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PARTIE II – ACTUALITES DE L’HYPNOSE MEDICALE

2) Lien hypnose et veille

2.1. L’Electroencéphalogramme

Historiquement, l’une des approches les plus utilisées afin de comprendre les substrats neurologiques de l’hypnose est l’analyse des modifications du spectre de l’EEG en situation d’hypnose.

L’EEG est une méthode d’exploration cérébrale mesurant l’activité électrique du cerveau grâce à des électrodes placées sur le cuir chevelu. Le résultat se traduit par un tracé représentant les influx nerveux neuronaux sous la forme d’ondes cérébrales, qui se divisent en 5 catégories selon leurs fréquences propres ou nombre d’oscillations par seconde en Hertz, un Hertz représentant une oscillation par seconde.

Les ondes cérébrales sont souvent limitées à certaines régions cérébrales, mais peuvent aussi se répandre dans plusieurs lobes cérébraux, comme l’explique DE PASCALIS en 1998 (154). . Les ondes Delta de 0,5 à 3,5 Hertz caractérisent le sommeil profond à mouvements oculaires rapides, en l’absence de rêves, et lors de l’état inconscient. C’est le rythme dominant des enfants de moins d’un an. Elles sont impliquées dans notre capacité d’intégration et de laisser aller.

.Les ondes Thêta de 4 à 8 Hertz caractérisent le sommeil avec rêves, la relaxation profonde, la méditation, la prière ; il est fréquent chez les moins de 13 ans éveillés mais anormal chez l’adulte éveillé, et reflète la créativité, l’intuition, la rêverie… Ce rythme est en lien avec la mémorisation et l’activation ou l’inhibition comportementale.

.Les ondes alpha de 8 à 12 Hertz caractérisent l’état d’éveil calme, de conscience apaisée et de détente, de méditation, l’apprentissage accéléré et la fluidité de la pensée. Elles favorisent les ressources et la coordination mentales.

Pour information, la fréquence fondamentale de résonnance du champ électromagnétique terrestre, dénommée fréquence de Schumann, est de 7,8 Hertz depuis des milliers d’années. Elle s’accélère d’ailleurs depuis 1987 atteignant à l’heure actuelle une valeur de 13 Hertz. .Les ondes Bêta de 12 à 45 Hertz caractérisent l’état de veille active, la concentration et les pensées analytiques de la vie courante, la prise de décision, l’action ou l’anxiété, le traitement d’informations relatives au monde environnant. Lors des courtes périodes de sommeil paradoxal avec rêves donc, le rythme passe curieusement au Bêta suggérant une certaine

analogie entre les activités du rêve et celles de la vie courante.

. Les ondes Gamma de 35 à environ 80 Hertz caractérisent l’activité cérébrale intense, comme dans certains états créatifs ou la résolution de tâches complexes, la mémorisation, l’état de panique ou encore le liage perceptif, correspondant à la capacité de différenciation des caractéristiques de deux objets distincts ou encore d’intégration de celles d’un objet pour former une seule entité. Elles sont retrouvées dans chaque partie du cerveau, la fréquence d’onde à 40 Hertz favorisant la transmission entre les zones cérébrales nécessaires au traitement simultané des informations.

Si le tracé typique de l’état hypnotique correspond à un tracé de veille, l’analyse des modifications du spectre de l’EEG serait susceptible de nous fournir des renseignements pouvant potentiellement établir une différence entre la veille normale et l’hypnose.

Nous allons donc analyser les données de la littérature concernant les relations entre l’hypnotisabilité et un type d’onde bien précis.

2.1.1. Relations ondes alpha et hypnotisabilité

P. LONDON et al. publièrent en 1968 dans Nature (136) les résultats d’une étude portant sur 125 sujets, répartis en 4 groupes de susceptibilité hypnotique allant de faible à forte, et passant ensuite chacun un enregistrement EEG durant une période de relaxation yeux fermés et des épreuves d’imagerie. Une différence significative entre les taux d’alpha produits entre les groupes de faible et de forte susceptibilité hypnotique fut alors retrouvée.

