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Modérateurs du stress professionnel et du burnout

3 Démarche confirmatoire

3.3 Modérateurs du stress professionnel et du burnout

3.3.1 Latitude décisionnelle

La latitude décisionnelle fait référence à la fois la capacité de décider dans le tra-vail et l’opportunité de développer les compétences. Karasek (1979) définit le contrôle comme un composite de deux construits théoriquement séparés mais empiriquement liés : l’autorité que peut exercer un travailleur pour prendre des décisions dans le travail (l’autorité décisionnelle) et l’étendue de l’utilisation de ses compétences au travail (Karasek, 1989, p. 137). Ainsi, la latitude décisionnelle est confondue avec le contrôle chez Karasek (1979) et correspond à un composite d’autorité décisionnelle et d’utilisation de compétences.

L’utilisation des compétences dans le travail reflète la capacité du travailleur à réaliser son travail. Elle s’accorde aussi avec la motivation au travail, notamment à

travers l’apprentissage donc le développement des compétences dans le travail. L’uti-lisation des compétences reflète une forme de contrôle que le travailleur exerce sur son travail. Les possibilités de développement rejoignent la valorisation du travail et l’engagement du travailleur envers son travail.

De faibles niveaux d’utilisation des compétences sont associés à de hauts ni-veaux de dépersonnalisation (Landsbergis, 1988 ; Taris, Schreurs et Schaufeli, 1999) et d’épuisement émotionnel (Rafferty, Friend et Landsbergis, 2001). D’une part, de faibles niveaux d’utilisation des compétences sont liés à de hauts niveaux de bur-nout. De l’autre, l’utilisation des compétences dans le travail permet de prévenir la dépression (Fandiño-Losada, Forsell et Lundberg, 2012).

L’autonomie, le contrôle ou l’autorité sont des ressources liées au travail, inhé-rentes au processus de régulation du travail. Elles sont intégrées dans la plupart des études portant sur les caractéristiques du travail (Bakker, Israel et Schurman, 1996 ; Wall et coll., 1996). L’autorité dans le travail est définie comme une composante du contrôle dans le travail. Certains considèrent que le contrôle est le besoin intrinsèque des individus de contrôler leur environnement (White, 1959). D’autres, estiment que la volonté de contrôle augmente parce que le contrôle est associé à des retombées positives (Rodin, Rennert et Solomon, 1980).

Le contrôle peut être défini comme « la capacité d’exercer une influence sur son propre environnement ce qui le rend plus rémunérateur ou moins menaçant » (Ganster, 1989, p. 3). L’autonomie, quant à elle, peut être présentée comme un dé-terminant crucial de la motivation intrinsèque des travailleurs (p. ex. Hackman et Oldham, 1980). Initialement, l’autonomie était abordée comme le niveau de liberté et d’indépendance qu’un individu possède dans l’organisation de son travail. Elle fait, désormais, référence à la capacité du travailleur à influencer ou à être libre des décisions concernant les activités qu’il exerce dans son travail (De Jonge et Kompier, 1997 ; Frese et Zapf, 1994).

Des recherches plus récentes dépassent cette conception et suggèrent que l’auto-nomie soit le reflet du niveau de liberté, d’indépendance et de pouvoir discrétionnaire pour planifier le travail, prendre des décisions et choisir les méthodes pour réaliser les tâches (Wall, Jackson et Mullarkey, 1995). Ainsi, l’autonomie inclue trois aspects inter-reliés qui sont la planification du travail, la prise de décision et les méthodes de travail. Elle représente une ressource professionnelle qui, potentiellement, peut aider

le travailleur à faire face au stress (Fried et Ferries, 1987).

Depuis quelques années, a été développé le Job Demands-Resources Scale (JDRS ; Jackson et Rothmann, 2005), dans l’esprit du modèle JD-R, pour évaluer les res-sources et les demandes professionnelles dans l’environnement de travail. Il présente un bon indice de cohérence interne, mais englobe un grand nombre d’éléments me-surés par quarante items. Parmi les facteurs de stress pris en compte il y a : la surcharge de travail, les conflits travail-famille, l’insécurité au travail, les possibilités d’avancement et de développement, le soutien organisationnel.

