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Déflectométrie moiré

12.4 Théorie : optique géométrique

12.4 Théorie : optique géométrique

Avant de se pencher sur la théorie de la déflectométrie moiré, il est nécessaire de présenter un interféromètre moiré typique. Ce dispositif de mesure, présenté sur la figure 12.1, est consti-tué uniquement d’une source de lumière monochromatique et parallèle, et de deux réseaux en transmission (réseau de Ronchi)G1etG2séparés par une distanced. Les réseaux sont tournés dans le plan yz respectivement d’un petit angle α/2 et−α/2de manière à former des figures d’interférences (figure 12.2). Afin d’observer les franges de moiré, un écran est placé à une

G1 G2

d

p Ecran

z x

y Rayons de lumière parallèles

L

Figure 12.1 – Schéma d’un déflectomètre moiré typique.

distance L de G2. Souvent, la littérature préconise de placer l’écran juste derrière le second réseau [27]. C’est ce que l’on va postuler pour l’instant, mais nous verrons avec une approche plus complexe que cette condition n’est pas nécessaire. L’objet à diagnostiquer se place avant le réseauG1.

D’une manière générale, et ce quel que soit le domaine d’application, l’utilisation de l’effet moiré se fait toujours par l’étude de la perturbation des figures d’interférences produites. Dans le cas des mesures topographiques, la perturbation des franges est due aux reliefs de l’objet à étudier qui modifie l’ombre projetée des réseaux. Pour l’étude des déformations d’éprouvettes, c’est la déformation du réseau collé sur ces dernières qui entraîne une modification de la figure d’interférence.

Dans notre cas, les gradients d’indice de l’objet à diagnostiquer vont courber les rayons lumineux ; cela aura pour effet de modifier l’ombre de G1 et donc, de perturber les figures d’interférence. Finalement, l’étude des figures d’interférence à la sortie deG2revient à étudier la superposition de l’ombre deG1sur le réseauG2.

12.4.1 Méthode des équations paramétriques

Les grilles de Ronchi sont des réseaux en transmission constitués de lignes parallèles com-plètement opaques. Un réseau dont les traits sont verticaux peut être aisément décrit à l’aide d’une équation paramétrique de la forme :

x=mp, (12.34)

152 Chapitre 12. Déflectométrie moiré

2 2

x

y G1

G2

Figure12.2 – Formation de franges de moiré à l’aide de deux structures périodiques similaires aux grilles de Ronchi.

avecmun nombre entier etple pas du réseau. xcorrespondra à la position des traits sombres du réseau. Lorsque le réseau est tourné d’un angle α/2, la configuration obtenue est similaire à celle présentée sur la figure 12.3. Cette fois ci, l’équation paramétrique est :

x= mp

cos(α/2) −b. (12.35)

À l’aide de la figure 12.3, on peut définirb comme : b=ysin(α/2)

cos(α/2). (12.36)

Au final, on obtient :

x= mp

cos(α/2) −ysin(α/2)

cos(α/2). (12.37)

Les figures d’interférences sont obtenues grâce à la superposition de l’ombre de G1 avecG2.

Si le déflectomètre ne contient aucun objet à diagnostiquer, l’ombre aura la même équation paramétrique queG1. Cherchons la position des franges sombres, c’est-à-dire, si l’on examine la figure 12.2, les points où l’ombre etG2se superposent. Pour l’ombre de G1, nous avons :

x= mp

cos(α/2) −ysin(α/2)

cos(α/2). (12.38)

Tandis que pourG2, on écrit :

x= np

cos(−α/2) +ysin(α/2)

cos(α/2). (12.39)

Les points d’intersection des deux réseaux correspondent aux points où m±n=l avec l un nombre entier. En réécrivant les relations précédentes, on trouve :

m= x cos(α/2) +y sin(α/2)

p , (12.40)

12.4. Théorie : optique géométrique 153

p

2

x y

0

mp/cos

m=2 m=3

2

a y= a cos

2

b= a sin 2

Figure 12.3 – Schéma d’un réseau tourné d’un angleα/2. De la géométrie élémentaire permet d’obtenir l’équation paramétrique du réseau.

n= x cos(α/2)−y sin(α/2)

p , (12.41)

l=m−n= 2y sin(α/2)

p . (12.42)

La relation que l’on vient de calculer permet de trouver la position des franges de moiré. Si l’on se place dans le cas où l’angleα/2est petit, on peut assimilersin(α/2) àα/2. On obtient ainsi :

l= yα

p . (12.43)

y= lp

α. (12.44)

Le pas des franges de moiré est de p/α, il peut être modifié simplement en faisant varier l’angle d’inclinaison des réseaux. Si l’on met un angle nul entre les réseaux, aucune frange n’est visible. Cette configuration particulière est dénommée déflectométre moiré à frange infinie, elle permet d’obtenir des résultats quantitatifs rapidement interprétables. Nous verrons par la suite comment traiter ce cas.

