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Thomas Roberts et le renouveau charismatique oecuménique

CHAPITRE III. RECEPTION DE LA DEUXIEME VAGUE EN FRANCE DANS LES EGLISES INSTITUTIONNELLES

9 Les débuts du renouveau charismatique en France

10.2 Thomas Roberts et le renouveau charismatique oecuménique

En effet à partir de 1970, Thomas Roberts commence à organiser des conventions (à la Porte Ouverte, puis à Gagnières, avec un premier rallye de jeunes fin août 1973) et rassemblements, (Viviers 1973, Lyon 1977, Pentecôte 82 à Strasbourg) ; il est appelé pour prêcher dans nombre de paroisses protestantes ou catholiques, dans des abbayes (au Bec Hellouin par exemple) couvents, avec son ami Arnold Brémond, sous la « tente de l’unité » achetée en 1974 pour que protestants et catholiques annoncent ensemble Jésus-Christ. Il voyage aussi à l’étranger, il se rend à Rome en particulier plusieurs fois : il est invité, avec David du Plessis, au grand rassemblement charismatique catholique de la Pentecôte 1975 à Rome, puis à nouveau en octobre 1977, et mai 1981.

De quel type d’œcuménisme pratiqué et de déplacement interconfessionnel expérimenté témoignent ces rassemblements ?

- Les conventions de la Porte Ouverte et de Gagnières : Le 21 février 1970, Thomas Roberts écrit une lettre personnelle à Louis Dallière, fondateur de l’union de prière de Charmes :

« Mon attention actuellement est attirée surtout vers le Réveil charismatique *…+ Les articles et témoignages se multiplient dans mes contacts. Je suis allé à Taizé m’entretenir avec des frères qui revenaient du Brésil et des Etats Unis : ils m’ont assuré que ce Réveil était authentique. J’ai vu Appia330 à Paris qui m’a dit son étonnement que Réforme a publié *…+ Excellent témoignage de Hollenweger dans « Communion n°1 ». Chez les pentecôtistes classiques – comme dit du Plessis – il y a de timides ouvertures que je m’efforce d’élargir – maintenant que leurs assemblées me sont encore ouvertes. *…+ Du Plessis accepte de me donner 6 jours après sa visite à Rome, et a

328 E. VELDHUIZEN, Ibid., p 216.

329 TYCHIQUE, n° 13-14, janvier 1978, p 1-2, in E. VELDHUIZEN, Ibid., p 217.

330 Le pasteur Georges APPIA est alors pasteur Réformé, délégué à l’œcuménisme au sein de la Fédération Protestante de France.

proposé du 29 au 7 juillet. Je pense organiser 8 jours de convention à la Porte Ouverte, du 27 juin au 4 juillet331, et espère en faire une convention charismatique inter-foi et demander la présence de Taizé, des catholiques, orthodoxes, pentecôtistes etc… Dans quelle mesure l’Union de Prière pourrait-elle s’y intéresser et déléguer par exemple Brémond332 pour la représenter ?333 »

La Porte Ouverte est une école évangélique pour missionnaires, à Lux, près de Chalon sur Saône. Son directeur, Louis Pont est très proche de Thomas Roberts. Celui-ci prépare la première convention charismatique « inter-foi » en prenant contact avec toutes les autorités ecclésiales locales : « les pasteurs réformé et pentecôtiste de Chalon, le curé de Lux, avec qui il s’entend bien. Il avertit l’évêque du diocèse, Mgr le Bourgeois. Il met Taizé au courant. Il reçoit le soutien et l’intercession de l’Union de Prière. Il obtient en qualité d’orateurs, la participation du père dominicain Albert de Monléon, de David du Plessis et du professeur presbytérien de théologie R.Williams.334» Celui-ci est membre de la commission Foi et Constitution du Conseil Œcuménique des Eglises. Evert Veldhuizen mentionne également la présence du théologien bénédictin Kilian Mac Donnell et du père Régimbal, parmi les orateurs catholiques. « Avant d’arriver à Chalon-sur-Saône, les pasteurs David du Plessis et Rodman Williams ont fait un tour des ‘capitales’ catholique et protestante, respectivement Rome et Genève. A Rome, ils sont reçus par le Cardinal Willebrands du Secrétariat pour l’unité des chrétiens, et à Genève, par le Conseil Œcuménique des Eglises. Leur venue à la convention interconfessionnelle met naturellement en relief la dimension œcuménique du mouvement en déploiement335 ». Le pasteur Georges Appia, délégué pour l’œcuménisme de la Fédération Protestante de France est également présent.

