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Les débris orbitaux : éléments de contexte

2. Phénomènes à l’origine des débris orbitaux

La mise en orbite d’un satellite génère nécessairement de nouveaux débris orbitaux. Ainsi, certains éléments du lanceur, comme la coiffe de protection de la charge utile ou le dernier étage de propulsion, peuvent rester en orbite à la fin du lancement. Le satellite lui-même devient un débris dès qu’il cesse de fonctionner, à cause d’une panne ou une fois arrivé en fin de vie. Toutefois, la majorité des débris sont issus de la fragmentation de satellites ou de lanceurs, comme le montre le graphique de la figure1.2, présentant l’évolution annuelle du nombre de débris en fonction de l’évènement ayant entrainé leur création. Ces fragmentations se produisent dans le cas d’une collision ou d’une explosion. Le tableau1.1 liste les dix fragmentations en orbite ayant engendré le plus de débris. Pour tous ces évènements, des débris restaient en orbite en janvier 2011, soit parfois plus de 40 ans après la fragmentation. De plus, les données de ce tableau montrent une augmentation globale de la durée de vie des débris avec l’altitude de fragmentation, comme prédit par l’équation1.1. L’augmentation du nombre d’objets en orbite est également visible sur la figure 1.3, qui illustre l’évolution de la population orbitale entre 1960 et 2008. On observe notamment l’augmentation progressive du nombre d’objets en LEO (proche de la Terre), puis en GEO (plus éloignée, dans le plan de l’Équateur).

Les explosions en orbite sont à l’origine de nombreux fragments qui constituent autant de débris orbitaux. Ces phénomènes concernent principalement des étages de lanceurs, mis en orbite en même temps qu’un satellite, et contenant encore du carburant. Celui-ci peut entrainer l’explosion de l’étage, jusqu’à une vingtaine d’années après la mise en orbite. Ainsi, en 1996, un lanceur Pegasus HAPS a explosé en orbite, créant plus de 750 fragments observables [9]. Après une mise

2. Phénomènes à l’origine des débris orbitaux

Figure 1.2. – Évolution du nombre d’objets en orbite catalogués par le SSN (dimensions supé-rieures à 10 cm en LEO et 1 m en GEO) entre 1956 et 2019 [7]

Nom de l’objet Nombre de débris créés Nombre de débris encore en orbite(au 1er janvier 2011) Année de fragmentation Altitude de fragmentation Cause de la fragmentation Feng-Yun

1C 3037 2931 2007 850 km par un missileDestruction Cosmos

2251 1347 1272 2009 790 km Collision avecIridium 33 Fusée

STEP 2 710 60 1996 625 km accidentelleExplosion Iridium 33 528 491 2009 790 km Cosmos 2251Collision avec

Cosmos

2421 509 8 2008 410 km Inconnue Fusée

SPOT 1 492 33 1986 805 km accidentelleExplosion OV 2-1 /

Fusée LCS 2 473 36 1965 740 km accidentelleExplosion Fusée

Nimbus 4 374 248 1970 1075 km accidentelleExplosion Fusée TES 370 115 2001 670 km accidentelleExplosion

Fusée

CBERS 1 343 187 2000 740 km accidentelleExplosion

Tableau 1.1. – Les dix plus graves fragmentations enregistrées en orbite terrestre entre 1961 et 2011 [8]

en orbite ratée en 1994, le lanceur contenait encore entre 5 et 8 L de carburant, qui ont causé son explosion deux ans plus tard. Cet évènement est indiqué sur la figure 1.2. Les deuxièmes étages des lanceurs américains Delta ont eux aussi été à l’origine de nombreux débris : entre 1973 et