Imaginons pour le moment qu’un objet contenant des gradients d’indice est placé dans le déflectomètre juste avant G1 comme indiqué sur la figure 12.4. La présence de ces gradients va déflecter les rayons lumineux d’un angleβ dans le planz, x, perturbant l’ombre de G1 au

154 Chapitre 12. Déflectométrie moiré

G1 G2

d

p

Ecran z

x y

Rayons de lumière parallèles

ß

n

Figure12.4 –Schéma d’un déflectomètre contenant un objet à diagnostiquer. Au niveau deG2, le décalage d’un point de l’ombre deG1dû à la déflection des rayons lumineux est ded.tan(β).

niveau deG2. On aura ainsi pour l’ombre deG1 à cet endroit : x= mp

cos(α/2) −ysin(α/2)

cos(α/2) +d tan(β). (12.45) L’équation deG2 étant toujours la même, la position des points d’intersection de l’ombre et du réseau sera :

m= (x−d tan(β)) cos(α/2) +y sin(α/2)

p ; (12.46)

n= x cos(α/2)−y sin(α/2)

p ; (12.47)

m−n=l= −d tan(φ) cos(α/2) + 2y sin(α/2)

p . (12.48)

En considérant que les angles β et α/2 sont petits, on posetan(β) ≈β,cos(α/2) ≈1 et sin(α/2) ≈α/2. La relation précédente se simplifie en :

l= −d(β) +yα

p ; (12.49)

y= lp+dβ

α . (12.50)

Le décalage des franges provoqué par la perturbation est de :

∆y= lp+dβ α −lp

α = dβ

α . (12.51)

Ce résultat est intéressant puisqu’il montre que le déplacement d’une frange est proportion-nel à l’angle de déflection des rayons lumineux et à la distance entre les grilles de Ronchi. En

12.4. Théorie : optique géométrique 155 augmentant la distance inter-réseaux, nous sommes capable de mesurer de très petits angles de déflection. Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas évoqué la mesure d’indice de réfraction orienté selony. À cause de la configuration du système, il est évident que leur mesure n’est pas possible puisqueαest petit ; ils seront de fait quasi parallèles aux traits du réseau et n’auront aucune influence sur la figure d’interférence. Lors du traitement théorique de la shadowgra-phie quantitative, nous avons mis en évidence la relation entre l’angle de déflection d’un rayon lumineux et les gradients d’indice. La relation (11.6) nous donne :

dβ=nd(1/n)

dy dz = 1 n

dn

dydz. (12.52)

Pour un objet macroscopique on obtient : β =

Ici, on s’intéresse à des milieux gazeux de faible taille. Leur indice de réfraction est proche de 1 et on peut donc écrire :

β =

Z dδn

dy dz, (12.54)

avec δn= n(z)−nambiant. À l’aide de cette expression, nous sommes en mesure de calculer l’indice de réfraction d’un milieu à partir de l’angle de déflection mesuré par déflectométrie moiré.

À cause de sa simplicité, cette approche théorique est très limitée ; tout d’abord, on suppose que les réseaux sont constitués de lignes infiniment fines, ce qui n’est physiquement pas correct.

De plus, expérimentalement, on observe des figures d’interférence de forme sinusoïdale qui ne peuvent être décrites à l’aide de l’approche par équations paramétriques. Nous devons donc étudier la transmission de la lumière à travers des réseaux de manière plus détaillée.

Sur la déflectométrie moiré à franges Infinies

La déflectométrie moiré à frange infinie correspond au cas où un angle de rotation nul est fixé entre les réseaux. Dans cette configuration, aucune frange n’est visible, on remarque seulement une zone très lumineuse si les réseaux sont parfaitement alignés, ou bien une zone sombre dans le cas contraire. Si l’on reprend les équations paramétriques des réseaux, lorsqu’un objet à diagnostiquer est placé dans le déflectomètre, les zones d’intersections sont données pour le cas où les grilles de Ronchi sont parfaitements alignées par :

l= d.tan(β)

p . (12.55)

Les résultats obtenus peuvent être vu comme des cartes d’isocontours où les lignes sombres représentent des angles de déflection multiples de pd (fig.12.5).

