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Méthodes de diagnostic classiques

2.1 Spectroscopie optique d’émission atomique

Le spectre du rayonnement provenant d’un plasma peut être séparé en deux parties aisé-ment identifiables (fig.2.1). La première est appelée spectre de raies et est issue de l’ensemble des désexcitations spontanées des atomes. Elle est constituée de raies dont la longueur d’onde est reliée à l’énergie mise en jeu lors des différentes transitions. La seconde est appelée fond continu ou spectre continu ; elle est due aux rayonnements issus des transitions libres-liées et aux rayonnement de freinage (bremsstrahlung) des électrons.

2.1.1 Profil d’une raie

Le coefficient d’émission d’une raie intégré sur tout le profil est de la forme : ǫ= hν

4πAmlnm, (2.1)

où Aml est la probabilité de transition entre le niveau m et le niveau l, nm la densité de particules dans l’état m, h la constante de Planck et ν la fréquence associée à la transition ml.

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26 Chapitre 2. Méthodes de diagnostic classiques

Longueur d'onde (nm) Fond continu Raies

Intensité

Figure 2.1 – Schéma d’un spectre d’emission atomique.

Les raies émises ne sont pas infiniment fines, elles présentent un certain profil qui dépend des conditions dans lesquelles se trouvent les émetteurs. Plusieurs causes sont à l’origine de l’élargissement de ces raies. Le plus évident est tout d’abord le principe d’incertitude temps fréquence. La désexcitation est un phénomène de durée finie, il en résulte un élargissement naturel qui suit la relation :

δtδν ≈1. (2.2)

Il est relativement simple de se convaincre de l’existence de l’élargissement naturel en considérant le spectre d’un sinus infini et celui d’un sinus multiplié par une fonction créneau.

Le spectre du sinus infini sera des diracs tandis que le spectre d’un sinus fini correspondra à des sinus cardinaux centrés autour de sa fréquence.

Généralement, l’élargissement naturel est négligeable devant les autres sources d’élargisse-ment de raies.

Élargissement Doppler

L’élargissement Doppler est dû au décalage en fréquence que vont avoir les ondes électro-magnétiques émises par une particule en mouvement. La vitesse de la lumière étant constante, si une particule se déplace à une vitessevdans la direction de l’observateur, ce dernier perçoit une onde électromagnétique dont la fréquence est décalée par rapport à sa fréquence d’émission

"au repos"ν0 suivant la relation :

v c = ∆ν

ν0 ; (2.3)

avecc la célérité de la lumière.

2.1. Spectroscopie optique d’émission atomique 27 En considérant que la vitesse des particules suit la relation (1.9), l’élargissement Doppler sera de la forme :

I(ν) =I(ν0)e−c

ν−ν0 ν0(2kT

m )1/2

, (2.4)

avecmla masse des particules émettrices,T leur température etkla constante de Boltzmann.

Pour les plasmas à pression atmosphérique, l’élargissement Doppler n’est pas assez percep-tible par rapport aux autres sources d’élargissement pour être utilisé à des fins de diagnostic.

C’est cependant un effet très utilisé dans le domaine des plasmas basse pression pour étudier les fonctions de distribution des vitesses des éléments du plasma.

Élargissement par collision

L’élargissement collisionnel est dû à la perturbation de l’émission d’un rayonnement par un choc entre l’émetteur et une autre particule. Deux types d’élargissements collisionels peuvent être distingués : l’élargissement dû à des particules neutre, l’élargissement de pression, et l’élargissement dû aux particules chargés ou "élargissement Stark". Dans les arcs électriques à pression atmosphérique, c’est généralement l’élargissement Stark qui prédomine. Pecker-Wimel a comparé les différentes sources d’élargissement pour un plasma thermique. Ces résultats, disponibles dans les tableaux ?? montrent bien que l’élargissement Stark est prépondérant dans les plasmas thermiques.

Table 2.1 – Élargissement Stark et Doppler pour la raie Hα (λ = 656.3 nm) calculés à différentes températures pour un plasma d’hydrogène avecne = 1017 cm−3. Issu de [10].

T = 104 K T = 2 104 K T = 4 104 K Elargissement Stark 0.92 nm 0.86 nm 0.64 nm Elargissement Doppler 0.047 nm 0.066 nm 0.094 nm

Table 2.2 – Élargissement Stark et Doppler pour la raie Hβ (λ = 486.1 nm) calculés à différente températures pour un plasma d’hydrogène avecne= 1017 cm−3. Issu de [10].

