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III.2 Domaines de spécialité en traduction et traduction pour l’IPMB

III.2.6 Traduction publicitaire et marketing

Le domaine de la traduction publicitaire et marketing n’est pas réellement défini par son objet, au contraire de la traduction juridique (qui porte sur le droit), de la traduction scientifique (qui porte sur les sciences pures) et de la traduction technique (qui porte sur les applications pratiques de la science), puisque la traduction publicitaire ne porte pas sur la publicité. En effet, l’objet de la publicité peut être extrêmement varié et relever de nombreux domaines : publicité pour un service de conseil juridique, pour une nouvelle offre de réseau mobile ou pour un nouveau traitement contre le cancer. Nous entendons ici par « publicité » tout document ou matériel textuel permettant de promouvoir un produit, une société ou une marque : il peut donc s’agir, par exemple, d’une affiche publicitaire, d’un site Web ou d’une brochure promotionnelle touristique. Le « marketing » correspond à l’ensemble des procédés et stratégies employés pour persuader un public d’acheter un service ou un produit ou pour promouvoir les actions et améliorer la visibilité d’une organisation d’une entreprise, d’une personnalité, entre autres, auprès du public.

La traduction publicitaire se caractérise par son champ d’activité professionnelle, celui du marketing et de la publicité, et surtout par sa fonction.

Fonctions

La fonction des textes publicitaires est de provoquer un certain comportement chez les lecteurs auxquels ils s’adressent, de modifier leurs habitudes et, bien souvent, de les convaincre d’acheter un produit ou un service (Torresi, 2010, p. 24).

Une fonction secondaire des textes publicitaires est d’informer. Néanmoins, cette fonction informative sert la fonction primaire des textes publicitaires : les éléments informatifs visent eux aussi à convaincre les lecteurs cibles en s’appuyant sur des éléments factuels (ibid, p. 25).

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Claude Tatilon (1990, p. 243, 245) identifie quatre fonctions discursives qui apparaissent dans la plupart des textes à visée publicitaire et qui sont toutes au service de la fonction primaire persuasive :

- fonction identificatrice (désignation de l’objet présenté) ;

- fonction laudative (mention d’une qualité spécifique à l’objet présenté) ; - fonction ludique (jeux de mots) ;

- fonction mnémotechnique (liée à la clarté et à l’originalité du message et à la facilité de mémorisation du message).

Lecteurs cibles

Le concept de « public cible » est une notion particulièrement importante en marketing : c’est en effet l’élément essentiel sur lequel est fondée la stratégie marketing d’une entreprise ou d’une marque pour la vente ou la promotion d’un produit ou d’un service. C’est donc un élément fondamental à prendre en compte en traduction publicitaire. Le traducteur doit avoir une idée très claire du public à qui doit s’adresser la publicité dans la culture cible, de ses besoins, de ses attentes et de son ancrage culturel. Il doit aussi pouvoir anticiper comment tel ou tel message publicitaire va être reçu par ce public (Valdés, 2013, p. 305).

Il est possible d’établir une première catégorisation de différents publics cibles des textes publicitaires fondée sur la typologie des textes promotionnels établie par Ira Torresi (2010, p.

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- les consommateurs (public général) ; - les entreprises ;

- les institutions.

Chacun de ces publics cibles peut bien entendu être subdivisé en catégories beaucoup plus fines.

C’est notamment le but des études de marché effectuées avant le lancement d’un nouveau produit ou service, qui sert à définir avec précision à qui ce dernier va s’adresser.

Étant donné que nous nous intéressons uniquement aux textes ou autres documents publicitaires destinés à être lus et non pas à l’ensemble des canaux utilisés en marketing pour faire la promotion d’un produit ou d’un service, nous utiliserons la notion de « lecteurs cibles » à la place de celle de « public cible ». Dans le cas des documents publicitaires faisant la promotions de substances thérapeutiques, nous pouvons ainsi déterminer plus précisément différents types de lecteurs cibles :

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- les patients, qui correspondent aux consommateurs ;

- les professionnels de la santé, notamment les médecins, qui sont chargés de prescrire les médicaments ;

- et les entreprises ou institutions, comme les pharmacies, les hôpitaux, représentés par des directeurs ou des gérants et qui sont responsables de distribuer, de vendre ou d’administrer les médicaments.

Spécificités linguistiques, structurelles et stylistiques

Le langage publicitaire doit satisfaire à deux critères : il doit être clair, c’est-à-dire qu’il doit être reçu par les lecteurs cibles avec l’intention voulue par l’émetteur, et il doit être inattendu, pour marquer l’esprit des lecteurs, susciter leur intérêt et se démarquer de tous les autres messages publicitaires concurrents (Tatilon, 1990, p. 243). Un langage simple et précis est essentiel pour que le texte publicitaire soit compris de tous (Boivineau, 1972, p. 16). « [L]a traduction doit être l’expression la plus naturelle du message de la langue de départ », le message doit se libérer des contraintes formelles de l’original et être compris le plus rapidement et le plus efficacement possible par les lecteurs (ibid, p. 18). La priorité en traduction publicitaire est ainsi souvent donnée au but et à l’effet que le client souhaite atteindre plutôt qu’à la fidélité formelle et conceptuelle au texte source (Torresi, 2010, p. 24 ; Tatilon, 1990, p. 245).

