• Aucun résultat trouvé

IV.9 Phraséologie

IV.9.3. Instructions

Comme nous l’avons déjà indiqué, la fonction principale des RCP, des IPR et des notices d’emballage est de transmettre des instructions : ils indiquent comment un médicament doit être manipulé, administré ou pris et quelles sont les précautions à prendre. Les instructions forment donc une part significative du discours contenu dans ces genres de documents.

C’est le plus souvent le verbe qui permet de véhiculer une instruction, par le biais de son temps, de sa forme (passive ou active), de son sens ou de son mode.

Modes verbaux

Les modes verbaux revêtent une grande importance en rédaction technique, car ils sont les premiers marqueurs du discours technique prescriptif. L’impératif ou l’infinitif sont les deux modes les plus fréquemment employés pour transmettre des instructions dans les documents prescriptifs qui décrivent des procédures. Le choix de l’un ou de l’autre se fait généralement en fonction du type de lecteurs cible (lecteurs profanes ou experts) et du but principal recherché (concision ou invitation à la lecture). L’impératif est plus direct et plus personnel : il invite le lecteur à agir et lui donne la responsabilité d’agir (Bédard, 1986, p. 232-233). L’infinitif est plus neutre et froid : il introduit une distance entre le texte et le lecteur (ibid).

Le mode est une des différences principales entre, d’une part, les IPR et les RCP et, d’autre part, les notices d’emballage. Dans le cas des RCP et des IPR, l’usage prédominant est d’utiliser l’infinitif, ce qui permet de conserver le style impersonnel de ces documents.

Exemple : Lorsque la quantité de médicament à injecter nécessite d’être ajustée en fonction du poids corporel du patient, utiliser les seringues préremplies graduées permettant d’atteindre le volume requis, en éliminant l’excédent avant l’injection.

(Doc. 4, RCP, p. 5)

116

Nous avons également relevé trois occurrences d’instructions données au mode infinitif et associées à un point d’exclamation pour attirer l’attention sur une précaution particulièrement importante.

Exemple : Ne pas administrer par voie intravasculaire! (Doc. 13, IPR, p. 3)

Nous estimons cependant qu’un tel usage n’est pas recommandé, car les trois occurrences ont toutes été repérées dans le même document et l’emploi de cette marque de ponctuation ne nous semble pas adapté au style impersonnel et neutre des RCP et des IPR.

L’emploi de l’impératif a été relevé dans deux IPR et un RCP.

Exemples : 1) Pour plus d’informations sur l’utilisation en association à Avastin, veuillez-vous reporter au RCP d’Avastin. (Doc. 10, RCP, p. 5)

2) Après avoir désinfecté le bouchon, prélevez la solution à travers le septum à l’aide d’une seringue stérile […] (Doc. 15, IPR, p. 5)

Néanmoins, nous n’avons recensé que trois occurrences d’instructions à l’impératif, dans seulement une IPR (Doc. 15) et un RCP (Doc. 10). Nous pouvons donc considérer qu’il s’agit d’un usage très marginal. Comme les feuilles de style et l’usage dominant semblent consacrer l’emploi de l’infinitif dans les RCP et les IPR, il convient de se limiter au mode infinitif pour rédiger les instructions dans ces documents afin d’assurer la cohérence.

À la différence des RCP et des IPR, l’impératif de politesse est employé dans les notices d’emballage pour véhiculer des instructions. Néanmoins, dans chacune des notices d’emballage de notre corpus, aucun choix définitif n’est fait en faveur de l’impératif, l’infinitif étant lui aussi utilisé. Même les feuilles de style de Swissmedic et de l’ANSM pour la rédaction des notices d’emballage proposent d’utiliser tantôt l’impératif, tantôt l’infinitif (6 occurrences d’infinitif et 25 occurrences d’impératif dans la feuille de style de l’ANSM ; 23 occurrences d’infinitif et 15 occurrences d’impératif dans celle de Swissmedic).

Exemple : Tenir ce médicament hors de la vue et de la portée des enfants.

N’utilisez pas ce médicament après la date de péremption indiquée sur

<l’étiquette> <l’emballage> <le flacon> <…> <après {abréviation utilisée pour la date d’expiration}.> (ANSM, Feuille de style T10, 2018, p. 15).