Ce résultat fut ensuite confirmé par plusieurs auteurs retrouvant une activité alpha plus importante lors de l’hypnose, mais contesté par F. EVANS en 1972 (81) qui réalisera un deuxième test d’hypnotisabilité avec étude de l’EEG et ne retrouvera aucun lien significatif entre les différentes caractéristiques des ondes alpha et la susceptibilité hypnotique.

Mentionnons que la mesure de la susceptibilité hypnotique ou de l’hypnotisabilité se fait grâce à la cotation d’un score correspondant à la réalisation de différents items, du plus simple au plus difficile, en état hypnotique. La plus connue est l’échelle de Stanford, mais il existe plusieurs variantes.

L’étude d’analyse de l’EEG en état d’hypnose la plus complète fut effectuée par W.J. RAY en 1997(163). Il examina chaque type d’onde cérébrale dans chaque partie du cerveau chez des

sujets de faible et de forte susceptibilité hypnotique, avant et après une induction hypnotique. Il retrouva une activité alpha de repos plus importante dans la région temporale chez les sujets de meilleure susceptibilité hypnotique, et une augmentation généralisée des ondes alpha après l’induction hypnotique chez tous les sujets, ce qui est conforme à un état de relaxation accrue et à la diminution de l’activité visuelle.

D.B. TERHUNE et al. en 2011 (188) retrouvèrent chez les sujets très hypnotisables, ayant rapporté un état dissociatif d’altération de conscience et de perception en hypnose, une moins bonne synchronisation fronto-pariétale dans les fréquences alpha-2 pendant la séance que chez les sujets de moins bonne susceptibilité hypnotique. Ces résultats suggèrent que les sujets de meilleure susceptibilité hypnotique présentent une perturbation de la coordination fonctionnelle du réseau fronto-pariétal suite à l’induction hypnotique. Ils auraient donc un réseau fronto-pariétal plus “flexible“ que les sujets moins hypnotisables, à l’origine de leurs réponses meilleures aux procédures hypnotiques.

Une autre interprétation fait le lien avec la baisse d’activité observée chez ces sujets du Réseau du “Mode par Défaut“, impliquant une partie du lobe frontal, et que nous décrivons ensuite.

L’auteur souligne le fait qu’un des enjeux importants dans la compréhension de la neurophysiologie de l’hypnose est de déterminer dans quelle mesure cette altération de coordination fronto-pariétale contribue aux altérations de la volonté observée dans les réponses hypnotiques de cette population.

2.1.2. Relations ondes thêta et hypnotisabilité

L’élément certainement le plus probant de cette recherche autour de l’EEG est la relation positive entre les ondes thêta et la susceptibilité hypnotique.

C. WOOD rapporte en 2007 (143) que l’état hypnotique s’associe à une production plus importante d’onde thêta, que cela soit pendant l’induction ou lors des suggestions hypnotiques, cela étant d’autant plus vrai que le sujet est hypnotisable.

M.E. SABOURIN retrouve (166)le même type de résultat en 1990 avec une augmentation de la puissance, de l’amplitude moyenne des ondes thêta en hypnose, principalement dans les aires occipitales et frontales.

hypnotisables à l’état de veille et lors de l’hypnose, avec une différence plus importante en localisation frontale.

Notons que les ondes thêta se divisent en deux classes distinctes : la classe I, associée à l’inactivité et à la somnolence, et la classe II associée à des activités cognitives comme la résolution de problèmes ou la production d’images, grâce à l’inactivation de certaines réponses permettant une attention continue et dirigée.

L’augmentation de la production des ondes thêta pourrait provenir du système fronto- hippocampo-limbique, impliqué dans les tâches attentionnelles, et qui possède de nombreuses connexions avec le gyrus cingulaire antérieur, lui-même voisin de la région fronto-médiane du cerveau principalement impliqué dans ces activités cognitives.

