• Aucun résultat trouvé

La Grande Eglise doit-elle rejeter ou intégrer les courants minoritaires charismatiques ?

2 L’Eglise et les charismes aux IVème et Vème siècles: le messalianisme

2.2 La Grande Eglise doit-elle rejeter ou intégrer les courants minoritaires charismatiques ?

Nous avons choisi de nous appuyer sur deux auteurs orientaux particulièrement confrontés aux courants messaliens : Marc le Moine, et le Pseudo-Macaire, qui sont probablement contemporains. La question reste la même qu’aux siècles précédents : où et comment accueillir les mouvements de ferveur religieuse, qui acceptent l’expression d’expériences spirituelles irrationnelles ? Quelle définition donner au baptême et quelle liberté aux manifestations charismatiques ? L’exclusion et le rejet de ces mouvements marginaux peuvent-ils remettre en cause l’unité de l’Eglise en construction? A ces questions, après avoir souligné la spécificité du contexte de l’Eglise d’Orient, l’on verra trois types de réponses : celle de Marc le Moine, celle des messaliens, et celle du Pseudo-Macaire.

2.2.1 Le contexte de l’Eglise d’Orient confrontée aux courants enthousiastes messaliens

Les deux auteurs étudiés et les messaliens vivent pendant cette phase de christianisation rapide de la société en particulier en Orient et dans les milieux citadins. Les conséquences de la croissance de l’Eglise officielle chrétienne sont multiples à la fois sur la doctrine, sur les rites et la pratique de l’Eglise.

De plus l’Empire est immense et la doctrine chrétienne rencontre des cultures très différentes, de l’Orient à l’Occident, et sur les rives Nord ou Sud de la Mer Méditerranée. Les nombreux débats et écoles théologiques en témoignent. L’Eglise est face à la culture païenne. Malgré l’influence grecque dominante perceptible dans les Traités de Marc et de Macaire, tous deux sont proches de l’Ecole Perse, peu touchée par les débats théologiques et philosophiques, davantage ancrée dans l’étude littérale des Ecritures, particulièrement des Evangiles et des Epitres. Aphraate le Sage et Ephrem de Nisibe reflètent cette culture profondément judéo-chrétienne, et leurs écrits sont centrés sur la foi en Jésus-Christ, pierre d’angle et fondement de tout l’édifice. Cette foi s’appuie sur des œuvres qui ne sont en réalité que le jeûne, la prière, l’ascèse, l’humilité, le don total de sa vie à Dieu. Les références scripturaires sont permanentes. On est ici assez éloigné des écoles plus théologiques et philosophiques comme celles d’Alexandrie, ou d’Antioche. La doctrine de l’Eglise est donc en construction, l’Eglise est Une mais très diverse, et ébranlée par des courants originaux qui peuvent devenir si excessifs qu’ils sont exclus de l’Eglise comme hérésies.

Les « messaliens » ou « euchites » ce qui signifie « ceux qui prient » en syriaque ou en grec, sont aussi appelés « enthousiastes » (que le dictionnaire Bailly définit comme « être inspiré par la divinité, être saisi d’un transport divin, être mis hors de soi91 », en theo, en Dieu). Ce mouvement qui connaissait des tendances variées, a été condamné par plusieurs synodes à partir de 381, puis anathématisé comme hérétique au Concile d’Ephèse en 431. Il était apparu en Mésopotamie, pendant la deuxième moitié du IVème siècle, s’est rapidement répandu en Syrie, en Asie Mineure, en Egypte et son influence a perduré jusqu’au VIIème, s’étendant sur toute la moitié Est de l’Empire, jusqu’à Carthage.

91

Malheureusement, on ne connait pas de source directe des Messaliens, mais seulement celles de leurs détracteurs. Dès 370, les Messaliens sont mentionnés par Ephrem de Nisibe (306-373) et Epiphane (évêque de Chypre, hérésiologue, 315-403). Théodoret de Cyr, (393-466), dans son Histoire Ecclésiastique92 en donne une description et Babaï le Grand, chef de l’Eglise perse, s’oppose à cette hétérodoxie encore au début du VIIème siècle93. Irénée Hausherr94 résume leur doctrine en quatre points : « L’inhabitation du démon dans l’âme, l’inefficacité du baptême et des sacrements, l’efficacité exclusive de la prière, l’effet obtenu qui est double : l’apatheia et la venue du Saint Esprit. » Nous développerons ces points en commentant les traités de Marc, pour notre sujet.

