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Proposition d'une possible relation entre les théories

B. Hypothèses concernant le bien-être et les trois théories

2. Liens entre l’auto-efficacité et le bien-être

« Le sentiment d’efficacité collective prédit la satisfaction et la productivité des membres du groupe » (Lindsley, Mathieu, Heffner & Bass, 1994, Little & Madigan, 1994, cités par Bandura 200097, p.4, traduction personnelle).

D’autre part, si l’état émotionnel est l’une des sources de l’auto-efficacité (Stipek, 1998), selon Carré (2003, p79), cette influence est réciproque : « un état physiologique manifestant une forme d’émotion peut induire des perceptions d’auto-efficacité favorables ou défavorables, particulièrement en situation d’apprentissage, et a fortiori en situation de test. […] Un état émotionnel euphorique traduit par une accélération du rythme cardiaque et des tremblements d’excitation peut « doper » le sentiment d’efficacité personnelle en engageant à l’action réussie, par exemple dans le cas de performances sportives. ». Nous estimons que l’état émotionnel évoqué par Carré peut sans trop de difficulté s’apparenter à un effet du Flow.

L’intérêt du Flow et de la psychologie positive en général est de mettre l’accent sur les éléments qui permettent de réussir une performance et non de se centrer sur ceux qui peuvent la perturber (Demontrond et Gaudreau, 2008), en cela nous retrouvons bien des préoccupations de Bandura (approche préventive, plus que curative).

97 Bandura, A. (2000). Cultivate self-efficacy for personal and organizational effectiveness. In E. A. Locke (Ed.), Handbook of principles of organization behavior. (pp. 120-136). Oxford, UK: Blackwell.

V - Proposition d'une possible relation entre les théories 163 Les liens entre le Flow et le sentiment de compétence ont particulièrement été étudiés dans le contexte de performances sportives, selon Demontrond et Gaudreau (2008), au-delà de la motivation intrinsèque et du plaisir qu’entraîne cette perception de compétences dans une situation de défi.

Plusieurs recherches ont montré que le Flow a un impact sur l’amélioration des compétences réelles (e.g., Massimini, Csikszentmihalyi & Delle Fave, 1988). Cet état psychologique optimal survient lorsque l’athlète perçoit ses compétences personnelles comme égales au défi fixé, et simultanément élevées pour être motivantes (Jackson & Csikszentmihalyi, 1999). Le Flow peut être ressenti quel que soit le niveau sportif. Il n’est pas réservé aux sportifs de haut niveau. Il peut notamment être ressenti lors d’une compétition où les adversaires sont jugés comme étant de niveau égal ou légèrement supérieur (Csikszentmihalyi, 1992 ; Stein, Kimiecik, Daniels & Jackson, 1995, cités par Demontrond et Gaudreau, 2008). Tous ces éléments nous semblent autoriser des rapprochements avec l’auto-efficacité, notamment avec l’apprentissage vicariant. Ce qui permet de souligner la place des autres et du collectif dans chacune de ces deux théories.

Dans la théorie de Bandura (2003), il n’est pas précisé d’où provient l’objectif assigné au groupe. Il n’est donc pas relié à une valeur particulière de l’individu ou du groupe et n’est pas forcément celui de l’individu ou du groupe. Ce qui conduit à penser que le pouvoir d’agir d’un individu s’effectue, selon cette théorie, non en fonction de ses valeurs propres, définies au travers de son objectif, mais plutôt en fonction de sa projection en sa capacité à réaliser une activité donnée sur la base d’objectifs définis par d’autres. Se pose alors la question de la part et du pouvoir de l’environnement dans ce processus ainsi que celui du rapport de l’individu à ce pouvoir. Se pose aussi la question de la part du rapport aux autres dans l’agentivité individuelle comme dans l’agentivité collective. Notre intention étant d’éclairer le collectif individuellement motivé, il nous est nécessaire de considérer les effets liés aux aspects tant personnels que collectifs de l’auto-efficacité sur le Flow.

Pour tenter de construire un modèle qui éclaire notamment la construction du sentiment d’efficacité collective (SEC), il semble opportun de considérer le bien-être psychologique comme l’un des catalyseurs à prendre en compte (Salanova, Llorens, Cifre, Martinez & Schaufeli, 2003). D’après une étude menée auprès de 140 étudiants répartis en 28 petits groupes dans des travaux collectifs via internet ou en face à face, Salanova et al. (2003) mettent en évidence que le sentiment d’efficacité collective renforce le bien-être subjectif ainsi que l’absorption collective et qu’il a un effet modérateur de la pression temporelle et de la difficulté des tâches effectuées par les étudiants. Dans une sorte de boucle de rétroaction positive, le sentiment d’efficacité collective renforce l’engagement (Salanova

& al., 2003). L’engagement étant défini par ces auteurs comme « un état d’esprit positif d’accomplissement au travail, caractérisé par la vigueur, le dévouement et l’absorption » (Schaufeli,

Salanova, González-Romá & Bakker, 2002, p. 74, traduction libre)98. Ainsi, plus précisément, nous estimons que certaines dimensions du Flow, sont liées au SEP et au SEC.

