• Aucun résultat trouvé

La réintroduction de l’hypnose en France

PARTIE I – HISTOIRE DE L’HYPNOSE

4) La réintroduction de l’hypnose en France

L’hypnose a connu en France à la fin du XIXème siècle un vif succès, de rayonnement international, notamment avec le débat opposant l’école de CHARCOT et celle de BERNHEIM.

Plusieurs grands congrès furent organisés, différentes revues créées, regroupant les grands noms de la psychiatrie et de la psychologie.

Cependant cette pratique connaîtra, peu après la mort de CHARCOT, un vif déclin en France. Citons à ce propos PIERRE JANET en 1923 (116): « […] la décadence de l’hypnotisme n’a

pas grande signification, elle est déterminée par des causes accidentelles, des regrets et des déceptions après des enthousiasmes irréfléchis ; elle n’est qu’un accident momentané dans l’histoire du somnambulisme provoqué et dans l’histoire de la psychothérapie. »

Ce déclin rapide, encore mal expliqué, semble avoir résulté principalement de deux causes d’après D. MICHAUX en 2007(143): les théories de BERNHEIM, qui l’emportèrent sur celles de CHARCOT, expliquaient l’hypnotisme par la suggestion ce qui diminua le crédit que put lui porter la communauté scientifique. En effet la suggestion renvoie l’hypnose du côté du subjectif et de l’imagination, ce qui augmente donc le risque d’inauthenticité ; de plus la tendance du moment à la survalorisation de la puissance suggestive la fit invoquée à l’époque comme excuse dans la défense de certains criminels affirmant avoir été hypnotisés pour commettre leur crimes. Si la justice ne reçut pas ce type d’accusations, cela contribua tout de même à jeter un certain discrédit sur la pratique de l’hypnose.

Cette mise à l’écart durera en France pratiquement un siècle. Seul JANET et quelques thérapeutes isolés continuèrent d’exercer l’hypnose.

L’introduction progressive de la psychanalyse en France ne se fit que vers les années 1910, il est donc inexact de lui attribuer le déclin de cette pratique. Dans la deuxième moitié du XXème siècle la psychanalyse adopta cependant une position parfois différente, et que FREUD n’avait pas choisie. En effet si FREUD pensait avoir découvert avec la psychanalyse un outil plus performant, jamais il ne nia l’intérêt thérapeutique de l’hypnose. Cette négation est donc beaucoup plus récente et s’est surtout développée comme une réaction de défense envers un éventuel réexamen de la portée thérapeutique de l’hypnose.

A partir des années 1950, ce fut essentiellement Léon CHERTOK (1911-1991), psychiatre de formation psychanalytique, qui donna en France un nouvel élan à la pratique de l’hypnose et qui prit sa défense dans le monde médical.

Alors qu’il était assistant à l’hôpital psychiatrique de Villejuif, au centre de médecine psychosomatique, il décida d’entreprendre l’étude du processus hypnotique après avoir rencontré un franc succès thérapeutique grâce à lui. En effet il l’utilisa sans grande conviction et plutôt par hasard chez une patiente ayant totalement perdu le souvenir de ses douze dernières années de vie, et qui après une brève séance, recouvra totalement la mémoire. De formation analytique, il enfreignit cependant l’interdit de son maître et analyste Jacques LACAN, qui lui donna vraisemblablement la réplique plus tard dans son fameux discours de Rome. Afin de saisir les processus psychophysiologiques ayant été à l’œuvre dans la guérison de sa patiente, CHERTOK s’intéressa aux expériences menées à l’étranger puis quitta l’hôpital psychiatrique pour créer un nouveau département de médecine psychosomatique à l’Institut de Psychiatrie de La Rochefoucauld.

Il pratiquait l’hypnose de manière classique, directive et directe. Il voyait dans la relation hypnotique la création d’un lien affectif archaïque et développa selon le modèle éthologique le concept d’attachement. Notons que l’éthologie correspond à l’étude des comportements communs à une espèce, indépendants de l’apprentissage. Dans cette perspective émergeait clairement selon lui le caractère non sexuel de l’hypnose, qui déconcertait tellement FREUD. Si ses recherches se poursuivirent dans un contexte thérapeutique nettement hostile, il ne cessa de présenter son combat comme au service d’une psychanalyse devant pour survivre intégrer la condition hypnotique.