La première convention rassemble environ 300 personnes, dont la grande majorité est protestante. Les thèmes abordés par les orateurs des différentes confessions reflètent la redécouverte de l’action de l’Esprit-Saint dans la vie du croyant et dans l’Eglise : des nouvelles sont données sur le déploiement du renouveau charismatique dans les églises institutionnelles protestantes et catholique ; c’est bien comme la progression d’une vague qui semble devoir peu à peu atteindre tous les chrétiens. « Les pasteurs *…+ apportent des « messages d’édification portant sur les thèmes tels que : le baptême, la prière, la Sainte-Cène, le revêtement de puissance, le don des langues, la guérison des malades, la fête juive des tabernacles *…+ Kilian Mac Donnell note l’insistance sur les dons de l’Esprit comme spécificité de l’expérience pentecôtiste.336 » Une table ronde est organisée entre tous les orateurs principaux : ce dialogue et cette écoute est vécue comme un véritable événement. C’est l’expression d’une unité inter-ecclésiale centrée sur l’Esprit-Saint et ses dons.

Cependant l’appartenance évangélique-pentecôtiste de la Porte Ouverte se traduit par deux « temps forts » de la convention : un service de baptême par immersion de dix participants, au milieu de la semaine,

331

La première convention à la Porte Ouverte aura finalement lieu en 1971 : « elle rassemble 300 personnes : pentecôtistes, évangéliques, luthériens, réformés, et deux catholiques, une laïque et le Père Albert de MONLEON. *…+ Dès 1972, il y a plusieurs orateurs catholiques et le tiers de l’assemblée l’est aussi ». Tychique, Ibid., p 31.

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Le pasteur Réformé Arnold BREMOND est membre de l’Union de Prière de Charmes. Son ministère a connu plusieurs pôles : l’un social, parmi les ouvriers d’Ivry sur Seine, un autre spirituel, avec le réveil de l’Ardèche, un autre encore œcuménique, en particulier au sein du renouveau charismatique. Il raconte son aventure dans l’ouvrage « Sur

le chemin du renouveau »,Ibid.

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Lettre personnelle de Thomas Roberts à Louis Dallière, 21 février 1970, Archives de l’U de P et d’Alain Schvartz. 334 TYCHIQUE, supplément au numéro 59, Ibid., p 31.

335

E. VELDHUIZEN, Ibid., p 67. 336

dans la Saône, ainsi qu’à la fin de la session, une soirée d’évangélisation sur un terrain prêté par la mairie337.

Cette première convention a été initiée par Thomas Roberts, d’origine apostolique, dans un centre évangélique ; les catholiques présents sont encore peu nombreux, mais la plupart figurent parmi les orateurs principaux. « Thomas Roberts voulait d’abord appeler cette convention : interfoi (comme en anglais interfaith) ; puis nous avions pensé à : œcuménique. Mais c’est un qualificatif qui aurait fait fuir les évangéliques. Nous avons donc adopté : interconfessionnel, qui par la suite, a entrainé beaucoup de commentaires. 338» Nous approfondirons ces questions de vocabulaire, dans la partie plus théologique. A la question posée sur le pourquoi de telles conventions, Thomas Roberts répond en rappelant d’une part les grandes fêtes juives décrites dans l’Ancien Testament et toujours vécues dans le judaïsme (celle des Tabernacles par exemple) ; il évoque aussi l’histoire des réveils « qui montrent que les rassemblements permettent des repentances en commun et des repentances individuelles339 » ; enfin, à la réunion du Comité de responsables de l’Union de Prière de Charmes, (du 21 au 23 février 1971), « monsieur Dallière demande à Thomas Roberts quel est le but de la Convention charismatique interconfessionnelle. Réponse : réunir les charismatiques qui souffrent de ne pas se rencontrer. M.Thomas Roberts invite en son nom et au nom de M. du Plessis.340 »

