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Le bien-être psychologique

les 9 caractéristiques de l'expérience optimale - Flow

L. Trois théories « agentives »

Dans la lignée du néologisme « agentivité » qui « désigne le fait d’exercer une influence personnelle sur son propre fonctionnement et sur son environnement » (Lecomte, 200386) « la reconnaissance de soi comme homme “capable” de certains accomplissements (…) requiert l’aide d’autrui » (Ricœur, 2004, p. 109).

85 Traduction libre de « Self-Efficacy : The Power of Believing You Can » (Maddux, 2002a).

86 Jacques Lecomte est le traducteur du volumineux « Auto-efficacité : le sentiment d’efficacité personnelle » d’Albert Bandura. Au-delà de cet impressionnant travail, nos échanges personnels amicaux (et notamment concernant le « off » des échanges avec Bandura liés à certains choix de traduction) ont beaucoup contribué à nourrir la problématique de cette thèse : Merci Jacques…

« L’être humain n’accède à un statut de sujet que s’il acquiert, se reconnaît et se voit reconnu une capacité d’agir, à l’opposé de celui qui est assujetti à une puissance extérieure.

Cette conception est cohérente avec une approche du sujet « entendu comme tension désirante, pulsionnelle, (…) obstination sauvage à être, à vivre, jouir, pouvoir, posséder, obtenir amour, reconnaissance » (Ardoino & Barus-Michel, 2006, p. 261) ». Garel (2006, p. 60).

Envisager le sujet comme capacité et comme être autonome est commun notamment à Castoriadis (1990, p. 191) et à Descombes, ce dernier indiquant que « le concept de sujet dont nous avons besoin est celui de l’agent » et que le « sujet (…) doit être présent dans le monde à la façon d’une puissance causale » (2004, p. 14-15). Quant à Ricœur, évoquant la « capacité de faire arriver des événements dans l’environnement physique et social du sujet agissant » (2004, p.199), il voit dans cette puissance d’agir, au sens de l’agency de langue anglaise, une donnée anthropologique fondamentale, c’est-à-dire une caractérisation de l’humain en général.

L’humain peut aussi être caractérisé par le besoin de reconnaissance, jugé « vital » par Gardou du fait que la reconnaissance « constitue la validité nécessaire de la construction de soi » (1998, p.

99). Cette appréciation est partagée par Ricœur, qui s’attache plus particulièrement à la reconnaissance des capacités. L'agentivité se traduirait donc par une réflexion sur soi et par une influence sur soi (Gaudron & Croity-Belz, 2005).

Pour Csikszentmihalyi87, la recherche de l’expérience optimale ou encore la créativité sont intimement liées l’étude scientifiques « des forces qui poussent à l’engagement » les « forces de la personne pour qu’elle puisse consciemment les utiliser et possiblement les magnifier » (Desjardins, 2006, p. 2).

Selon Maddux (2002b, p. 37), la psychologie positive « cherche à comprendre ce qui donne un sens à la vie, ce qui aide les gens à devenir plus autonomes » et elle « présente aux gens les choix qu’ils pourront faire au long de leur vie sans prendre position sur la désirabilité des différentes façons de vivre » (Seligman & Csikszentmihalyi, 2000, p. 12). Si ceux qui connaissent le Flow sont souvent débordants d’activité, ne comptant jamais leurs heures, toujours prêts à innover ou s’impliquer dans un nouveau projet, c’est tout simplement parce qu’ils cherchent en permanence n’importe quelle occasion de recréer les conditions qui vont leur permettre de le ressentir à nouveau (Heutte, 2009, 2011). Comme ils ont une meilleure santé émotionnelle (Amherdt, 2004, 2005), ils sont dans des dispositions qui les rendent souvent beaucoup plus créatifs : l’engagement dans un

87 « Children are born with a desire for knowledge, and some of the stupendous feats of learning – to walk, talk, get along with others, to take care of oneself – are accomplished without seeming effort in the first few years of life. » (Csikszentmihalyi & Hermanson, 1999, p. 146).

