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Influence du point de vol sur la topologie des écoulements décollés

Analyse des écoulement à l’ombre et de leur impact sur les grandeurs pariétales

2. Caractéristiques des écoulements à l’ombre décollés

2.3. Influence du point de vol sur la topologie des écoulements décollés et les grandeurs pariétales associées

2.3.1. Influence du point de vol sur la topologie des écoulements décollés

Malgré l’importance prédominante du nombre de Reynolds dans les écoulements décollés, le nombre de Mach incident peut également influencer leur topologie. Ainsi, Walpot et al. [43] ont

Chapitre 4. Analyse des écoulement à l’ombre et de leur impact sur les grandeurs pariétales observé, lors de leur étude CFD des écoulements d’arrière-corps de la capsule de rentrée AS-202, qu’une augmentation du nombre de Mach avait tendance à empêcher le décollement de la couche limite au passage d’une arête. Les auteurs ont pu décorréler les effets des nombres de Mach et de Reynolds du fait que la capsule AS-202 a effectué une courte remontée en altitude lors de sa rentrée atmosphérique. Le nombre de Mach diminuait durant toute la rentrée, passant de M= 28,6 à M= 13,2 pour les mesures disponibles, alors que le nombre de Reynolds a fluctué entre Re= 4,3 × 104 et Re= 7,6 × 105.

Concernant le nombre de Reynolds, celui-ci influence fortement les écoulements décollés, et en premier lieu la taille des zones de recirculations. Ainsi, Gorshkov [44] a étudié numériquement l’écoulement décollé derrière une rampe montante, d’angle 10, suivie d’une marche descendante. Dans ces simulations réalisées à M= 6, le nombre de Reynolds Re∞,H basé sur la demi-hauteur du culot (H = 3,81 × 10−3m) varie entre 3 × 102 et 1 × 105. De plus, l’écoulement est supposé laminaire. La figure 4.44 montre les lignes de courant obtenues à l’issue des calculs, pour des nombres de Reynolds Re∞,H = 3 × 102 et 1 × 105, et pour un nombre de Mach M= 6. Sur ces images, on peut noter que, suite à l’augmentation de Re, le choc de tête s’est rapproché de la paroi, alors que le nombre de Mach incident n’a pas varié. Gorshkov ne donne pas d’explication à ce sujet, mais on peut supposer que pour Re∞,H = 3 × 102, la couche limite s’épaissit plus vite que pour Re∞,H = 1 × 105 et repousse le choc vers le haut, en augmentant l’angle effectif du dièdre vu par l’écoulement à l’extérieur de la couche limite. On remarque également que point de décollement s’est déplacé vers le haut de la marche, et le point de recollement s’est déplacé vers l’aval, ce qui a multiplié par 12,5 la longueur Lw de la zone de recirculation. L’augmentation de Re cause également le déplacement vers l’aval du centre du tourbillon de la zone recirculation, repéré par son abscisse Xc. L’évolution de Lw et Xc en fonction de Re∞,H est tracée sur la figure 4.45. Gorshkov note que le rapport Lw/Xcest pratiquement constant pour des valeurs de Re∞,H allant jusqu’à 1 × 103. Au-delà, la zone de recirculation s’aplatit, et Lw augmente plus vite que Xc. Il propose également une corrélation permettant d’estimer Lw à 10 % près dans la gamme d’écoulements considérés :

Lw= 0, 6 × log (Re∞,H) − 1, 38

Figure 4.44. – Lignes de courant derrière une pente montante suivie d’une marche des-cendante, pour M= 6 et Re∞,H = 3 × 102 (à gauche) et Re∞,H = 1 × 105 (à droite) [44]

Figure 4.45. – Évolution de la lon-gueur de la zone de re-circulation Lw (1) et de l’abscisse du centre du tourbillon Xc (2) en fonction de Re∞,H [44] Hollis et Perkins [51] ont également constaté, dans leurs simulations numériques Navier-Stokes laminaires, qu’une augmentation de Re augmentait la taille de la zone de recirculation princi-pale de l’arrière-corps. Selon les auteurs, ce comportement s’explique par le fait qu’en écoulement laminaire, augmenter Reconduit à une augmentation de la quantité de mouvement dans la zone de mélange, ce qui déplace le point de recollement en aval. Une autre conséquence de l’augmen-tation de Re est la formation du tourbillon secondaire sur la partie conique de l’arrière-corps,

2. Caractéristiques des écoulements à l’ombre décollés

visible sur la figure4.28. D’après Hollis et Perkins, celui-ci n’existe pas pour les valeurs de Re les plus faibles.

