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3 JD-R et COR, cadres d’analyse

3.3 Réservoirs de ressources

Les ressources sont ces objets, caractéristiques individuelles, conditions, ou éner-gies qui sont valorisées pour elles-mêmes ou parce qu’elles conduisent à l’accomplis-sement ou la protection des ressources valorisées (Hobfoll, 1988 ; Diener et Fujita, 1995). Les ressources sont l’ensemble des caractéristiques individuelles ou environne-mentales qui expliquent l’apparition du stress (Wells, Hobfoll et Lavin, 1999). Elles incluent donc l’estime de soi (Rosenberg, 1965), le statut socio-économique (Worden et Sobel, 1978), l’emploi (Parry, 1986), etc.

Les ressources ont deux valeurs, une valeur instrumentale et une valeur sym-bolique. Lorsque les personnes ne sont pas confrontées au stress, elles tentent de développer un surplus de ressources dans l’objectif de compenser la possibilité d’une future perte. Ce type de comportement est dit proactif. Hobfoll (2001) appelle à l’étude des comportements proactifs car ils impliquent l’anticipation et la fixation

d’objectifs pour éviter les situations stressantes futures.

Trois manières sont possibles pour agir de manière proactive. Premièrement, l’in-dividu tente d’acquérir et de maintenir les réserves de ressources qu’il possède et valorise. Ensuite, la proactivité peut être vue comme la réactivité des individus face aux problèmes dans le sens d’anticiper les investissements de ressources. Plus l’action est en amont, moins il y a besoin de ressources à investir et donc moins de risque de pertes. Ce raisonnement implique que l’expérience de situations stressantes permet aux individus de les prévenir en agissant en amont pour les éviter (Truchot, 2004). L’expérience peut être classée comme un élément valorisé par l’individu et donc une ressource. Enfin, les individus cherchent à se positionner de façon à être avantagés par rapport à leurs ressources et aux besoins de la situation (Hobfoll, 2001).

Les ressources concernent les caractéristiques de l’individu et l’environnement dans lequel il évolue. Hobfoll (2001) énumère les principales ressources valorisées par les individus et propose une classification en quatre types de ressources (Hobfoll, 1989). Le premier type de ressources recouvre les objets évalués comme ayant de la valeur pour leur propre nature ou la possibilité qu’ils procurent à acquérir d’autres ressources. Les conditions sont un deuxième type de ressources. Elles permettent l’acquisition et la protection d’autres ressources (Hobfoll et coll., 1996). Elles sont des ressources recherchées et appréciées, car elles correspondent généralement à des codes ou des références sociales. Leur valorisation se retrouve dans le fait que les normes sociales concourent à la construction du soi et des attentes personnelles. Les conditions donnent aussi accès à différentes formes de soutien social.

Le troisième type de ressources est l’ensemble des caractéristiques personnelles. Dans cet ensemble se retrouvent le contrôle, l’estime de soi, les compétences, les connaissances, les capacités sociales, etc. Le contrôle implique la perception indivi-duelle de pouvoir agir sur son environnement (Hobfoll, Banerjee et Britton, 1994). Comme dans la plupart des autres théories le contrôle joue un rôle important dans la réduction du stress. L’estime de soi joue un rôle direct en tant que ressource, et un autre indirect en tant que composante pour la construction d’autres ressources (Hobfoll, Banerjee et Britton, 1994). Le quatrième type de ressources rassemble les énergies notamment, le temps et l’argent (Hobfoll et Lilly, 1993 ; Hobfoll et coll., 1996) et leur valeur est liée au fait qu’elles permettent l’acquisition et le développe-ment d’autres ressources.

Les ressources sont liées entre elles, par conséquent un gain dans une catégo-rie a des répercussions positives sur les autres (Hobfoll, 1989, 2001). La possession d’une ressource majeure augmente la probabilité d’en posséder d’autres et d’en in-vestir (Cozzarelli, 1993 ; Rini et coll., 1999). Le développement des ressources est positivement corrélé au bien-être (Cohen et Edwards, 1989 ; Cohen et Wills, 1985) et inversement, une perte dans une catégorie cause des dommages dans les autres (Truchot, 2004). L’interdépendance des ressources se traduit aussi par leur accu-mulation et agrégation en un réservoir de ressources. L’objectif est de préserver ce réservoir et d’en développer le contenu. Plusieurs facteurs y agissent, ce sont à la fois les capacités individuelles à investir correctement les ressources pour en retirer des gains conséquents, mais aussi les conditions environnementales et notamment sociales. L’environnement est concerné par l’analyse en termes de ressources car il porte des ressources participant à la construction de l’image du soi, des attentes et des opportunités.