Entouré de psychologues expérimentaux et de quelques psychanalystes, il créa en 1972 le Centre Dejerine, structure de recherche dont il confia la responsabilité à D. MICHAUX.

Ce dernier, après un séjour d’étude aux USA dans différents laboratoires de recherche, y conduisit diverses expériences, avec ses confrères psychologues PEUCHMAUR et BLEIRAD, sur les relations entre l’hypnose et la suggestion, la mémorisation, la forme de communication, l’analgésie ou les effets physiologiques de l’hypnose, entre autres.

Malgré ce travail de recherche et les rencontres scientifiques qu’organisait très régulièrement L. CHERTOK avec les mondes de la psychanalyse, de la psychologie ou encore des sciences en général, il faudra attendre encore des années avant que la réhabilitation de l’hypnose comme véritable outil thérapeutique s’opère.

Vers la fin des années 1970, un psychanalyste nommé François ROUSTANG se forma à l’hypnose et l’intégra dans sa pratique. Il s’éloigna peu à peu de l’école analytique, et s’attacha à décrire les différentes étapes de l’hypnose ainsi qu’à développer de nouveaux concepts dans différents ouvrages, comme celui d’état “d’éveil paradoxal“.

Reconsidérant la place du thérapeute ainsi que celle du corps dans la thérapie, travaillant la notion de changement rendu possible par le “non-vouloir“, encore appelé aujourd’hui le “lâcher-prise“, François ROUSTANG est un des plus brillants penseurs de l’hypnose dans le monde francophone actuel, comme le rapporte J. BENHAIEM en 2009(12).

Dans les années 1980, la création de deux formations proposées d’une part par L. CHERTOK et D. MICHAUX, et d’autre part par les psychiatres ericksonniens J. GODIN et A. MALAREVICZ, ont eu un rôle d’entraînement important pour les thérapeutes et ont permis ce regain d’intérêt pour l’hypnose perceptible tant chez certains médias d’orientation médicale que chez le grand public.

La diversité des pratiques proposées, de l’hypnoanalyse à l’hypnose ericksonnienne, l’application dans les nombreux aspects du traitement de la douleur et des traumatismes et, depuis quelques années, son utilisation comme outil de concentration et de gestion émotionnelle ont permis aux thérapeutes et patients de juger de l’intérêt de ces pratiques. Notons le travail considérable effectué par le Dr FAYMONVILLE au CHU de Liège dans le traitement de la douleur, dans le cadre de ce qu’elle appela l’hypnosédation, ayant permis de réaliser de nombreuses interventions chirurgicales nécessitant jusqu’alors une anesthésie générale.

La recherche dans ce même domaine du Dr J. BENHAÏEM et la mise en place d’un Diplôme Universitaire à Paris VI vers les années 2000 attestent de même de la réintégration de

l’hypnose au domaine médical.

La naissance de nouveaux modèles thérapeutiques avec les thérapies brèves sur lesquelles nous reviendrons, comme les thérapies cognitives et comportementales, les thérapies systémiques ou encore la gestalt thérapie, a permis d’apporter une autre approche que celle de la psychanalyse, avec des implications pratiques différentes. L’hypnose peut se conjuguer avec l’une ou l’autre de ces pratiques, tout en apportant des éléments thérapeutiques spécifiques. Et c’est en grande partie l’apport de ces éléments spécifiques , comme la capacité de mieux réguler les émotions, d’agir sur les sensations, l’accès à certaines réactions organiques, qui suscita l’intérêt croissant de diverses professions de santé concernées par ces différents troubles.

De plus en plus de thérapeutes intègrent l’hypnose dans le cadre de leur pratique, et les congrès d’hypnose rassemblent de plus en plus de monde. Evoquons pour exemple le dernier congrès de La Société Internationale d’Hypnose tenu à Brême en Octobre 2012, et qui rassembla 2300 participants, de nombreux pays et de spécialités différentes, et près de 300 conférenciers.