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Théorie de conservation des ressources

3 JD-R et COR, cadres d’analyse

3.2 Théorie de conservation des ressources

La théorie de conservation des ressources est une théorie motivationnelle (Hob-foll, 2001). Elle se fonde sur l’idée que les individus cherchent à protéger, retenir, favoriser et obtenir les choses qu’ils valorisent (Hobfoll, 2001 ; Wells, Hobfoll et La-vin, 1999). Ces choses qu’ils valorisent sont considérées comme des ressources. Elles correspondent à des objets, des caractéristiques personnelles, des conditions ou des énergies. Elles représentent un moyen pour obtenir d’autres ressources et participent à protéger et conserver des ressources existantes (Hobfoll, 1989, 2001).

Le stress est induit par deux situations possibles. Dans le premier cas, les res-sources sont menacées de perte ou bien elles sont perdues. Dans le second, les in-dividus ne réussissent pas à gagner suffisamment de ressources par rapport à leurs investissements. Le stress est donc une réaction face à l’environnement qui fait in-tervenir la peur de la perte des ressources, la perte effective ou le manque de gain (Hobfoll, 1989).

3.2.1 Principes et corollaires

Deux principes régissent la théorie de conservation des ressources. Le premier stipule que « la perte de ressources est disproportionnée au gain de ressources » (Hobfoll, 2001, p. 343). La menace de la perte joue le même rôle et se retrouve au même niveau que la perte effective. L’équivalence entre la perte effective et celle anticipée est liée à la définition des ressources. Ces dernières sont fonctions de la perception personnelle. La perception d’une menace sur certaines ressources conduit à la percevoir que ces ressources ne sont plus disponibles.

La perte effective ou anticipée a un effet plus important que le gain en valeur absolue (Wells, Hobfoll et Lavin, 1999). Les individus ont une tendance naturelle à valoriser les ressources qu’ils possèdent et y sont attachés. Les informations négatives ont plus de poids que les informations positives (Ito et coll., 1998), ce qui explique l’impact de la perte ou de la menace. Ces dernières génèrent des émotions négatives altérant le bien-être psychologique ainsi que la santé mentale et physique de l’individu (Gorgievski et Hobfoll, 2008). Le gain de ressources est tout de même un élément mo-tivationnel important. Selon ce principe, les stratégies basées sur le contrôle servent à maîtriser les situations d’incertitude en protégeant l’individu contre la perte de ressources (Truchot, 2004).

Le gain de ressources est considéré comme un retour sur investissement de res-sources. Il est en relation directe avec le niveau de ressources engagées. Il représente la possibilité de maintenir, à minima le niveau de ressources actuel, et au mieux de l’augmenter. Le fait que « les individus doivent investir des ressources pour se protéger des pertes de ressources, pour recouvrir celles perdues et pour en gagner d’autres » (Hobfoll, 2001, p.349) représente le second principe. Il met l’accent sur l’investissement de ressources comme élément déterminant.

Les individus ont des comportements proactifs où ils investissent leurs ressources. L’objectif est d’enrichir leurs réserves de ressources pour prévenir les pertes futures. Le niveau de ressources perçues par l’individu conditionne les stratégies d’investis-sement qu’il met en place. En retour, les investisd’investis-sements conditionnent les gains potentiels, donc le développement et l’enrichissement des ressources.

Plusieurs corollaires découlent des principes qui guident la théorie de conserva-tion des ressources. Le premier est celui qui explique l’influence des ressources sur les comportements individuels. Ceux qui possèdent beaucoup de ressources sont moins vulnérables face à la perte et sont capables d’organiser le gain de ressources. Ceux qui en manquent sont plus vulnérables à la perte et ne peuvent pas investir pour gagner des ressources (Hobfoll, 2001). La relation entre la présence de ressources et la capacité de maintien et développement, relève du deuxième corollaire. Ainsi, en troisième corollaire la perte initiale de ressources engendre des pertes futures. Les individus qui possèdent des ressources, sont capables d’en gagner plus que ceux qui en ont moins (Hobfoll, 1989).

déve-loppe car le manque de ressources ne permet pas de compenser les pertes. De l’autre, elle se développe lorsque le réservoir de ressources est affaiblie par les investisse-ments (Hobfoll, 1989). Toutefois, parce que la perte est plus coûtante que le gain, les cycles de pertes ont un effet plus important et plus accéléré que les cycles de gains (Hobfoll, 2001). La spirale de pertes s’explique par l’amplification de l’effet des pertes ce qui conduit à l’incapacité des ressources disponibles à compenser une perte. La spirale de pertes réduit l’estime de soi et la capacité à faire face aux demandes (Hobfoll et Shirom, 2001). Dans le quatrième et dernier corollaire, les personnes qui manquent de ressources sont susceptibles d’adopter des postures défensives afin de conserver leurs ressources (Hobfoll, 2001). Celles qui en possèdent beaucoup voient leurs capacités d’investissement se développer. Elles s’engagent dans des spirales de gains qui assurent leur protection contre la perte ou la menace de perte des ressources. Les spirales de pertes et de gains sont importantes pour comprendre les inter-actions entre l’individu et son environnement de travail. Les ressources personnelles ou sociales peuvent être investies dans la sphère professionnelle (Hakanen, Peeters, et Perhoniemi, 2011). Les individus mettent en place des stratégies pour combler la perte de ressources. Ces stratégies peuvent échouer et conduire à d’autres pertes.

