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La croissance des catholiques charismatiques ; les protestants deviennent minoritaires

CHAPITRE III. RECEPTION DE LA DEUXIEME VAGUE EN FRANCE DANS LES EGLISES INSTITUTIONNELLES

9 Les débuts du renouveau charismatique en France

10.3 La croissance des catholiques charismatiques ; les protestants deviennent minoritaires

Plusieurs événements vont dévoiler clairement l’importance du nombre de catholiques, les rendant désormais nettement majoritaires sur les protestants touchés par le renouveau. Ceci n’est pas étonnant en France, mais cette situation est une source potentielle de tensions. Le développement du renouveau charismatique catholique à l’étranger va avoir des répercutions spécifiques en France :

C’est d’abord aux USA, au congrès du renouveau charismatique de 1974, à l’université Notre Dame, à Indianapolis qui rassemble 30 000 participants, puis à Rome, à la Pentecôte de 1975, lors du rassemblement international du renouveau, avec 10 000 catholiques, que cette ampleur nouvelle apparaît au grand jour. Pourtant, à Indianapolis, Ralph Martin (l’un des fondateurs de la communauté d’Ann Arbor), souligne la dimension œcuménique du renouveau.

Comme en écho, le pape Paul VI, au début de l’année 1975, déclarée « Année Sainte », appelle avec force à la réconciliation et à la restauration de la communion entre les chrétiens. Quelques mois plus tard, à Rome,

il insiste dans son exhortation sur le besoin d’une nouvelle Pentecôte, pour l’Eglise et pour le monde. Il va plus loin en accueillant profondément cette vague spirituelle, comme une « chance pour l’Eglise et pour le monde ». Quelles dimensions donne-t-il au mot « Eglise » ? Sans doute peut-on rappeler son profond souci de l’Unité des chrétiens. En même temps, il confie au cardinal Suenens « d’accompagner la pleine intégration du renouveau charismatique catholique dans l’Eglise catholique, pour qu’il ne devienne pas une institution parallèle350 ». Nous avons choisi de citer ici intégralement le texte de l’intervention de Paul VI:« Vous avez choisi en cette Année Sainte la ville de Rome pour célébrer votre troisième Congrès international, chers fils et chères filles; vous Nous avez demandé de vous rencontrer aujourd’hui et de vous adresser la parole: vous avez voulu montrer par-là votre attachement à l’Eglise instituée par Jésus-Christ et à tout ce que représente pour vous ce Siège de Pierre. Ce souci de bien vous situer dans l’Eglise est un signe authentique de l’action de l’Esprit Saint. Car Dieu s’est fait homme en Jésus-Christ, dont l’Eglise est le Corps mystique, et c’est en elle que l’Esprit du Christ fut communiqué au jour de la Pentecôte, quand il descendit sur les Apôtres réunis dans la chambre haute, ‘assidus à la prière’, ‘autour de Marie, mère de Jésus’ (Cfr. Act. 1, 13-14).

Nous le disions en octobre dernier devant quelques-uns d’entre vous, l’Eglise et le monde ont besoin plus que jamais que ‘le prodige de la Pentecôte se poursuive dans l’histoire’ (L’Osservatore Romano, 17 oct. 1974). En effet, grisé par ses conquêtes, l’homme moderne a fini par s’imaginer que, selon les expressions du dernier Concile, ‘il est à lui-même sa propre fin, le seul artisan et démiurge de sa propre histoire’ (Gaudium et Spes, 20 et 1). Hélas! Chez combien de ceux-là mêmes qui continuent, par tradition, à professer son existence, et, par devoir, à lui rendre un culte, Dieu n’est-il pas devenu un étranger dans leur vie?

Rien n’est plus nécessaire à un tel monde, de plus en plus sécularisé, que le témoignage de ce renouveau spirituel, que Nous voyons le Saint-Esprit susciter aujourd’hui dans les régions et les milieux les plus divers. Les manifestations en sont variées: communion profonde des âmes, contact intime avec Dieu dans la fidélité aux engagements pris lors du baptême, dans une prière souvent communautaire, où chacun, s’exprimant librement, aide, soutient, nourrit la prière des autres, et, à la base de tout, une conviction personnelle, qui n’a pas sa source uniquement dans un enseignement reçu par la foi, mais aussi dans une certaine expérience vécue, à savoir que, sans Dieu, l’homme ne peut rien, qu’avec lui, par contre, tout devient possible: d’où ce besoin de le louer, de le remercier, de célébrer les merveilles qu’il opère partout autour de nous et en nous.

