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L’indivisibilité du pouvoir de police :

phénoménologie de la détermination des responsables en droit administratif

Section 2 : L’invention de règles spécifiques pour certains cas particuliers

B. L’indivisibilité du pouvoir de police :

Il faut évoquer ici notamment le cas de la prévention des inondations (1), les hypothèses déjà étudiées de lutte contre l’incendie (2) et la responsabilité dans le cadre de la police de la circulation (3).

1. La responsabilité en matière de prévention des inondations :

Ici, la difficulté résultait pour le requérant de l’existence concomitante d’un “ service d’annonce des crues ” sous la responsabilité de l’Etat et de la compétence des maires, au titre de leur pouvoir de police général, pour préserver la sécurité sur le territoire de leurs communes.

Dans une espèce Ville de Rennes439, le Conseil d’Etat règle cette question

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CE 15 janvier 2001, AP-HP, n° 208958, D. 2001 IR. p. 597, RFDA 2001 p. 536. Avant la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire, créant l’Etablissement français du sang qui regroupe l’ensemble des centres et relève du juge administratif pour son contentieux, les centres de transfusion sanguine pouvaient effectivement avoir un statut de droit public ou de droit privé.

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Sur les actions en garantie, voit infra.

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CE Avis, 20 octobre 2000, Torrent, préc.

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CE, 22 juin 1987, Ville de Rennes, R. p. 223, AJDA 1988 p. 65, obs. MOREAU. Par ailleurs, le fait du tiers n’est même pas exonératoire puisque pour le Conseil d’Etat, “ la ville

de Rennes ne saurait s’exonérer de la responsabilité qu’elle a encourue dans l’exercice de la mission de prévention des inondations qui lui incombe en vertu du code des communes en

en décidant que c’est le patrimoine communal qui doit être mis en cause systématiquement, même lorsque le service étatique est susceptible d’avoir commis une faute : la requête visant à engager la responsabilité de l’Etat est rejetée au motif qu’“ il appartenait uniquement au service d’annonce des crues mis en place par l’Etat de communi quer aux communes toutes informations sur la montée des eaux en vue de faciliter l’exercice par lesdites communes de leur mission de police ; par suite, la carence dont ce service aurait fait preuve dans l’accomplissement de ses obligations envers les communes ne peut pas engager la responsabilité de l’Etat envers les victimes ”.

2. La primauté de la police en matière de lutte contre l’incendie :

On a déjà eu l’occasion d’indiquer que dans le cadre de la lutte contre l’incendie, la responsabilité de la commune lieu du sinistre est traditionnellement retenue, même lorsqu’en pratique le maire n’a eu aucune prise sur le déroulement des événements, comme c’est le cas dans le cadre des plans ORSEC440. De la même façon, la responsabilité de la ville de Paris put être recherchée à raison des fautes lourdes qu’auraient commises les services de lutte contre l’incendie de la préfecture de police dans la mesure où elle est intervenue dans le cadre de compétences communales441. Mais cette solution s’intègre dans le cadre plus large de la jurisprudence relative aux responsabilités respectives de la commune et de l’Etat dans le cadre de la police étatisée442.

3. Dans le cadre de la police de la circulation :

On se trouve là encore dans le cadre du principe de l’imputation fonctionnelle de la responsabilité puisque, par exemple, le juge administratif443 estime que “ le dérèglement d’un feu de signalisation dont la commune a la charge de l’entretien engage sa responsabilité en cas d’accident ” et que “ c’est

invoquant les fautes qu’aurait commises le service d’annonce des crues mis en place par l’Etat en tardant à informer les services municipaux de la montée des eaux. ”

440

cf. supra.

441

CE, 26 juillet 1985, Sté Sommer-Allibert, R. Tables, 770.

442

Cf., infra, les développements relatifs à cette question.

443

à tort que le tribunal administratif condamne l’Etat à garantir la commune des condamnations encourues par elle alors que, si l’accident est survenu à un moment où la surveillance des feux de croisement était assurée par des personnels de gendarmerie, ces personnels exerçaient leur mission de surveillance à la demande du maire de la commune et qu’il n’est pas établi qu’ils aient transgressé ou méconnu aucun ordre donné par le maire ”.

La responsabilité est identique dans le cadre d’une police étatisée444.

En la matière, là encore, la tâche est donc grandement facilitée pour les victimes, au détriment une fois de plus du patrimoine communal, au nom du primat de la responsabilité issue du pouvoir de police générale du maire.

Il nous faut cependant étudier d’autres occurrences dans lesquelles le sort des justiciables est nettement moins favorable.

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444

CE, 3 avril 1981, Ville de Bayonne, R. Tables, p. 902 ; D. 1982 IR p. 57, obs. MODERNE et BON.

Sous - Titre 2 :

Les cas complexes de détermination du patrimoine public responsable

Déjà, la mise en œuvre des dispositions législatives spécifiques et des régimes jurisprudentiels particuliers nous a mis en présence de solutions apparemment éparses. Cette situation est amplifiée s’agissant des cas complexes dans lesquels la jurisprudence administrative semble, comme au coup par coup, tenter de remédier à des problèmes de détermination du patrimoine public responsable assez insondables en raison, d’une part, du silence des textes ou au contraire de leur incohérence et, d’autre part, de l’intervention concomitante dans la réalisation d’un dommage de plusieurs personnes publiques.

Un point cependant est sûr, et résulte de la méthode même adoptée par le juge administratif445 : cette recherche doit s’effectuer en deux temps. Il s’agit d’abord de déterminer la personne publique, si elle existe, chargée d’indemniser la victime. Ce n’est que dans un second temps qu’il faudra s’interroger sur la réalité des responsabilités respectives des différents intervenants446.

Ainsi, la recherche concernera-t-elle d’abord, chronologiquement, la personne répondante : il faudra alors déterminer la responsabilité primaire (chapitre 1). Ne viendra que dans un deuxième temps la question de la personne responsable, dans la détermination de la responsabilité secondaire (chapitre 2).

445

Et qui correspond par ailleurs à la justification du système de la responsabilité administrative qui, on l’a vu, emprunte moins à une éthique de la faute et de sa sanction qu’à l’impératif catégorique victimologiste de réparer.

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Chapitre 1. Détermination de la responsabilité primaire :