Connaître des situations de perte de ressources de manière récurrente amène à l’appauvrissement des réservoirs de ressources. Il est alors primordial de modifier les stratégies d’investissement, et d’opter celles dont le but et de protéger les res-sources. Ce sont donc les stratégies défensives ou protectrices qui sont misent en place. Posséder beaucoup de ressources variées, qu’elles soient aux niveaux indivi-duel ou environnemental, aide au maintien de l’engagement professionnel (Gorgievski et Hobfoll, 2008).

3.2.2 Investissements et développements des ressources

Les stratégies défensives traduisent un manque de ressources, dans ce cas les in-dividus s’engagent dans des stratégies de perte de contrôle. Ce type de stratégie est coûteux en ressources et ne présente pas beaucoup de possibilités pour compenser les pertes. Si les individus ne s’engagent pas dans les stratégies de perte de contrôle, ils s’exposent à encore plus de pertes. Les individus peuvent adopter une autre stratégie en réévaluant la valeur des ressources menacées ou perdues. Elle représente une solu-tion simple et moins coûteuse que d’investir des ressources pour faire face au stress.

La réévaluation consiste en une modification de l’interprétation des évènements et de leurs conséquences. Elle est moins coûteuse car elle évite de remettre en cause les caractéristiques individuelles et environnementales (Halbesleben et Buckley, 2004).

Plusieurs théories du stress accordent une place centrale à l’évaluation dans l’ex-plication et la résistance au stress (Johnson et Sarason, 1978 ; Lazarus et Folkman, 1984). L’évaluation des ressources personnelles est guidée par les valeurs personnelles (Rokeach, 1973) et l’histoire des individus. L’expérience ne joue pas uniquement un rôle dans l’investissement des ressources mais aussi dans leur évaluation (Halbesleben et Buckley, 2004). Par ailleurs, les ressources ne sont pas uniformément distribuées, et les personnes qui ont peu de ressources sont plus vulnérables face à la perte (Doh-renwend, 1978). La spirale de pertes se développe à cause du manque de ressources pour compenser les pertes. Elle implique tout de même l’utilisation de ressources pour empêcher la perte d’autres ressources. Néanmoins, la perte conduit à de nou-velles baisses du niveau du réservoir de ressources.

Les stratégies d’investissement des ressources sont déterminantes dans l’évolution du niveau du réservoir des ressources. Dans le cas où les individus s’attachent plus à éviter la perte ou la menace de la perte qu’aux gains, ils voient les situations de manière plus négative donc comme une menace. La perception des évènements ou des situations est dirigée vers l’aspect négatif qu’ils peuvent porter et l’organisation peut y contribuer (Rozin et Royzman, 2001). La fréquence de la perception de me-nace induit des stratégies défensives. Elles peuvent conduire à perdre encore plus de ressources. L’enclenchement de la spirale de pertes peut être une conséquence à cette exposition ce qui augmente le risque de burnout (Naidoo et coll., 2012).

Hobfoll (1989) décrit plusieurs moyens communs pour compenser la perte de res-sources. Les individus peuvent remplacer les ressources, les substituer, les compenser ou optimiser les investissements. La substitution implique que les ressources perdues peuvent être substituées par des ressources équivalentes en termes de valeur. L’im-portance des ressources notamment à cause de leur valeur, de leur coût et leur rareté nécessite une gestion optimisée. Il est donc important que les individus puissent ré-organiser et réajuster les ressources ainsi que les investissements.

L’optimisation vise aussi à maximiser l’efficacité et l’efficience de l’investissement. La compensation implique que les personnes acquièrent des ressources additionnelles qui compensent la perte d’adéquation entre les capacités et les exigences du travail

(Hobfoll, 2001). Hobfoll (1989), note aussi que certains individus peuvent conserver les ressources en réinterprétant les menaces comme des défis, et en mettant l’accent sur les gains potentiels. Halbesleben et Bowler (2007) fournissent des preuves pour certains aspects de ces processus.

L’investissement de ressources dans les stratégies de coping contribue à épuiser le réservoir des ressources (Hobfoll et Shirom, 2001). D’une part, il peut conduire à l’épuisement des ressources par la perte de ressources ce qui réduit la capacité à investir d’autres ressources par la suite (Hobfoll, 1989). D’autre part, les stratégies de coping peuvent échouer, dans le sens où elles ne parviennent pas à générer suffisam-ment de gains pour compenser les pertes. D’ailleurs, la capacité d’investissesuffisam-ment fait appel au besoin préalable de formation d’un réservoir de ressources (Hobfoll, 1988, 1989). L’individu y puise pour maintenir et développer les ressources qui s’y trouvent. La recherche d’autres réservoirs sous-entend la possibilité de coopération dans la gestion des réservoirs de ressources. Dans le contexte particulier des entrepreneurs, ce n’est pas l’organisation à travers l’entreprise qui joue directement ce rôle. Ce sont les structures professionnelles à destination des dirigeants qui peuvent assurer ce rôle. D’ailleurs, il est possible d’agir sur la formation et la reconstitution des réservoirs de ressources.