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Théorie du risque

Dans ce cadre, la responsabilité de l'administration est mise en jeu dès lors qu’une des ses activités d’intérêt général a créé un risque spécial dont les victimes ne doivent pas seules supporter les conséquences. L’indemnisation des tiers dans le cadre des dommages de travaux publics en constitue l’archétype129.

S’agissant ensuite du développement de cette responsabilité pour risque, on en est “ réduit ”, ce qui est cependant déjà une avancée, ou du moins la conséquence d’une évolution considérable, à énumérer les régimes qui en font application, sans pour autant, bien sûr, que la faute ait été détrônée de son statut de droit commun de la responsabilité administrative. Ce relatif échec du risque comme facteur explicatif de la responsabilité, tant en droit public d’ailleurs qu’en droit privé peut trouver, avec le professeur Y. FLOUR, une explication dans le fait que “ la théorie du risque.. se résume au fond à une proposition purement négative : être responsable pour risque, c’est l’être même si on a commis une faute. Mais la théorie reste assez largement impuissante à expliquer vraiment le pourquoi de cette responsabilité, et à justifier que le poids du sort soit ainsi transféré de la victime que le destin a choisie sur une autre ”. 130

Certes, on observe une distanciation toujours plus importante entre la faute et le caractère moral de cette dernière, qui caractérise la notion d’objectivation : la faute est plus comprise aujourd’hui comme un fait défectueux, voire erroné, que comme un comportement moralement répréhensible. Mais il ne semble pas, qu’hormis cette dé-moralisation déjà évoquée, l’évolution en droit administratif soit aussi profonde qu’on l’affirme, ou du moins qu’elle ne puisse pas être relativisée131.

administratif français, in Etat, Loi, Administration, Mélanges SPILIOTOPOULOS, éd. Sakkoulas – Bruylant, Athènes 1998 p. 153.

129

Voir infra les développements relatifs aux régimes spéciaux de responsabilité.

130

Y. FLOUR, Faute et responsabilité civile : déclin ou renaissance, op. cit. p. 29

131

Sur ce débat ancien, voir les contributions récentes de M.-T. CALAIS - AULOY : La libération du droit de la responsabilité par l’abandon de la notion de faute, D. 1998, n° 14 ; et de Ch. RADE : L’impossible divorce de la faute et de la responsabilité civile, D. 1998,

Pour s’en assurer, il faut voir comment, dans ces conditions, la jurisprudence administrative et la doctrine fondent la responsabilité des personnes publiques puis comment elles la mettent en œuvre.

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Rechercher comment le juge administratif détermine la personne publique responsable conduit à s’interroger sur ce qui fonde la jurisprudence en matière de responsabilité des personnes publiques. Bien sûr, cette question, largement traitée en doctrine, est extrêmement complexe, et il se vérifie à son propos que les tentatives visant à unifier l’ensemble de la matière autour d’un élément unique (ici, un fondement) sont également vouées à l’échec et que “ s’agissant de la responsabilité administrative, il semble bien qu’il soit impossible de ramener l’ensemble des hypothèses correspondantes à un schéma explicatif unique ”132.

Ce qui importe, dans le cadre de notre recherche, c’est de savoir dans quelle mesure cette question du fondement a une influence sur la réponse à la question : qui est responsable ? Il s’agit donc moins pour nous de savoir si le juge administratif privilégie la faute ou le risque pour accepter de mettre en mouvement le droit de la responsabilité administrative. En revanche, le point de savoir à quel moment il en viendra à considérer que telle ou telle collectivité publique doit être mise en cause, que ce soit sur le terrain de la faute ou sur celui du risque nous intéressera beaucoup plus.

Or cette interrogation est évidemment primordiale s’agissant du droit de la responsabilité des personnes morales de droit public puisque l’ensemble des réflexions sur ce thème part du constat qu’il y a “ quelque chose qui grince ”

Chron. 301 et La verdeur de la faute dans la responsabilité civile (ou de la relativité de son déclin), RTD civ. 1987.505

132

M. PAILLET, manuel op. cit., p. 30, pour qui “ malgré la satisfaction pour l’esprit que

procure la possibilité de s’en remettre à un fondement unique, force est de constater que l’idée d’égalité devant les charges publiques ne fournit qu’artificiellement un principe explicatif commun à l’ensemble des hypothèses qui constituent la responsabilité publique ”,

(EISENMANN) lorsque l’on veut imputer la responsabilité d’un acte directement à une personne publique, alors que, nécessairement, c’est le fait ou la faute d’un agent de cette dernière qui est en cause, la personne publique apparaissant alors facilement comme un “ commettant ”133.

Il faut ainsi reprendre la question de la personnalité morale, comprise comme “ un procédé en vue de la vie de relation ”134 : c’est à une personne et plus précisément à son patrimoine que le juge administratif impute la responsabilité. Ce sont donc, fictivement, les agissements de cette personne qui sont susceptibles de mettre en cause sa responsabilité, c’est-à-dire nécessairement les agissements de ses agents.

L’analyse des éléments principaux de la théorie de la personnalité morale nous conduira donc à la question de savoir si le droit de la responsabilité administrative met en œuvre une responsabilité du fait d’autrui, et si oui, quels en sont les points saillants.

133

Voir : P. DELVOLVE : La responsabilité du fait d’autrui en droit administratif, Mélanges

Marty, p. 407 s. 134

HAURIOU, Principes de droit public, 1910, p. 104. De la même façon : “ si la

personnalité morale a uniquement pour base la déclaration de volonté propre en vue du droit propre dans la vie de relation, tous les éléments d’une institution qui ne se ramèneront pas à une déclaration de volonté ou qui, étant des déclarations de volonté, n’auront pas pour but la vie de relation caractérisée par l’affirmation du droit propre resteront dans la sphère objective de l’individualité ”, Précis, 6ème éd. p. 32.

Sous-section 2. La responsabilité des personnes publiques

Il faut évoquer les conditions qui permettent de reconnaître la responsabilité des personnes publiques (I), avant d’étudier ce qui semble, au regard des évolutions évoquées plus haut, en être le fondement (II), et enfin les aspects relatifs au fait générateur de la responsabilité (III).

I. Les conditions de la responsabilité135

On sait que la majorité de la doctrine considère, avec le Professeur P. AMSELEK136, que c’est la notion de compétence qui permet le plus sûrement de déterminer la personne publique responsable dans les conditions suivantes est responsable la personne publique dans la compétence de laquelle s’est inscrit le dommage à l’origine du préjudice dont la réparation est en cause.

Or, c’est nécessairement l’attribution de la personnalité morale (A) qui induit l’existence de compétences et d’un patrimoine propre à la personne publique et qui donc permet la responsabilité et son imputation (B). C’est sur cette base qu’il faut tenter de déterminer, en tenant compte des éléments avancés s’agissant des fonctions de la responsabilité administrative, comment le juge administratif en détermine le fondement.