Dans l’étude de Wrigth et al. [42] sur la capsule Fire II, les auteurs ont simulé numériquement plusieurs instants de sa rentrée atmosphérique, et les lignes de courant obtenues sont visibles sur la figure 4.46. Les temps successifs correspondent à une diminution de l’altitude et donc à une augmentation de Re, la vitesse restant quasiment constante sur la durée considérée (10,97 km · s−1 6 U6 11,36 km · s1). Entre les temps t = 1634 s et t = 1640,5 s, l’altitude varie entre 76,42 km et 59,26 km, le nombre de Reynolds incident basé sur le diamètre de la capsule Re∞,Dentre 2 × 104 et 2 × 105, et le nombre de Mach incident Mentre 40 et 34. D’après Wright, ces nombres de Reynolds sont un ordre de grandeur en-dessous du Reynolds de transition, et les simulations sont donc réalisées en laminaire. Au temps t = 1634 s, Re∞,D= 2 × 104, le point de décollement se situe environ au sixième de la partie conique de l’arrière-corps (indiqué par un D sur la figure 4.46). Au temps t = 1636 s, Re∞,D = 5 × 104, le point de décollement est remonté au niveau de la marche descendante. Ce déplacement vers l’amont du point de décollement est en accord avec les simulations de Gorshkov [44] pour des décollements laminaires. De plus, entre les temps t = 1637,5 s et t = 1640,5 s (Re∞,D = 7 × 104 et Re∞,D = 2 × 105), on observe la formation d’un tourbillon secondaire sur la partie conique de l’arrière-corps, comme dans les calculs de Hollis et Perkins [51]. Wright estime que pendant la suite de la rentrée (t > 1640,5 s), ce tourbillon secondaire s’est déplacé, et l’écoulement est devenu instationnaire.

Figure 4.46. – Lignes de courant sur l’arrière-corps de la capsule Fire II, obtenues par simulations numériques [42]

Chapitre 4. Analyse des écoulement à l’ombre et de leur impact sur les grandeurs pariétales Horvath et Hannemann [52] ont également étudié l’influence du nombre de Reynolds incident sur la structure de l’écoulement d’arrière-corps pour la capsule Mars Pathfinder. Cependant, à l’inverse des auteurs précédents, ils observent une diminution de la taille de la zone de recirculation quand Re augmente, avec un déplacement vers l’amont du point de recollement. Toutefois, l’étude de Horvath et Hannemann porte sur des valeurs de Re un peu plus élevées, entre 0,25 × 106 et 1 × 106, et les auteurs estiment que la transition laminaire-turbulent a lieu dans la zone décollée. L’augmentation de la taille de la recirculation avec Re ne se produit donc qu’en régime laminaire, et ce comportement s’inverse en régime turbulent. En reconsidérant la figure 4.45, qui montre l’évolution de la longueur de la zone de recirculation Lw en fonction de Re, on note que la croissance de Lw est de moins en moins rapide. En prolongeant cette courbe pour des valeurs de Re plus élevées, on devrait observer une inversion de la tendance, qui coïnciderait avec la transition laminaire-turbulent.

Les résultats des calculs MISTRAL sur les cylindres pleins mettent également en évidence l’augmentation de la longueur de la zone de recirculation au culot avec le nombre de Reynolds incident pour un écoulement laminaire. Par exemple, pour le cylindre de longueur L = 3 m, à un angle d’attaque α = 0, la longueur de la zone de recirculation est de 0,96 m pour le point A3 (Re∞,L= 1,04 × 105), 1,05 m pour le point A2 (Re∞,L = 2,96 × 105), et 1,1 m pour le point A1 (Re∞,L= 1,97 × 106).

2.3.2. Influence du point de vol sur la pression pariétale due à un écoulement décollé Chapman et al. [20] ont constaté que dans un écoulement laminaire, l’augmentation de pres-sion causée par le décollement était proportionnelle au coefficient de frottement cf, lui-même proportionnel à Re1/4 (voir figure 4.47).