Chapitre 1. Les débris orbitaux : éléments de contexte

Figure 1.3. – Aperçu de l’évolution de la population de débris orbitaux entre 1960 et 2008 [1] 1991, huit d’entre eux ont explosé en orbite, créant près de 1 600 débris observables, dont plus de 900 étaient encore en orbite en 2004 [9]. Les explosions en orbite sont la principale source de débris en orbite : selon l’ESA [1], sur les 290 fragmentations en orbites recensées entre 1961 et 2017, environ 280 étaient des explosions. Toutefois, les explosions en orbite devraient se faire plus rares à l’avenir, grâce aux mesures de passivation adoptées progressivement par les agences spatiales (voir section 3). Ainsi, depuis 1997 et l’adoption de ces mesures par l’ESA, il n’y a plus eu d’explosions d’étages de fusée Ariane en orbite. Les explosions en orbite peuvent également être dues à des missiles anti-satellites. Ainsi, en 1985, le satellite américain Solwind P78-1 fut la cible d’un de ces missiles lors d’un test. L’explosion fut à l’origine de 285 fragments catalogués par le SSN, mais les conditions choisies pour le test ont fait que ces fragments se sont très rapidement désintégrés dans l’atmosphère. En 2002, seuls 2 de ces débris étaient encore détectés par le SSN. L’évènement ayant conduit à la création du plus grand nombre de débris de toute l’histoire spatiale est la destruction, en 2007, du satellite météorologique chinois Feng-Yun 1C lors d’un test de missile anti-satellite. Cette explosion volontaire entraina la création de plus de 3 300 objets détectés par le SSN, ce qui correspond à une augmentation du nombre total de débris orbitaux de 25%. De plus, à cause de l’altitude relativement élevée où s’est produite l’explosion (supérieure à 800 km), les débris ont une très grande durée de vie. Depuis cet évènement, vivement critiqué par la communauté internationale, les satellites situés sur cette orbite ont beaucoup plus de risque de percuter un débris. Cette explosion correspond à la très forte augmentation de la population orbitale en 2007 indiquée sur la figure 1.2. L’Inde a également procédé à un test de missile anti-satellite le 27 mars 2019, dont la cible, non révélée officiellement, était probablement le satellite militaire indien Microsat-R. La destruction du satellite aurait conduit à la formation de plus de 270 débris, dont au moins 56 étaient encore en orbite le 21 août 2019 [10,11].

Selon Heiner Klinkrad [4], la plus importante source de débris spatiaux hors explosion sont les moteurs de fusée, qui rejettent des scories pendant leur fonctionnement, notamment des goutte-lettes d’alumine Al2O3. L’aluminium est ajouté au carburant sous forme de poudre, pour stabiliser la combustion. La majeure partie sera éjectée avec les gaz d’échappement sous la forme de parti-cules de diamètre inférieur à 50 µm. Cependant, dans certains moteurs, l’entrée de la tuyère est à l’intérieur de la chambre de combustion, pour des raisons de fabrication, ce qui crée un léger espace entre la tuyère et le fond de la chambre. Dans cet espace, un mélange d’aluminium, d’alu-mine et de morceaux d’isolant thermique peut venir s’accumuler. Ce mélange peut être éjecté

2. Phénomènes à l’origine des débris orbitaux

avec les gaz d’échappements sous forme de gouttelettes, dont la taille peut être de l’ordre du centimètre.

Les débris orbitaux peuvent également être du matériel et des outils lâchés par les cosmonautes lors de sorties spatiales, ou des éléments libérés dans l’espace lors d’une mission particulière. Ainsi, dans les années 1960, des fils de cuivre ont été placés en orbite lors d’une expérience de radio-transmission. Dans les années 1980, 16 satellites russes RORSats (Radar Ocean Reconnaissance Satellites) en fin de vie ont éjecté leurs cœurs de réacteur, libérant de nombreuses gouttelettes de liquide de refroidissement. En outre, sous l’effet du rayonnement solaire et des impacts d’atomes et de particules, les revêtements des objets orbitaux se dégradent et libèrent des particules et des écailles de peintures, qui viennent grossir la population de débris.

Les collisions entre des objets en orbite sont également à l’origine de débris orbitaux. La pre-mière collision accidentelle référencée s’est produite en 1996 et a impliqué le satellite militaire français Cerise et un débris issu d’un étage supérieur du lanceur Ariane 1. La principale collision en orbite, qui est aussi la première collision entre deux satellites en activité, s’est produite en 2009. Le satellite militaire russe Cosmos 2251 et le satellite télécommunication américain Iridium 33 se sont percutés en orbite, donnant naissance à plus de 2 300 fragments observables [1]. Cet évènement est visible sur la figure 1.2.

Du fait de leur durée de vie très longue, les débris d’altitude élevée ont une probabilité non né-gligeable d’entrer en collision avec des satellites ou d’autres débris, entrainant leur fragmentation et l’apparition de nouveaux débris. Au delà d’un certain nombre de débris en orbite, ces collisions seraient tellement fréquentes que la production de débris se ferait alors à un taux plus élevé que leur destruction dans l’atmosphère. La population de débris continuerait alors à augmenter de manière exponentielle, remplissant petit à petit les orbites terrestres. Ce scénario, connu sous le nom de « syndrome de Kessler », pourrait à terme rendre impossible l’exploration spatiale et l’utilisation de satellites artificiels pendant plusieurs générations, du fait du risque trop élevé de collision. Dernièrement, la nette augmentation de la population de débris orbitaux visible sur la figure 1.2 est devenue préoccupante pour les organisations spatiales internationales. D’après l’IADC [8], le taux de création de débris est déjà plus élevée que le taux de destruction, et si rien n’est fait pour enrayer cette évolution (scénario business as usual), la quantité de débris en orbite continuera à augmenter de manière exponentielle. Cette tendance est illustrée sur la figure 1.4, qui montre une prévision de l’évolution probable de la population en LEO dans le cas du scénario business as usual.