III – La motivation 119 processus créatif donne la sensation de vivre plus intensément, permet de ressentir un « sentiment de plénitude que nous attendons de la vie et qui nous est si peu souvent offert » (Csikszentmihalyi, 2006). En étudiant depuis plus d’un quart de siècle pourquoi certains agissent, notamment dans des contextes où d’un point de vue extérieur il serait intuitivement logique de penser qu’ils devraient être accablés par leur environnement ou leur « destin », alors que non seulement ils ne le sont pas, en plus ils arrivent à afficher un sens à la vie supérieur aux personnes qui vivent dans des milieux plus ordinaires (Csikszentmihalyi, 1997 ; Csikszentmihalyi & Patton, 1997). Des recherches récentes nous apprennent, qu’hormis les relations sociales qui constituent une réelle variable objective (et pour lesquelles nous dépendons effectivement de ce que nous entretenons avec les autres), le bonheur dépend beaucoup plus des perceptions et des processus internes que des conditions extérieures (Finkenauer & Baumeister, 1997). C’est d’ailleurs notamment le souhait de l’étude scientifique de ce subjectif qui fait le bien-être psychologique de certains qui a motivé l’acte fondateur de la psychologie positive (Seligman & Csikszentmihalyi, 2000), afin de tenter de promouvoir scientifiquement de façon préventive le bien-être pour le plus grand nombre.

Pour Deci et Ryan, la théorie de l’autodétermination (TAD) « tient pour acquis que l’individu est naturellement porté à être actif, motivé, curieux et qu’il désire vivement réussir, étant donné que la réussite est en elle-même fort gratifiante » (Deci & Ryan, 2008, p. 25). La satisfaction de trois besoins psychologiques fondamentaux permet de stimuler le dynamisme interne des personnes, d’optimiser leur motivation et de porter à leur maximum les résultats sur les plans psychologiques, du développement personnel et des comportements (Ryan & Deci, 2000). Cela est à nouveau très clairement affirmé, quand Laguardia et Ryan (2000) rappellent que la TAD adopte le concept de l’eudémonie (ou de la réalisation de soi) comme critère d’existence de bien-être. De plus, elle

« soutient que les humains ont des besoins psychologiques fondamentaux et que leur satisfaction est essentielle à leur croissance, à leur intégrité et à leur bien-être » (Ibid., p 284). Ainsi, la satisfaction de ces besoins est vue comme un but « naturel » de la vie, et ces besoins fournissent une grande partie du sens et des intentions sous-jacents à l’activité humaine (Deci & Ryan, 2000 ; Ryan & Deci, 2001 ; Ryan & La Guardia, 2000 ; Sheldon, Ryan, Deci & Kasser, 2004).

Pour Bandura, cela constitue le fondement même de la théorie sociale cognitive (TSC) : les croyances relatives à son efficacité personnelle constituent le facteur essentiel de l'agentivité humaine (Bandura, 1997, p. 3). Cette théorie considère les individus comme des agents actifs de leur propre vie qui exercent un contrôle et une régulation de leurs actes. Ainsi, tous les travaux de Bandura sur l’auto-efficacité s'inscrivent-ils dans ce souhait de comprendre cette « puissance personnelle d'agir » (Ricœur, 2000, 2004) que constitue l'agentivité. Selon Carré (2003, préface in Bandura, 2003, p. IV) c’est ce qui constitue « la dimension résolument optimiste, ‘‘positive’’

pourrait-on dire, de la philosophie psychologique de Bandura : les hommes et les femmes,

volontaires et libres de leurs actes autant que déterminés et façonnés par les circonstances de leurs vies, sont ‘‘au moins les architectes partiels de leurs propres destinées’’. Selon lui, les sujets sociaux sont plus arbitres de leurs vies que démiurges ou objets de leurs mondes sociaux ou psychiques. ».