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La résolution de problèmes : modalité indispensable et incontournable dans l’intervention auprès d’élèves en difficultés d’apprentissage

1.4. Repenser l’enseignement des nombres rationnels auprès des élèves en difficultés d’apprentissage

1.4.1. La résolution de problèmes : modalité indispensable et incontournable dans l’intervention auprès d’élèves en difficultés d’apprentissage

Faire des mathématiques, comme le soulignent plusieurs chercheurs, notamment Conne (1999) et Brousseau (1998), est une pratique qui est caractérisée par une activité essentielle, à savoir la résolution de problèmes. Ce n’est donc pas sans raison que, depuis des siècles, les élèves sont invités à résoudre des problèmes pour entrer dans une pratique mathématicienne, pour construire des connaissances mathématiques : « Il est devenu

banal d’affirmer que les connaissances mathématiques prennent du sens dans les problèmes, qu’elles permettent de résoudre efficacement et qu’un élève possède ces connaissances lorsqu’il est capable de les mobiliser de lui-même pour résoudre des problèmes inédits pour lui » (Charnay, 1998, p.39). Comme l’écrivait déjà Descartes en

notre mémoire possède toutes les démonstrations faites par d’autres, si notre esprit n’est pas capable de résoudre toutes sortes de problèmes… Ainsi, en effet, nous semblerions avoir appris, non des sciences, mais des histoires. » L’importance de la résolution de

problèmes est également attestée par les orientations des programmes d’enseignement des mathématiques depuis plusieurs décennies. Les directions des nouveaux programmes d’études définies par le MELS (2006) sont particulièrement explicites :

« Omniprésente dans toutes les sphères de l’activité humaine, la démarche de résolution de problèmes est appelée à jouer un rôle particulièrement important dans le contexte scolaire, notamment au secondaire. (p.38)

[…]

La résolution de situations-problèmes est au cœur des activités mathématiques comme de celles de la vie quotidienne. […] la résolution de situations-problèmes doit être privilégiée en raison de la richesse et de la diversité des apprentissages qu’elle favorise. (p. 237) »

Ainsi, dans les nouveaux programmes, la résolution de problèmes joue toujours un rôle fondamental (Bednarz, 2002). Le programme de formation de l’école québécoise du premier cycle du secondaire (MEQ, 2006, p. 240) décrit ainsi une situation-problème :

« Résoudre une situation-problème, c’est adopter unedémarche heuristique ou «de découverte». En mathématique, cette compétence permet d’apporter une solution cohérente à une situation-problème qui répond à l’une desconditions suivantes :

– la situation n’a pas été présentée antérieurement encours d’apprentissage;

– l’obtention d’une solution satisfaisante exige le recours à une combinaison non apprise de règles ou de principes dont l’élève a ou non fait l’apprentissage;

– le produit, ou sa forme attendue, n’a pas été présentéantérieurement.

La résolution d’une situation-problème implique du discernement, une recherche et la mise en place de stratégies mobilisant des savoirs. Aussi l’exercice de cette compétence amène-t-il l’élève à effectuer une suite d’actions telles que décoder les éléments qui se prêtent à un traitement mathématique, représenter la situation-problème par un modèle mathématique, élaborer une solution mathématique, valider cette solution et partager l’information relative à la situation-problème et à la solution proposée. Il s’agit d’un processus dynamique qui comprend l’anticipation, le retour en arrière et le jugement critique. »

Notons que dans le nouveau programme, les auteurs réfèrent à l’appellation «situation-problème» pour bien marquer la distinction entre exercice et problème, afin de lever toutes ambiguïtés. Ainsi, en plus du changement de terminologie, nous remarquons que la compétence Résoudre une situation-problème fait explicitement appel à la modélisation. Pour mieux apprécier les enjeux didactiques de cette relation, nous nous

référons aux études effectuées par Chevallard (1989, 1990). Ces études proposent une définition de ce qui signifie «faire des mathématiques» en montrant comment la modélisation est au centre de cette activité.

Si la modélisation caractérise une activité mathématique authentique, il importe, selon Chevallard (1989), de reconnaître qu’une telle activité est possible et salutaire dès l’école primaire. Il nous semble important de rappeler ses propos concernant la place de la modélisation en mathématiques : « La notion de modélisation permet ainsi de prendre

une vue d’ensemble sur l’activité mathématique, de l’école primaire à l’université.»