Figure 4.47. – Évolution de l’augmentation de pression ∆P/P dans un écoulement décollé laminaire, en fonction du nombre de Reynolds incident Re [20]

Concernant les écoulements de culot, la figure4.48, tirée du livre de Bertin [3], présente l’évolu-tion théorique de la pression au culot Pb d’un corps de rentrée en fonction du nombre de Reynolds incident Re. Ce graphique est séparé en quatre régions, qui correspondent d’après Bertin à quatre régimes d’écoulements différents : dans la région 1, l’écoulement serait laminaire le long de l’objet et dans le sillage. Dans la région 2, l’apparition de turbulence dans le sillage cause une di-minution de pression au culot. Quand Re augmente, le point de transition laminaire-turbulent remonte le sillage jusqu’à atteindre l’arête. Une fois que l’écoulement en amont de l’arête est turbulent, la pression au culot augmente avec Re (région 3). Enfin, pour des valeurs de Re suffisamment grandes, le point de transition se situe loin en amont de l’arête, et l’augmentation

2. Caractéristiques des écoulements à l’ombre décollés

de Re cause une diminution de l’épaisseur de la couche limite au niveau de l’arête, donc une diminution de la quantité de fluide dans la zone de recirculation et de la pression au culot Pb.

Figure 4.48. – Évolution théorique de la pression au culot d’un corps de rentrée en fonction de Re[3]

Cette évolution de Pb en fonction de Re est retrouvée dans l’études de Bulmer [57], qui porte sur le culot droit de quatre cônes émoussés lors de rentrées atmosphériques terrestres. Les géométries des différents cônes sont indiquées sur la figure 4.49. Dans cette expérience, le Mach incident M varie entre 16 et 20, et le Reynolds incident Re∞L, basé sur la longueur L du cône (non précisée par les auteurs), varie entre 2 × 105 et 5 × 107. L’écoulement reste laminaire le long de la paroi du cône, mais compte tenu des valeurs de Re élevées, la transition vers le régime turbulent pourrait se produire dans le sillage. Toutes les pressions dans cette expérience ont été mesurées près du centre du culot, à une distance R/Rb = 0,1, avec Rb le rayon du culot. La figure 4.50 montre que les pressions obtenues diminuent lorsque Re∞L augmente. Ce résultat pourrait correspondre à la région 2 du diagramme de la figure 4.48, ce qui confirmerait la présence de turbulence dans la zone de recirculation. Ces pressions vérifient une autre corrélation basée sur le nombre de Reynolds réduit Rec issu des travaux de Wu et al. [58] :

Rec= Re∞,RB0,9 s Rb

0,1

avec Re∞,RB le Reynolds basé sur le rayon RB du culot du cône, et s la longueur mouillée du cône (figure4.49). Sur la figure4.51, le rapport (Pb/P) /Rec est tracé en fonction de Rec, avec Pb la pression mesurée au culot et P la pression amont. La corrélation semble là encore très bien fonctionner, et ne fait intervenir que des paramètres connus a priori.

L’étude numérique faite par Gorshkov [44] d’un culot plan 2D donne des résultats supplémen-taires, dans le domaine des bas Reynolds. La figure4.52montre l’évolution de la pression calculée au centre du culot 2D et au point de recollement fluide, en fonction du nombre de Reynolds Re∞,H basé sur la demi-hauteur du culot (H = 3,81 × 10−3m). Les deux pressions sont directement liées, puisque l’écoulement au centre du culot vient du point de recollement fluide. L’écart entre les deux pressions augmente avec Re∞,H, i.e. avec la longueur de la zone de recirculation. Pour des valeurs de Re∞,H supérieures à 800, la pression au culot diminue quand Re∞,H augmente, ce qui rejoint les résultats de Bulmer [57]. Pour des valeurs de Re∞,H inférieures à 800, la pression au culot augmente avec Re∞,H, et l’écoulement semble correspondre à la région 1 du graphique de la figure 4.48. Toutefois, les simulations étant réalisées avec un modèle laminaire, cette inversion de l’évolution de la pression ne peut pas s’expliquer par la présence de turbulence dans le sillage. Selon Gorshkov [44], au-delà de Re∞,H = 800, lorsque Re∞,H augmente, le nombre de Mach dans la couche limite devant l’arête augmente, ce qui produit une détente plus forte et une pression plus faible dans la recirculation. Pour des valeurs de Re∞,H inférieures à 800, les phénomènes visqueux

Chapitre 4. Analyse des écoulement à l’ombre et de leur impact sur les grandeurs pariétales

Figure 4.49. – Géométrie des cônes émoussés étudiés dans l’étude de Bulmer [57]

Figure 4.50. – Evolution de la pression au culot d’un cône émoussé en fonction du nombre de Reynolds incident Re∞L, basé sur la longueur L du cône [57]

prédomineraient dans la région arrière, et la détente au passage de l’arête ne se produirait pas, ce qui expliquerait l’augmentation de la pression au culot avec Re∞,H.