L’existence humaine retrouve sa relation à Dieu, ce qu’on appelle la dimension verticale, sans laquelle l’homme est irrémédiablement mutilé. Non certes que cette recherche de Dieu apparaisse comme une volonté de conquête ou de possession; elle veut être pur accueil de Celui qui nous aime et librement se donne à nous, désirant, parce qu’il nous aime, nous communiquer une vie que nous avons à recevoir gratuitement de Lui, mais non pas sans humble fidélité de notre part. Et cette fidélité doit savoir unir l’action à la foi selon l’enseignement de saint Jacques: ‘De même que le corps sans souffle est mort, la foi sans les œuvres est morte’ (Jc. 2, 26). Comment alors ce renouveau spirituel ne pourrait-il pas être une chance pour l’Eglise et pour le monde? Et comment, en ce cas, ne pas prendre tous les moyens pour qu’il le demeure?

Ces moyens, chers fils et chères filles, le Saint-Esprit voudra bien vous les indiquer, selon la sagesse de ceux qu’il a lui-même ‘établis gardiens pour paître l’Eglise de Dieu’ (Ac. 20, 28). Car c’est le Saint-Esprit qui a inspiré à saint Paul certaines directives fort précises, que Nous nous contenterons de vous rappeler. Y être fidèles sera pour vous la meilleure des garanties pour l’avenir.

Vous savez le grand cas que l’Apôtre faisait des ‘dons spirituels’: ‘N’éteignez pas l’Esprit’, écrivait-il aux Thessaloniciens (1 Th. 5, 19), tout en ajoutant aussitôt: ‘Vérifiez tout, retenez ce qui est bon’ (Ibid., 5, 21). Il estimait donc qu’un discernement était toujours nécessaire, et il en confiait le contrôle à ceux qu’il avait mis à la tête de la communauté (Ibid., 5, l2). Avec les Corinthiens, quelques années plus tard, il entre dans plus de détails: il leur signale notamment trois principes à la lumière desquels ils pourront plus aisément pratiquer ce discernement indispensable.

350

Le premier, par quoi il commence son exposé, est la fidélité à la doctrine authentique de la foi (1Cor. 12, 1-3). Ce qui la contredirait ne saurait provenir du Saint-Esprit: celui qui distribue ses dons est le même qui a inspiré l’Ecriture et qui assiste le Magistère vivant de l’Eglise auquel, selon la foi catholique, le Christ a confié l’interprétation authentique de cette Ecriture (Cfr. Dei Verbum, 10). C’est bien pourquoi vous éprouvez le besoin d’une formation doctrinale toujours plus approfondie: biblique, spirituelle, théologique. Seule une telle formation, dont l’authenticité doit être garantie par la Hiérarchie, vous préservera de déviations toujours possibles, et vous donnera la certitude et la joie d’avoir servi la cause de l’Evangile «sans frapper dans le vide» (1 Co. 9, 26).

Deuxième principe. Tous les dons spirituels sont à recevoir avec gratitude; et vous savez que l’énumération est longue (Ibid. 12, 4-10. 28-30), sans d’ailleurs prétendre être complète (Cf.Rm. 12, 6-8; Ep. 6, 11). Toutefois, accordés ‘en vue du bien commun’ (1Co. 12, 7), ils ne le procurent pas tous au même degré, Aussi les Corinthiens doivent-ils ‘ambitionner les dons supérieurs’ (Ibid., 12, 31), les plus utiles à la communauté (Cf. Ibid., 14, 1-5).

Le troisième principe est, dans la pensée de l’Apôtre, le plus important. Il lui a suggéré une des pages les plus belles, sans doute, de toutes les littératures, à laquelle un traducteur récent a donné un titre évocateur: ‘Au-dessus de tout plane l’amour’ (E. OSTY).

Si désirables que soient les dons spirituels - et ils le sont - seul l’amour de charité, l’agapè, fait le chrétien parfait, seul il rend l’homme agréable à Dieu, gratia gratum faciens, diront les théologiens. C’est que cet amour ne suppose pas seulement un don de l’Esprit; il implique la présence active de sa Personne au cœur du chrétien. Commentant ces versets, les Pères de l’Eglise l’expliquent à l’envie. Au dire de saint Fulgence, pour ne citer qu’un exemple, ‘le Saint-Esprit peut conférer toute espèce de dons sans être présent lui-même; il prouve en revanche qu’il est présent par la grâce, quand il accorde l’amour’, se ipsum demonstrat per gratiam praesentem, quando tribuit caritatem (S. FULGENTII Contra Fabianum, Fragment 28: PL 65, 791). Présent dans l’âme, il lui communique, avec la grâce, la propre vie de la Très Sainte Trinité, l’amour même dont le Père aime le Fils dans l’Esprit (Cf. Jn. 17, 26), l’amour dont le Christ nous a aimés et dont à notre tour nous pouvons et devons aimer nos frères (Cf. Jn. 13, 34), ‘non seulement en paroles, avec la langue, mais en actes, véritablement’ (1 Jn. 3, 18).

