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Proposition d'une opérationnalisation des principaux concepts motivationnels

C. La mesure du sentiment d’efficacité collective

1. Réussit celui qui s’affilie au monde universitaire

Dans le contexte de l’enseignement supérieur, Coulon est bien l’un des rares chercheurs français à évoquer la question de l’affiliation. Cependant, quand il exprime « réussit celui qui s’affilie » (Coulon, 1999, p. 42), il convient de bien comprendre que Coulon aborde en fait l’affiliation intellectuelle. « Pour Coulon, réussit celui qui s’affilie, intègre les catégorisations du monde intellectuel, son vocabulaire, ses règles pratiques et est reconnu comme membre compétent de la communauté universitaire. Apprendre les règles du travail intellectuel et être confronté aux règles de l’enseignement supérieur fait partie de ce qu’il nomme la “pédagogie d’affiliation” » (Pochet, 1999, p. 9). En effet, selon Legendre (2003, p. 46) les dimensions de l’apprentissage du métier d’étudiant détaillé par Coulon (1997, p. 105) soulignent la différence – notamment chronologique – dans ce processus entre l’affiliation institutionnelle et l’affiliation intellectuelle au monde étudiant. Ces éléments sont plus ou moins nettement évoqués selon les étapes du passage de l’entrée à l’université qu’il distingue comme suit : le temps de l’étrangeté, le temps de l’apprentissage et le temps de l’affiliation. »

Selon Coulon, « s'affilier au monde universitaire serait, du point de vue intellectuel, savoir identifier le travail non demandé explicitement, savoir le reconnaître et savoir quand l'accomplir.

Pour réussir, il faut comprendre les codes du travail intellectuel, cristallisés dans un ensemble de règles souvent informelles et implicites, être capable de voir la praticabilité du travail demandé, et savoir le transformer en savoir pratique » (1999, p. 198), « Par affiliation, il faut entendre le processus qui consiste à découvrir et à s’approprier les allant de soi et les routines dissimulées dans les pratiques de l’enseignement supérieur. » (Coulon, 1999, p. 47).

De ce fait, nous considérons que malgré une convergence de lexique et un intérêt certain, notamment pour la chose pédagogique dans l’enseignement supérieur95, nous avons une divergence quand à nos objets de recherche et ne pouvons donc prendre en compte le concept d’affiliation tel qu’il est défini par Coulon car il se situe hors du champ de notre recherche qui elle s’intéresse à l’affiliation interpersonnelle et non à l’affiliation institutionnelle et intellectuelle.

95 Dans une première étude, Coulon (1993) montre que l’enseignement de la méthodologie documentaire dans les premiers cycles universitaires contribue à ce qu’il a appelé dès 1989, l’affiliation intellectuelle des étudiants (Coulon, 1997, 1990). Affinant sa méthodologie, Coulon (1999) montre que l’affiliation intellectuelle des étudiants via l’enseignement de la méthodologie documentaire a un impact sur leur réussite.

Ainsi, il apparaît qu’ils sont plus « performants » : 68 % d’entre eux obtiennent plus de 10 UE la première année, contre 20 % pour les autres étudiants. Seuls 6 % d’entre eux obtiennent moins de 5 UE dans l’année, contre 51 % pour les étudiants qui n’ont pas suivi une seule UE de documentation. Comme ils obtiennent davantage d’unités d'enseignement, ils ont par conséquent un parcours plus rapide ainsi qu’une meilleure réussite dans leurs études.

IV - Proposition d'une opérationnalisation des principaux concepts motivationnels 149 2. La qualité des relations interpersonnelles dans le

cadre des études

a) Entre les étudia nts

Depuis une vingtaine d’années, de nombreuses enquêtes centrées sur les pratiques d’études à l’université évoquent la relation de travail entre les étudiants. L’entraide constitue l’une des dimensions de la relation de travail entre eux. Selon Coulon et Paivandi, « on peut définir la relation de travail entre les étudiants au sens large comme l’ensemble des activités en rapport avec les tâches scolaires. Cependant, on ne doit pas écarter les liens qui se tissent entre les étudiants et qui n’ont pas directement pour finalité la pratique d’études. Il peut s’agir d’un élément non négligeable dans la relation de travail dans la mesure où les étudiants qui entrent en contact le font parce qu’ils se trouvent les uns et les autres dans le même cours et donc dans la situation de travail. Manger, prendre les transports en commun ensemble, ou avoir une discussion peuvent devenir des moments d’échanges sur les études. Il s’agit des liens initiaux qui semblent être importants, surtout en première année à l’université. » (2008, p. 41). Ainsi, comme l’a remarqué Coulon (1989 – 1999) dans ses enquêtes, pendant les premiers jours de leur présence à l’université, les nouveaux étudiants ne parlent entre eux que des règles qui régissent leur nouvel univers, vérifient réciproquement leur compréhension, et « ajustent » leurs pratiques par l’intermédiaire de ces interactions.

Dans une revue de littérature, Schmitz et al. (2006) relèvent que la qualité des relations sociales peut avoir un impact direct sur la réussite académique de l’étudiant (Wentzel & Caldwell, 1998), le fait de vivre sur le campus facilite les interactions sociales entre étudiants et l’intégration sociale (Pascarella & Terenzini, 2005), développer des interactions sociales entre pairs peut agir comme un réseau social de soutien (Tinto, 1997), que les étudiants qui ne construisent pas suffisamment de relations efficaces avec les pairs et leur faculté se sentent plus facilement aliénés et prêts à abandonner (Tinto 1997).

b) Avec les enseigna nts

Si le soutien élaboré des pairs peut renforcer le sentiment de compétence de l’étudiant, facteur également positivement associé avec la persistance dans le système scolaire et académique (Leppel, 2001, cité par Schmitz et al. 2006), un grand nombre de recherches ont souligné l’impact du soutien académique des professeurs à la fois sur la réussite académique, ainsi que sur les variables motivationnelles.

