d’éléments fantasmés. Observée dans un acte de voyeurisme, une scène primaire proprement dite n’est évoquée que rapidement, à la séquence 6, jusqu’à l’irruption de la Veuve Noire (pages 79-80) qui interrompt l’enfant. Est-ce le voyeurisme ou l’objet vu qui « sera un secret » entre l’enfant et sa grand-mère ? Avant d’explorer cette scène hors champ, intéressons-nous aux différents instruments auxquels recourt le narrateur pour

44 Jean Laplanche, J-B Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, Presses Universitaires de France, 2002, p. 157. 45 Ibidem, p. 432.

appréhender cette préhistoire. Le passage étudié s’étend de la page 32 à la page 41. Il commence avec le souhait qu’exprime le narrateur d’effacer l’épisode pré-originaire qu’il s’apprête à relater : « Moi j’aimerais les arrêter là […] » (ligne 1). La mise en scène est dénoncée dès les premières lignes. La distanciation est également l’effet du style qui parodie celui de la chronique. Les nombreux stéréotypes qui scandent cette fantasy dénoncent l’artefact autant que l’ironie. Ironique également ce regard du narrateur adulte qui perçoit ses parents comme des victimes consentantes de leurs milieux respectifs. Est-ce une ironie d’auto-défense ou de mise en accusation ? Quelle fonction donner à cette digression factice du récit dans la trame narrative ?

Le fiat fantaisiste obéit à une scénographie. Le sujet narrateur se plaît à affirmer que cette scène écrite d’avance lui échappe : « Mais, pas plus qu’une prophétesse, je n’ai le pouvoir de modifier le cours du destin. » (p. 32, l. 16-17). L’évocation du fatum place la rencontre des parents sous le sceau du tragique. Telle est la première manifestation de ce registre qui traverse tout le roman. Grâce à la fantaisie, le tragique est exploré dans sa dimension théâtrale, comme l’indique la métaphore filée sur laquelle repose dans ces lignes le discours narratif. Les lexèmes et les expressions « entrés dans leur drame » (l. 4), « la pièce » (l. 5), « spectateur » et « personnages » (l. 5) s’associent en effet aux expansions temporelles « pour l’instant » et « pas encore » qui annoncent le nœud à venir. Les questions du narrateur participent à la dramatisation de la scène provisoirement en suspens : elles soumettent autant d’interrogations qu’elles donnent libre cours à une complainte (lignes 22-32). L’unité de celle-ci est due à la reprise en anaphore de la proposition principale : « pourquoi fallut-il ? ». Du fait de la concordance des temps, le verbe

falloir au passé simple (seule manifestation de ce tiroir dans la fantasy) entraîne l’emploi du

subjonctif imparfait dans la subordonnée. Ces deux temps relèvent d’un registre soutenu et d’un usage ancien. Faut-il reconnaître un hommage aux chœurs chers aux tragédiens ? La plainte ressortit tant à la succession des propositions interrogatives qu’à l’effet de concaténation des procès évoqués dans un enchaînement parfait : la réception de la camionnette, la chute de la malle d’Anne-Sylvie, la déclaration par celle-ci des dommages subis (une perte) et la signature de René

du billet de livraison (une acquisition). La contingence à laquelle semble obéir les menus événements est également le fait de la double modalisation par le verbe devoir dans les propositions « Il a dû ouvrir les vitres, […] » (l. 34) et « il a dû interpréter le message qu’il recevait des yeux liquides, […] » (l. 33). Les modalités épistémique (la certitude) et déontique (la nécessité) se confondent. D’autre part, la scénographie à laquelle obéit le déroulement de la fantaisie affecte également ce que celle-ci donne à voir. Le comparant de la fenêtre du salon d’Anne-Sylvie associe le carré lumineux à « une loge de théâtre sur la scène du jardin illuminé […] » (p. 35-36). Si le narrateur subit passivement sa fantaisie, il n’en demeure pas moins omniscient, comme l’indique la remarque relative au sentiment d’oppression de son père (lignes 34-39). Il est celui qui sait l’implacable cours des événements. Yann est celui qui sait ce que ni les personnages ni le lecteur ne savent. Il s’affirme spectateur de la scène qu’il construit, et cela en toute conscience de ce qu’il fait et « voit ». On reconnaît là une forme courante du procédé de la métalepse tel que le dépeint

Gérard Genette46. Comme au théâtre, il connaît déjà la pièce qu’il s’apprête à regarder : « Et moi,

spectateur d’une histoire où les personnages sont les seuls à ignorer ce qui va se passer, je ne puis rien faire pour les avertir. » (p. 32). Nous reviendrons à l’issue de cette étude de la scène originaire sur l’évocation de cet « avertissement ». Le lien entre le savoir déjà et le traitement du temps est sans cesse rappelé par des connecteurs temporels tels que « pour l’instant, pas encore » (p. 32). Yann sait ce qu’il n’a jamais vécu au point d’annoncer l’avenir dans son passé, à l’instar du chroniqueur qui rapporte des événements vrais, réels, appartenant au passé. S’il n’est pas la Pythie dans sa propre vie, le narrateur-personnage l’est dans son récit pour le lecteur.

A l’instar d’une chronique, la fantaisie rétroactive évoque les événements dans un ordre strictement successif. Les étapes qui conduisent ces deux personnages au mariage s’enchaînent les unes après les autres. Située dans un passé immémorial pour le narrateur-personnage, cette fantaisie de rencontre présente chacun des incidents qui la composent comme scrupuleusement inscrits dans sa trame en fonction de ce qui le précède et de ce qui le suit immédiatement. En

narrateur omniscient, Yann sait aussi ce qui s’est passé simultanément, « dans le bureau du transitaire » par exemple, comme cela est mis en valeur par le connecteur « en même temps que » (p. 33). Cette simultanéité ressortit également au rythme ternaire produit par la répétition, pages 32-33, du connecteur « à l’heure où ». Ce dernier introduit des propositions subordonnées temporelles qui établissent la connexion des deux espaces de René et d’Anne-Sylvie en train de se rejoindre : le paquebot Porthos et le quai, la mer et la terre. Le même connecteur réapparaît pour évoquer en parallèle la scène intime et le nazisme : « […] elle, qui n’en peut plus d’être seule à l’heure où la peste brune envahit le monde […] » (p. 49). De la même façon qu’il reconstitue les coïncidences qui sont à l’origine de la rencontre de ses parents, Yann signale la succession des événements auxquels elle a donné lieu dans les vies respectives des deux protagonistes. La locution « une fois » suivie d’un groupe nominal (p. 33, 37, 40) et celle « une autre fois » reprise avec l’addition de l’adverbe « encore » (p. 34) rivalisent avec les connecteurs « ensuite » (p. 34, 37, 38) et « puis » (p. 34), adverbes qui se rapportent autant à la rencontre (à l’énoncé) qu’au récit de celle-ci (à l’énonciation). Il en est de même de l’adverbe « enfin » (p. 34). Les étapes de la rencontre coïncident alors avec celle du récit. Le déroulement des événements est également le fait de la reprise en anaphore de la conjonction de coordination « et », page 46. Chaque incident est alors l’immédiate conséquence de celui qui le précède. Cette succession des événements est non seulement troublée par les prolepses narratives, mais aussi par la fréquence, au sens indifférencié du terme, des événements. En effet, l’itération des événements, exprimée par les