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Les communes à police d’Etat :

phénoménologie de la détermination des responsables en droit administratif

Section 1. Interférences fonctionnelles structurelles :

I. Interférences fonctionnelles structurelles dans le cadre des rapports Etat commune

2. Les communes à police d’Etat :

La solution de principe (a) ne trouve de limite que dans le cas particulier des dommages causés par les collaborateurs occasionnels de l'administration (b).

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Conclusions J. GUIONI sous CE, Ass. 27 décembre 1948, commune de Champigny-sur- Yonne, R. p. 493 ; D. 1949, p. 408.

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CE 10 novembre 1999, Société de gestion du port de Campoloro, R. p. 348 ; RFDA 2000, p. 1107 et la note de P. BON p. 1096 : les considérants sont clairs : “ il résulte des diligences

ainsi accomplies (…) que le préfet n’a commis aucune faute dans l’exercice des pouvoirs dévolus par la loi du 16 juill. 1980 ; que par suite, la responsabilité de l’Etat ne saurait être regardée comme engagée à raison d’une telle faute ”.

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a. La solution de principe :

Dans les communes de la Région parisienne, la loi du 10 juin 1853 avait dépossédé le maire des pouvoirs de police municipale, qui avaient déjà été attribués dans Paris au préfet de police par un arrêté des Consuls du 12 messidor an VIII.. Le Conseil d’Etat décide là encore que “ l’arrêté des consuls qui donne compétence au préfet de police en matière de lutte contre l’incendie n’a pas pour objet de rendre l’Etat responsable ”501 et que “ la ville de Paris est responsable des fautes (lourdes) commises par les services de lutte contre l’incendie de la préfecture de police ”502.

Ce système de police d’Etat est étendu par la loi du 23 avril 1941 à toutes les communes de plus de 10 000 habitants et résulte aujourd’hui des articles L.2214-1 et suivants du CGCT aux termes desquels il est institué dans toutes les communes chefs-lieux de département et, le cas échéant, dans les communes dont le nombre d’habitants dépasse 20 000 habitants et où les caractéristiques de la délinquance sont celles des zones urbaines. Dans ces communes, les autorités de police sont un personnel d’Etat, dont la discipline n’est pas assurée par le maire, qui reste cependant investi d’une importante partie des pouvoirs de police municipale. Les agents de police d’Etat sont mis à sa disposition pour l’accomplissement de ces prérogatives.

En ces matières, l’Etat est seul responsable des dommages causés par les activités de police sur le territoire des communes à police étatisée503.

Pourtant, la reconnaissance de ce principe a fait l’objet d’hésitations de la

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CE, 10 décembre 1986, Robert, R. Tables p. 711

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CE, 26 juillet 1985, SA Sommer-Allibert, R. Tables p. 770

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Conclusions DAYRAS sous CE Ass. 3 juin 1938, société des établissements H. Pellet, R. p. 521, RDP 1938, p. 375 note J. APPLETON, D. 1938.3.65 Comm. JEZE : “ Le principe

est de demander réparation du dommage causé par l’action ou l’inaction de la police à l’autorité chargée d’assurer l’ordre dans la circonscription... Le régime de la police d’Etat s’applique à Oullins et à Marseille...la commune du Kremlin-Bicêtre se trouvant dans le

part des commissaires de gouvernement dans le cadre d’une interrogation plus large sur le problème de savoir si l’imputabilité doit se fonder sur le critère de la nature du service en cause ou sur le lien hiérarchique existant entre l’agent cause du dommage et l’autorité de laquelle il dépend. Ce débat ayant pour conclusion que si le juge administratif privilégiait en règle générale le critère tiré de la nature du service, il dérogeait à ce principe s’agissant des communes à police étatisée, et qu’il le faisait pour des questions de pure équité.504

Ainsi pour BARBET505, dans le domaine des compétences confiées au préfet “ vous avez jugé que les agents de police agissaient comme les préposés de l’autorité préfectorale et qu’ils engageaient la responsabilité de l’Etat.

Notons que si, pour des raisons très compréhensibles d’équité, il vous a paru nécessaire de décharger dans les cas ainsi définis les communes de toute responsabilité, une telle solution ne s’imposait pas du point de vue juridique ”,

les pouvoirs en cause étant des pouvoirs de police municipale, et “ dès lors le

département de la Seine, est dans la même situation ; c’est avec raison que l’Etat a été mis en cause.”

