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Le bien-être psychologique

E. Exemple de conception liée à des motifs : l’autodétermination

3. La théorie de l’orientation causale

La théorie de l’orientation causale68 (TOC) (Deci & Ryan, 1985b) s’intéresse au contenu des buts personnels (autodéterminés ou imposés). Le concept de locus de causalité perçu fait référence au degré selon lequel les individus estiment être à l’origine de leur propre comportement (Deci &

Ryan, 1985a). Un individu perçoit un locus interne de causalité dès lors que ses comportements sont volontaires et autonomes. En revanche, la perception d’un locus externe de causalité implique que des facteurs externes sont responsables de l’initiation des comportements individuels (Gillet & al., 2009, p. 175).

La TOC considère qu’il existe trois formes différentes d’orientations motivationnelles chez un individu. Ces orientations – « autonome », « contrôlée » et « impersonnelle » – sont considérées comme étant des aspects relativement stables de la personnalité.

- orientation autonome

C’est la caractéristique d’une personne qui est généralement orientée vers ce qui stimule la motivation intrinsèque, offre des challenges optimaux, et fournit des feedback intéressants.

Ces personnes tendent à afficher une plus grande autodétermination, à rechercher des activités intéressantes et stimulantes, et à prendre une plus grande responsabilité pour leur propre comportement.

- orientation contrôlée

C’est la caractéristique d’une personne qui est généralement orientée vers ce qui stimule la motivation extrinsèque. Des contextes liés à des récompenses, les délais, les structures, qui impliquent l’ego, et dont les actions dépendent des directives des autres. Ces personnes sont susceptibles d'être dépendantes de récompenses ou d'autres formes de contrôles, et peut être plus enclins à faire ce que d'autres leur demandent que de faire ce qu'ils veulent pour eux-mêmes. Elles sont susceptibles d'accorder une importance extrême à la fortune, la gloire, et d'autres facteurs extrinsèques.

- orientation impersonnelle

C’est la caractéristique d’une personne qui croit que l'obtention de résultats souhaités est au-delà de son contrôle et que la réalisation est en grande partie une question de chance ou du destin. Ces personnes sont susceptibles d'être inquiètes et de se sentir très inefficaces. Elles n'ont pas le sentiment d'être en mesure d'influer sur les résultats ou de faire face à des demandes ou des changements. Elles ont tendance à être amotivées et veulent que les choses ne changent jamais.

68 Causality Orientations Theory (COT) (Deci & Ryan, 1985b), théorie des orientations de causalité (Gillet & al., 2009)

III – La motivation 83 Selon Deci et Ryan (2008, p. 28), les travaux de Kasser et Ryan (1996) ont révélé que « les buts personnels à long terme s’inscrivent généralement dans deux catégories de facteurs analytiques : - la catégorie des buts extrinsèques est centrée sur des facteurs externes de valorisation, par exemple l’accumulation de biens matériels, la recherche de notoriété et la recherche d’une bonne réputation ;

- la catégorie des buts intrinsèques comprend ceux qui sont plus directement liés à la satisfaction des besoins fondamentaux d’autonomie, de compétence et d’appartenance. La deuxième catégorie comprend la croissance personnelle, l’établissement de relations, l’engagement dans la communauté.

Kasser et Ryan (1996) mettent ainsi en évidence que les personnes qui attachent beaucoup d’importance aux aspirations d’ordre extrinsèque affichent une moins bonne santé mentale, tandis que celles qui privilégient les aspirations d’ordre intrinsèque manifestent une meilleure santé mentale, que « les motifs qui sous-tendent les buts personnels sont clairement associés aux indicateurs de santé mentale » (Deci & Ryan, 2008, p. 28).