Traditionnellement, le contrôle ou l’autonomie et l’utilisation des compétences sont mesurés par le Job Diagnostic Survey (JDS ; Hackman et Oldham, 1975) ou bien par le Job Content Questionnaire (JCQ ; Karasek, 1979). Le JCQ est une échelle composite pour la latitude décisionnelle qui a influencé la recherche sur les ten-sions et le stress professionnel. Néanmoins, plusieurs critiques lui ont été adressées. Premièrement, l’échelle ne permet de calculer qu’un score global pour l’autonomie décisionnelle et l’utilisation et le développement des compétences (Karasek, 1985). Ensuite, le construit présenté dans la dimension latitude décisionnelle est trop vague (Ganster, 1989 ; Soderfeldt et coll., 1996). Enfin, la latitude décisionnelle telle qu’elle est évaluée, est très proche du niveau de compétence et de complexité du travail (Ganster et Fusilier, 1989).

Ganster (1989) propose une échelle centrée sur le contrôle, mais elle comporte vingt items ce qui réduit les possibilités de son utilisation. Plus récemment, la Factual Autonomy Scale (FAS ; Fox, Spector et Van Katwyk, 1997) a été proposée comme une mesure alternative à six items avec moins de biais subjectifs. Toutefois, le JCQ demeure la mesure la plus répandue dans les études passées et actuelles.

La sous-échelle de la latitude décisionnelle y est composée de neuf items dont certains sont formulés négativement. La mesure est accompagnée d’une échelle de Likert à cinq points allant de (1) « Pas du tout d’accord » à (5) « Tout à fait d’ac-cord ». Les items concernant l’autonomie décisionnelle sont ceux portant les numéros 4, 6 et 8 avec un item inversé. Ce dernier porte sur la faible liberté dans le travail pour le répondant. L’utilisation et le développement des compétences sont mesurés par les items numéros : 1, 2, 3, 5, 7 et 9. Un des items est inversé et il concerne le fait d’avoir des tâches répétitives dans le travail reflétant la monotonie et le manque d’intérêt pour le travail.

Latitude

décisionnelle Exemples d’items Alpha N. Items Autonomie

déci-sionnelle : décision propre, faible li-berté*, influence sur le déroulement

Mon travail me permet de prendre souvent des déci-sions moi-même

J’ai la possibilité d’in-fluencer le déroulement de mon travail

0.74 3

Utilisation des com-pétences : apprendre des choses nouvelles, tâches répétitives*, créativité, haut ni-veau de compétences, activités variées, développement des compétences

Dans mon travail, j’effectue des tâches répétitives* Mon travail demande un haut niveau de compétences

0.69 6

* : item inversé

Table III.6 – Mesure de la latitude décisionnelle par le JCQ (Karasek, 1979), alpha de Cronbach et deux exemples d’items

3.3.2 Soutien social familial et amical

De manière générale, le soutien social peut être considéré comme l’interaction dans laquelle des ressources socio-émotionnelles, instrumentales et réactionnelles sont échangées (Cohen et Syme, 1985 ; Thoits, 1982). Plus spécifiquement, le soutien so-cial relève de la perception de la disponibilité de l’aide de la part du supérieur, des collègues, des membres de la famille et des amis. Cohen et ses collègues proposent une distinction entre la mesure du soutien structurel et celle du soutien fonctionnel (Cohen et Syme, 1985 ; Cohen et Wills, 1985). Le soutien structurel réfère à la me-sure de l’existence de liens sociaux et de leurs interconnections. La meme-sure du soutien fonctionnel, quant à elle, évalue si les relations interpersonnelles servent une fonction particulière (affection, sentiment d’appartenance, etc.). Le soutien social familial et amical est défini comme le soutien fonctionnel ou structurel apporté par la famille et les amis (Greenberger et coll., 2000).