Nous montrerons que la réception des Messaliens a évolué dans le temps jusqu’à aujourd’hui.

Le contexte dans lequel se situent Marc, Macaire et les Messaliens est caractérisé par l’essor du monachisme : le moine vit le don radical de lui-même, cette nouvelle forme du martyre. Les moines jouent un rôle majeur dans l’évangélisation, soit directement par leurs missions, soit indirectement par le modèle de vie dont ils témoignent et qu’ils enseignent en tant que pères spirituels.

Dans cette période de christianisation rapide de l’Empire et de la société, le baptême s’adresse de plus en plus aux enfants, aux familles entières et non plus à des adultes confessants et parfois martyrs des premiers siècles de l’Eglise. Ces baptêmes parfois de masse, entrainent des évolutions, non pas au niveau des rites qui demeurent inchangés dans l’ensemble, mais au niveau de la foi, et des pratiques suivant le baptême, qui risquent d’être plus superficielles et formelles.

On pourrait donc souligner quatre points dans ce contexte : - La croissance très rapide de l’Eglise.

- La multiplication des baptêmes de masse. Vers une Eglise de la multitude. - Des réponses différentes face aux cultures rencontrées.

- Le repli de la ferveur dans le monachisme, nouvelle forme du martyre.

Quelles sont ainsi les questions fondamentales posées par le contraste entre Eglise en croissance devenant « Eglise de multitude » et courants de ferveur pentecostale marginaux ?

C’est l’interrogation des moines postulants probablement baptisés enfants mais aussi de ceux que l’on appelait Messaliens: elle est centrée sur la validité du baptême « sacramentel » (malgré l’anachronisme du terme), donné par l’Eglise institutionnelle, comme nous l’avons mentionné plus haut. C’est la reconnaissance de l’Eglise officielle, de ses contours, et du sens de son unité qui est en cause. Le rapport entre théologie, institution et expérience humaine et mystique est ici posé par moines et Messaliens, de l’intérieur aux marges de l’Eglise.

2.2.2 A ces questions centrées sur le baptême, quelle est la réponse des Messaliens ?

Les Messaliens s’appuient sur une théologie très négative sur l’homme, habité dès sa naissance par le démon, du fait de la faute d’Adam. La tentation ne vient donc pas de l’extérieur mais de l’intérieur de l’homme, et dès le début de sa vie, l’homme est comme possédé par le péché. Ce n’est pas comme

92 THEODORET de Cyr, Histoire ecclésiastique, Paris, Cerf, 2009, p 223 ss, Livre IV, Chapitre 11, (Sources Chrétiennes n°530).

93

A. GUILLAUMONT, « Prière continuelle ou prière exclusive. Le cas des Messaliens », Communio n°X, 4, Juillet-Août 1985.

94 I. HAUSHERR, « L’erreur fondamentale et la logique du messalianisme », Orientalia Christiana Periodica, Volume 1, Rome, Edit. Pont. Institutum Orientalium Studiorum, 128, 1935, p 328-360.

l’affirmaient la plupart des pères, (et Marc avec eux), le stade ultime d’une compromission avec le péché, mais bien au contraire son expression première. Le baptême de l’Eglise, pour les Messaliens, est totalement insuffisant pour supprimer le mal. Au mieux, il opère tel un rasoir, coupant la partie visible du mal mais aucunement sa racine profonde. Le péché rejaillit très rapidement, à la moindre occasion, même juste après le baptême.

C’est pourquoi, les Messaliens sont accusés de proposer une seconde forme de baptême, spirituel, auquel l’on accède uniquement par une prière incessante, passionnée, exclusive (on ne peut plus s’adonner à autre chose que la prière). De plus cette prière est dénoncée comme bruyante, accompagnée de danses jugées hystériques, de mouvements désordonnés, de cris, de chants enflammés. D’après les Messaliens, le résultat de cette prière incessante et exclusive est l’entrée dans une forme de perfection, d’apathéia, de repos spirituel qui rend le péché alors inaccessible. Le péché n’a plus de prise et l’on entre dans une sorte de paradis spirituel, une sorte de quiétisme, plaçant le nouveau baptisé spirituellement hors de toute nécessité morale. Dans cet état mystique extrême, des manifestations ont lieu : visions, prophéties, larmes, gémissements ou exultations et formes d’ivresses dites spirituelles sont dénoncées par les détracteurs comme exagérations, manque total de discernement, esprits de confusion entre une émotion et une subjectivité débridée et l’Esprit de Sainteté.