Nous constatons cependant que, dans la plupart des notices d’emballage, l’impératif est plus fréquent et semble donc être à privilégier. À titre d’exemple, le document n° 19 (IPR) compte 8 occurrences d’infinitif et 63 occurrences d’impératif et le document n° 20 (notice d’emballage française) compte 11 occurrences d’infinitif et 116 occurrences d’impératif. L’usage de

117

l’impératif semble pertinent au regard de la fonction et du type de lecteurs cibles visés par ces documents. En effet, l’adresse directe au patient permet ainsi de le rendre plus attentif et de l’engager dans la lecture de la notice d’emballage, qu’il ne lit certainement jamais par pur plaisir ou par simple curiosité (Bédard, 1986, pp. 232-233).

Après avoir recensé les occurrences d’instructions rédigées au mode infinitif dans les notices d’emballage, nous avons pu déterminer que l’infinitif semble être surtout employé dans trois cas :

1) Renvois à d’autres rubriques, à des schémas ou à des tableaux.

Exemple : Voir rubrique 4. (Doc. 26, IPA, p. 1)

2) Formules figées proposées dans les feuilles de style de Swissmedic et de l’ANSM, notamment les avertissements concernant la manipulation des médicaments par les enfants.

Exemple : Tenir ce médicament hors de la vue et de la portée des enfants. (Doc. 28, notice, p. 8)

3) Sous-titres de rubriques.

Exemple : Préparer le site d’injection […]

Choisir votre dose (Doc. 20, notice, p. 8)

Étant donné l’usage prédominant, qui semble consacrer l’emploi de l’impératif pour transmettre des instructions dans les notices d’emballage, nous jugeons judicieux de limiter l’utilisation de l’infinitif aux quelques cas recensés ci-avant et d’assurer la cohérence en utilisant l’impératif dans le reste du document.

Verbes modaux et expression du degré de prescription

De nombreux verbes modaux et expressions verbales sont utilisés pour exprimer le degré d’exigence (impératif, autorisé, recommandé…) d’une instruction et, par extension, de jugement propre que peut exercer le professionnel quant à l’administration et à la prescription du médicament :

1. « devoir », « falloir », « il est impératif », « il est nécessaire », « nécessiter », « il est indispensable », « il est obligatoire », « il est contre-indiqué » indiquent une exigence impérative. La négation des verbes « falloir » et « devoir » introduit également une

118

exigence, alors que la négation des autres formulations indique une possibilité non obligatoire.

Exemple : Les éruptions cutanées transitoires ne nécessitent pas obligatoirement l'interruption du traitement. (Doc. 10, RCP, p. 6)

2. « Il convient », « il est déconseillé », « il est recommandé », « il est préférable », « il est souhaitable » indiquent tous une recommandation, « il convient » introduisant une recommandation plus forte que les autres formulations.

Exemple : Il convient soit de poursuivre le traitement avec la série qui a avec sa plus forte concentration déclenché des réactions attendues, soit avec l'emballage de la sorte correspondante (emballage avec ampoules d'une concentration). (Doc. 7, IPR, p. 2)

Certains adverbes peuvent néanmoins modifier le degré d’exigence des instructions, faisant ainsi passer une recommandation dans la catégorie des exigences impératives.

Exemple : Une vaccination contre le virus de l'hépatite B est impérativement recommandée dans tous ces cas. (Doc. 13, IPR, p. 2)

3. « Pouvoir » correspond soit à une autorisation, soit à une possibilité (ISO, 2017, s.p.).

Cette formulation laisse une plus grande marge de manœuvre aux spécialistes chargés d’administrer ou de prescrire le médicament.

Exemple : L’énoxaparine sodique peut être administrée par voie SC soit en une injection de 150 UI/kg (1,5 mg/kg) une fois par jour, soit en une injection de 100 UI/kg (1 mg/kg) deux fois par jour. (Doc. 4, RCP, p. 2)

Les patients développant des symptômes du syndrome de fuite capillaire doivent être étroitement surveillés et recevoir un traitement symptomatique standard, qui peut inclure un recours à des soins intensifs (voir rubrique «Effets indésirables»). (Doc. 9, IPR, p. 3)

4. Les verbes « indiquer » et « contre-indiquer » donnent des informations sur les traitements requis ou appropriés, les mesures à prendre et les traitements à éviter dans une situation spécifique concernant le patient (allergies, autres traitements pris, pathologies). Les indications et contre-indications des médicaments sont souvent déterminées par la recherche scientifique et représentent généralement des exigences impératives. Néanmoins, elles peuvent parfois constituer des recommandations relatives qui donnent au professionnel de la santé une marge de manœuvre pour analyser la situation dans son ensemble et trouver la meilleure solution pour le patient.

Exemple : Ce médicament est à usage diagnostique uniquement. Il est indiqué chez l’adulte et chez l’enfant en tomographie par émission de positons (TEP).