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“ Opposant deux points de vue, celui d’après lequel la police est en principe matière

municipale par nature et doit normalement entraîner la responsabilité de la commune en raison de son mauvais fonctionnement, et celui d’après lequel l’étatisation de la police municipale ayant pour effet de placer les agents sous le contrôle de l’Etat, BARBET estimait que votre jurisprudence pouvait s’offrir deux solutions différentes, d’après le critère retenu pour déterminer la collectivité publique responsable : 1) Le critère tiré de l’organisation du service conduirait à rechercher sous l’autorité de qui se trouvent placés les agents, tant par leur statut que dans le fonctionnement du service et à en tirer une conséquence directe quant au choix de la collectivité responsable. 2) Le critère tiré d’une analyse de la nature du service, indépendamment de la qualité de l’agent, est beaucoup plus nuancé, inspiré du principe d’après lequel il existe, par nature, des services publics nationaux, départementaux ou communaux, et fondé sur l’idée que la police est, par essence, affaire municipale, sauf exception, votre jurisprudence serait amenée à analyser la nature de l’activité de police. Dans les cas où il apparaîtrait que cette activité est demeurée municipale, seule la responsabilité de la commune pourrait être engagée, alors même que les agents d’exécution eussent été statutairement des agents de l’Etat (…) Néanmoins, l’adoption par votre jurisprudence du critère tiré de la nature des attributions de police exercées, est aujourd’hui constant. Cette jurisprudence en matière de police a le premier mérite de s’aligner sur celle qui est applicable à la responsabilité des divers services publics. Il n’en est pas moins vrai que le critère considéré est d’un maniement assez délicat en présence d’activités de police qui ne procèdent pas toutes de la même nature, certaines demeurant dans le cadre des affaires municipales, d’autres étant passées dans le domaine des attributions de l’Etat. ” : LAURENT : conclusions sur CE 1er Octobre 1954, Sieur Bernard, R. p. 505

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préfet, lorsqu’il agit en ces matières, le fait comme agent désigné de la police municipale et nullement en vertu de ses pouvoirs de police générale... ”

De la même façon, pour LAURENT506, si la loi de 1941 a dessaisi le maire d’une partie de ses pouvoirs de police “ on aurait pu normalement concevoir que le transfert au préfet de ces attributions n’en altérât pas la nature et que, par voie de conséquence, la collectivité responsable des agissements de cette “ police municipale étatisée ” demeurait la commune. Si vous avez adopté une solution différente507, c’est uniquement semble-t-il, en fonction de considérations d’équité à l’égard des petites communes ”.

Quoi qu’il en soit, le juge administratif applique strictement les dispositions des articles L.2214-1 et suivants du code des collectivités territoriales confiant à l’Etat la compétence en matière de police dans les villes de plus de 100 000 habitants, en reconnaissant la responsabilité de la commune à chaque fois que le dommage résulte d’une activité qui n’entre pas dans le cadre des compétences de l’Etat, et qui reste donc de la compétence communale508.

L’article L. 2214-4 du même code dispose d’ailleurs clairement que “ tous les autres pouvoirs de police énumérés aux articles L. 2212-2, L. 2212-3 et L. 2213-9 sont exercés par le maire y compris le maintien du bon ordre dans les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ”. Seuls restent donc susceptibles de mettre en cause la responsabilité de l’Etat les pouvoirs de police “ mis à la charge de l’Etat ”, c’est-à-dire ceux prévus au 2° l’article L. 2212-2.

Ce qui correspond à l’énumération suivante : d’une part, “ le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes

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Conclusions préc, R. p. 505

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Dans l’arrêt Desgranges

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Voir, par exemple, TA Rouen 2 avril 1971, Diverres, R. 845 : dans le cadre de violences policières, l’agent agissant en vertu du pouvoir de police conféré aux autorités municipales par l'article 97-1 du code de l'administration communale, en accomplissant des missions qui ne sont pas au nombre de celles transférées à l’Etat dans les communes à police étatisées, l’action dirigée contre l’Etat est mal dirigée.

accompagnées d’ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d’assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits du voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ” alors que d’autre part “ l’Etat a la charge du bon ordre quand il se fait occasionnellement de grands rassemblements d’hommes ”.

Il n’en reste pas moins, malgré le charme désuet de ces dispositions, qu’il peut paraître surprenant de fonder la détermination du patrimoine public responsable en matière de police étatisée sur les seules énumérations de l'article L.2212-2 qui prévoit pourtant expressément que “ la police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Elle comprend notamment… ”.

b. L’exception : les collaborateurs occasionnels

Il faut cependant réserver, dans le sens d’une application rigoureuse, voire rigoriste mais beaucoup plus cohérente, du principe fonctionnel d’imputation de la responsabilité le cas de l’imputation à la commune des conséquences dommageables de l’intervention d’un collaborateur occasionnel. Le Conseil d’Etat, dans un arrêt Ville de Caen509, impute la responsabilité d’un dommage survenu à une personne qui est intervenue dans le cadre du pouvoir de police générale du maire, alors même que la police de la ville est une police d’Etat. C’est, là encore, une application de la jurisprudence Pinguet510.

II. Interférences fonctionnelles dans le cadre des rapports Etat -