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Thermochimie des écoulements hypersoniques continus

Phénomènes physiques liés à la rentrée atmosphérique des débris orbitaux

3. Atmosphère terrestre

4.3. Thermochimie des écoulements hypersoniques continus

La brusque augmentation de la température du fluide au passage du choc correspond à l’aug-mentation d’énergie des particules (atomes et/ou molécules) qui le composent. Les atomes et les molécules peuvent dissiper cette énergie par translation de leur centre de masse, et par excitation électronique. Les molécules possèdent deux modes de dissipation d’énergie supplémentaires : par rotation autour de leur centre de masse et par vibration selon les liaisons interatomiques. Les énergies relatives aux différents modes sont chacune mesurées par une température. On utilise généralement un modèle à deux températures : la température « classique » T , qui correspond aux modes de translation et de rotation, et la température vibrationnelle Tv, qui peut être différente de la précédente.

L’augmentation de la température au passage du choc peut également modifier les interactions entre les molécules d’air, et le comportement global du fluide. On parle alors d’effets de hautes températures, ou effets de gaz réel. La liste ci-dessous détaille les différents domaines de tem-pérature où ces effets apparaissent (les temtem-pératures sont données à titre indicatif). Lorsque la température T ne dépasse pas 800 K, l’air se comporte comme un gaz idéal : il vérifie la loi des gaz parfaits, et ses capacités calorifiques isochore Cv et isobare Cp sont constantes. Au-dessus de 800 K environ, les molécules commencent à acquérir de l’énergie sur le mode vibrationnel. Les capacités calorifiques Cp et Cv de l’air ne sont plus constantes mais dépendent de T , et l’indice adiabatique γ ne vaut plus 1,4. Cependant, la loi des gaz parfaits est toujours vérifiée, et l’air est dit thermiquement parfait. Au-delà de 2 500 K environ, les molécules principales de l’air, le dioxygène O2 et le diazote N2, ont assez d’énergie pour se dissocier en atomes, qui peuvent ensuite se recombiner en molécules de monoxyde d’azote NO. La loi des gaz parfaits n’est alors plus vérifiée, et le gaz est dit réactif. Pour des températures supérieures à 9000 K, le diazote et le dioxygène sont entièrement dissociées, et les espèces restantes (O, N et NO) commencent à se

Chapitre 2. Phénomènes physiques liés à la rentrée atmosphérique des débris orbitaux ioniser. L’air devient alors un plasma, mélange d’ions O+, N+ et NO+, et d’électrons libres e-. Lors de rentrées atmosphériques de débris orbitaux, la vitesse de rentrée des débris est relative-ment faible (inférieure à 7,5 km · s−1) et la majeure partie de l’écoulement n’est pas ionisé. Cette ionisation peut toutefois être observée lors de rentrées orbitales de véhicules lunaires, qui se font à des vitesses plus élevées (11 km · s−1 pour les missions Apollo). La présence d’électrons libres autour du véhicule peut alors brouiller les communications entre le véhicule et le sol, causant le phénomène dit de « black-out ».

3 K < T < 800 K Modes translationnel et rotationnel Gaz idéal :

(

Cp= cst ; Cv = cst ; γ = 1,4 P = ρrT

800 K < T < 2500 K Apparition du mode vibrationnel Gaz thermiquement parfait :

( Cp= f(T ) ; Cv = g(T ) ; γ 6= 1,4 P = ρrT 2500 K < T < 4000 K Gaz réactif Dissociation du dioxygène 4000 K < T < 9000 K Gaz réactif Dissociation du diazote Recombinaison T > 9000 K Gaz réactif Ionisation

Pour des pressions plus faibles, les molécules peuvent plus facilement se dissocier, et les tem-pératures de dissociation sont plus faibles.

4.3.1. Écoulements figés, à l’équilibre, en déséquilibre

Les réactions de dissociation et recombinaison se font uniquement lors des collisions entre particules, et l’équilibre chimique n’est donc pas atteint instantanément : on peut définir un temps caractéristique tch au bout duquel suffisamment de collisions se sont produites pour que l’équilibre soit atteint. Dans le cas d’un écoulement, on peut définir la longueur de relaxation chimique Lch= U× tch entre le choc (qui correspond à l’établissement des nouvelles conditions de température et de pression) et le point où l’équilibre chimique du gaz est atteint. Cet équilibre nécessite que chaque particule du gaz ait subit au moins une collision, on a donc Lch> λ.