(Doc. 15, IPR, p. 1)

119 Forme passive

La forme passive peut aussi être un moyen de transmettre une instruction de façon impersonnelle, sans mention du professionnel qui prescrit ou administre le médicament.

Exemple : ROFERON-A est donné en association avec la ribavirine aux patients adultes atteints d'hépatite chronique C ayant préalablement répondu à un traitement par interféron alpha en monothérapie, mais ayant rechuté après l'arrêt du traitement. (Doc. 10, RCP, p. 4)

Marge d’évaluation du professionnel de la santé

Comme nous l’avons constaté dans la section sur les verbes de modalité, une certaine marge de manœuvre ou d’évaluation peut être laissée au médecin, notamment dans le cas d’instructions indiquant une possibilité ou une recommandation. Certains verbes, tels que le verbe

« envisager », et plusieurs expressions impersonnelles traduisent cette liberté laissée aux professionnels de la santé, qu’il convient de rendre adéquatement.

Exemples : 1) Un traitement anti-infectieux approprié doit être immédiatement instauré et un arrêt du traitement par ROFERON-A doit être envisagé. (Doc. 10, RCP, p. 6) 2) En l'absence de données sur le passage du médicament dans le lait maternel, le choix entre l'arrêt de l'allaitement ou l'arrêt du traitement repose sur l'évaluation du bénéfice thérapeutique pour la mère. (Doc. 10, RCP, p. 8)

Temps verbaux

Le présent de l’indicatif, actif ou passif, est le temps le plus fréquent dans les IPR, les RCP et les notices d’emballage. Le présent de généralité permet de marquer la validité des instructions en tout temps.

Exemple : La dose recommandée pour les adultes est de 50 mg une fois par semaine, en injection sous-cutanée. (Doc. 19, IPA, p. 5)

Le futur simple est également régulièrement utilisé pour donner des instructions aussi bien dans les IPR et RCP que dans les notices d’emballage.

Exemple : Normalement, LOVENOX vous sera administré par votre médecin ou votre infirmier/ière. (Doc. 20, notice, p. 4)

Dans les IPR et les RCP, le futur est régulièrement employé pour indiquer des instructions qui doivent être transmises au patient par le professionnel de la santé chargé de prescrire ou d’administrer le médicament.

Exemple : Les patients qui ont besoin d'augmenter la posologie à plus de 2 inhalations 8x/jour devront le signaler au médecin afin que celui-ci puisse prendre des mesures cliniques supplémentaires. (Doc.1, IPR, p.2)

120

Le passé composé (le plus souvent à la voix passive) est également un temps fréquemment utilisé dans ces documents, notamment pour indiquer les effets indésirables observés ou les précautions à prendre au regard des résultats des études (cliniques, pharmacologiques, toxicologiques, …) effectuées.

Exemples : 1) La sécurité d’emploi et l’efficacité de LOVENOX n’ont pas été évaluées chez les enfants ou les adolescents. (Doc. 20, notice, p. 3)

2) Il a été constaté qu'une réduction de la dose de Amgen a permis un ralentissement ou l'arrêt de l'évolution de la splénomégalie chez les patients présentant une neutropénie chronique sévère. (Doc. 3, IPR, p. 6)

Dans de rares cas, certains verbes peuvent être conjugués au conditionnel, notamment les verbes modaux, pour indiquer une recommandation.

Dans les RCP, les IPR et les notices d’emballage, la syntaxe peut régulièrement différer de la syntaxe standard construite autour d’un verbe principal conjugué. Dans certaines rubriques, les informations sont présentées au moyen de syntagmes nominaux uniquement, sans verbe, ce qui est une marque du langage technique. L’information est ainsi présentée de façon plus synthétique, ce qui permet d’améliorer la clarté et la rapidité de lecture. Néanmoins, les syntagmes nominaux sont beaucoup plus fréquents dans les RCP et les IPR que dans les notices d’emballage.

Exemples : 1) Si l'association ne peut être évitée, contrôle préalable du QT et surveillance ECG monitorée. (Doc. 12, RCP, p. 5)

2) Signes de maladies du sang, tels que saignement, hématome ou pâleur.

(Doc. 19, IPA, p. 6)

Des syntagmes nominaux circonstanciels isolés sont également employés, sans phrase principale. Sur les notices d’emballage, ces syntagmes peuvent fournir une réponse directe à une question constituant le titre d’une rubrique ou d’un paragraphe.

Exemples : 1) En cas de bronchite aiguë ou chronique et de sinusite aiguë ou chronique.

(Doc. 5, IPR, p. 1)