W.J. RAY lui retrouve en 1997 (163) avant l’induction hypnotique une activité thêta supérieure chez les sujets de forte susceptibilité hypnotique par rapport aux témoins, spécialement dans les aires frontales et temporales. Mais petite différence, il repère que l’induction hypnotique réduit l’activité thêta chez les sujets facilement hypnotisables, alors qu’elle augmente chez les moins hypnotisables, en particulier dans les aires pariétales et occipitales. Ainsi après l’induction hypnotique, les deux groupes de sujets avec une hypnotisabilité initiale différente se retrouvent dans des états corticaux très similaires.

Toutefois la plupart des auteurs, à l’instar de GRAFFIN, cité par J.F. KIHLSTROM (123)en 2013, interprètent les variations de l’onde thêta comme une indication de l’attention soutenue, de l’effort cognitif et de l’amélioration des capacités d’imagerie mentale en état d’hypnose.

2.1.3. Les ondes bêta

M.E. SABOURIN retrouve en 1990(166)chez les sujets très sensibles à l’hypnose une activité bêta plus importante dans l’hémisphère gauche que dans l’hémisphère droit, alors que les sujets faiblement sensibles ne montrent qu’une faible asymétrie.

Notons, de plus, qu’une latéralisation est retrouvée par T. ISOTANI et al. en 2001 (114)en ce qui concerne les ondes bêta-2 :de 18,5 à 21 Hertz, qui sont significativement plus importantes dans le cortex pré-frontal antérieur droit lors de rappel d’émotion négative comme l’anxiété sous hypnose, et qui sont à contrario plus importantes dans le gyrus temporal supérieur gauche lors d’émotions positives, de suggestions de détente et de relaxation en état hypnotique.

2.1.4. Les ondes gamma

Des ondes à haute fréquence et amplitude basse centrées à 40 Hertz se retrouvent lors de tâches attentionnelles focalisées, principalement dans l’hémisphère gauche lorsqu’il s’agit d’une tâche ou d’une épreuve verbale et plus dans l’hémisphère droit lors d’une tâche visio- spatiale.

La plupart des études vont dans le sens de celle de DE PASCALIS en 1998 (154)retrouvant une plus grande amplitude des ondes de 36 à 44 Hertz chez les sujets très hypnotisables en hypnose par rapport aux sujets peu hypnotisables.

De plus ces mêmes sujets très hypnotisables ont une augmentation de la production d’ondes de 40 Hertz en hypnose dans les régions frontales de l’hémisphère gauche lors de rappel d’émotions positives, et dans les régions centrales et postérieures de l’hémisphère droit lors d’émotions négatives ou anxiogènes.

Les résultats de cette étude sont donc en faveur d’un spectre électroencéphalographique différent en ce qui concerne les sujets très et peu sensibles à l’hypnose ; ils ne montrent en revanche aucune corrélation significative sur les variables électriques et physiologiques étudiées entre la suggestibilité à l’état de veille et l’hypnotisabilité, ce qui soutient donc l’idée que l’hypnose et la suggestibilité relèvent de deux mécanismes psycho-physiologiques distincts.

Cela confirme d’ailleurs les données de la revue de littérature effectuée par F.J. EVANS en 1989, cité par DE PASCALIS (154), concluant à deux processus différents, l’un n’étant pas l’expression exhaustive de l’autre.

2.1.5. Différences statistiques dans l’ensemble du spectre EEG

C. WOOD rapporte en 2007 (143) les travaux de ULETT de 1972 qui adopta une approche statistique avec une induction hypnotique enregistrée à la recherche d’indices EEG de l’hypnose.

Il conclut sa recherche en affirmant l’existence d’une relation entre le degré de susceptibilité hypnotique et la fréquence d’apparition de certains types d’ondes lentes et rapides.

Il retrouve, de plus, en induction hypnotique une diminution des ondes lentes, une augmentation de l’activité alpha et bêta chez les sujets les plus susceptibles, et observe l’effet inverse dans le groupe de sujets les moins susceptibles.

l’existence de soubassements neurophysiologiques. Toutefois il convient d’émettre une réserve ici concernant un biai potentiel : les résultats constatés sont-ils réellement dus à l’hypnose ou à d’autres facteurs artefactuels de la situation, comme le niveau d’anxiété ?