• Aucun résultat trouvé

La responsabilité hospitalière :

phénoménologie de la détermination des responsables en droit administratif

Section 2 : L’invention de règles spécifiques pour certains cas particuliers

I. La nécessité de résoudre des difficultés techniques d'imputabilité

1. La responsabilité hospitalière :

Elle est soumise depuis 1935371 à un double régime, partagée entre faute simple et faute lourde selon qu'étaient en cause l'organisation du service hospitalier (faute simple) ou les actes médicaux ou chirurgicaux (faute lourde). Cette situation semblait d'ailleurs correspondre au champ naturel d'application des systèmes de faute lourde, les actes médicaux correspondant sans équivoque à ces activités administratives particulièrement délicates à accomplir et dans lesquelles la notion d'obligation de résultat semble par nature étrangère.

Cependant, comme le remarque C. DEBOUY372, cette situation n'était pas tout à fait aussi simple, dans la mesure où la faute lourde était en fait admise assez libéralement et, surtout, parce que “ le juge utilisait fréquemment la notion de faute simple dans l'organisation ou le fonctionnement de l'hôpital pour le condamner en raison de préjudices occasionnés lors d'actes médicaux ou chirurgicaux ”.373

On sait que ce système, tel qu'il avait évolué, a été abandonné par l’important arrêt d'Assemblée “ époux V. ”374. Sans plus détailler une matière qui a fait l’objet d’un très grand nombre de synthèses et d’articles au point de faire figure désormais d’un “ classique ” du droit de la responsabilité, il résulte du système actuel que la victime d’un dommage résultant d’un acte médical doit en principe démontrer le caractère fautif de cet acte, sans que la faute en question

371

CE 8 novembre 1935, Veuve Loiseau et dame Philipponneau, R. p. 1019 ; récemment : CE 16 juin 2000, Hospices civils de Lyon, req. n° 196255, JCP 2000.IV.2868 obs. M.C. ROUAULT.

372

Le droit français de la responsabilité administrative, art. préc., p. 251

373

Il est tout à fait connu par ailleurs que cette évolution participe d’un mouvement plus large en faveur de la reconnaissance de la notion de “ contrat d’hospitalisation et de soins ” mettant à la charge du médecin une véritable obligation de résultat. Une première avancée a été réalisée par la Cour de cassation, s’agissant des infections nosocomiales : “ le contrat

d’hospitalisation et de soins conclu entre un patient et un établissement de santé (ou un médecin) met à la charge de ce dernier, en matière d’infection nosocomiale, une obligation de sécurité et de résultat dont il ne peut se libérer qu’en apportant la preuve d’une cause étrangère ” : Cass. Civ. 1ère, 29 juin 1999, P, B, R. (3 espèces), D. 1999, jurisprudence p. 559, note D. THOUVENIN ; Gaz. Pal. 1999 n°302-303 p. 40, note J. GUIGE. Et l’étude de C. CLEMENT, La responsabilité des établissements de santé du fait des infections nosocomiales, LPA 2 septembre 1999, n° 175, p. 12.

soit nécessairement une faute qualifiée. Là encore, les réserves qu’on évoquait quant à l’évolution générale vers une marginalisation de la faute lourde restent pertinentes.

La responsabilité hospitalière est enfin l’un des domaines d’application d’une responsabilité pour risque, dans des conditions cependant très rigoureuses375, s’agissant de l’aléa thérapeutique depuis l’arrêt d’Assemblée Bianchi376. On sait que la Cour de cassation épouse une solution inverse en jugeant que l’obligation de “ sécurité - résultat ” du médecin a un domaine limité et que “ la réparation de l’aléa thérapeutique n’entre pas dans le champ des obligations dont un médecin est contractuellement tenu à l’égard de son patient ”377. On sait encore que le projet de loi sur les “ droits des malades ” devrait être examiné dans le courant de l’année 2001 et devrait contenir un mécanisme d’indemnisation sans faute fondé sur la solidarité nationale378. En

374

CE, Ass., 10 avril 1992, époux V. GAJA, 11ème éd. p. 768 avec les références.

375

Comme le précise récemment le commissaire du gouvernement CHAVAUX, il faut que les troubles soient hors de proportion avec ceux dont le patient souffrait auparavant en ne constituent pas un développement normalement prévisible de son état antérieur : Concl. sur CE 27 octobre 2000 (2 arrêts), D. 2001 p. 1196.

376

CE Ass. 9 avril 1993, R. p. 127, concl. S. DAËL ; D. 1994 Somm. p. 65, obs. BON et TERNEYRE et le considérant bien connu : “ lorsqu’un acte médical nécessaire au

diagnostic ou au traitement du patient présente un risque dont l’existence est connue, mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l’exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l’état initial du patient comme avec l’évolution prévisible de son état, et présentant un caractère d’extrême gravité ”.

377

Cass. civ. 1ère 8 novembre 2000, M. T. c/ M. D., JCP. 2001.II.10493, rapport P. SARGOS note F. CHABAS ; LPA 4 décembre 2000 n° 241 p. 14 note S. PRIEUR.

378

Cf. Les Echos du 17 avril 2001 p. 2 : “ L’Etat a décidé d’indemniser les victimes d’accidents médicaux ”. La proposition de loi “ relative à l’indemnisation de l’aléa médical et à la responsabilité médicale ” a été adoptée par le sénat en première lecture le 26 avril 2001. Elle prévoit l’insertion d’un article L. 321-4 du code de la sécurité sociale aux termes duquel

“ l’assurance maladie prend en charge la réparation de l’intégralité du dommage subi par un patient, ou par ses ayants droits en cas de décès, à l’occasion d’un acte ou de soins médicaux dès lors que la juridiction compétente aura établi que :

1. aucune faute n’a été commise à l’occasion de l’acte ou de soins médicaux ; 2. le dommage est sans lien avec l’état du patient ou son évolution prévisible ; 3. que ce dommage est grave et anormal.

Le montant du préjudice est fixé par la juridiction compétente ” : proposition de loi n° 79

l’état actuel de la proposition de loi, l’indemnisation serait le fait du régime d’assurance maladie379, alors que les débats relatifs à la nécessité d’unifier la compétence juridictionnelle380 ne semblent pas avoir été pris en compte.

Ce type de technique d’indemnisation, fondée sur la solidarité nationale, avait déjà été utilisé à l’occasion de la survenance de nouveaux risques dits “ sériels ”, à l’occasion notamment du drame du sang contaminé.

2. La responsabilité dans le cadre du service public de la transfusion