Comme le précisent Niemiec et Ryan (2009, p. 139), « In addition to the needs for autonomy and competence, Self Determination Theory posits that satisfaction of the need for relatedness

facilitates the process of internalization. » Ainsi, dans les contextes où ils éprouvent un sentiment d’appartenance sociale, l’internalisation de la motivation aide les étudiants à accepter les valeurs et les pratiques des personnes auxquelles ils se sentent ou veulent se sentir connectés. Ce processus favorise les comportements régulés par intégration, ce qui favorise la persévérance dans les tâches pénibles ou complexes liées aux apprentissages. À l’inverse, les étudiants qui ne ressentent pas de sentiment d’appartenance sociale ne répondent qu’à des contingences externes souvent perçues comme contrôlantes.

Niemiec et Ryan ajoutent « Moreover, classroom practices that support students’ satisfaction of autonomy, competence, and relatedness are associated with both greater intrinsic motivation and autonomous types of extrinsic motivation. » (2009, p. 141). Les stratégies permettant de soutenir le sentiment d’appartenance sociale apportent chaleur, compassion et respect. Ce qui permet aux étudiants de faire de meilleurs choix.

Suite à une étude impliquant près de 600 élèves, Ryan, Stiller et Lynch (1994) ont pu mettre en évidence que ceux qui se sentaient en sécurité avec leurs parents et leurs enseignants et qui savaient qu’ils pourraient se tourner vers eux s’ils avaient des problèmes, avaient tendance à faire face plus positivement aux échecs scolaires, à être plus autonome dans la régulation de leurs comportements scolaires, plus engagés dans leurs apprentissages et à se sentir mieux. La qualité des liens avec les parents et avec les enseignants semble donc faciliter l'internalisation de la régulation pour les activités académiques, améliorer l'adaptation scolaire et le bien-être des élèves (Ryan & al., 1994).

Ce type de soutien par les enseignants semble être attendu et souhaité par les étudiants.

« Le rapport entre l’enseignant et l’étudiant dans le contexte de l’université de masse revêt un caractère assez particulier. Lorsque Sembel (1997) demande aux étudiants de décrire les qualités d’un « bon prof », la plupart des interviewés insiste sur trois points : la compétence, le travail pédagogique et la qualité des relations humaines développées en cours et en dehors des cours (« fait attention », « proche », « à la portée », « à l’écoute ») (Coulon & Paivandi, 2008, p. 30). Comme le montrent plusieurs enquêtes (citées par Coulon & Paivandi, 2008) dont celle de Martucceli ou celle de Lapeyronnie et Marie, les étudiants sont souvent déçus de l’absence de relations humaines à l’université, en particulier en rapport avec leurs enseignants.

IV - Proposition d'une opérationnalisation des principaux concepts motivationnels 151 3. La mesure de la perception de l’affiliation

Selon de nombreux auteurs, le besoin d’affiliation réfère au sentiment de se sentir en sécurité, d’être respecté et d’être accepté par les gens de son entourage (Connell & Wellborn, 1991 ; Deci &

Ryan, 1985a ; Deci, Vallerand, Pelletier & Ryan, 1991). Ce besoin est en grande partie satisfait par certaines perceptions, souvent subjectives et fortement influencées par le sentiment d’être relié à des personnes qui sont importantes pour soi (Baumeister & Leary, 1995 ; Ryan, 1993). Dans le contexte des études, comme nous avons pu l’évoquer dans des sections précédentes, c’est la perception de l’affiliation avec les étudiants et avec les enseignants qui semble être les variables majeures à prendre en compte. Pour cette mesure, certaines échelles francophones ont fait la preuve de leur validité sur le continent nord-américain (Québec). Pour notre part, ne sachant a priori celles qui seraient réellement valides et adaptées à notre sujet d’étude avec des étudiants français, nous en avons retenu 4 :

- ESASe : échelle du sentiment d'appartenance sociale entre étudiants, en 10 items (Richer &

Vallerand, 1998) ;

- ESASp : échelle du sentiment d'appartenance sociale avec les enseignants, en 10 items (Richer & Vallerand, 1998) ;

- EQRIe : échelle de la qualité des relations interpersonnelles entre étudiants, en 4 items (Senécal, Vallerand & Vallières, 1992) ;

- EQRIp : échelle de la qualité des relations interpersonnelles avec les enseignants, en 4 items (Senécal & al., 1992).

La perception de la qualité des relations interpersonnelles (QRI) est un peu plus subjective que le sentiment d’appartenance sociale (SAS). ESAS et EQRI ne mesurent pas exactement toutes les deux la même perception de l’affiliation, selon Senécal et ses collègues (1992) : EQRI prend davantage en compte la santé psychique et mentale des sujets pour en capter la perception (Senécal

& al., 1992). La justification du choix de ces 4 échelles ainsi que leur validation auprès d’étudiants français sont détaillées dans les sections suivantes.

4. Étude n°6 : validation de quatre échelles françaises