Pour Irénée Hausherr, une des erreurs fondamentales des Messaliens est de confondre perception sensible, expérience subjective de la grâce et réalité de foi de la grâce. Pour les Messaliens, d’après leurs détracteurs, la grâce doit être perçue, ressentie, expérimentée, sinon elle n’est ni réelle, ni efficace.

Un exemple raconté par Théodoret de Cyr95 , détracteur des Messaliens, peut illustrer cette interprétation:

« Flavien, très illustre pontife d’Antioche, convoque un groupe de moines d’Edesse et interroge l’un des anciens Adelphios qui « vomit tout le venin qu’il cachait et déclara que le saint baptême n’était d’aucune utilité pour ceux qui le recevaient, mais que seule la prière assidue chassait le démon qui loge en nous. Il expliquait que chaque nouveau-né tient de notre premier ancêtre à la fois sa nature et sa servitude à l’égard des démons : une fois ceux-ci chassés par la prière assidue, l’Esprit Saint n’a plus qu’à s’installer, témoignant sa présence d’une façon sensible et visible ; il libère le corps du mouvement des passions et affranchit totalement l’âme du penchant au mal, de sorte qu’elle n’a plus besoin désormais ni de jeûne pour accabler le corps, ni d’enseignement pour le réfréner et lui apprendre à marcher au pas. Celui qui a obtenu sa présence n’est pas seulement affranchi des sursauts du corps, mais il prévoit clairement l’avenir et contemple de ses yeux la Trinité divine. »

Les reproches que l’on adresse aux Messaliens sont donc nombreux : ils sont d’une part, comme des pélagiens de la prière, puisqu’ils ne semblent obtenir la paix intérieure qu’au prix d’efforts humains incessants qui paraissent nier la participation gratuite de la grâce de Dieu. De plus ils semblent rechercher, non pas la grâce ou la présence de Dieu, caché, invisible, mais une sorte de jouissance spirituelle sensible, un désir d’expérience mystique davantage tourné vers le plaisir personnel, que vers l’adoration gratuite de Dieu. On leur reproche aussi leur oisiveté, leur priorité donnée à la prière (en cela ils diffèrent peu de certaines communautés monastiques qui voient la consécration à la prière comme le sommet de la vie spirituelle). Leur prétention à la perfection, une fois réalisée l’expérience de ce baptême spirituel, paraît également orgueilleuse et inconcevable.

Mais bien plus encore, les Messaliens semblent remettre en cause le baptême et la célébration de la Cène, ainsi que la prière liturgique de l’Eglise. Ils reconnaissent eux-mêmes ne plus avoir besoin de cette appartenance à la Grande Eglise, eux qui vivent et expérimentent une église du cœur, l’Eglise authentique, sans institution, ni « sacrement ». Leurs communautés paraissent donc leur suffire, eux qui vivent en marge

95

ou hors de l’Eglise, sans prendre garde à ses avertissements ou ses condamnations. Pour Théodoret de Cyr, une difficulté s’ajoute encore, car il est très difficile de définir les réelles limites de l’appartenance à cette hérésie. Le mal n’est pas seulement aux marges, mais à l’intérieur même de l’Eglise, comme un ver qui risque d’en ronger le cœur :

Nombreux sont ceux « qui ne se sont pas séparés de la communauté de l’Eglise, tout en déclarant qu’on ne

retire ni profit ni dommage de la divine nourriture dont le Seigneur Christ a dit : ‘Celui qui mange ma chair et boit mon sang vivra éternellement. (Jn 6,54,56,58)’ Mais ils essaient de cacher leur maladie et, même après qu’on en a prouvé la réalité, continue à la nier sans pudeur et vont jusqu’à désavouer ceux qui partagent ces opinions qu’ils ont eux-mêmes dans l’esprit96 ».