D’autres recherches ont montré que les personnes qui valorisent les aspirations extrinsèques tendent à poursuivre leurs objectifs de manière plus contrôlée, alors que celles qui valorisent les aspirations intrinsèques sont enclines à être plus autonomes. Toutefois, Sheldon, Ryan, Deci et Kasser (2004) ont défini que ce qui sous-tend les buts personnels est un indice prédictif de la santé mentale des personnes, et cela, même lorsqu’on contrôle les raisons ou les mobiles pour lesquels ces dernières poursuivent ces buts. Ainsi, les deux variables — buts intrinsèques et régulation autodéterminée — contribuent selon des variations indépendantes au bien-être de la personne.

Dans le cadre d’autres recherches portant sur les aspirations et les buts personnels, on a manipulé ces facteurs de manière expérimentale. Par exemple, on a demandé à certaines personnes d’apprendre à exécuter des tâches : aux uns, on a dit que ces nouvelles compétences leur permettraient de s’enrichir (une aspiration extrinsèque) et aux autres, qu’elles favoriseraient leur croissance personnelle (une aspiration intrinsèque). Les résultats ont montré que les personnes qui avaient appris dans la perspective de faire plus d’argent avaient moins bien intégré les connaissances et, par conséquent, avaient un rendement inférieur à celles qui avaient poursuivi l’apprentissage en vue d’un perfectionnement personnel (Vansteenkiste & al., 2004).

Selon Laguardia et Ryan, (2000, p. 288), « l’intention d’une personne par rapport à un but peut, sur le plan phénoménologique, différer selon que la source de cette intention est autonome ou qu’elle est contrôlée de l’extérieur (Deci & Ryan, 1985a). Celui qui s’engage dans une action d’une façon autonome procède d’une source interne de causalité, tandis que celui qui est plus contrôlé se sent influencé et poussé à agir par l’extérieur et est alors soumis à une source de causalité externe.

Selon le type de causalité de l’action, on peut prédire des effets différents sur le bien-être. Selon la

nature des buts, on peut prédire aussi que ceux qui servent de compensation ou qui sont en conflit avec la satisfaction des besoins fondamentaux nuiront au bien-être et seront moins satisfaisants à long terme. Pour la théorie de l’autodétermination, il est donc important de préciser aussi bien la source d’un but que sa nature si on veut prévoir l’impact de ce but sur la santé et sur le bien-être. »

In fine, « les comportements extrinsèquement motivés sont plutôt considérés comme pouvant varier grandement selon le degré d’autonomie, de prise en charge et de congruence qu’ils peuvent comporter. Ryan et Connell (1989) ont d’ailleurs élaboré une taxonomie des motivations selon laquelle on peut situer toute action intentionnelle sur un continuum de locus de causalité perçu ou d’autonomie. Les motivations vont des plus hétéronomes, comme dans le cas de la régulation externe, quand un sujet est contrôlé par des forces ou des circonstances extérieures, à des formes de régulation plus autonomes, comme c’est le cas pour l’identification quand le sujet s’acquitte d’une activité parce qu’il comprend et accepte sa valeur. Il a été empiriquement démontré que ces formes de motivation se situent, comme l’indique le tableau (Tableau 2, p. 84) sur un continuum qui part de l’autonomie la plus faible (au bas du tableau) et va jusqu’à l’autonomie la plus grande (au haut du tableau) (Ryan & Connell, 1989 ; Vallerand, 1997). » (Laguardia & Ryan, 2000, p. 289).

Tableau 2

Taxonomie de la motivation et de la régulation selon la TAD

Tableau de Laguardia et Ryan (2000, p. 291)

III – La motivation 85 4. La théorie des besoins psychologiques de base

Comme indiqué précédemment, la TAD postule que l’humain, d’une façon innée, tend à satisfaire trois besoins psychologiques fondamentaux, à savoir le besoin d’autonomie, le besoin de compétence et le besoin d’affiliation.