T = 104 K T = 2 104 K T = 4 104 K Elargissement Stark 4.65 nm 4.7 nm 4.7 nm Elargissement Doppler 0.035 nm 0.059 nm 0.07 nm

Sans rentrer dans les détails théoriques, les calculs d’élargissement Stark sont menés en considérant la contribution de deux phénomènes différents. L’approximation quasi-statique pose l’hypothèse que les ions sont immobiles pendant la période d’émission de l’onde électro-magnétique. De fait, le champ électrique vu par les électrons de l’émetteur sera différent du cas où ce dernier est placé dans un milieu neutre. Les électrons ont une mobilité beaucoup plus élevée que les ions, leur déplacement n’est pas négligeable lors de l’émission de l’onde électro-magnétique. On les traite donc via la théorie des impacts pour laquelle on considère que des collisions électron-émetteur vont perturber les niveaux électroniques au cours de l’émission.

Pour plus de détails concernant les calculs d’élargissement Stark, on se reportera aux travaux de H.R. Griem.

28 Chapitre 2. Méthodes de diagnostic classiques Profil d’une raie

Figure 2.2 – Comparaison des profils lorentzien (L), gaussien (G) et du profil de Voigt (V).

Pour les plasmas thermiques, les profils de raies sont généralement un mélange entre un profil gaussien issu de l’élargissement Doppler et un profil lorentzien issus de l’élargissement Stark. La convolution de ces profils est appelée profil de Voigt, sa forme est disponible sur la figure 2.2. Pour séparer les différentes contributions à l’élargissement des raies, il est nécessaire de procéder à une déconvolution, ce qui n’est pas chose aisée. Grâce à un élargissement Doppler négligeable, Musiol [5] propose d’approximer les raies spectrales d’atomes non hydrogénoïde par des lorentziennes. Le fond continu sur lequel peut reposer les raies spectrales est, quant à lui approximé par un polynôme d’ordre 2, cela permet d’effectuer des mesures sur les profils et de calculer les coefficients d’émission de raies avec un minimum d’erreur.

ǫf c(λ) =a0+a1λ+a2λ2 (2.5) ǫraie(λ) = a3

1 +

a4−λ a5

2 (2.6)

Épaisseur optique d’un plasma

Il arrive que le plasma soit optiquement épais dans le domaine spectral d’intérêt. Cela peut poser problème lorsqu’on utilise les profils et les coefficients d’émission des raies dans un but de diagnostic car une partie de leur profil peut être absorbée.

L

cache

Plasma Im( ,L)

Figure 2.3 –Montage optique pour mesurer l’absorption d’un plasma.

2.1. Spectroscopie optique d’émission atomique 29 Afin de quantifier l’épaisseur optique d’un plasma, Musiol propose le montage présenté sur la figure 2.3. Il se compose d’un miroir concave qui permet de refaire passer la lumière issue du plasma dans ce dernier, d’un cache et d’une lentille.

Comme pour les coefficients d’émission, on peut décomposer l’épaisseur optique d’un plasma en deux composantes :

τλraief ond cont. (2.7)

Dans le visible pour un plasma thermique, τf ond cont est négligeable et on considère que τλraie .

Lorsqu’on se place loin d’une raie, on peut considérer que la réabsorption est négligeable.

On a de ce fait, lorsqu’il n’y a pas de cache :

Imiroir =I(λ, L) +rI(λ, L), (2.8)

où r la réflectivité du miroir. En enregistrant des intensités sur les bords d’une raie avec et sans le cache, on peut calculer la réflectivité du miroir.

Lorsque la réflectivité du miroir dans le domaine spectral étudié est connue, on s’intéresse à l’absorption près du centre du profil. Sans le cache, on aura :

Imiroir=I(λ, L) +rI(λ, L)e−τλ. (2.9) On obtientI(λ, L)en cachant le miroir. On a directement une mesure de l’épaisseur optique du plasma pour une longueur d’onde donnée :

e−τλ = Imiroir−I(λ, L)

rI(λ, L) , (2.10)

τλ= ln

rI(λ, L) Imiroir−I(λ, L)

. (2.11)

τλ correspond à l’absorption le long d’une corde du plasma pour une longueur d’onde donnée :

τλ = Z L

0

kλdx, (2.12)

oùkλ est le coefficient d’absorption.

Caractéristiques du fond continu

Comme nous l’avons spécifié précédemment, le fond continu à deux origines, le rayonne-ment de freinage des électrons ainsi que les recombinaisons libres-liées. Voyons la forme des coefficients d’émission de chacune de ces composantes.

