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Le bien-être psychologique

B. Le modèle intégratif de la motivation de Fenouillet

4. Prise de décision

Mis à part le concept d’utilité espérée (Bernoulli, 1738/1971), jusqu’au début des années 80, pour la plupart des modèles motivationnels, la décision de l’individu était au mieux une variable dépendante (Atkinson, 1957 ; Edwards, 1954, 1962). « Une des pierres angulaires de cette conception est donc cette notion d’utilité. C’est précisément à ce niveau que se rejoignent les modèles économiques et psychologiques. Pour Edwards (1954) « chaque objet ou action peuvent être considérés du point de vue de ses propriétés de plaisir ou de douleur. Ces propriétés sont appelées

"utilités" de l’objet, le plaisir étant considéré comme une utilité positive et la douleur comme une utilité négative » (ib., p. 382, traduction libre). L’utilité est donc basée sur l’hédonisme qui est une conception philosophique du comportement humain introduit pour Weiner (1992, p. 29) par le philosophe Jeremy Bentham (1779-1948). Pour Weiner (1992), « un axiome de quasiment toutes les théories de la motivation est que l’organisme cherche à augmenter le plaisir et à diminuer la douleur » (ib., p. 61).

Cependant, comme pour la notion de choix, peu de théories psychologiques dont l’objet est de prédire les comportements humains s’emparent de la décision en tant qu’élément central de leur(s)

modèle(s). À titre d’exemple, si la théorie de Deci et Ryan (2002) fait du choix personnel un élément

« déterminant » de la motivation ce dernier est lié à un besoin, ce qui ne fait pas de la théorie de l’autodétermination une théorie du libre choix, et encore moins une théorie de la décision.

D’autres aspects posent de réelles difficultés à l’intégration d’une dimension décisionnelle dans certains modèles motivationnels. C’est par exemple le cas pour ce qui concerne la notion de responsabilité, notamment le fait que d’un point de vue déterministe expliciter toute décision est

« chimérique » (Gomes, 2007, ib., p. 62). Bandura (2009) pour sa part réfute ce déterminisme qui correspond à une vision purement computationnelle du comportement humain contre laquelle il s’élève : « Comme nous l'avons déjà affirmé, l'être humain n'est pas simplement l'hôte et le spectateur de mécanismes internes orchestrés par des événements du monde extérieur. Il est l'agent plutôt que le simple exécutant de l'expérience. Les systèmes sensoriels, moteurs et cérébraux constituent les outils auxquels les personnes ont recours pour réaliser les tâches et atteindre les buts qui donnent sens, direction et satisfaction à leur vie » (Bandura, 2009, p. 20).

Il est certainement opportun de rapprocher les propos de Bandura des interrogations de Kuhl (1987) concernant la nécessité de réintroduire la volonté comme « cause » de l’action humaine. Ainsi, selon Kuhl, en adoptant une théorie à un niveau qui ne tient compte que de la force de la motivation et de l’expectation de réussite, les psychologues de la motivation n’auraient fait que fuir ce problème. De ce fait, il lui semble nécessaire d’avoir maintenant une théorie à deux niveaux. « La réintroduction de la volition comme complément indispensable de la motivation marque donc sans aucun doute un tournant considérable dans cette longue histoire qu’entretient le déterministe avec la psychologie de la motivation. (Heckhausen, 1986 ; Heckhausen & Heckhausen, 2008 ; Kuhl, 1987). Les théories volitionnelles au lieu de fuir la prise de décision l’intègrent en tant que variable explicative. Le modèle de l’implémentation des intentions (Gollwitzer, 1999 ; Gollwitzer & Sheera, 2006) montre comment en agissant spécifiquement sur les intentions de l’individu il est, par exemple, possible d’agir significativement sur les décisions individuelles, et ce, en conjonction avec la motivation sous-jacente. » (ib., p. 63). « La pierre angulaire de l’approche volitionnelle réside dans l’idée que le passage de l’intention à l’action n’est pas automatique, tout comme l’initiation de l’action ne garantit en rien qu’elle sera poursuivie jusqu’à son terme. » (Cosnefroy, 2010a, p. 18).