Cela implique que la traduction publicitaire nécessite la création d’un lien étroit et des discussions constantes entre le traducteur et le client afin de clarifier les buts, les possibilités, les contraintes et la vision du projet pour arriver à un résultat satisfaisant pour le client (Torresi, 2010, p. 13). Étant donné l’importance de la réception du message par les lecteurs cibles et de son effet sur ces derniers, il est fréquent que le traducteur publicitaire doive fournir plusieurs traductions possibles, soit plusieurs versions, d’une publicité, puisque le choix final est laissé, en dernier recours, à l’appréciation du client (ibid, p. 12).

Un autre aspect fondamental des textes publicitaires est leur ancrage culturel extrêmement marqué. Le traducteur publicitaire doit être particulièrement attentif aux aspects culturels car la publicité est souvent limitée par des exigences légales, éthiques et sociales (Valdés, 2013, p. 304). Mathieu Guidère (2009, p. 418) relève qu’il semble y avoir un consensus autour de l’idée que la traduction publicitaire consiste surtout à adapter une publicité pour une culture cible plutôt qu’à transférer le contenu et la forme du message. Il reprend la notion d’adaptation

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telle que définie par Boivineau (1972, p. 15) : « [i]l s’agira plutôt d’atteindre le but recherché avec l’annonce originale, et la voie pour rejoindre ce but pourra s’écarter sensiblement de celle suivie par le concepteur ». La finalité pragmatique du texte publicitaire est primordiale.

Autrement dit, la traduction doit permettre d’atteindre un but spécifique qui consiste généralement à produire un effet spécifique sur les lecteurs cibles à partir d’une argumentation particulière (Guidère, 2009, p. 420).

Les textes publicitaires se caractérisent également par la variété des supports et des canaux utilisés (medium and channel). On peut citer, par exemple, la presse écrite, Internet, les affiches publicitaires et les brochures (Torresi, 2010, p. 7). Le traducteur doit donc bien connaître les limites, mais aussi les possibilités offertes par chacun de ces médias (ibid). Il convient aussi de souligner que différents médias (internet, télévision, affiches, journaux…) sont souvent utilisés pour une seule campagne publicitaire, combinant ainsi des éléments verbaux à des éléments non verbaux. Le traducteur se doit d’assurer une cohérence entre les différents médias utilisés (Valdés, 2013, p. 310).

Dans ce cadre, un autre élément caractéristique de la traduction publicitaire doit être souligné : la prépondérance des images, des photos et d’autres éléments graphiques et visuels (Torresi, 2010, p. 11). La mise en page et les aspects typographiques jouent un rôle fondamental dans les textes publicitaires, aussi bien pour les publicités imprimées que celles diffusées sur internet, ces dernières exigeant également une attention particulière à la structure de la page Web et à la navigation sur cette dernière (ibid). Les éléments visuels et iconographiques sont en réalité des ressources pour le traducteur, qui peut s‘appuyer sur ceux-ci pour adapter le texte publicitaire aux nouveaux lecteurs cibles et qui dispose ainsi d’un support de créativité (Guidère, 2009, p.

420). Le traducteur publicitaire doit donc assumer des tâches plus étendues que l’adaptation des éléments textuels d’une publicité : si le client le demande, le traducteur doit être capable de modifier les éléments visuels et de recréer une publicité pour de nouveaux lecteurs cibles, généralement pour une région ou un pays donné (ibid, p. 421). Il est souvent contraint d’intégrer les éléments textuels aux éléments visuels afin d’assurer une cohérence « verbo-iconique » (Narvaéz, 2002, p. 165). La traduction publicitaire fait donc appel à des compétences en localisation et en transcréation, qui reposent sur des connaissances culturelles et des capacités créatives développées. Le degré de transcréation nécessaire est bien souvent déterminé par le rapport entre la quantité d’informations d’un texte et la quantité d’éléments utilisés pour convaincre le lecteur : plus le texte utilise des outils rhétoriques destinés à persuader les lecteurs

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et moins le contenu est informatif, plus le besoin de transcréation sera élevé lors de la traduction (Torresi, 2010, p. 25).

La traduction publicitaire est également caractérisée par des exigences de rendement, aussi bien temporel que spatial, le traducteur doit donc être le plus concis possible (Boivineau, 1972, p. 18). L’espace textuel est souvent limité par l’original, ce qui pose un problème particulier pour la traduction en français, qui est souvent plus longue que l’original si celui-ci est en anglais.