Le danger est donc grand aux yeux de l’Eglise, car l’hérésie se cache au sein de la communauté ecclésiale, et est très difficile à éradiquer :

« Cette maladie ainsi dénoncée [à Edesse par l’évêque d’Antioche, les moines hérétiques] furent chassés de Syrie et se retirèrent en Pamphylie qu’ils contaminèrent entièrement 97».

Les reproches peuvent donc se rassembler ainsi : - Leur doctrine sur le péché originel.

- Leur pélagianisme de la prière et leur méconnaissance de la seule grâce. Leur oisiveté. - Leur désir de jouissance émotionnelle.

- Leur orgueil et leur élitisme.

- Leur contestation du baptême « sacramentel », et par là de la définition et des limites de l’Eglise. - Le danger qu’ils représentent aux marges et à l’intérieur même de l’Eglise.

2.2.3 La réponse de Marc le Moine, moine fidèle à l’Eglise, face aux Messaliens

Reprenant un travail initié en mémoire de master 2, nous élargissons notre étude des traités de Marc le Moine, et en particulier celui intitulé Du Baptême, pour nous interroger:

Quelle position Marc le Moine a-t-il adoptée face aux tendances enthousiastes de l’Orient chrétien à l’articulation du IVème et du Vème siècle? Ses traités témoignent-ils d’un rejet ou d’une volonté d’intégration des pratiques et positions messaliennes ? Sa théologie du baptême reflète-t-elle des influences spirituelles enthousiastes ? Quelle définition et quelle autorité donne-t-il à l’Eglise institutionnelle ?

2.2.3.a Présentation de Marc le Moine et de son œuvre

On a très peu de connaissances précises sur la vie et même l’identité de Marc. C’était un moine vivant à la fin du IVème siècle et au début du Vème, contemporain de Saint Macaire. D’après le Père Georges-Matthieu de Durand, son activité se serait terminée peu après la crise d’Ephèse de 431, et il aurait vécu « dans une cité épiscopale de second rang en Asie-Mineure 98». Monseigneur Kallistos Ware99 le situerait dans la région de Tarse, plus tardivement. Mais pour l’un et l’autre, la question reste ouverte.

96 Ibid., p 223.

97

Ibid., p 227.

98 MARCle Moine, Traités, Paris, Cerf, 1999, (Sources Chrétiennes. n°445), Introduction et notes de G-M de DURAND. 99 MARC le Moine, Traités spirituels et théologiques, Abbaye de Bellefontaine, 1985, Introduction et notes par Monseigneur Kallistos Ware.

Par contre, ses écrits ont été et restent très connus et appréciés en Orient. L’œuvre de Marc le Moine se compose de dix Traités parus aux Editions de l’Abbaye de Bellefontaine (1985), avec l’introduction et les notes de Monseigneur Kallistos Ware, et aux éditions des Sources Chrétiennes (1999), traduits, introduits et annotés par Georges-Matthieu de Durand.

D’après Mgr Kallistos Ware100, « un dicton circulait dans les monastères byzantins : ‘Vendez tout et achetez Marc’ ou encore, « le père spirituel de Syméon [alors âgé de 17 ans environ, futur Saint Syméon le Nouveau Théologien 949-1022], lui donna un livre et un seul et ce livre était de Marc le moine » : La Loi Spirituelle. Trois de ses Traités ont été inclus par Saint Macaire de Corinthe et Saint Nicodème l’Hagiorite dans leur Philocalie, publiée en 1782 : De la Loi Spirituelle, De ceux qui pensent être justifiés par les œuvres, la Lettre à Nicolas.

Marc s’adresse dans ses traités en premier lieu à des moines en formation, jeunes pour la plupart, pour lesquels il est un père spirituel, un ancien, un conseiller. C’est là le rôle de Marc, qui, contrairement à d’autres pères, semble avoir peu voyagé : il ne mentionne qu’un seul voyage auprès des anachorètes du désert dans sa Lettre à Nicolas :

« Puisque, pour quelques temps, nous sommes séparés de toi, loin de ton visage mais proche par le cœur, partis au désert vers les vrais travailleurs et athlètes du Christ ».101

Cependant, en arrière-plan, ses interlocuteurs principaux sont les messaliens, même s’il ne les mentionne pas directement ; l’un de ses traités s’intitule : « De ceux qui pensent être justifiés par leurs œuvres », car c’est là l’un des reproches principaux faits par Marc aux Messaliens.