Hobfoll (2011) utilise l’expression « caravan passageways » pour décrire le trans-fert de valeur qui s’opère du groupe ou de la société vers l’individu. Les « caravan passageways » sont ces conditions environnementales particulières qui agissent sur les réservoirs de ressources au niveau individuel et organisationnel. Elles soutiennent, favorisent, enrichissent et protègent les ressources personnelles, ou réduisent, nuisent, empêchent ou appauvrissent les ressources (Hobfoll, 2011). Ces « caravan » repré-sentent le moyen par lequel les ressources continuent à se maintenir et surtout à se développer (Hobfoll, 2011). Le maintien et le développement du réservoir est aussi fonction de conditions hors du contrôle des individus et des groupes.

Synthèse

— Le développement des recherches sur le burnout a permis d’affiner les mo-dèles d’étude et de cerner les dimensions relatives à ce concept. L’épuisement émotionnel et le désengagement sont, désormais, celles à prendre en compte. — Le burnout peut se développer dans tous les contextes professionnels et le mo-dèle JD-R permet de se défaire des contraintes associées aux particularités professionnelles. Il s’intéresse à l’interaction entre un ensemble de demandes et de ressources.

— Les demandes épuisent les ressources et regroupent tous les éléments que l’individu valorise. Des changements dans le niveau de ressources expliquent la variation dans la motivation. Une augmentation du niveau de ressources nourrit la motivation et l’engagement alors qu’une baisse conduit à des stra-tégies de coping peu efficaces et au burnout.

— Les entrepreneurs font face à des demandes professionnelles importantes telles que les demandes psychologiques et émotionnelles. Parallèlement, ils profitent d’une autonomie et de connaissances valorisées en tant que ressources.

La question du stress chez les entrepreneurs attire de plus en plus d’attention à cause des conséquences néfastes qui peuvent en découler. Afin de développer, d’impul-ser et de mettre en avant l’entrepreneuriat comme une alternative au travail salarial, il est nécessaire d’identifier les freins ou les contraintes possibles qui peuvent s’y exercer. L’étude du stress professionnel et plus particulièrement du burnout permet d’apporter certaines connaissances quant aux facteurs affectant le processus entre-preneurial et leurs impacts sur ce dernier.

La littérature entrepreneuriale fait état de plusieurs approches, mais elle manque d’un cadre intégratif et englobant pour étudier l’individu, son environnement et les in-teractions qui les lient. Les différentes approches s’intéressent d’une part à l’individu entrepreneur et de l’autre à l’environnement. Les connaissances qu’elles développent ont permis de mettre en place des actions en vue d’inciter à l’entrepreneuriat. Cepen-dant, elles ne peuvent contribuer que partiellement à la production de connaissances concernant les interactions entre l’individu et l’environnement ainsi que leurs impli-cations.

Faire appel à un cadre théorique et à un modèle issus d’autres champs de cherche est légitimé par le besoin de développement de l’entrepreneuriat. Ceux re-tenus pour cette recherche sont en cohérence avec le point central de ce travail. Le modèle JD-R permet d’intégrer un ensemble de facteurs dans les demandes et dans les ressources potentielles. L’interaction entre les demandes et les ressources peut se traduire par le développement du burnout car les demandes appellent à des investis-sements de ressources. Le niveau de ressources doit être au moins maintenu à travers le processus d’investissement et de retours sur investissements.

La théorie de conservation de ressources offre une lecture du processus d’investis-sement et des effets de la variation du niveau de ressources. Les individus cherchent à se préserver de la menace de perte ou de la perte effective. Ils investissent des ressources pour répondre aux demandes imposées et aspirent à réaliser des investis-sements profitables. L’augmentation du niveau des ressources à travers les retours sur investissements permet d’augmenter la motivation de l’individu. À l’opposé, des investissements perdants conduisent au burnout avec l’éventail de conséquences qui l’accompagne sur l’individu et l’organisation dans laquelle il évolue.

Problématique, modèle et