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Théories d’inspiration psychanalytique

PARTIE II – ACTUALITES DE L’HYPNOSE MEDICALE

2) Théories d’inspiration psychanalytique

2.1. Freud : l’hypnose comme régression archaïque

En 1921 S. FREUD propose une approche nouvelle de l’hypnose dans son essai Psychologie

des foules et analyse du moi (96), en l’assimilant à un état intermédiaire entre l’état amoureux et le fonctionnement d’une foule.

Il pense que le remaniement psychologique intervenant en hypnose est identique à celui apparaissant dans la relation qui se noue entre le sujet inclus dans une foule et le leader de cette foule.

Il explique que le mécanisme psychologique mis en jeu dans l’hypnose et l’état amoureux correspond à une subversion par un tiers des structures internes de contrôle du sujet.

Ces structures sont le Moi, décrit par FREUD comme une des instances de la personnalité conciliant la satisfaction des pulsions avec les exigences du réel. C’est la partie de la personnalité la plus consciente, ayant un rôle de régulateur et de médiateur.

Le Ça représente le pôle pulsionnel de la personnalité, partie la plus chaotique ayant trait à l’instinctif et à la biologie. Le Surmoi est la structure morale et judiciaire de notre psychisme, souvent formée d’injonctions qui contraignent l’individu.

Or FREUD fait l’hypothèse qu’il se développe dans le Moi une instance pouvant se dissocier et entrer en conflit avec lui : l’idéal du Moi. Celle-ci correspond à celui que l’on aimerait être, et possède différentes fonctions comme l’observation de soi-même, l’application de la conscience morale.

L’idéal du Moi exerce une fonction de contrôle sur le Moi, mais est susceptible d’être évincé de sa position par l’apparition d’un objet extérieur prenant alors le contrôle à sa place. C’est d’après FREUD ce qu’il se produit dans la relation amoureuse, la relation au leader ou encore dans la relation hypnotique où l’hypnothérapeute prend la place de l’Idéal du Moi.

personnelle : « Rien d’étonnant à ce que le Moi tienne pour réelle une perception lorsque

l’instance psychique à qui incombe habituellement la tâche de l’épreuve de réalité cautionne cette réalité. »

Afin d’expliquer la manière dont s’effectue cette subversion, cette possibilité d’influence du sujet par l’autre, FREUD part de l’hypothèse de la horde primitive de DARWIN au sein de laquelle les différents membres sont castrés par le mâle dominant à la fois au niveau de la sexualité, mais aussi au niveau de la pensée et de la volonté.

L’influence du leader et de l’hypnotiseur sur le sujet contemporain correspondrait donc à la survivance de ce rapport archaïque, dans le cadre d’un héritage phylogénétique qui serait commun à tous les individus. Cet héritage d’ailleurs se manifesterait en tout premier lieu dans la relation enfant-parent, venant y fonder la dimension d’autorité, et serait plus tard réactivé par certains objets faisant alors écho au modèle archaïque du chef.

Ainsi FREUD fournit non seulement un modèle psychologique du fonctionnement mental pendant l’hypnose, mais également la cause de celui-ci.

Dans cette perspective la suggestibilité est la conséquence de l’état hypnotique, et non la cause comme l’expliquait BERNHEIM.

Selon FREUD les procédés d’induction hypnotique visent à donner à la relation entre l’hypnotiseur et l’individu une forme archaïque de domination.

Cette conception présente néanmoins un certain nombre de limites. Par exemple, elle lie irréductiblement l’hypnose à la suggestion ou pensée collective, et ne permet donc pas d’expliquer un certain nombre de comportements hypnotiques où ce lien n’est pas présent, d’après D. MICHAUX en 2007(143).

De plus, si FREUD note en passant la distinction faite par FERENCZI entre l’hypnose paternelle ayant une induction basée sur l’autorité et la domination, et l’hypnose maternelle basée sur la séduction et la protection, il ne remet pas en cause le schéma théorique unique s’appuyant sur l’autorité d’une position hiérarchique, en relevant par exemple le fait que certaines relations d’influence pourraient s’exercer par la façon dont l’autre peut être perçu comme source rassurante de sécurité pouvant de fait, conférer une certaine autorité.

Si, aujourd’hui, la référence à la horde primitive paraît sujette à caution, il n’en reste pas moins que le rapport des membres d’un groupe à son leader se traduit bien par diverses restrictions d’autonomie physique et psychique identiques à la description de FREUD.

aujourd’hui toujours essentielle dans la compréhension de l’hypnose, et qui sera reprise et réaffirmée par beaucoup d’auteurs par la suite.

2.2. Gill et Brenman : une régression au service du moi

Ces deux auteurs envisagent le Moi comme englobant un certain nombre de fonctions telles que la mémoire, la perception, la résolution des conflits… Il est doté d’une autonomie relative, et dispose d’appareils lui appartenant, avec chacun sa propre énergie et pouvant fonctionner en autonomie propre à l’intérieur du Moi.

Cependant l’autonomie du Moi est conditionnée par l’harmonie des relations qu’il entretient d’une part avec le Ça, le monde pulsionnel, et d’autre part avec l’environnement extérieur. Ainsi le Moi perd son autonomie lorsque l’une de ces deux sources d’information devient silencieuse soit directement par privation sensorielle par exemple, soit indirectement lorsque l’autre source d’information devient trop envahissante. Citons pour exemple l’aliénation du Moi à l’environnement sous la contrainte sociale du menticide ou de l’endoctrinement.

Il s’agit ici d’une régression à part entière, toutefois GILL ET BRENMAN en 1959 (101) la différencie de l’hypnose en ce sens que la régression et donc la perte d’autonomie y sont partiels dans l’état hypnotique, et de surcroît “au service du Moi“.

L’aspect partiel de la régression hypnotique s’explique par l’apparition sous hypnose d’une fragmentation du Moi : un sous-système du Moi se différenciant du Moi global.

C’est donc par l’intermédiaire de ce sous-système du Moi dominé par l’hypnotiseur que ce dernier semble contrôler les appareils fonctionnels du Moi. Le Moi global, en revanche, garde son autonomie et donc ses échanges avec le Ça, mais aussi avec l’environnement et donc avec l’hypnotiseur. S’il peut donc céder le contrôle du sous-système à l’expérimentateur, il peut également, s’il le souhaite, reprendre ce contrôle.

De la sorte il existe bien une relation, un transfert hypnotique entre le sous-système du Moi et l’hypnotiseur, mais aussi un transfert “normal“ entre le Moi global et l’hypnotiseur.

Selon les deux auteurs, l’induction hypnotique opère de manière à focaliser l’attention du sujet sur des tâches habituellement automatiques, ce qui aboutit à les désautomatiser et à mobiliser en conséquence de l’énergie. De fait celle-ci devient alors moins disponible pour la perception des autres informations, ce qui engendre une baisse de l’autonomie du Moi, et donc la régression.

Ainsi, pour GILL et BRENMAN, l’hypnose est fondamentalement et simultanément un état de conscience modifié et une relation transférentielle de type régressif. Ces deux dimensions étant dépendantes, l’apparition de l’une engendrant l’autre et vice versa.

Ces conceptions, exposées ici dans leurs traits principaux, sont intéressantes car rendent bien compte de la complexité de la situation hypnotique, et nous pouvons dire qu’elles se rapprochent plus certainement des conceptions de JANET et d’HILGARD que nous allons décrire ci-après, que des conceptions freudiennes.