Dans leur expérience sur la géométrie de Mars Pathfinder, Horvath et Hannemann [52] me-surent, à la surface du cône émoussé et du dard, un coefficient de pression Cp constant quelle que soit la valeur du Reynolds Re∞,d, basé sur le diamètre d = 15,2 × 10−4m du cône. Sur la figure 4.53, qui montre cette évolution, les points aux abscisses S/Rn= 3 et S/Rn= 9,5 correspondent aux parties décollées de l’écoulement. L’augmentation de Reynolds à Mach constant ne peut se faire qu’en augmentant la vitesse ; ainsi, un Cp constant implique une augmentation de la pression avec Re∞,d. Ce résultat semble correspondre à la région 3 du graphique de la figure4.48, ce qui est en accord avec les observations de Horvath et Hannemann [52], selon lesquelles l’écoulement est turbulent sur l’arrière du cône.

Les calculs de la base de donnée MISTRAL mettent également en évidence l’impact du point de vol sur la distribution de pression dans le cas d’écoulement décollés avec recollement fluide et avec recollement solide. Ainsi, sur la figure4.54, on constate une augmentation de la pression au culot entre les points de vol A3 (M = 20, Re = 3,46 × 104m−1), A2 (M = 15, Re = 9,86 × 104m−1) et A1 (M= 9, Re= 6,56 × 105m−1). Cette augmentation de la pression avec

2. Caractéristiques des écoulements à l’ombre décollés

Figure 4.51. – Corrélation entre la pression mesurée au culot Pb, adimensionnée par la pression amont P, et le nombre de Reynolds réduit Rec[57,58]

Figure 4.52. – Évolution de la pression au centre d’un culot plat 2D (1) et au point de recollement fluide (2) en fonction de Re∞,H [44]

le Reynolds incident est conforme aux prévisions de Bertin dans le cas d’un écoulement laminaire (région 1 sur la figure4.48).

Enfin, le lien entre point de vol et pression dans le cas du recollement solide a été étudié unique-ment par Horvath et Hannemann sur l’arrière-corps de Mars Pathfinder [52]. Cette étude conclut à l’indépendance du Cp par rapport au Re. Dans la base de données MISTRAL, des écoulements décollés avec recollement solides ont été observés pour deux points de vol, PVC1 (Z = 67,7 km, M = 10, Re = 2,33 × 104m−1) et PVC2 (Z = 69,8 km, M = 15, Re= 2,66 × 104m−1) (voir tableau4.1), sur des géométries de cône tronqué (voir figure4.30). La figure4.55montre la distribution de Cp au point de recollement sur la paroi interne d’un cône tronqué, pour les deux points de vol. Le niveau de Cp au point de recollement est plus élevé pour le point de vol PVC1 que PVC2, ce qui indique une dépendance du Cp au point de vol. Comme le Re varie très peu

Chapitre 4. Analyse des écoulement à l’ombre et de leur impact sur les grandeurs pariétales

Figure 4.53. – Évolution de la pression mesurée sur un cône émoussé tenu par un dard cylin-drique, pour trois valeurs de Re∞,d (basé sur le diamètre d = 15,2 × 10−4m du cône), en fonction de l’abscisse curviligne S adimensionnée par le rayon de nez de la maquette Rn [52]

Figure 4.54. – Pression le long du culot du cylindre de longueur L = 3 m, de diamètre D = 1 m, sans incidence (α = 0) pour les points de vol A1 (M = 9, Re= 6,56 × 105m−1), A2 (M= 15, Re= 9,86 × 104m−1) et A3 (M= 20, Re= 3,46 × 104m−1)

entre les points de vol PVC1 et PVC2, cette variation de Cp semble plutôt due à la variation de M entre les deux points de vol. De plus, la forme de la distribution change entre les deux points de vol, et le maximum local de Cp pour PVC1 se situe sur le plan de symétrie y = 0 de la géométrie, ce qui n’est pas le cas pour PVC2. Ceci semble indiquer que le point de vol a également un impact sur la topologie de l’écoulement autour du cône, et notamment sur les effets 3D.

2. Caractéristiques des écoulements à l’ombre décollés

(a) PVC1 (Z = 67,7 km, M = 10,

Re= 2,33 × 104m−1)

(b) PVC2 (Z = 69,8 km, M = 15,

Re= 2,66 × 104m−1)

Figure 4.55. – Coefficient de pression sur la paroi interne d’un cône tronqué (géométrie 1, α= 0), aux points de vol PVC1 (a) et PVC2 (b)

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