2.1 Le romanche comme langue d’arrivée
2.1.2 La traduction administrative par les communes
2.1.2.1 La traduction en idiome dans les communes romanches Nous avons demandé aux secrétaires ou fonctionnaires communaux si des
traductions d’allemand en romanche étaient effectuées dans leur commune. Partout, la réponse a été affirmative, même si certains ont d’emblée précisé que la traduction en romanche ne concernait qu’une partie des actes officiels, ou même une (très) petite partie (à Pontresina, où la langue officielle est exclusivement l’allemand, seules sont traduites en romanche des affichettes de la commission culturelle).
Nous avons ensuite demandé si les communes avaient édicté un règlement communal réglant spécifiquement la traduction par l’autorité communale.
Toutes les communes nous ont répondu par la négative, mais ont pour la plupart immédiatement indiqué l’existence d’un règlement communal sur la langue officielle de la commune (Disentis, Tujetsch, La Punt) ou d’une
«constitution» communale (loi d’organisation politique communale, comme à Samedan et Scuol, mais aussi à Medel). Ces dispositions indiquent la ou les langue(s) dont on peut se servir dans la marche des affaires communales et pour certains volets de la vie quotidienne. Le règlement de Disentis346 prévoit non seulement l’usage, mais le maintien et la promotion de la langue romanche, par exemple en n'autorisant aux entreprises locales que les publicités en langue romanche (art.7); la constitution de Scuol347 prévoit (art. 20 et 28) que la langue utilisée à l’assemblée communale et au conseil communal est le «romanche», c’est-à-dire l’idiome vallader, et que les procès-verbaux sont rédigés dans cette langue. Concernant la traduction, les règlements des communes de Tujetsch348 et de Disentis précisent (chaque fois à l’art. 3) que lorsqu’un texte existe en plusieurs versions, seule la version romanche fait foi. C’est également le cas pour Scuol, selon les renseignements reçus de l’administration communale et
346
www.disentis.ch/scripts/index.asp?Lang=R&L1=5&L2=17&L3=47&ID=guichet/guiGesetze.asp&Tit=Cart as%20dil%20di.
347 www.scuol.net/xml_1/internet/rm/application/d132/f151.cfm.
348 www.tujetsch.ch/xml_1/internet/rm/application/d16/f36.cfm.
d'après le site Internet de la commune349.
En Haute Engadine, la position du romanche est moins forte. Comme il est indiqué plus haut, la langue officielle de Pontresina est l’allemand uniquement (même si l’idiome puter y est enseigné à l’école). Le règlement communal de La Punt reconnaît l’allemand et le puter comme langues officielles, tout comme la constitution de Samedan, à son article 6. Selon les renseignements reçus du préposé au bilinguisme de cette commune, les autorités peuvent décider si les publications se font en une ou en deux langues, mais le plus souvent, les publications se font en allemand seulement.
Nous avons ensuite demandé aux communes si elles s’étaient dotées d’un service de traduction. Cela n’était le cas dans aucune de celles qui ont répondu à notre courrier électronique, mais des informations supplémentaires nous ont été fournies sur la manière de procéder lorsque des traductions doivent être effectuées: certaines délèguent cette activité à une association de promotion et de maintien de la langue (Savognin, à l’Uniun rumantscha da Surmeir; Disentis et Tujetsch, en partie à la LR).
Une autre, en l’occurrence Samedan, confie les mandats de traductions au préposé communal au bilinguisme. Dans une grande partie des communes, les traductions nécessaires sont effectuées par les fonctionnaires communaux, souvent par le secrétariat communal, selon les besoins et les disponibilités. Certaines, comme Disentis, font également appel à des membres du corps enseignant ou à des personnes intéressées par cette activité. Pontresina fait également appel à des enseignants pour les traductions demandées par la commission culturelle.
Nous avons également questionné les communes quant au volume annuel approximatif de la traduction vers l’idiome local, en pages A4. Comme c’était d’ailleurs le cas pour le RG au niveau fédéral global, il ne semble pas
349 Lequel mentionne expressément: «Per l'interpretaziun da ledschas chi'd existan in rumantsch e tudais-‐
ch vala la versiun rumantscha.»
que des statistiques soient tenues sur ce point: alors que certaines communes n’ont pu, pour cette raison précise, fournir ne serait-ce qu’une estimation, d’autres ont articulé un chiffre approximatif, compris entre 20 et 100 pages A4, selon la taille et les besoins en traductions des administrations concernées.
Concernant la nature des documents traduits, il s’agit en premier lieu de lois et règlements communaux, de circulaires et informations envoyées par la commune à ses habitants, d’avis et de messages officiels, de lettres envoyées par la commune à des destinataires de langue romanche, de rapports de gestion, de procès-verbaux de réunions, mais aussi, dans certains cas, de factures, de décisions administratives ou de contrats.
Interrogées sur l’utilisation du RG ou la traduction en RG, les communes ont toutes répondu par la négative: leurs règlements et constitutions ne prévoient que l’utilisation de l’idiome local, même lorsque son appellation (puter, vallader, surmiran, sutsilvan ou sursilvan) ne figure pas expressément dans le texte pertinent.
Nous avons également demandé aux communes si et dans quelle mesure des documents étaient rédigés d’abord en romanche350. Cela est le cas principalement là où le romanche est encore bien implanté et où le nombre de locuteurs est proportionnellement important (Disentis, Tujetsch; Scuol), alors que dans les communes où la position du romanche est faible (Samedan, la Punt), la question n’a pas lieu d’être puisque tout se fait d’abord en allemand. Nous avons ensuite demandé si ces textes romanches étaient traduits vers l’allemand: cela semble être fréquemment le cas à Scuol et à Laax, en partie seulement dans les communes de Savognin, Medel et Tujetsch, et rarement à Disentis351.
350 Point évoqué par Grünert 2008 A, p.17, qui souligne que la rédaction en romanche n’existe pas dans les niveaux supérieurs de l’administration étatique (c’est-‐à-‐dire sur le plan cantonal).
351 Voir en outre Solèr 1990, p. 17, qui analyse un avis officiel, publié en romanche et en allemand par la commune de Ladir (Surselva), concernant l’achat de sapins de Noël auprès du service forestier communal:
même si le texte original est censé être la version romanche, on y sent l’influence de l’allemand. Dans le même ordre d’idée, nous citerons le texte d’un panneau routier aperçu récemment en Surselva, indiquant
On voit donc bien, selon les réponses fournies par les diverses communes, que la traduction allemand-idiome est, presque partout, une réalité quotidienne et que les solutions mises en œuvre sont souples et pragmatiques.