Oui, l’arbre se juge à ses fruits, et saint Paul nous dit que ‘le fruit de l’Esprit, c’est l’amour’ (Ga. 5, 22), tel qu’il l’a décrit dans son hymne à l’amour. C’est à lui que sont ordonnés tous les dons que l’Esprit Saint distribue à qui il veut, car c’est l’amour qui édifie (Cf. 1 Co. 8, 1), comme c’est lui qui, après la Pentecôte, a fait des premiers chrétiens une communauté ‘assidue à la communion fraternelle’ (Act. 2, 42), ‘tous n’ayant qu'un cœur et qu’une âme’ (Ibid., 4, 32).

Soyez fidèles à ces directives du grand Apôtre. Et selon l’enseignement du même Apôtre, soyez également fidèles à célébrer fréquemment et dignement l’Eucharistie (Cf. 1 Co. 11, 26-29). C’est la voie que le Seigneur a choisie pour que nous ayons sa Vie en nous (Cf. Jn. 6, 53). De même encore, approchez- vous avec confiance du sacrement de la réconciliation. Ces sacrements expriment que la grâce nous vient de Dieu, par la médiation nécessaire de l’Eglise.

Chers Fils et chères Filles, avec le secours du Seigneur, forts de l’intercession de Marie, mère de l’Eglise, et en communion de foi, de charité et d’apostolat avec vos Pasteurs, vous serez sûrs de ne pas vous tromper. Et vous contribuerez ainsi pour votre part, au renouveau de l’Eglise.

Jésus est le Seigneur! Alléluia ! » 351

L’ouverture des autorités institutionnelles catholiques, à leur plus haut niveau, encourage le mouvement en France ; les fondateurs de communautés nouvelles font des voyages aux USA, les catholiques français du renouveau sont à Rome en 1975. Les portes sont officiellement grandes ouvertes, même si les réticences locales, diocésaines, et même romaines demeurent souvent bien présentes.

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http://www.vatican.va/holy_father/paul_vi/speeches/1975/documents/hf_p-vi_spe_19750519_rinnovamento-carismatico_fr Discours du pape Paul VI aux participants au IIIème congrès international du renouveau charismatique catholique, vendredi 19 mai 1975.

Cependant, la dimension œcuménique du renouveau n’est pas ici soulignée. Dès l’accueil comme « chance pour l’Eglise », il est clair que ce courant est au service du renouvellement de l’Eglise catholique romaine. Paul VI s’adresse à ses « chers fils et chères filles », il rappelle l’importance de Rome, du « siège de Pierre », de « l’Eglise instituée par le Christ », avec Marie, mère de l’Eglise, avec le contrôle et la garantie de la Hiérarchie et du Magistère, avec la « médiation nécessaire de l’Eglise », par les sacrements. Ce discours de 1975 est clairement centré sur la conscience du renouveau comme force de renouvellement interne. Nous le comparerons avec les exhortations récentes du pape François, quarante ans après, dans un contexte ecclésial et sociétal bien différent. Ce recentrage du renouveau charismatique catholique sur une vocation ad intra a eu de fortes conséquences, particulièrement en France.

En 1977, le rassemblement charismatique œcuménique de Kansas City aux USA, compte 52 000 chrétiens, moitié catholiques, moitié protestants et pentecôtistes ; mais en France, à Lyon, la même année, le congrès charismatique de Pentecôte devait être une « fête de l’unité ». En réalité, elle a été vécue par les quelques protestants présents comme une mise à l’écart involontaire, sans doute, mais conséquence de la situation historique héritée du protestantisme en France.