L’analyse quantitative précise des résultats pour cette configuration est relativement com-pliquée car l’information n’est pas portée par un signal bien défini. Comme il n’y a pas de franges de moiré, l’information est contenue autour de la fréquence nulle dans l’espace de Fourier et ne peut pas être isolé par filtrage. Cependant, même si la déflectométrie moiré à frange infinie ne donne pas de résultats quantitatifs exacts, elle peut être utilisée pour obtenir un ordre de grandeur de l’angle de déflection en comptant les franges sombres. Cela permet par exemple de régler correctement la sensibilité d’un déflectomètre à franges finies.

156 Chapitre 12. Déflectométrie moiré

Figure 12.5 – Déflectogramme d’une flamme de bougie obtenue avec une configuration de type frange infinie.

12.4.2 Méthode de la composition de transmittances

Afin de montrer l’existence de figures d’interférence de forme sinusoïdale à la sortie d’un déflectomètre, nous avons choisi d’étudier la transmission de la lumière à travers des grilles de Ronchi sans prendre en compte les effets de diffraction. Pour cela, commençons par définir la transmittance d’un réseau t(x, y). Cette fonction donne la fraction de lumière traversant l’élément optique considéré au point x, y. Elle peut prendre comme valeur maximale 1: toute la lumière passe, et comme valeur minimale0 : toute la lumière est stoppée par le réseau. Les grilles de Ronchi sont des réseaux binaires, la lumière passe complètement ou ne passe pas du tout. De ce fait, si l’on considère que les réseaux sont infinis, ces derniers peuvent être décrits par une fonction créneau périodique. Comme les fonctions étudiées sont périodiques et que l’on s’intéresse à des fréquences spatiales, il peut être judicieux de décrire la transmittance des grilles de Ronchi par des séries de Fourier [28]. Pour un réseau de pasp et dont les traits sont perpendiculaires à l’axex, on aura :

t(x, y) =

X

n=−∞

Cnexp(j2π

p nx), (12.56)

avecCnles coefficients de Fourier complexes,nun nombre entier etple pas du réseau. On peut voir les séries de Fourier comme la décomposition d’une fonction compliquée en une somme de fonctions plus simples : les exponentielles complexes. LesCn correspondent à l’intensité à la fréquencen/p de la fonction décomposée, ils sont définis par :

Cn= 1 T

Z T /2

−T /2

f(x)exp(−j2πn

T x)dx. (12.57)

Dans le cas d’une fonction créneau périodique,Cn prend la forme d’un sinus cardinal : Cn= 1

2

sin(πn2 )

πn 2

= 1

2sinc(n

2). (12.58)

La forme de la fonction Cnest représentée sur la figure 12.6.

Revenons maintenant au montage présenté dans l’introduction, pour les réseauxG1etG2, on a, grâce à la relation (12.56) et à une simple projection :

12.4. Théorie : optique géométrique 157

La figure d’interférence à la sortie du déflectomètre est une composition des transmittances deG1 etG2 :

Essayons d’identifier dans cette double somme les termes correspondants aux franges de moiré. Afin d’obtenir une expression plus simple à manipuler, on réécrit l’expression (12.61) en utilisant une somme de Cauchy :

t1t2(x, y) =P

158 Chapitre 12. Déflectométrie moiré Le changement de variable n2 = s−n1 est effectué pour faire apparaître un produit de convolution discret :

Cette somme reste relativement complexe à manipuler. Afin de simplifier notre raisonne-ment, intéressons-nous uniquement au module de chaque terme de la somme afin de déterminer ceux qui peuvent être supprimés :

Comme on peut le constater sur la figure 12.6, la fonction sinc(n/2) est nulle pour tout nombre entier npair.