2.2.3.b Convergence et divergence de la réponse de Marc avec celle des Messaliens

Quelle que soit l’ampleur de ces déviances, la question de l’efficacité du baptême de l’Eglise se pose et Marc le moine y est confronté par les jeunes moines dont il a la charge. Sa réponse présente à la fois des points de convergence, mais aussi des points de divergence profonde avec celle des Messaliens:

 Concernant l’origine du combat spirituel

Marc ne nie en rien l’existence d’un combat qu’il nomme spirituel, même après avoir reçu le baptême de l’Eglise. Il l’a sans doute lui-même expérimenté, étudié, analysé en s’inspirant à la fois d’autres pères, comme Antoine (251-356), mais surtout de son contemporain probable, (Evagre, 346-399, lui est soit postérieur, soit contemporain ; sa description du combat contre les pensées est très proche de celle de Marc), des textes de l’Ecriture et de son expérience personnelle. Cependant, cette réalité d’une capacité de pécher persistant après le baptême, Marc ne l’attribue pas à une faiblesse du rite et de la foi de l’Eglise, mais à la liberté de l’homme. Marc est bien ici un père oriental, considérant la création comme bonne et non soumise dans sa liberté, au péché d’Adam. Pourtant, avant tout, étant ancré dans les textes des Epitres pauliniennes, il avance profondément dans cette question de l’héritage du péché d’Adam, dans son Traité sur le Baptême, (traité IV) :

« Adam a vécu trois événements successifs et non un seul, comme tu le penses, qui sont la suggestion de la tentation, selon l’économie, la transgression selon son propre manque de foi, la mort, selon le jugement de Dieu…Le péché du premier Adam est la transgression du commandement par le premier homme. »(IV, 1016 A).

100 Mgr Kallistos Ware, op.cit., Introduction p IX. 101

Comme les Messaliens, Marc affirme l’existence du démon : la « suggestion de la tentation » est bien l’œuvre de la « tentation de Satan » ; il part « à l’assaut du mal, de Satan » (IV, 1013 CD). Marc cite plusieurs fois le Nouveau Testament : « les Autorités, les Pouvoirs, les Dominateurs de ce monde de ténèbres, des esprits du mal qui sont dans les cieux » (Ep 6,12. TOB) ; « Votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer ». (1 P 5,8). Pour Marc, fidèle à la tradition platonicienne, la nature humaine, contrairement à la nature divine, est soumise au changement et est donc soumise à la tentation du mal : « N’être pas en butte à l’assaut du mal est le fait d’une nature non soumise au changement, non de la nature humaine » (IV, 1013 C).

Mais contrant ici la position Messalienne, pour Marc, la tentation venant de l’extérieur de l’homme, n’est pas péché. L’homme n’est pas habité par le démon, mais seulement en proie à sa tentation. Sa responsabilité va être d’y succomber ou non, « la transgression » : « la transgression par les pensées est laissée à notre libre choix, sans aucune contrainte. » (IV, 1025 D).

Quel est donc l’héritage d’Adam ?

« La mort *…+ Une fois morts, nous ne pouvons revivre, jusqu’à la venue du Seigneur qui nous a vivifiés tous ». (IV, 1025 D). « Nous avons hérité de la mort nécessairement (inéluctablement), puisqu’elle a dominé sur lui par nécessité, et a aussi régné sur ceux qui n’avaient pas péché à la ressemblance d’Adam. » (IV, 1017 D).

Cette mort physique, Jésus l’a lui-même connue, car il a été fait homme. Elle a de nombreuses conséquences dans les besoins essentiels de l’homme : la nourriture, la boisson, le sommeil, le vêtement). Ce sont autant de fragilités de l’homme sur lesquelles le mal va exercer sa tentation.

Mais la mort, héritage d’Adam, est aussi spirituelle, chez Marc, très fidèle au texte paulinien :

« Le premier homme étant mort, c’est-à-dire séparé de Dieu, nous ne pouvions pas, nous, vivre en Dieu ; c’est pourquoi le Seigneur est venu, afin que nous soyons revivifiés par le bain de la nouvelle naissance et réconciliés avec Dieu ». (IV, 1017 B). « Ils sont tous nés sous le péché de la transgression, et pour cette raison, ont été condamnés par sentence de mort sans pouvoir être sauvés en dehors de Christ ». (Traité De la Pénitence : III,