Mais cela ne décourage pas Thomas Roberts qui pense déjà à une Pentecôte sur l’Europe. « Dès 1978, Thomas Roberts fait le rêve de réunir les chrétiens encore séparés des groupes de prière pendant trois jours pour louer Dieu, ensemble et écouter, ensemble, la Parole de Dieu, afin de rendre visible l’Eglise « finitive352 » comme il aime à le dire *…+ « Nous étions dos à dos ; depuis quarante ans, les théologiens face à face ; et voilà que le peuple aujourd’hui goûte la joie de marcher côte à côte dans la louange du Père353 ». Thomas Roberts reprend ici les formules du théologien Bernard Sesboué, membre catholique du groupe des Dombes entre 1967 et 2005, « du « face à face » initial entre catholiques et protestants, jusqu’au milieu des années cinquante, les deux parties sont passées peu à peu à un « côte à côte 354».

Alors que le pasteur Roberts commence à penser à une « Pentecôte sur l’Europe », un grand congrès catholique réunit 20 000 personnes, à Dublin, du 15 au 18 juin 1978. « Dans ce pays divisé entre protestants et catholiques, en guerre fratricide, on s’attendait à d’instantes prières d’intercession, de repentance pour nos divisions personnelles et historiques, en vue de gestes de réconciliation. Ce ne fut pas cela, mais une manifestation catholique imposante : vingt évêques, 1400 prêtres, l’archevêque de Dublin, le cardinal de Westminster et le cardinal Suenens. Les enseignements, carrefours, témoignages, émanaient de personnalités catholiques. Le renouveau fut saisi comme une grâce pour renouveler le terrain de l’Eglise… catholique, à travers familles et communautés… catholiques, recherchant une unité catholique.355 ». De très nombreux catholiques français sont présents à Dublin et se réjouissent de la future vitalité redonnée à leur Eglise. Les quelques messages sur l’unité du Corps du Christ, déchiré entre confessions différentes, sont peu entendus. Parallèlement à cette croissance, le renouveau catholique se structure : dès 1976, le cardinal Suenens constitue l’ICO, l’organisation internationale catholique (son siège est d’abord en Belgique), qui devient l’ICCRO (Conseil International du Renouveau Catholique) en 1981 transféré à Rome, puis l’ICCRS (International Catholic Charismatic Renewal Service), en 1984 au Vatican356. En mai 1981, à

352

« Eglise finitive » : cette expression du pasteur Roberts (sur le modèle de l’appellation « église primitive ») veut résumer le contenu développé dans le quatrième sujet de l’Union de prière de Charmes, l’Avènement de Jésus-Christ. Dans le §57 de sa Charte, est interrogée la dimension eschatologique de la vocation de l’Eglise: « L’Union de prière prie pour préparer ce jour dans le cœur de l’Eglise », (Définition donnée par A.SCHVARTZ, entretien le 06/12/14). 353

TYCHIQUE, Ibid., p 37.

354 J.-C. ESCAFFIT et M. RASIWALA, Histoire de Taizé, Paris, Seuil, 2008, p 51. 355 P. et V. BRIAUDET, Ibid., p 92.

356

Rome, le pape Jean-Paul II s’adresse aux participants de la quatrième conférence internationale catholique :

« Votre choix de Rome *…+ est signe que vous comprenez l’importance d’être enracinés dans cette unité catholique de foi, et de charité qui trouve son centre visible en la chaire de Saint-Pierre. *…+ Les six années écoulées depuis ce congrès [premier congrès au cours duquel Paul VI avait qualifié le renouveau de « chance pour l’Eglise et pour le monde »+ ont justifié les espoirs inspirés par cette manière de voir. L’Eglise a vu les fruits de votre dévotion à la prière, unie à un grand effort de sainteté de vie et d’amour pour la Parole de Dieu. *…+ Finalement, par votre expérience des nombreux dons du Saint-Esprit qui sont partagés également avec vos frères et sœurs séparés, votre joie est une joie toute spéciale, celle de grandir dans le désir de l’unité vers laquelle l’Esprit vous guide, et dans un engagement pour la tâche sérieuse de l’œcuménisme : Ep. 4,5 : « Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui règne sur tous, agit par tous, et demeure en tous.357 »

Dans cette déclaration se trouve d’une part un nouvel encouragement du premier responsable de l’Eglise catholique : il constate les fruits positifs des débuts du renouveau, sur le plan personnel ; la vie de prière, le goût pour la Parole de Dieu sont développés, avec des conséquences concrètes dans le quotidien de chaque catholique.