Figure 1.4. – Prévision de l’évolution de la population de débris en LEO dans le cas du scénario business as usual (source : NASA)

Chapitre 1. Les débris orbitaux : éléments de contexte

3. Limiter la génération de débris orbitaux

Pour éviter que les débris orbitaux ne rendent inutilisables l’espace orbital terrestre, des mesures ont été prises par les opérateurs spatiaux pour enrayer l’augmentation du nombre de débris. Ainsi, des mesures de passivation sont maintenant appliquées pour éviter les explosions d’étage de lanceur en orbite. Celles-ci visent à évacuer toute l’énergie latente restant dans le lanceur après la mission (consommation du reste de carburant, vidage des batteries, inhibition des éléments pyrotechniques). Concernant les satellites en fin de vie qui sont encore manœuvrables, l’IADC préconise différentes solutions selon l’orbite sur laquelle le satellite est situé. Pour les satellites de l’orbite LEO, les opérateurs spatiaux ont le choix entre trois options :

• Effectuer une rentrée atmosphérique contrôlée

Le satellite utilise ses dernières réserves de carburant pour se désorbiter et rentrer dans l’atmosphère. Le début de la trajectoire étant contrôlé, il est relativement facile pour les opérateurs de viser des zones à faible concentration humaine, pour réduire au maximum le risque causé par les débris qui pourraient survivre à la rentrée. Ainsi, entre 250 et 300 engins spatiaux en fin de vie, dont la station Mir, ont terminé leur rentrée atmosphérique au point Nemo, situé dans l’océan Pacifique, et qui constitue le point le plus éloigné de toute terre émergée.

• Diriger le satellite vers une orbite à durée de vie limitée

Le satellite utilise ses dernières réserves de carburant pour se placer sur une orbite sur laquelle ne se trouve aucun satellite opérationnel. Cette orbite doit permettre une rentrée atmosphérique non contrôlée du satellite dans les 25 années qui suivent sa désactivation. Cette méthode permet également de diminuer le risque d’explosion du satellite en utilisant tout le carburant résiduel, mais le risque au sol est plus élevé que dans le cas d’une rentrée contrôlée.

• Diriger le satellite vers une orbite cimetière

Cette solution ne règle pas le problème des débris mais se contente de le déplacer sur des orbites moins importantes pour l’activité spatiale. Elle peut être choisie lorsque aucune des deux autres solutions n’est applicable. Le satellite est alors remonté sur une orbite cimetière, d’altitude supérieure à 2 000 km, afin de ne pas interférer avec l’orbite LEO. Cette manœuvre permet également de vider les réservoirs de carburant du satellite. Pour les satellites situés sur l’orbite GEO, la seule possibilité est de les remonter sur une orbite cimetière, située au moins 300 km au-dessus de GEO.

La Loi relative aux Opérations Spatiales (LOS), adoptée par la France en 2008, impose des règles similaires aux opérateurs spatiaux engageant la responsabilité de l’État français. Cela comprend tous les opérateurs français en charge du lancement ou de la maîtrise de la charge utile en orbite, et à tous les opérateurs opérant depuis le sol français, quelle que soit leur nationalité. En pratique, cette loi s’étend donc à tous les opérateurs utilisant la fusée Ariane, lancée depuis le sol français. D’après cette loi, les satellites en fin de vie situés en orbite LEO doivent effectuer une rentrée atmosphérique contrôlée ou se placer sur une orbite à faible durée de vie, et ceux situés en orbite GEO doivent être placés sur une orbite cimetière. La LOS contient également des directives pour limiter le risque au sol, détaillées dans la section4.

Concernant les débris qui ne sont plus manœuvrables, une intervention extérieure (active debris removal, ou ADR) est alors la seule façon de les désorbiter. Des études de la NASA et de l’ESA [1] ont montré que, même en gardant la moyenne actuelle de 70 lancements annuels, il suffirait de retirer entre 5 et 10 débris orbitaux par an pour que la création de débris soit contrebalancée par leur destruction dans l’atmosphère. Les débris retirés devraient avoir une masse et une altitude élevées, et une forte probabilité de collisions avec d’autres objets. Toutefois, cette solution est difficile à mettre en œuvre, et est encore à l’étude. Un des projets les plus aboutis est la mission e.Deorbit de l’ESA, prévue pour 2023 [12]. Cette mission prévoit d’envoyer un véhicule spatial en orbite entre 800 et 1000 km d’altitude, pour récupérer un débris orbital massif. Deux méthodes de capture sont actuellement envisagées et en cours de développement, en utilisant un filet (figure

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