Les années 1972 et 1973 voient l’accroissement rapide du nombre de catholiques présents aux conventions interconfessionnelles de juillet à la Porte Ouverte. « Si l’année 1971 ne compte que quelques catholiques charismatiques en France, 1972 est celle du vrai démarrage. *…+ La convention de 1973 est composée d’un tiers de catholiques. Sur une participation totale estimée entre 600 et 700 personnes, il s’agirait donc de plus de 200 catholiques. *…+ La progression œcuménique est illustrée par la déclaration ferme du pentecôtiste M.Parli, qui s’est promis de ne plus chercher à faire des prosélytes des membres des autres églises, mais de travailler plutôt au renouvellement de tous les chrétiens341». De même, les baptêmes par immersion ne sont plus organisés pendant la convention, à partir de 1973. Progressivement les expressions propres à la sensibilité évangélique-pentecôtiste difficiles à recevoir par les églises institutionnelles sont mises en retrait, et l’on se centre sur ce qui rassemble. Dans ces débuts du renouveau, c’est l’émerveillement qui domine chez tous les participants, catholiques, protestants, évangéliques : découvrir l’amour, le respect, l’accueil mutuel donnés par Dieu les uns pour les autres à travers l’expérience du baptême dans le Saint Esprit. Cette expérience commune, quelles que soient les communautés ecclésiales d’origine, ne gomme pas les différences, mais met l’accent sur l’essentiel de la foi trinitaire. On ne peut parler ici de projet d’unité mais plutôt de l’évidence d’une communion donnée et reconnue.

C’est un type un peu différent d’expérience œcuménique qui est vécu lors de la première rencontre interconfessionnelle à Viviers du 31 octobre au 4 novembre 1973 : chaque confession redécouvre ce « plus grand dénominateur commun » exprimé dans les expressions suivantes : le Christ sauve, l’Esprit-Saint revivifie, l’amour du Père accueille tous ses enfants prodigues (parabole prêchée et re-prêchée inlassablement par Thomas Roberts). Cette unité par le kérygme réaffirmé prime alors sur des différences de langages, de piété et d’institutions. Le pasteur Georges Appia retrace l’essentiel de ce rassemblement dans un article que nous avons choisi de citer in extenso ci-dessous.

337 Ibid., p 68.

338

A. SCHVARTZ, notes personnelles, Union de Prière et Renouveau. 339

TYCHIQUE, Ibid., p 32.

340 UNION de PRIERE de Charmes, Rapport des Réunions du Comité de responsables de l’Union de Prière, Boissier, Charmes-sur-Rhône, 31 mars 1971, Réunion du 21 au 23 février 1971, B, lundi 22 février 1971, points 15 et 16. 341

« Du 31 octobre au 4 novembre s’est tenu, au Grand Séminaire de Viviers (Ardèche), un colloque d’un type assez inhabituel. Au point de départ, les responsables de l’Union de Prière de Charmes avaient, avec quelques amis engagés dans le renouveau spirituel, prévu une rencontre destinée aux animateurs de groupes de prière et de communautés dites charismatiques. Il s’agissait de faire le point de la situation actuelle en France, de travailler sérieusement quelques sujets d’ordre théologique, patristique, ecclésial, de méditer ensemble la Parole de Dieu afin de discerner ce que pourrait être une prospective du mouvement pour demain. Le pasteur Roberts présidait cette rencontre.

Le dynamisme propre à cette mouvance de l’Esprit est tel que ceux qui assumèrent l’organisation matérielle (et spirituelle aussi) de cette conférence, furent immédiatement débordés par un flux irrésistible d’inscriptions venant de partout. On pouvait s’attendre à quelque cent cinquante participants ; finalement plus de quatre cent cinquante personnes se trouvèrent réunies, sans compter bon nombre de gens venant des environs sans s’inscrire ni participer aux repas. Ces quatre journées furent exceptionnellement denses théologiquement et ecclésialement passionnantes. De plus, elles se sont déroulées dans un climat d’allégresse et d’amour mutuel peu commun. Les détails pittoresques, les incidents amusants ou comiques, les moments d’intense communion spirituelle abondèrent. Nous n’insisterons pas sur ces aspects de la rencontre.

Un événement : Un premier enseignement découle du recrutement des participants. De ce seul point de vue, Viviers constitue déjà un événement à la fois spirituel et œcuménique. Plus de soixante pasteurs, la grande majorité venant de l’Eglise réformée ; quelques luthériens et baptistes ; certains estimaient que près du dixième du corps pastoral de l’ERF se trouvait rassemblé à Viviers. De Suisse, quinze pasteurs dont le délégué officiel de la Compagnie des pasteurs de Genève. Plusieurs étudiants en théologie, quelques évangéliques. Les Communautés protestantes des Diaconesses de Reuilly, de la Maison du Brillac, Pomeyrol, ainsi que le Communauté de Grandchamp étaient représentées, deux de leurs supérieures s’étant déplacées.