Considérons le cas oùsest impair ; pour cette partie de la somme, sin1est pair les termes sont nuls et si n1 est impaire, alors s−n1 est pair et les termes sont la aussi nuls. Dans les cas où s est impair, il résulte que l’ensemble des termes sont nuls sauf ceux avec n1 = 0 et n1 =s: Si l’on réécrit les termes exponentiels jusque là négligés, on a avec simpair :

On reconnaît ici les deux séries de Fourier décrivant la transmittance de chacun des réseaux au terme continu près. Le cas oùsest pair reste à traiter. Si, comme précédemment, on néglige les exponentielles de la somme, il nous reste :

n1=−∞Cs−n1Cn1 est une convolution discrète, on peut l’estimer en utilisant les propriétés de la transformée de Fourier. La convolution de deux sinus cardinaux dans l’espace réel donne une fonction rectangle dans l’espace de Fourier. Si l’on retourne dans l’espace réel, la transformée de Fourier inverse d’un rectangle est un sinus cardinal (voir section 12.1). La partie correspondant à l’amplitude des termes dans la somme donne :

12.4. Théorie : optique géométrique 159 Expérimentalement, on sait que les franges de moiré sont intenses et visibles à l’œil nu. De plus, l’approche par équation paramétrique a permis de montrer que leur fréquence spatiale était beaucoup plus faible que celles des réseaux. Avec cela à l’esprit, on en déduit que les seuls termes susceptibles de contenir les franges de moiré sont ceux pour lesquelss= 0 :

M(x, y) =

X

n1=−∞

Cn1Cn1exp

j2π

p (2n1sin(α/2)y)

. (12.69)

Seuls les termes de basse fréquence (n1 =−1,1) nous intéressent ici car il contiennent la majeure partie de l’information des franges de moiré.

M(x, y)≈ 1

2sinc(1/2)2cos

j2π

p (2 sin(α/2)y)

. (12.70)

La fréquence du signal obtenu, 2 sin(α/2)p , est en accord avec le pas des franges calculé à l’aide des équations paramétriques (eq. 12.42). Afin de bien visualiser la partie du signal qui a été isolée ici, des franges de moiré ont été simulées à l’aide des équations paramétriques de deux réseaux. Elle sont présentées, ainsi que leur transformée de Fourier, sur la figure 12.7. Les points en diagonale sur la transformée de Fourier correspondent aux termes décrivant les deux réseaux de Ronchi. Les fréquences placées à la verticale au centre de la figure correspondent aux

Figure12.7 –Franges de moiré simulées et leur transformée de Fourier. La partie considérée dans l’équation (12.70) correspond aux termes entourés.

termes décrivant les franges de moiré. On a entouré sur cette figure les termes sélectionnés pour écrire l’équation (12.70). On constate aisément que ces deux termes contiennent la majeure partie de l’information sur les franges.

Considérons maintenant le cas où le déflectomètre contient un objet à diagnostiquer ; la lumière qui arrive surG1n’est plus parallèle, certains rayons ont été courbés lors de la traversée du milieu contenant des gradients d’indice. Comme précédemment, la perturbation de l’ombre deG1peut être prise en compte en considérant tout bonnement que c’est la transmittance du premier réseau qui est perturbée.

160 Chapitre 12. Déflectométrie moiré

oùf(x, y)est une fonction représentant la perturbation. Dans le cas de la déflectométrie, nous avons vu sur la figure 12.4 quef(x, y) =dtan(β(x, y)).

Avec cette modification de la transmittance deG1,M(x, y) devient :

M(x, y)≈ 14sinc(1/2)2exph

Si l’on réécrit l’équation (12.74) en fonction du pas des frangesp, on a : ϕ= 2π

p

f(x, y)

α . (12.75)

La différence de phase entre un déflectogramme de travail avec l’objet à étudier, et un deflectogramme de référence donne :

∆ϕ= 2π

p ∆y. (12.76)

∆y correspond au décalage des franges obtenu à l’aide de la méthode des équations para-métriques. Les deux théories donnent des résultats équivalents ; cependant, la méthode de la composition de transmittances fournit directement la forme des figures d’interférences en sortie de déflectomètre. À cette occasion, on a remarqué que les informations concernant la déflection des rayons lumineux par le milieu à diagnostiquer étaient contenues dans la phase du signal. C’est relativement intéressant car cela permet d’utiliser des outils de traitement de données développées pour l’interférométrie classique à frange finie.

Jusqu’à présent, nous avons omis les effets de la diffraction lors de nos approches théoriques.

Malheureusement, ces effets ne sont pas négligeables puisque le pas des réseaux utilisés pour le diagnostic des plasmas d’arc est relativement petit. Afin de prendre en compte ces phénomènes, nous avons choisi d’étudier un déflectomètre à l’aide de l’optique de Fourier.