En guise de conclusion du préambule de présentation de l’ensemble conceptuel « Décision », Fenouillet mentionne des travaux psychologiques qui concernent spécifiquement la prise de décision et qui selon lui devront probablement être intégrés prochainement dans ceux de la motivation. C’est par exemple le cas de ceux d’Iyengar & Lepper (2000, cités par Fenouillet, 2009a, p.64) qui soulignent déjà quelques limites théoriques de la théorie de Deci et Ryan (2000), notamment le fait que, dans un magasin, les clients sont davantage attirés par un présentoir qui expose une large gamme de produits, mais qu’ils vont plus facilement acheter dans ceux qui présentent le moins de

III – La motivation 73 choix, ou encore ceux de Botti & Iyengar (2004, ib., p.64) qui mettent en évidence que lorsque les alternatives sont toutes jugées décevantes, les individus qui choisissent jugent leurs choix significativement moins satisfaisants que ceux qui n’ont pas eu de choix à faire.

5. Stratégie

Dès que l’étude de la motivation a dépassé les premières approches théoriques pour faire l’objet d’applications et d’expérimentations concrètes, il s’est avéré que « si la motivation est une condition indispensable pour atteindre certains niveaux de performance […] pour que la motivation ait un impact sur la performance, il faut que l’individu sache comment s’y prendre pour réaliser l’activité » (Fenouillet, 2009a, p. 68). Dans l’ensemble conceptuel « Stratégie », se retrouvent les stratégies cognitives et les stratégies émotionnelles.

Les stratégies cognitives s’observent tout autant dans le cas de l’assignation d’un objectif (Earley & Perry, 1987, ib.), lorsque l’activité peut aisément masquer l’effet bénéfique que pourrait avoir la motivation sur les performances (Huber, 1985, ib.) ou dans les activités scolaires (Cosnefroy

& Fenouillet, 2009, cités par Fenouillet, 2009a), notamment depuis l’introduction du concept de

« métacognition » (Flavell, 1979, ib.).

Dans un autre registre, les travaux sur le pessimisme défensif (Norem & Cantor, 1986a, 1986b, ib.) des bons élèves ou sur l’auto-handicap (Jones & Berglas ; 1978 ; Berglas & Jones, 1978, ib.) des élèves faibles mettent, par exemple, en évidence des stratégies qui ne visent pas à améliorer la performance, mais que peut utiliser un candidat avant un examen pour gérer ses émotions ou son anxiété.

6. Comportement

La catégorisation de l’ensemble conceptuel « Comportement » semble poser un réel souci à Fenouillet qui d’entrée de jeu plante le décor : « Un des problèmes que pose le comportement, au-delà de sa définition, est son observation, car c’est au travers de cette dernière qu’il est possible d’appréhender la motivation. Il semble effectivement acquis qu’il est impossible d’observer directement la motivation, celle-ci ne pouvant qu’être déduite du comportement. » (ib., p. 71).

De plus, dans certaines circonstances, le fait de ne pas agir est clairement motivé. D’autre part, pour Deci et Ryan, l’amotivation (l’absence de motivation) n’est pas caractérisée par une absence de comportement mais par « l’absence d’une intention d’agir » (ib., p. 17).

Cependant, « cette différence entre ‘‘comportement’’ et ‘‘résultat’’ est d’une importance centrale pour les théories motivationnelles qui s’intéressent principalement aux performances des individus. Mesurer la motivation de l’élève uniquement sur ses performances scolaires par exemple, peut laisser à penser que l’élève n’est pas motivé si les performances n’augmentent pas alors que

c’est peut-être uniquement l’effet du comportement sur la performance qui n’est pas visible. » (Fenouillet, 2009a, p. 73).

7. Résultat

Comme précisé au paragraphe précédent, il convient de bien distinguer les conceptions de motivation basées sur le concept de résultat en tant que tel, des conceptions pour lesquelles le résultat (ou son atteinte) est uniquement considéré comme étant l’indicateur (l’artéfact) de l’aboutissement d’un comportement.

Ainsi, l’ensemble conceptuel « Résultat » regroupe des concepts théoriques convoqués par exemple pour la motivation à l’autodestruction (Baumeister, 1997, cité par Fenouillet, 2009a), ou encore pour la théorie du Flow (Csikszentmihalyi, 1990 ; Csikszentmihalyi & Nakamura, 2007 ; Heutte, 2010).

Comme cette dernière théorie est au cœur de notre problématique, nous aurons l’occasion d’y revenir ultérieurement (§ G, p. 99).