Dans la pratique, pour le calcul de l’écoulement derrière un choc, on peut comparer cette longueur Lch à la longueur caractéristique L de l’objet ou de l’écoulement étudié. Cela revient à comparer le temps caractéristique des réactions chimiques tchau temps caractéristique de convec-tion tcde l’écoulement, correspondant au temps que met une particule du fluide pour traverser le domaine considéré. Cette comparaison permet de distinguer trois types d’écoulements, en fonction de leur comportement chimique :

Lch<< L (tch<< t) : Écoulement à l’équilibre chimique

Dans le cas d’un écoulement à vitesse modérée et à masse volumique élevée, les collisions entre particules sont fréquentes, et les particules ne parcourent qu’une faible distance pen-dant la durée tch. L’équilibre chimique s’établit alors presque instantanément derrière le choc, et le reste de l’écoulement peut être considéré étant comme à l’équilibre chimique : les

4. Aérothermodynamique de la rentrée atmosphérique

fractions molaires de chaque espèce sont celles correspondant aux conditions de température et de pression en tout point de l’écoulement.

Lch>> L (tch>> t) : Écoulement figé

À l’inverse, pour les écoulements à vitesse élevée et faible masse volumique, l’équilibre chi-mique s’établit sur une distance très supérieure à la longueur caractéristique de l’écoulement. Le gaz n’a pas le temps de s’adapter aux conditions de température et de pression, et sa composition ne varie pas dans le voisinage de l’objet.

Lch' L (tch' t) : Écoulement en déséquilibre chimique

Dans ce cas, les collisions entre particules sont suffisamment nombreuses pour que des réactions chimiques aient lieu, mais pas assez pour que l’équilibre chimique soit atteint dans le voisinage de l’objet. Des modèles de cinétique chimique doivent être utilisés pour déterminer la composition du gaz en chaque point, ce qui augmente le temps de calcul. Ces trois types d’écoulements peuvent être rencontrés lors d’une rentrée atmosphérique de débris. Les écoulements à l’équilibre chimique correspondent aux faibles altitudes, et les écoule-ments en déséquilibre chimique aux altitudes élevées. La figure 2.6indique les fractions molaires à l’équilibre des principaux composants de l’air en fonction de la température, pour une pression de 1 atm.

Figure 2.6. – Fractions molaires des principaux composants de l’air à l’équilibre chimique en fonction de la température, pour une pression de 1 atm [21]

Lors des collisions, les particules peuvent également se transmettre de l’énergie translation-nelle, rotationnelle ou vibrationnelle. L’énergie peut aussi se transmettre d’un mode à l’autre. On peut donc définir le temps caractéristique tv et la longueur caractéristique Lv = U∗ tv de transfert d’énergie entre modes et entre particules. Là encore, en comparant Lv avec la longueur caractéristique L de l’écoulement, on peut distinguer trois types d’écoulements :

Lv << L (tv << t) : Écoulement à l’équilibre thermique

Chapitre 2. Phénomènes physiques liés à la rentrée atmosphérique des débris orbitaux courte derrière le choc. Toutes les particules sont à la température T du gaz, et la tempé-rature de vibration Tv des molécules est égale à T .

Lv >> L (tv >> t) : Écoulement figé thermiquement

Les collisions sont trop rares et l’écoulement trop rapide pour qu’il y ait un transfert d’éner-gie entre les modes et entre les particules. Chaque particule a ses propres températures T et Tv à la sortie du choc, et les conserve à travers tout l’écoulement.

Lv ' L (tv ' t) : Écoulement en déséquilibre thermique

Les transferts d’énergie se font dans tout l’écoulement. Chaque particule a ses propres températures T et Tv, qui évoluent au cours du temps.

La figure2.7montre les différents domaines d’équilibre et de déséquilibre thermochimique pour une sphère de rayon 0,3 m en fonction de sa vitesse et de son altitude. D’après cette figure, les écoulements étudiés dans cette thèse (V < 7 km · s−1 et 40 km < z < 80 km) peuvent être en équilibre ou en déséquilibre chimique, mais sont toujours en équilibre thermique. Le déséquilibre thermique ne sera donc pas pris en compte dans ce travail.

Figure 2.7. – Domaines d’équilibre et de déséquilibre thermochimique au point d’arrêt d’une sphère de rayon 0,3 m [3]

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