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Faciliter l’indemnisation des victimes

phénoménologie de la détermination des responsables en droit administratif

Section 2 : L’invention de règles spécifiques pour certains cas particuliers

A. Faciliter l’indemnisation des victimes

On distinguera essentiellement les solutions consacrées par le juge administratif s’agissant de l’indemnisation des dommages survenus du fait du service public de la vaccination obligatoire (1), et étendues aux accidents de transports scolaires (2). Ces techniques, enfin, ont été utilisées pour indemniser dans certains cas les victimes des transfusions sanguines (3).

1. Le service public de la vaccination obligatoire

Ici, la remarque liminaire concernant la difficulté de séparer hermétiquement régime législatif et régime jurisprudentiel prend tout son sens : la solution consacrée s'agissant des accidents causés par des vaccinations obligatoires, avant la loi du 1er juillet 1964, résultait des jurisprudences Dejous428 et Lastrajoli429, consistant effectivement à considérer que les accidents survenus à la suite des séances publiques de vaccination révélaient “ un fonctionnement défectueux du service public de nature à engager la responsabilité de l'administration ”. Le but de ce régime de présomption de responsabilité est naturellement de faciliter l’indemnisation des victimes dans ce type de dommages où les responsabilités sont particulièrement imbriquées, en lui permettant par ailleurs d’actionner l'une au choix des collectivités ayant participé à la mise en place du service public.

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Nous reviendrons sur cette question fondamentale dans notre seconde partie. Il ne s’agit pour l’instant que d’en présenter les conséquences.

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Le Conseil d'Etat juge ainsi que la victime pouvait demander réparation aussi bien à l'Etat qu'au département étant donné “ l'étroite collaboration existant entre eux pour l'exercice du service correspondant ”430, une action récursoire pouvant rétablir ensuite les responsabilités respectives.

Cette solution est rendue caduque par la loi de 1964 sur les vaccinations obligatoires431, qui dispose cependant désormais que la personne répondante dispose à l’égard du coauteur non plus d’une action récursoire, mais d’une action subrogatoire432. Elle connaîtra cependant un prolongement, d’abord du fait de la jurisprudence s'agissant des transports scolaires et de façon spectaculaire à propos des dommages consécutifs à la transmission du virus de SIDA post-transfusionnel lorsque la responsabilité de l'Etat est recherchée pour carence dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de police sanitaire.

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CE Ass. 13 juillet 1962, Ministre de la santé c/ sieur Lastrajoli, R. p. 506 ; D. 1962 p. 727, note LEMASURIER ; RDP 1962 p. 965, concl. MERIC ; AJDA 1962 p. 553, obs. GALABERT et GENTOT.

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Lire sur ce point les conclusions MERIC, préc. pour qui cette imbrication de l’intervention de l’Etat et du département devait permettre à la victime d’imputer pour le tout l’indemnisation de leurs préjudices à l’une de ces personnes publiques. L’arrêt est ainsi rédigé : “ en raison de l’étroite collaboration instituée par le législateur en la matière entre

deux collectivités publiques et notamment du partage du pouvoir de décision opéré entre elles, la réparation de l’intégralité des conséquences dommageables des accidents survenus au cours des séances de vaccination peut être poursuivie par les victimes à l’encontre soit de l’Etat, soit du département, sans préjudice du droit pour la collectivité publique ainsi poursuivie et condamnée à verser une indemnité aux victimes ou à leur ayants droits, d’exercer, si elle s’y croit fondée, une action récursoire à l’encontre de l’autre collectivité publique sur la base des fautes imputables à celle-ci et ayant concouru à la réalisation du dommage ”.

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Loi n° 64-643 du 1er juillet 1964, insérant un article 10-1 du Code de la santé publique. Pour G. DARCY, manuel préc. p. 59 cette solution s'explique de la manière suivante: “

l’inoculation du vaccin comporte un aléa scientifique. Pour des raisons inconnues, elle pourra être mal supportée par des personnes qu'en l'état de la science il est impossible de déterminer à l'avance. À partir du moment où la vaccination est obligatoire, il est normal que l’Etat en supporte les conséquences et qu'il prenne en charge tous les dommages quelle qu 'en soit la cause, car en toute hypothèse, il sera difficile pour la victime de prouver la faute du praticien. La loi du 1er juillet 1964 a instauré une responsabilité automatique de l’Etat sans faute, pour les dommages résultant des vaccinations obligatoires ”.

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2. La responsabilité en matière de ramassage scolaire:

Le système a été étendu à l’indemnisation des accidents de ramassage

scolaire, contentieux dans lequel le Conseil d’Etat prononce parfois la

condamnation solidaire et conjointe des personnes publiques responsables433 ou la condamnation pour le tout de l’unique collectivité publique actionnée par la victime434 .

La difficulté en la matière pour le justiciable est de déterminer s’il doit attraire le service public de ramassage scolaire pour “ organisation défectueuse ” ou la commune au titre des pouvoirs de police générale du maire. Il est bien évident que l’imputation par le juge de la responsabilité au maire dans l’arrêt Chevrier correspond à une simplification tout à fait bénéfique aux victimes.

3. La responsabilité de l’Etat en matière de transfusion sanguine :

En la matière, une difficulté survient notamment lorsqu’il est difficile ou impossible de déterminer avec précision l’origine du lot sanguin incriminé, qui peut soit provenir d’un centre privé, soit d’un centre public de transfusion sanguine.

Il résulte de l’arrêt D..G..B…435que l’étroite collaboration entre l’Etat et les centres de transfusion sanguine permet à la victime d’actionner l’Etat qui devra répondre pour le tout de “ l’exercice dommageable de ses attributions de réglementation et de contrôle, sans pouvoir être exonéré par les fautes imputables aux centres de transfusion ”, la possibilité d’une action récursoire ultérieure restant ouverte.

De la même manière, le juge est récemment intervenu pour faciliter le choix de la personne responsable pour la victime en précisant que “ dans le cas où les produits sanguins à l'origine d'une contamination ont été élaborés par plusieurs centres de transfusion ayant des personnalités juridiques distinctes, la personne

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CE 24 mars 1978, Laporta, R., p. 159

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CE 4 juillet 1980, Chevrier R. 309 ; D. 1980 IR p. 502, comm. Moderne et Bon: CE 30 mai 1986, épx. Faix R. tables 710, D. 1987 IR p. 118, comm. Moderne et Bon, LPA 6 juin 1987, conclu E. Guillaume.

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publique mise en cause devant le juge administratif doit être tenue pour responsable de l'ensemble des dommages subis par la victime et condamnée à les réparer si elle n'établit pas l'innocuité des produits qu'elle a elle-même élaborés ”436. Naturellement, la personne publique pourra ultérieurement se retourner, dans le cadre d’une action en garantie, contre la personne publique ou privée qu’elle considèrerait comme coauteur de la contamination437. Cette solution est naturellement tout à fait décisive s’agissant des victimes transfusées et contaminées avant le 1er janvier 2000, c'est-à-dire avant la création de l’Etablissement français du sang, dont on a vu que le contentieux relevait par nature du juge administratif438.