(Ibid., p. 61). Nous avons ainsi choisi de présenter d’abord un problème traditionnel et élémentaire : « On dispose d’un paquet de bonbons que l’on veut répartir équitablement

entre un certain nombre d’enfants; comment le faire? (Ibid., p. 59) » Ce problème

permet, comme nous le verrons, de montrer sous quelles conditions l’activité mathématique et la modélisation mathématique prennent forme. Nous procéderons par la suite à une analyse similaire à l’aide d’un problème puisé du manuel d’enseignement secondaire, problème lié à l’enseignement des nombres rationnels.

Problème de répartition pouvant être présenté à de jeunes élèves de l’enseignement primaire

Trois démarches de résolution sont examinées : a) démarche « empirique » : 1. demander aux enfants de former une ligne; 2. donner un bonbon à chacun; 3. recommencer en donnant toujours un bonbon à chacun; 4. répéter la démarche jusqu’à épuisement des bonbons; 5. si on ne peut, dans la dernière distribution, donner un bonbon à chacun, on retire alors les derniers bonbons distribués aux enfants dans cette dernière étape; b) démarche « symbolique » caractérisée par le passage d’une réalité à une représentation symbolique de cette réalité (un certain modèle de la réalité): 1. on dessine un cercle pour chacun des enfants; 2. on aligne ces cercles pour former une rangée; 3. on procède comme on l’a fait précédemment (première démarche de résolution); c)

démarche « mathématique » caractérisée par une entrée dans le monde des

On divise x par y, en notant le quotient entier [q] et le reste [r]; 3. on forme des paquets de q bonbons.

De la première à la troisième démarche, on peut apprécier le chemin parcouru entre une activité non mathématique (première démarche) et une activité mathématique (troisième démarche). Dans la troisième procédure, les étapes 1) et 3) sont en lien avec la réalité, tandis qu’à l’étape 2) le modèle mathématique construit émane d’une analyse des éléments pertinents de la réalité et d’une construction qui est un « ajout au réel »; à l’étape 2, le modèle n’entretient qu’un rapport symbolique à la réalité modélisée. Le statut de la deuxième résolution est, comme le souligne Chevallard (1989, p. 60), plus problématique; il dit à ce sujet : « Il n’est pas facile de décider si, avec l’invention et

l’exécution de la procédure 2, on passe d’une activité non mathématique (procédure 1) à une activité mathématique. »

Problème puisé dans le manuel Perspective destiné aux élèves du premier cycle de l’enseignement secondaire

Le manuel Perspective (Guay, Hamel et Lemay, 2005), manuel utilisé à l’école Vanguard, comporte une variété de situations-problèmes. Nous avons sélectionné un problème qui vise l’intégration et un ré-investissement des apprentissages sur les fractions. Nous reproduisons l’énoncé du problème (Guay, Hamel et Lemay, 2005, p.237) :

« Une bouteille d’une capacité de un litre contient une certaine quantité d’eau. Max y ajoute un quart

de litre d’eau, puis il boit la moitié du contenu. Il ajoute un autre quart de litre d’eau dans la bouteille. Comme il a encore soif, il boit un huitième de litre d’eau. Il constate alors que la bouteille est à moitié pleine. Quelle quantité d’eau la bouteille contenait-elle au départ? ».

Selon la typologie des problèmes additifs définie par Vergnaud (1981), le problème précédent est un problème de transformations de mesures. La mesure de l’état final résultant des transformations successives qui ont affecté la mesure de l’état initial étant connue, il s’agit alors d’effectuer une composition de ces transformations, de manière à identifier la mesure de l’état initial. Diverses interprétations et modélisations de cette situation sont possibles. Nous examinons quelques démarches.