De plus, la publicité est une activité réglementée, aussi bien du point de vue du contenu des messages publicitaires que de leur expression. Le traducteur doit donc connaître les lois en vigueur en matière de publicité dans le pays ou la culture cible (Torresi, 2010 p.8 ; Narváez, 2002, 163).

En ce qui concerne leur contenu, les textes publicitaires sont généralement composés de trois parties distinctes : l’appellation (nom de la marque, de l’entreprise, du produit ou du service), le slogan (phrase d’accroche ou formule associée à la marque, à l’entreprise ou au produit) et la partie rédactionnelle (partie informative ou persuasive visant à vendre le produit ou le service) (Narváez, 2002, p. 164 ; Guidère, 2000, p. 24). Le slogan et le nom de la marque ou du produit sont des marqueurs des textes publicitaires qui demandent un traitement particulier de la part du traducteur, car ce sont des éléments qui doivent représenter l’entreprise, la marque ou le produit vendu et doivent donc correspondre en tout point à la vision du client et à l’identité de la marque (Tatilon, 1990, p. 244). Le nom de marque doit souvent être traité comme un nom propre : il n’est pas traduit (Torresi, 2010, p. 21). Néanmoins, il existe quelques exceptions : le traducteur peut devoir adapter le nom de marque à la graphie ou à la phonétique de la culture cible, il peut être amené à le modifier si le nom original prend un sens indésirable dans la langue de la culture cible, ou encore pour permettre au sens du nom de marque d’être immédiatement transparent dans la culture cible (ibid).

Souvent plus que dans d’autres domaines de spécialité, le langage utilisé dans les textes publicitaires est particulièrement marqué par la créativité : les jeux de mots sont très fréquents (ibid, p. 8). En effet, comme le souligne Ira Torresi (ibid, p. 23), la traduction publicitaire donne la priorité à la fonction du texte cible. Ni les éléments linguistiques de l’original, ni le message ou contenu de l’original ne sont nécessairement traduits, mais la fonction doit être conservée,

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ce qui laisse une marge de manœuvre relativement importante au traducteur pour jouer avec la langue et trouver les formules qui auront l’effet escompté chez les lecteurs cibles (ibid).

Afin d’atteindre l’effet voulu chez le lecteur, les textes publicitaires usent d’une grande panoplie de moyens rhétoriques. En particulier, il est fréquent de trouver un ton évocateur et émotionnel dans les publicités, dans le but de convaincre le lecteur d’agir d’une certaine manière, ce qui requiert une connaissance approfondie de la culture cible de la part du traducteur (ibid, p. 8).

Les textes publicitaires ont souvent recours à des tours rhétoriques qui font appel aux émotions, sentiments ou sensations du lecteur plutôt qu’à son jugement rationnel (ibid, p. 25).

Typologie des textes en traduction publicitaire

Ira Torresi (2010, p. 26) propose une première façon de classer les textes en traduction publicitaire, en fonction de leurs destinateurs et de leurs destinataires :

- des entreprises aux entreprises (B2B, business-to-business) ; - des institutions aux institutions (I2I, institution-to-institution) ; - des entreprises aux consommateurs (B2C, business-to-consumer) ; - des institutions aux consommateurs (I2C, institution-to-consumer).

Ira Torresi ajoute un deuxième découpage qui permet de définir les différents genres de textes publicitaires en fonction du médium employé : site Web, affiche publicitaire, brochure, etc.

Ira Torresi (ibid) souligne un dernier aspect très important en traduction publicitaire qui permet également de catégoriser les textes publicitaires et qui a un impact significatif sur la stratégie de traduction à adopter : le rapport entre la quantité d’éléments informatifs et techniques du texte et la quantité d’éléments visant purement à convaincre les lecteurs sans l’utilisation de données ou de faits. Dans la plupart des pays européens occidentaux, pour des documents tels que les brochures techniques, la part informationnelle et rationnelle est généralement prépondérante et requiert une traduction plus proche de l’original sur le plan du contenu et sur le plan formel, alors que la plupart des publicités dirigées vers le consommateur reposent surtout sur des éléments textuels imagés, émotionnels ou évocateurs et demandent un travail de traduction plus créatif, exigeant une plus grande part de transcréation (ibid, p. 25-26).

Bien que ces typologies soient intéressantes lorsqu’on s’intéresse plus spécifiquement à la traduction publicitaire, dans le cadre des textes produits par l’IPMB, nous n’utiliserons pas de

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critères de distinction aussi fins, comme le type de medium employé, dont les différentes catégories sont en constante évolution et qui semblent difficile à délimiter en raison d’une grande hybridité. De plus, en raison de la forte réglementation imposée sur les produits pharmaceutiques et les publicités faisant leur promotion, la quantité d’éléments informatifs que celles-ci présentent est dans tous les cas relativement élevée et ne permettrait certainement pas une distinction très nette des différents genres de textes promotionnels.