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1.2. Les défis que soulève l’enseignement aux élèves présentant des difficultés d’apprentissage, particulièrement lorsqu’ils sont en 1 re secondaire.

1.2.1. Le fonctionnement du système didactique et les adaptations nécessaires

1.2.1.2. La topogénèse des savoirs.

La topogénèse constitue l’ensemble des tâches dont respectivement le professeur et les élèves ont la charge (Chevallard, 1991). Comme l’ont montré Mercier (1995a, 1995b) et Sarrazy (1996), la tendance fort compréhensible de plusieurs enseignants est souvent de piloter pas à pas la situation d’apprentissage, de l’accompagner de ressources en suggérant une procédure ou un outil à mettre en œuvre, minimisant par le fait même l’engagement des élèves dans la construction de leurs connaissances. Ces adaptations de l’enseignement, tenant compte de la spécificité des élèves en difficultés, peuvent, sans

Leçon 1 Leçon 2 Leçon 3

CD |___T1_______/__D1__| |__C1___/___T2__/__D2___| |__C2__/___T3__/_D3_____|

CR |___T1_____/_D1-2___| |___C1_/_T2_/_C2__/_D2-3_| |_C2_/_T3_/_C3__/_D3-4__|

Ti : exposé de la théorie en lien avec les éléments de savoir i

Di : tâches que les élèves ont à effectuer individuellement (devoirs)

C : correction en classe de ces tâches

nier l’effet de contraintes auxquelles fait face l’enseignant, refléter diverses représentations.

Les adaptations peuvent être connotées à approche affective, selon laquelle, l’élève en difficultés d’apprentissage est perçu comme ayant une faible estime de soi et, par conséquent, recourir rapidement à des algorithmes, à des techniques générales de calcul, permettrait d’assurer sa «réussite», favorisant ainsi une meilleure perception de ses compétences et par conséquent, sa motivation et son engagement dans des tâches (Viau, 1994). Or, comme le rappelle Giroux (2006, p.6), «résister à l’obtention facile et

rapide d’une bonne réponse constitue un grand défi dans l’enseignement des mathématiques et tout particulièrement auprès des élèves en difficulté». L’aspect

motivationnel, souvent invoqué par des chercheurs et des enseignants pour justifier certaines adaptations, rend-il compte de la constitution fondamentale des situations d’enseignement/apprentissage? Que penser de ces situations qui témoignent d’un souci de préserver l’estime de soi des élèves et de les motiver, mais qui font passer au second plan l’émergence, la construction et la consolidation des connaissances? Comme le suggèrent Joshua et Dupin (1989), ne pouvons-nous pas trouver un compromis, c’est-à- dire des situations qui pourraient accroître l’estime de soi des élèves et les motiver à apprendre, des situations intrigantes par les défis cognitifs et l’envie de savoir qu’elles représenteront pour les élèves?

Il est aussi possible que les adaptations de l’enseignement soient motivées par un souci d’économie cognitive pour l’élève. Différentes stratégies sont enseignées à l’élève, mais la stratégie appropriée est généralement retenue par l’enseignant qui sélectionne une tâche dans laquelle celle-ci sera féconde. Un tel choix limite l’investissement de l’élève dans la reconnaissance et dans la sélection de la stratégie estimée « la plus pertinente ». De plus, cela peut inhiber l’élève dans l’exploitation de stratégies différentes et annihiler tout un travail fondamental de confrontation des stratégies et d’élaboration des conditions qui confèrent à cette stratégie son caractère économique. Nous pouvons ainsi facilement entrevoir que si les difficultés d’apprentissage ne sont perçues que du côté de l’élève, l’enseignant prend davantage en charge la responsabilité de l’apprentissage. Toutefois,

ces pratiques ne sont pas étrangères à celles qui sont véhiculées dans plusieurs recherches. Le dispositif suivant visant à accroître la compétence des élèves à résoudre des problèmes impliquant des nombres rationnels nous semble bien caractériser un tel enseignement (Xin, Jitendra, Deatline-Buchman, Hickman et Bertram, 2002, p.12, traduction libre).

L’exemple précédent illustre bien le constat effectué par Houdement (1999) quant à la prégnance du courant de l’apprentissage méthodologique dans les manuels scolaires et les propos suivants de Julo (2002, p.43) :

« Ce serait par l’enseignement de règles d’actions générales (méthodes) que l’on aiderait

le mieux ceux qui ont des difficultés en mathématiques. En dehors du fait que rien ne nous permet d’étayer, ni théoriquement, ni empiriquement, les fondements de cette approche, le risque de faire de la résolution de problèmes pour de la résolution de problèmes, indépendamment de toute finalité conceptuelle est grand ».

En effet, que reste-t-il de l’activité d’apprentissage? Étant guidé pas à pas dans les gestes à poser, l’élève n’est pas invité à donner un sens à ces gestes; seuls le repérage et le calcul demeurent à la charge de l’élève. À l’aide de mots inducteurs, l’élève n’a qu’à repérer et placer les données (types de mesures et mesures) aux endroits appropriés, définis à l’avance, puis effectuer l’opération. Viser la réussite pour tous est un but qui peut ainsi être atteint par une réduction des savoirs visés ou encore, par un enseignement de gestes

et de stratégies qui vont à l’encontre d’une construction de savoirs mobilisables dans les tâches nouvelles.

Une prise en charge « presque complète » de la situation d’apprentissage par l’enseignant met en place un contrat didactique (Brousseau, 1980) qui devient un obstacle, souvent très résistant et durable, à l’engagement des élèves et à la construction des connaissances. À titre d’exemple, lors d’une collecte de données ayant pour objectif de comprendre comment des étudiantes de 4e année en formation initiale des maîtres percevaient les élèves en difficultés d’apprentissage, nous avons pu apercevoir sur une copie les propos suivants: « L’élève en difficultés a besoin d’une aide constante pour le

guider en mathématique [...] Il demande de l’aide sans avoir essayé». Les propos relatés

par cette étudiante reflètent ceux de beaucoup d’enseignants. En effet, dans une telle perspective, les enseignants sont portés spontanément à intervenir précocement auprès de cette population qui comprend très vite comment en tirer profit.

Comment ne pas s’enliser dans le cercle vicieux d’une réduction des enjeux de l’apprentissage et des possibilités d’apprentissage de l’élève en difficultés, celui-ci n’ayant pas la chance de mettre à l’épreuve ses connaissances, d’oser s’engager dans une démarche de construction de connaissances et d’apprécier les effets de son engagement cognitif ?

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