Le soutien social, notamment familial, permet de modérer les relations entre le stress professionnel et la dégradation de l’état de santé mentale (Berkman et Glass, 2000). La relation entre la satisfaction professionnelle et le soutien social peut être interprétée comme la disponibilité du soutien social pour rendre l’environnement de travail plus plaisant et plus porteur de récompenses (Baruch-Feldman et coll., 2002). Pourtant, les résultats concernant l’existence et le sens des relations dépendent forte-ment de la définition donnée au soutien social (Sarason et coll., 1987) et donc à l’outil de mesure. Le développement des échelles du soutien social produit des résultats qui soutiennent les aspects fonctionnels et structurels du soutien social. Néanmoins, les revues portant sur le soutien social concluent que les propriétés psychométriques des échelles ne sont pas suffisamment documentées (Heitzmann et Kaplan, 1988).

Sarason et coll. (1987) proposent l’échelle Social Support Questionnaire Short Form (SSQR) qui comporte douze items. Elle évalue à la fois la quantification du réseau social et de la satisfaction de la disponibilité de ce réseau. L’échelle de Ca-plan et coll. (1975) est plus fréquemment utilisée pour évaluer le soutien social des individus. Toutefois, elle ne distingue pas les types de soutien car ils sont fortement corrélés. Baruch-Feldman et coll. (2002), proposent une échelle de mesure du soutien social comportant trois sous-échelles. La sous-échelle du soutien social familial et amical présente un bon indice de cohérence. Elle comporte uniquement quatre items formulés positivement avec cinq modalités de réponses allant de (1) « Pas du tout d’accord » à (5) « Tout à fait d’accord ».

Soutien social Exemples d’items Alpha N. Items Soutien social familial

et amical Quand quelque chose va malau travail, je peux en parler avec mes amis ou ma famille Mes amis et ma famille m’aident à me sentir mieux lorsque j’ai une dure journée au travail

0.91 4

Table III.7 – Mesure du soutien social par l’échelle de Baruch-Feldman et coll. (2002), alpha de Cronbach et deux exemples d’items

3.4 Burnout

Le burnout représente à la fois un syndrome et un concept de recherche (Boudou-kha, 2009). Malgré l’intérêt qu’il suscite, il n’est pas encore présent au DSM-IV-TR (APA ; American Psychiatric Association, 2000) comme une pathologie. Le syndrome présente des relations stables avec plusieurs troubles de la santé mentale et physique. Le développement de la recherche sur le burnout conduit les chercheurs à proposer plusieurs modèles explicatifs. Dans ce domaine, les recherches doivent relever le chal-lenge de répondre aux questions qui se posent comme l’appartenance du burnout à une sélection de professions.

Dans la définition de Maslach (1982), le burnout est un concept tri-dimensionnel qui concerne les travailleurs des professions d’aide. Les trois dimensions du burnout sont : l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation et la baisse de l’accomplisse-ment personnel. La dimension baisse de l’estime de soi présente peu voire pas de lien avec les deux autres (Lee et Ashforth, 1996 ; Schaufeli et coll., 2001). Leiter (1993) et Shirom (1989), proposent que cette dimension évolue en dehors du modèle explicatif du burnout. De plus, l’accomplissement personnel est très proche de l’auto-efficacité de Bandura (1977) sur le plan théorique (Cordes et Dougherty, 1993 ; Lee et Ash-forth, 1990). Les deux dimensions, épuisement émotionnel et dépersonnalisation sont considérées comme les dimensions principales du concept de burnout (Bakker, De-merouti et Schaufeli, 2002 ; Leiter et Schaufeli, 1996).

catégories de professions que celle d’aide. Ainsi, les soldats, les enseignants et les ven-deurs développent un burnout en relation avec l’environnement professionnel propre à chacun. Il en découle un besoin de proposer un modèle qui intègre la diversité des caractéristiques des professions. Dans cette logique Demerouti et coll. (2001a) développent le modèle Job Demand-Resources qui suppose que le burnout peut se développer quel que soit la profession. Ce modèle intègre la théorie de conservation des ressources (COR ; Hobfoll, 1989) selon laquelle le burnout est le résultat de la spirale de pertes.

