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Le fondement traditionnellement admis :

Les deux fondements traditionnels de la responsabilité sont la responsabilité assise sur la faute : on est tenu de réparer les dommages causés par nos erreurs, nos actions fautives, et la responsabilité sans faute148, pour risque : on est tenu de

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Sur cette question, voir notamment la tentative de systématisation proposée par Pierre DELVOLVE : La responsabilité du fait d’autrui en droit administratif, Mélanges Marty, p. 407 s. : “ Pour parler de responsabilité du fait d’autrui au sens strict, il faut être en présence

de faits dans lesquels l’agissement d’un individu apparaît distinctement, en tant que tel, et engage cependant la responsabilité d’une autre personne. Dans cette acception, la responsabilité du fait d’autrui ne recouvre donc pas toute la responsabilité, mais seulement les cas où une personne publique est reconnue responsable alors que le dommage est causé matériellement par une autre personne, que l’on détermine exactement ” (p. 408).

148

Responsabilité comprise comme “ un moyen pour l'administration de poursuivre les

activités d’intérêt général d’une façon socialement plus acceptable dès lors qu’une compensation s’avère possible quand des intérêts particuliers sont lésés de façon trop importante ” : P. FOMBEUR, Les évolutions jurisprudentielles de la responsabilité sans

réparer toutes les conséquences de nos actes, qu’ils aient pour origine une action fautive ou non.

Cependant, on peut être tout à fait convaincu par la présentation de Charles EISENMANN qui, dans une étude classique consacrée au degré d’originalité de la responsabilité administrative149, estimait nécessaire de distinguer le fondement immédiat de la responsabilité d’une personne publique, comme par exemple le fait d’être la cause du dommage, du fondement médiat, norme “ méta juridique ”, raison d’être qui la justifie, ce qui correspond dans le cadre du système des articles 1382 et suivants du code civil au postulat que l’on doit réparer ses fautes.

On indiquerait ainsi que le débat sur la nécessité de l’existence d’une faute correspond à celui de savoir dans quelles conditions le juge administratif est susceptible de mettre en œuvre la responsabilité d’une personne publique, ce qui, là encore, n’est pas répondre à la question de savoir ce à quoi ces solutions s’ordonnent : la faute ainsi n’est qu’une variable technique correspondant à la mise en œuvre immédiate du fondement médiat résulté du compromis social compris dans les énonciations du code civil.

Plus encore, on peut s’interroger sur le point de savoir si les évolutions auxquelles on assiste actuellement s’agissant des conditions de mise en œuvre de la responsabilité n’ont pas pour fondement, au regard des évolutions idéologiques évoquées plus haut, un changement du fondement médiat de la responsabilité : si pour Charles EISENMANN, en 1949, il s’agissait du postulat de l’obligation de réparer ses fautes, n’est-on pas passé à celui de l’obligation d’indemniser tout dommage, quelle qu’en soit l’origine150 ?

Finalement, le débat se résume à tenter d’analyser a quel fondement immédiat le juge administratif ordonne la mise en œuvre de la responsabilité administrative. Il apparaît alors qu’une personne publique peut être tenue d’indemniser les conséquences dommageables de ses actes soit parce qu’elle a

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Sur le degré d’originalité du régime de la responsabilité extra-contractuelle des personnes (collectives) publiques, op. cit. n° 2

commis une faute, soit, en l’absence de faute, parce qu’elle a rompu, au détriment de la victime du dommage, le principe d’égalité devant les charges publiques. Dans cette seconde hypothèse, on peut distinguer le cas où elle a tiré profit d’une activité et celui dans lequel c’est le caractère “ choquant ” du préjudice causé et des conditions dans lesquelles il est survenu qui conditionnent la mise en œuvre de la responsabilité de la personne publique.

Le principe : l'administration est tenue de réparer ses fautes

On peut avancer que la notion de faute caractérise encore le droit commun de la responsabilité administrative : “ la responsabilité pour faute (comprise comme le fonctionnement défectueux du service qui s’analyse en un manquement aux obligations qui s’imposent à lui), constitue en quelque sorte le droit commun de la responsabilité administrative ”151. La question ne mérite pas de plus amples développements tant le consensus semble être total sur cette question, au terme d’une évolution plus que séculaire depuis la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat.

L’exception : le principe d’égalité devant les charges publiques :

Depuis l’arrêt Cames, le risque fait certainement partie des notions fondatrices de la responsabilité administrative. Mais comme l’indique le professeur PAILLET, “ il s’agit d’une notion à plusieurs facettes ”152 qui englobe à la fois le risque-profit et le risque-créé ou encore le risque social. L’ensemble de ces composantes semblent correspondre à la nécessité de réparer un dommage considéré comme “ anormal ”, que ce soit en raison de la grande dangerosité de l’activité mise en œuvre par l'administration, ou en considération de la gravité des risques auxquels elle soumet ses collaborateurs, déterminée au cas par cas par le juge administratif, et donc ne pouvant faire l’objet d’une meilleure synthèse.

150

Sur le degré d’originalité, JCP 1949.I.751.

151

G. DARCY, La responsabilité de l'administration, préc. p. 66.

152

C’est donc le principe d’égalité devant les charges publiques qui est susceptible de justifier cette responsabilité : lorsque l’activité administrative fait subir un dommage anormal et spécial, elle engendre une rupture de l’égalité devant les charges publiques qui doit être compensée par le versement d’une indemnité. Cependant, on peut s’interroger sur le point de savoir dans quelle mesure l’idée de fonder la responsabilité des personnes publiques sur l’égalité devant les charges publiques ne conduit pas nécessairement à considérer que tout dommage constitue une charge et doit partant être indemnisé, l’administration étant tenue non plus à une obligation de réparer les fautes qu’elle ne pouvait pas ne pas commettre mais toutes ses activités dommageables, même les plus “ difficiles ” à mettre en œuvre153. On assisterait alors, et c’est peut-être de la sorte que doivent s’analyser les mouvements “ objectifs ” contemporains, à une modification du fondement médiat de la responsabilité des personnes publiques qui deviendrait une simple obligation d’assurance .

Cette imprécision154 disqualifie semble-t-il l’usage de ce critère unique de la responsabilité administrative, et on peut probablement affirmer, avec le professeur PAILLET, que “ le recours à une analyse pluraliste paraît inévitable ”155.