Du côté catholique, une quarantaine de prêtres, religieux, moines : Dominicains, Jésuites, Bénédictins, Trappistes. De plus, la plupart des communautés de base qui vivent actuellement la recherche dans l’Esprit, avaient envoyé d’importantes délégations (Coffee-bar de Nîmes, Communauté de Lanza del Vasto, Communauté Emmanuel, Théophanie de Montpellier, La Fraternité œcuménique de Nevers [Communauté du

Chemin Neuf] etc…) L’observateur non prévenu ne pouvait qu’être frappé par l’extraordinaire mélange des

générations, plusieurs très jeunes ménages étant venus avec leurs enfants, mais aussi un certain nombre de pasteurs à la retraite participaient avec joie à ces assises.

Nous étions donc là en présence d’une manifestation d’unité chrétienne, vécue comme on en a peu d’exemples aujourd’hui, même dans les situations les plus favorables. Que ce soit dans l’étude, la prière, la louange, la réflexion en groupes de travail, la transparence et l’unanimité étaient surprenantes entre tous les participants. Mais en même temps s’affirmait le désir de ne poser aucun acte qui puisse entraîner soit le scandale de la part des membres de nos communautés, soit une rupture avec l’autorité ecclésiale. Aussi Eucharistie et Sainte Cène furent-elles vécues séparément et c’est dans une grande souffrance que nous avons accueilli nos frères catholiques à un culte de Sainte Cène auquel ils n’ont pu s’associer que spirituellement. L’impression d’un décalage presque insoutenable entre ce que nous vivions et les consignes de nos Eglises ne suscita ni révolte, ni geste protestataire. A Viviers d’autre part, apparaissait avec clarté le besoin ressenti par tous ceux qui ont commencé à marcher dans l’Esprit d’un approfondissement exigeant de leurs fondements scripturaires et théologiques. Les pasteurs Philippe de Robert pour l’Ancien Testament et le judaïsme, Jacques Serr pour la patrologie, Jean-Daniel Fischer pour l’étude de la signification actuelle dans l’Eglise de Jésus-Christ, de l’annonce de la Parousie, nous donnèrent une nourriture solide. D’autre part, quatre amis venant de l’étranger, David du Plessis, celui qu’on appelle ‘Monsieur Pentecôte’, le père Valérien Gaudet, canadien, membre de la Communauté des Oblats et depuis un an, responsable du Centre charismatique de Rome, enfin, le Révérend Michaël Harper, de l’Eglise d’Angleterre, directeur du centre de rencontre ‘Fountain Trust’ en Angleterre, ainsi que le théologien luthérien Arnold Bittlinger, directeur du centre de rencontres de Schloss Craheim, nous ont apporté à la fois ce qui est au cœur de leurs convictions et l’écho de l’étonnant cheminement que connaît le renouveau dans les autres pays.

Une grâce et une exigence : A côté de la dimension à la fois pédagogique et théologique de cette conférence, l’on discernait sans peine que tout, dans sa préparation et dans son déroulement, était porté par une communauté priante, celle de l’Union de Prière de Charmes, qui vivait là comme une sorte d’exaucement de son attente. On ne s’étonnera pas dès lors que les services de Sainte Cène, les réunions de louange et de prière,

aient eu, au cours de ces quatre jours, un caractère assez extraordinaire de sérénité, de densité spirituelle et de joie. Nombreux sont ceux qui, étant venus là pour s’informer, reçurent de façon inattendue, une grâce pour leur vie et pour leur ministère. Ajouterai-je que nous sommes plusieurs à avoir été, au cours de cette rencontre, rendus attentifs aux tentations et aux écueils qui guettent cette mouvance si neuve de l’Esprit Saint parmi les individus et dans les communautés ecclésiales ? Nous avons ressenti à la fois la grâce inattendue qui nous était faite et l’exigence du Seigneur afin que ne soit à aucun moment fait l’économie du discernement, de la patience et de la fidélité à tout ce que chacun a reçu dans la communion de sa propre Eglise.

Quittant Viviers à l’issue d’un inoubliable service eucharistique où nous avons tous ressenti de façon bouleversante la présence de Dieu et la joie de son Esprit, je me retrouvais quelques heures plus tard à l’Assemblée Plénière de l’Episcopat français à Lourdes. Qui avait mis au courant les évêques du motif de mon retard ? Je ne sais. Le fait est que je fus, à ma stupéfaction, entouré dès mon arrivée par bon nombre d’entre eux désirant me questionner sur la rencontre de Viviers, et manifestant un intérêt passionné pour ce qui actuellement se dessine dans les différentes Eglises par l’action de l’Esprit Saint. Je m’attendais à entendre s’exprimer beaucoup plus de réserves que ce ne fut le cas. Ce qui, il y a encore un an, paraissait hautement improbable, se produirait-il aujourd’hui ? Parmi les autorités de nos Eglises, une ouverture faite de sympathie et d’espérance pour ce qui est peut-être un des éléments importants pour une fidélité renouvelée de l’Eglise, Corps du Christ, à son Seigneur.342 »