La première dimension du Flow décrite par Jackson et Csikszentmihalyi (1999) est « la sensation d’un équilibre entre la demande de la tâche et les compétences personnelles » (challenge-skills balance). Elle est classée parmi les conditions d’apparition du Flow (Csikszentmihalyi, 2000 ; Voelkl et Ellis, 2002 ; cités par Demontrond et Gaudreau, 2008). Exprimé autrement, « challenge-skills balance » peut se traduire par « j’estime que la réussite de cette tâche ne peut m’échapper car j’ai le sentiment d’avoir les compétences nécessaires pour la réussir ». Si l’on veut bien considérer que, par certains aspects, l’auto-efficacité s’apparente à la perception de compétence et en même temps à l’expectation d'un résultat positif, alors il nous paraît pertinent de proposer un rapprochement entre l’auto-efficacité et cette dimension du Flow.

Le Flow apparaît donc dès que nous avons le sentiment de vivre une expérience optimale, immédiatement avant le déclenchement de l’action et pendant l’action (Singer, 2002, cité par Demontrond et Gaudreau, 2008). Jackson et Csikszentmihalyi (1999) montrent que l’expérience du Flow est très enrichissante et que certains athlètes cherchent à la prolonger afin de rester à un niveau de performance très élevé. Pour notre part, nous souhaitons retenir deux effets ultimes du Flow :

- au niveau de l’intimité, l’envie de recommencer (envie de revivre le plaisir lié à l’accomplissement personnel) ;

- au niveau de l’extimité99 (Lacan, 1969 ; Tisseron, 2001 ; Tournier, 2002), l’envie de partager cette émotion avec d’autres.

Certains « performeurs » ont besoin du Flow pour « performer », ils le recherchent, s’entraînent même à le provoquer pour garantir le niveau optimal de performance. Dans ce contexte, nombreux sont ceux qui ont besoin de la présence des autres : le Flow provoque des émotions qui

98 « positive, fulfilling, work-related state of mind that is characterized by vigor, dedication, and absorption ».

99 « Je propose d'appeler "extimité" le mouvement qui pousse chacun à mettre en avant une partie de sa vie intime, autant physique que psychique. Ce mouvement est longtemps passé inaperçu bien qu’il soit essentiel à l'être humain. Il consiste dans le désir de communiquer sur son monde intérieur. Mais ce mouvement serait incompréhensible s'il ne s'agissait que

"d'exprimer". Si les gens veulent extérioriser certains éléments de leur vie, c'est pour mieux se les approprier en les intériorisant sur un autre mode grâce aux échanges qu’ils suscitent avec leurs proches. L'expression du soi intime - que nous avons désigné sous le nom "d'extimité" - entre ainsi au service de la création d'une intimité plus riche. Cette opération nécessite deux postures psychiques successives. Tout d’abord, il nous faut pouvoir croire que notre interlocuteur partage le même système de valeurs que nous. (…) Autrement dit, (…) il nous faut d'abord identifier cet autre à nous-mêmes. Mais, sitôt la dynamique de l'extériorisation de l’intimité engagée, l'interlocuteur qui nous renvoie quelque chose n'est plus un double de nous-mêmes. Pour accepter son point de vue et commencer à nous en enrichir, il nous faut maintenant nous identifier à lui. Ce mouvement a toujours existé. (Il est réalisé) à la fois avec des gestes, des mots et des images. Ces constructions ne sont pas forcément conscientes ni volontaires. Elles relèvent d'une sorte

"d'instinct" qui est le moteur de l'existence, aussi bien du point de vue psychique individuel que des liens sociaux. En revanche, ce mouvement a longtemps été étouffé par les conventions et les apprentissages. Ce qui est nouveau, ce n'est pas son existence, ni même son exacerbation, c’est sa revendication et, plus encore, la reconnaissance des formes multiples qu'il prend. (…)Les pratiques par lesquelles le soi intime est mis en scène dans la vie quotidienne ne revêt pas une seule forme, mais trois : verbale, imagée et corporelle. » (Passeron, 2001)

V - Proposition d'une possible relation entre les théories 165 relèvent d’une profonde intimité (psychologique comme physiologique), mais dont les effets sont le plus souvent démultipliés si je peux les partager avec d’autres qui seraient en mesure de comprendre et si possible encore mieux de partager eux aussi ces émotions avec moi.

Dans la mesure où selon Bandura, les effets du SEP sont variables d’un contexte à l’autre et que nous avons souhaité situer une partie de notre problématique dans le contexte influencé par l’usage du numérique, il nous semble opportun de tester nos hypothèses sur deux SEP distincts, celui lié au contexte général des études et celui lié à l’usage spécifique du numérique.

Dans ce contexte, nous complétons l’hypothèse principale H2 (« le bien-être est un point de convergence de ces trois théories ») et afin de construire l’hypothèse H2b de notre modèle théorique

« auto-efficacité – Flow », nous formulons les hypothèses secondaires (H2bx) suivantes :

- H2b1 : Le sentiment d’efficacité personnelle (général dans le contexte des études comme spécifiquement lié à l’usage des TIC) influence le sentiment d’efficacité collective ;

- H2b2 : L’auto-efficacité influence une des conditions du Flow (absorption cognitive) ; - H2b3 : L’auto-efficacité influence une des caractéristiques du Flow (bien-être).

Figure 21

Hypothèse du modèle théorique « auto-efficacité – Flow »

Modèle SEP Modèle SEPtic

SEP : sentiment d’efficacité personnelle

SEPtic : sentiment d’efficacité personnelle dans l’usage des TIC SEC : sentiment d’efficacité collective

FlowD1 : absorption cognitive FlowD4 : bien-être

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Chapitre VI

Etude sur les étudiants préparant le concours