Selon Laguardia et Ryan (2000, p. 284), « la théorie de l’autodétermination adopte le concept de l’eudémonie ou de la réalisation de soi comme critère d’existence de bien-être mais, de plus, elle définit explicitement ce qu’il faut entendre par la réalisation de soi et par quels processus elle est atteinte ». En effet, la TAD soutient que les humains ont des besoins psychologiques fondamentaux et que la satisfaction de ces besoins psychologiques fondamentaux est essentielle à leur croissance, à leur intégrité et à leur bien-être. Ainsi, quand ces besoins sont satisfaits, l’organisme connaît la vitalité (Ryan & Frederick, 1997, cités par Laguardia & Ryan, 2000), la congruence interne (Sheldon

& Elliot, 1999, cités par Laguardia & Ryan, 2000) et l’intégration psychologique (Deci & Ryan, 1991) : comme ces besoins fournissent une grande partie du sens et des intentions sous-jacents à l’activité humaine, leur satisfaction est ainsi vue comme un but « naturel » de la vie (Deci & Ryan, 2000).

Selon Laguardia et Ryan (2000, p. 284), la TAD « propose une psychologie sociale du bien-être psychologique (Ryan, 1995) ». Elle explique les conditions sous lesquelles le bien-bien-être d’un individu est facilité au lieu d’être entravé en spécifiant quels sont les besoins psychologiques fondamentaux :

- définir le minimum requis pour qu’une personne soit en santé ;

- prescrire ce que le milieu doit fournir pour qu’elle se développe et grandisse psychologiquement.

Ainsi, la TAD maintient que, d’une façon innée, l’humain tend à satisfaire trois besoins psychologiques fondamentaux, à savoir le besoin d’autonomie, le besoin de compétence et le besoin de relation à autrui (Deci & Ryan, 2000, 2008 ; Laguardia & Ryan, 2000).

- L’autonomie réfère au sentiment de se sentir à l'origine ou à la source de ses actions, de sorte qu’elle est en congruence avec elle et qu’elle l’assume entièrement (deCharms, 1968 ; Deci & Ryan, 1985a). Cependant, agir de façon autonome ne veut pas dire agir seul : il convient de bien distinguer l’autonomie et l’individualisme. Nous serions même tenté de dire que paradoxalement, il est presque impérativement nécessaire d’être avec d’autres pour ressentir réellement son autonomie, notamment quand il sera possible de percevoir qu’ils respectent nos choix, même s’ils ne les partagent pas.

- La compétence réfère à un sentiment d’efficacité sur son environnement (Deci, 1975 ; White, 1959), ce qui stimule la curiosité, le goût d’explorer et de relever des défis. À elle seule, l’efficacité ne suffit pas toutefois à susciter le sentiment d’être compétent ; elle doit

comprendre aussi le sentiment de la prise en charge personnelle de l’effet à produire (Laguardia & Ryan, 2000). Là encore, il est difficile de ressentir réellement sa compétence sans quelque part sa « confirmation » par d’autres. Souvent, certaines de nos compétences sont d’abord perçues par d’autres alors que nous n’en avons même pas conscience (Le Boterf, 2004). Cette révélation, et donc le bien-être psychologique qui en découle, ne peut s’effectuer sans eux.

- Le besoin d’être en relation à autrui implique la perception de l’affiliation et le sentiment d’être relié à des personnes qui sont importantes pour soi (Baumeister & Leary, 1995 ; Ryan, 1993). Ressentir une attention délicate et sympathique confirme alors qu’on est quelqu’un de signifiant pour d’autres personnes et objet de sollicitude de leur part (Reis, 1994).

Dans une recherche concernant l’impact du climat scolaire sur la motivation, Leroy constate que « c’est principalement via la signification que donnent les élèves à leur environnement scolaire que les comportements de l’enseignant affectent les apprentissages » (Leroy, 2009, p. 157).

Parmi les trois besoins psychologiques de base, le dernier historiquement énoncé par Deci et Ryan, à savoir l’affiliation nous semble être celui qui est le plus important : celui qui à nos yeux est le plus « humain », peut-être notamment parce qu’il permet d’entrevoir l’impérieuse nécessité d’une part d’humanité dans l’humain.

Comme annoncé précédemment, la perception de l’affiliation est très impliquée dans la construction de nos hypothèses, nous aurons donc l’occasion de le détailler davantage par la suite.