Une première démarche que l’on peut qualifier « d’empirique », selon le sens d’une telle démarche définie par Chevallard (1989), peut prendre appui sur une simulation des actions effectuées : a) une bouteille contenant une certaine quantité d’eau peut être dessinée, une telle bouteille pouvant prendre la forme d’un cylindre; une marque marquant le volume initial de l’eau peut alors être indiquée sur la bouteille; b) on y ajoute ensuite une quantité correspond à un quart de litre d’eau; si la bouteille a la forme d’un cylindre, il est plus facile d’indiquer par une marque le volume alors obtenu; c) on y enlève par la suite la moitié du contenu de cette bouteille; d) puis, on y ajoute ensuite un autre quart de litre; e) on enlève ensuite un huitième de litre; f) si le volume d’eau est égal à la moitié du volume de la bouteille, on conclut que le volume d’eau déposé dans la bouteille au début est adéquat; sinon, on peut recommencer en modifiant le volume d’eau initial, mais la répétition d’un tel procédé peut ne pas produire de résultats satisfaisants; par ailleurs, il est possible que ces résultats conduisent à la mise en place d’une démarche empirique, mais cette fois-ci en recourant à une approche inverse, soit en partant d’une bouteille à moitié pleine et en effectuant, les transformations en ordre inverse. Il va sans dire qu’une telle démarche, démarche que nous avons pu retrouver chez quelques étudiants en sciences de l’éducation, dans des situations similaires, nous apparaît peu probable chez les élèves du premier cycle de l’enseignement secondaire. Nous pourrions qualifier cette démarche d’ «empirico-symbolique» puisqu’elle prend appui sur une représentation, voire une modélisation symbolique des compositions additives.

Prenant appui sur une modélisation « mathématique » des relations entre les états successifs (quantités d’eau) et les transformations additives (ajouts ou retraits de diverses quantités d’eau), la démarche dont nous faisons état maintenant, se caractérise par le recours à des opérations additives pour trouver la quantité d’eau initiale, soit : ½ (x + ¼) + ¼ - 1/8 = ½ … x/ 2 + 1/8 + 2/8 – 1/8 = 4/8 … x/2 = 2/8 … x = 4/8 ou 1/2; la quantité d’eau initiale est alors 1/2. Il serait, il va sans dire, étonnant de trouver une telle modélisation chez des élèves de 1re secondaire en difficultés d’apprentissage, sans le recours à des situations-problèmes pertinentes lors de l’enseignement des nombres rationnels.

À ce propos, l’exploitation de la résolution de problèmes comme modalité d’intervention auprès d’élèves en difficultés d’apprentissage lors d’une étude préliminaire (année scolaire 2004-2005), nous a permis d’apprécier les possibilités d’apprentissage des élèves, mais également de reconnaître la pertinence ainsi que les exigences d’une nécessaire «dé-transposition» /«re-transposition» didactique et d’une inscription écologique des situations didactiques auprès de cette population. Nous reproduisons quelques commentaires formulés par l’enseignant au terme de notre passage qui illustrent bien cette pertinence :

« Tout d’abord, je n’ai pas eu le sentiment de devoir subir un cadre de recherche contraignant

lors de ton expérimentation. Cette latitude d’expérimentation rendait très intéressante l’expérience. C’était comme un Star trek : "Espace, frontière de l'infini vers lequel voyage notre vaisseau spatial. Sa mission: Explorer de nouveaux mondes étranges, découvrir de nouvelles vies, d'autres civilisations, et au mépris du danger, reculer l'impossible". Nous avons donc pu clairement voir que les élèves s’investissent facilement lorsque la tâche ou le défi est nouveau. À chaque fois que tu as apporté du matériel différent, ils se sont mobilisés remarquablement. Comme corollaire, on a pu observer qu’ils ont boudé les activités répétitives, pense à la fois où tu leur as demandé de reprendre le travail qu’ils avaient déjà fait pour valider le cheminement qu’ils avaient fait pendant l’expérimentation […]. Lorsqu’il leur a fallu créer des aides à la représentation, ils se sont bien sûr d’abord investis dans le problème mais par la suite, ils ont dû faire un retour critique au ralenti sur le « déclencheur de lien » pour ensuite l’illustrer, le reformuler, le présenter. J’ai trouvé cette activité vraiment novatrice et véritablement profitable pour développer la capacité à résoudre des problèmes chez nos élèves.»

1.4.2. La reconnaissance d’une nécessaire «dé-transposition» et «re-

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