Rayonnement de Freinage Le rayonnement de freinage des électrons correspond à l’émis-sion d’ondes électromagnétiques lors de leurs brusques changements de vitesse induits par les collisions. D’après [11, 12, 5], l’émission prépondérante est issue de freinages électron-ion po-sitif. Pour des électrons ayant une fonction de distribution des vitesses maxwellienne et étant

30 Chapitre 2. Méthodes de diagnostic classiques soumis au champ électrique d’un seul ion à la fois (collision binaire), le coefficient d’émission ǫei dû aux ions positifs est de la forme : avecnzla densité d’ions chargészfois,mla masse des électrons,Gz(ν, T e)le facteur de Gaunt (facteur correctif à appliquer lorsqu’on utilise une approche classique et non quantique). Dans la théorie classique,Gz(ν, T e) est donné par : e−hν/(kTe). Ainsi, l’expression (2.14) donnera :

ǫei(ν, T e) = 16πe6 Pour le rayonnement de freinage électron-neutre, on suppose que les collisions sont binaires et du type boules de billard, on obtient ainsi :

ǫen= 32e2

2.1. Spectroscopie optique d’émission atomique 31 Cette fois, le facteur de Gaunt est :

Gz(ν, Te) = Z

x0

Q(x)x3e−xdx, (2.21)

avec x =mv2/2kTe etx0 =hν/kTe.Q est la section efficace de collision électron-neutre qui dépend de la vitessevdes électrons.

En prenant une valeur moyenne de la section efficace de collision, on peut simplifier l’ex-pression du facteur de Gaunt, on aura ainsi :

G(ν, Te) =Q(Te) Recombinaison radiative La seconde composante du fond continu est due aux transitions libres-liées. Il s’agit de rayonnement émis lors de la recombinaison entre un ion chargéZ fois et un électron. Un ion dans l’état fondamental capture un électron d’énergie cinétique m2ev2. Cette réaction produit un ion de charge (Z−1) excité sur un niveau n et un photon.

AZ1 +e→AZ−1n +photon (2.23) La longueur d’onde du photon est donnée par la relation :

EZ−1−EnZ−1+me

2 ve2= hc

λ (2.24)

En examinant cette relation, on remarque tout de suite qu’il existe une fréquence de coupure : pour les électrons de vitesse nulle, la fréquence minimale du photon est donnée par hν =EZ−1−EnZ−1.

Si l’on considère des électrons ayant une distribution de vitesse maxwellienne, le coefficient d’émission pour une recombinaison sur un niveau n s’écrit :

ǫR:∞→n= h4 avecσnZ−1(ν)la section efficace de photo-ionisation du niveau n. Du fait de la fréquence de coupure,σZ−1n (ν) est considérée comme nulle pour des fréquences inférieures àν = h1EZ−1− EZ−1n .

Pour obtenir le coefficient d’émission pour l’ensemble des recombinaisons d’un atome, on procède simplement à la sommation des coefficients d’émission de chacun des niveaux :

ǫR= h4 En utilisant la section efficace de photo-ionisation de Kramers [12], pour les atomes d’hydro-gène on obtient :

32 Chapitre 2. Méthodes de diagnostic classiques OuNZ la densité totale d’ions z, qui est identique àN1Z.

128π4me10

h2c3(6πmk)3/2 = 1.72 10−33 (esuCGS) (2.29) AvecGn le facteur de Gaunt qui permet de prendre en compte l’écart apporté par l’approche non quantique à la loi de Kramers, n le nombre quantique principal etn0 =zp

EH/(hν).

Gn est proche de l’unité pour le visible lorsque n≥3.

Dans le domaine visible et proche infrarouge, on aura : ǫR:∞→n(ν, T e) = 16πe6

Pour les atomes et les ions non hydrogénoïdes, Schlütter a déterminé les sections efficaces de photo-ionisation. Le coefficient spectral d’émission pour la recombinaison radiative s’écrit de manière générale : Avec ξz(ν, Te) un facteur de correction pour la structure électronique des atomes non hydrogénoïdes (facteur de Biberman). Ici, contrairement aux atomes d’hydrogène, on aN1Z 6= NZ d’où :

N1Z =NZ g1z

Uz(T) (2.32)

L’établissement des composantes du fond continu (2.14) et (2.27) supposent uniquement que la fonction de distribution des vitesses des électrons est maxwellienne. Ces formules sont donc très précieuses pour le diagnostic plasma puisqu’elles restent valables dans les zones hors ETL [12].