D’autre part, le pape Jean-Paul II élargit son propos pour y inclure les « frères séparés » dont il reconnaît la même source d’expérience des dons de l’Esprit Saint. Ce même Esprit Saint conduit les chrétiens du renouveau ensemble vers un désir d’unité et vers un travail œcuménique. Certes, le modèle d’unité, ou d’œcuménisme n’est précisé que dans « l’unité catholique » de foi et d’amour qui s’enracine dans « la chaire de Saint Pierre ». La vision de l’unité que semble sous-entendre le pape, apparaît dans ce discours de 1981, comme un retour à Rome des « frères séparés » de l’Eglise, rassemblée autour de la primauté pétrinienne, un retour conduit par un seul Esprit produisant les mêmes dons et fruits dans la vie des croyants. Le renouveau serait non seulement une force de renouvellement, mais également d’unité par réintégration.

Les craintes protestantes d’une « catholicisation » du renouveau grandissent au cours de cette deuxième moitié des années 1970, comme justifiées par l’évolution parallèle des frères de Taizé (ce point sera précisé plus loin).

Mais depuis septembre 1978, sur l’initiative de Thomas Roberts et avec les principaux responsables du renouveau, dont le cardinal Suenens, s’organise une « Pentecôte sur l’Europe » : c’est la première rencontre européenne interconfessionnelle et charismatique, qui doit réunir à Strasbourg tous les chrétiens charismatiques du 28 au 31 mai 1982. Ils sont 20 000 présents ; une grande majorité sont français et catholiques (les deux-tiers), mais les protestants sont mieux représentés qu’à Lyon en 1977 : on est ici en Alsace, à proximité de l’Allemagne et de l’Europe protestante du Nord-Ouest. Les luthériens (1300) dépassent en nombre les réformés (1050) ; mais il n’y a que 35 anglicans, et peu d’évangéliques (350) et encore moins de pentecôtistes (180). Mais certains participants n’ont pas précisé leur confession d’appartenance. Cette grande diversité à la fois culturelle et confessionnelle a rendu la préparation difficile car les visions concernant l’unité et l’Eglise sont bien souvent divergentes. « Les organisateurs alsaciens sont des représentants des Eglises quasi-officielles, comme le souligne Jean Bauberot, celles qui ont un lien avec l’Etat : c’est la terre dite concordataire. Apparemment, ils se sont imposés, marginalisant les Evangéliques et réussissant à donner une orientation précise par un protocole d’accord358 » :

357 Ibid., p 95-96.

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« Nous savons que nous sommes différents les uns des autres, mais nous voulons ensemble fixer nos regards sur Jésus-Christ, Seigneur et Sauveur, qui a répandu l’Esprit-Saint dans chacune de nos Eglises et communautés. Nous voyons en effet et reconnaissons que c’est le même Esprit qui œuvre chez les uns et chez les autres. En cela, nous suivons l’exemple de Pierre qui déclara (Actes 11,17) : ‘Si Dieu a fait à ces gens-là le même don gracieux qu’à nous autres pour avoir cru au Seigneur Jésus-Christ, étais-je quelqu’un moi, qui pouvait empêcher Dieu d’agir ?’

Nous croyons aussi que parmi d’autres grâces du renouveau accordées par Dieu aujourd’hui, l’effusion de l’Esprit est donnée avec plus d’ampleur pour renouveler nos Eglises et communautés respectives, les faire avancer vers l’unité que Dieu veut, leur imprimer un nouveau zèle pour évangéliser le monde et les préparer à la venue en gloire du Christ. C’est pourquoi nous nous engageons les uns vis-à-vis des autres à respecter nos Eglises et à nous accueillir dans notre identité profonde. Nous interdisant tout prosélytisme de mauvais aloi, nous ne cherchons pas à rompre les liens d’un chrétien avec sa communauté ecclésiale, lieu privilégié de son enracinement dans la foi.

Le rassemblement comportera d’une part des réunions plénières et des carrefours spécialisés, d’autre part des réunions confessionnelles au sein desquelles en particulier l’eucharistie et la Sainte Cène seront célébrées dans la fidélité et la tradition de chaque Eglise. Le planning et le déroulement des réunions plénières seront placés sous l’autorité d’un comité directeur européen. Les réunions confessionnelles sous l’autorité d’un comité constitué par un membre du comité européen entouré d’autres membres de la confession et en relation avec les autorités de son Eglise. Ces comités confessionnels soumettront leur programme au comité directeur européen. En cas de difficulté d’harmonisation, c’est au comité directeur européen de trancher. Les confessions qui désireront organiser une réunion confessionnelle signeront ce protocole d’accord et se mettront en relation avec le comité directeur. 359»

Le comité européen se compose de seize membres : neuf sont catholiques (sept clercs et deux laïcs) et sept sont protestants (six pasteurs, deux réformés, trois luthériens, et un évangélique : le pasteur Thomas