Le Maslach Burnout Inventory (MBI ; Maslach, Jackson et Leiter, 1996) est l’outil le plus utilisé parmi les outils de mesure du burnout (Bakker, Demerouti et Verbeke, 2004 ; Schaufeli et Enzmann, 1998). Toutefois, il souffre des critiques adressées à son modèle théorique.

Le développement d’autres modèles concurrents s’est accompagné du développe-ment d’autres outils qui occupent une certaine place dans les études. Parmi ces outils se trouvent le Burnout Measure (BM ; Malach-Pines, 2005), le Copenhagen Burnout Inventory (CBI ; Kristensen et coll., 2005a), le Shriom Melamed Burnout Measure (SMBM ; Shirom et Melamed, 2006) et le Oldenburg Burnout Inventory (OLBI ; De-merouti et coll., 2001a).

Le BM provient d’un modèle théorique unidimensionnel et évalue l’épuisement physique, émotionnel et mental, par quatre sous-échelles (Malach-Pines, 2005). Il permet de mesurer le burnout pour des professions diverses (Schaufeli et Van Dieren-donck, 1993 ; Schaufeli et Enzmann, 1998). Toutefois, le burnout est réduit à l’usure, à l’affaiblissement du sentiment de bien-être (Enzmann et coll., 1998). Le CBI est diffusé de manière internationale (Bourbonnais et coll., 2006 ; Milfont et coll., 2008 ; Yeh et coll., 2007) mais il fait l’objet de certaines réserves car il s’intéresse au bur-nout personnel, au burbur-nout lié au travail et le burbur-nout lié à la relation avec la clientèle. Shirom (2005) note que le burnout personnel défini par le CBI est plus proche de la notion de dépression que de celle d’un burnout lié au travail. Sur la base de la COR, Shirom et Melamed (2006) développent le SMBM qui s’articule autour de trois dimensions, celle de la fatigue physique, de l’épuisement émotionnel et de la lassitude cognitive (Sassi et Neveu, 2010). La troisième dimension représente les difficultés à se concentrer et à mobiliser les capacités intellectuelles. Le SMBM a été développé sur l’idée que les contacts interpersonnels professionnels sont à l’origine du burnout.

OLBI, échelle bi-dimensionnelle à seize items prend ses racines dans la COR qui semble être l’outil convenable pour l’étude du burnout indépendamment de la caté-gorie professionnelle (Bakker, Demerouti et Verbeke, 2004). L’échelle comporte des items formulés positivement et négativement (Demerouti et coll., 2002 ; Halbesleben et Demerouti, 2005), cette procédure est conseillée par les standards psychométriques. L’échelle présente de bons indices de fiabilité pour les deux sous-échelles. Chacune d’entre elles compte huit items et s’accompagne d’une échelle de Likert à cinq points allant de (1) « Tout à fait d’accord » à (5) « Pas du tout d’accord ».

Burnout Exemples d’items Alpha N. Items Épuisement

émotion-nel

Certains jours, je me sens fatigué(e) avant même d’ar-river au travail

Après une journée de travail, cela me prend de plus en plus de temps que par le passé pour me détendre et me sentir bien

0.82 8

Désengagement Encore aujourd’hui, je dé-couvre de nouveaux aspects intéressants de mon travail* Il arrive de plus e plus souvent que je parle de mon travail de façon négative

0.83 8

* : item inversé

Table III.8 – Mesure bi-dimensionnelle du burnout (Demerouti et coll., 2001a), alpha de Cronbach et deux exemples d’items