Cet article rédigé par le pasteur Appia frappe par son style à la fois posé, factuel, mais aussi engagé. Le témoin est d’un côté conscient, avec les organisateurs et les participants, qu’ils ont été conduits bien plus loin qu’ils ne l’avaient prévu ; mais d’un autre côté, s’exprime chez tous, un profond sentiment de fidélité, de respect de l’appartenance ecclésiale de chacun :

D’une part, Viviers est une expérience « inhabituelle », les quatre journées ont été « exceptionnellement denses », « surprenantes », le cheminement a été « étonnant », les grâces reçues « inattendues », le dernier service eucharistique fut « inoubliable », la présence de Dieu étant ressentie de « façon bouleversante ». Quelques jours plus tard, l’étonnement, la surprise se prolonge par l’accueil « hautement improbable » de cet événement, par les évêques réunis à Lourdes.

D’autre part, initialement le colloque était prévu pour les responsables afin de « travailler sérieusement des sujets… ». Même si les organisateurs écrivent que « tout fut autre, parce que guidé et comme réalisé par le Saint-Esprit *…+343 », leur attention permanente fut tournée vers l’absence de tout « scandale », de toute « rupture » possible avec leurs autorités ecclésiales. Le besoin « d’approfondissement » des « fondements scripturaires et théologiques est fortement révélé par « le décalage presque insoutenable » entre la communion vécue et les séparations institutionnelles, mais sans « révolte, ni geste protestataire ». Des « tentations », des « écueils » sont à éviter, ce qui exige « discernement, patience, fidélité à tout ce que chacun a reçu dans la communion de sa propre Eglise ». Alors que cette rencontre a lieu en 1973, tout au début du renouveau, elle se caractérise déjà par une grande sagesse et maturité, un équilibre entre ouverture à l’inspiration, et vigilance quant au respect des institutions. Les initiateurs appartiennent à l’Union de Prière de Charmes : en 1973, elle a déjà plusieurs décennies d’expérience de prière, d’écoute et de dialogue œcuménique, l’unité des chrétiens étant l’un des quatre sujets fondamentaux de prière. D’autre part, « les liens [établis par Thomas Roberts et Alain Schvartz] avec des responsables du Renouveau charismatique catholique (particulièrement avec Laurent Fabre [responsable de la Communauté du Chemin Neuf+) d’une part, et avec les autorités ecclésiastiques d’autre part, ont contribué à cette confiance mutuelle. Alain Schvartz et Thomas Roberts gagnent l’estime des catholiques par leur mesure, leur

342 G. APPIA, « Unité dans l’Esprit du Seigneur », in VIVIERS 1973, Rencontre charismatique interconfessionnelle, 31 octobre - 4 novembre 1973, Valence sur Rhône, Imprimeries réunies, 1974, p 3-6.

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délicatesse, leur prudence, leur souci de respecter chacun344 ». Cependant, les pentecôtistes sont très peu représentés : Clément le Cossec et Yvon Charles se sont excusés. Ont-ils donné la priorité à d’autres rencontres ? Ont-ils craint le nombre important de catholiques (environ la moitié de l’assistance) 345? Viviers est donc une expérience œcuménique un peu différente de celle de la Porte Ouverte, dans la mesure où les évangéliques-pentecôtistes y ont une place moins visible. La présence de nombreux prêtres et pasteurs des Eglises institutionnelles et de nombreux catholiques, donne un poids respectueux à l’Eglise institution tout en gardant l’inspiration et toute la place à « l’attente de l’inattendu de Dieu », expression chère à Thomas Roberts. Les thèmes des prédications, des enseignements et « carrefours » restent cependant très semblables à ceux de la Porte Ouverte, avec le rôle central donné à la redécouverte de l’Esprit Saint. Les conversions et les expériences de baptême dans l’Esprit sont nombreuses. René Jacob, par exemple, prêtre, bibliste et professeur de Nouveau et d’Ancien Testament à l’Institut catholique à Lille (après deux ans passés à Rome, puis deux ans à Jérusalem), fondateur d’une communauté charismatique à Lens, donne le témoignage de la transformation profonde qui a suivi sa venue à Viviers en 1973 :