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1 Enjeux de la thématique et modèle de recherche

1.1 Enjeux théoriques

Comprendre les facteurs agissant sur les entrepreneurs et leur entreprise relève d’une acceptation processuelle. Elle passe par la proposition d’une grille de lecture dont la souplesse permet de s’ajuster à ce besoin. Sa souplesse est d’autant plus importante qu’elle doit pouvoir être mobilisée dans le champ de l’entrepreneuriat et y apporter certains éclairages.

La grille de lecture recherchée correspond au référentiel théorique capable d’en-glober les concepts visés et de s’appliquer au contexte entrepreneurial. La lecture à travers le cadre ou le référentiel théorique implique l’identification de processus et d’un ensemble de relations impliquant des facteurs particuliers. Parvenir à proposer des cadres théoriques englobant est un des objectifs fixés pour l’avancée du champ de l’entrepreneuriat.

Le manque de réussite des approches historiques à fournir un cadre conceptuel cohérent est en partie attribuable aux chercheurs. Ces derniers ont tendance à n’ob-server qu’une partie du processus entrepreneurial. Ils se focalisent notamment sur les caractéristiques des entrepreneurs eux-mêmes, les opportunités auxquelles ils peu-vent répondre, leurs stratégies, les ressources acquises ou l’organisation du processus (Shane, 2003).

L’influence de la perspective économiste imprègne les travaux de l’approche par les opportunités. Cette influence se retrouve à la fois dans les définitions et dans les étapes du processus présentées par plusieurs auteurs comme Eckhardt et Shane (2003), Dean et McMullen (2002), Shane et Venkataraman (2000), Shane (2000), Ven-kataraman (1997). L’approche par les opportunités est une conception dominante en entrepreneuriat. Cette situation dénote une volonté de rester proche de l’économie et du management stratégique pour justifier de l’intérêt de l’objet du champ de re-cherche mais elle ne permet pas de soutenir l’idée de spécification du champ portée par Venkataraman (1997).

Les travaux sur l’approche par les opportunités ne parviennent pas à se dégager d’une conception individualisante. Les critiques de focalisation sur l’individu adres-sées à l’approche par les traits de personnalité, peuvent facilement être transpoadres-sées à l’approche par les opportunités telle qu’elle est actuellement présentée. Étudier uni-quement l’entrepreneur pour expliquer ou comprendre le processus entrepreneurial maintient l’idée de supériorité des individus entreprenants par rapport aux autres.

Venkataraman (1997, p. 123) considère que « les personnes sont différentes et que ces différences sont importantes ». Ces différences sont constitutives du domaine « particulier » et distinct de l’entrepreneuriat. Ce positionnement ne peut qu’ignorer plusieurs facteurs intervenant dans le phénomène entrepreneurial. Ceci est d’autant plus vrai, que l’approche se veut processuelle donc admet implicitement l’interven-tion de plusieurs facteurs tout au long du processus. Elle ne peut pas apporter plus d’explication sur le phénomène que les approches précédentes car le niveau d’analyse reste le même pour étudier un phénomène d’une grande variabilité.

L’approche par les opportunités se veut processuelle mais elle véhicule une vision statique dans la découverte d’opportunités. Considérer l’opportunité à partir d’une position réaliste suggère que les opportunités existent indépendamment de l’envi-ronnement, et qu’elles attendent d’être découvertes (Gartner, Carter et Hills, 2003). Certains auteurs contestent l’idée de recherche active d’opportunités et donc la pré-existence des opportunités (Busenitz et coll., 2003 ; Fletcher, 2006). Selon eux, les opportunités sont le fruit des perceptions, de l’interprétation et de la compréhension des forces environnementales par les entrepreneurs.

Gartner, Carter et Hills (2003), notent une prolifération de la terminologie au-tour de l’opportunité. Ils considèrent que plusieurs perspectives sont valides et que

les recherches qui se limitent à un seul point de vue restreignent la compréhension du sujet. En ce sens, certains chercheurs conçoivent les deux possibilités, celle où les entrepreneurs potentiels cherchent et découvrent des opportunités, et celle où ils créent des occasions sans être dans une démarche de recherche délibérée (Alvarez et Barney, 2007 ; Bhave, 1994 ; Fayolle, 2004).

Amit, Glosten et Muller (1993) considèrent que parvenir à une théorie entrepre-neuriale correspond à la formulation de relations logiques et vérifiables, de principes qui expliquent l’entrepreneuriat, prédisent les activités entrepreneuriales, permettent de fournir des orientations normatives. Il n’existe toutefois pas encore de théorie ac-ceptée par l’ensemble de la communauté qui correspond à ces critères (Casson, 1991 ; Steyaert, 2007).

Kerlinger (1973, p. 9) définit la théorie comme « un ensemble de construits, de définitions et de propositions inter-reliées qui amènent une vision systématique du phénomène en spécifiant les relations entre les variables dans l’objectif d’expliquer et de prédire le phénomène ». Selon MacMillan et Katz (1992), il est indispensable de faire émerger des hypothèses testables et de les tester. Ces hypothèses découlent nécessairement d’une théorie dont l’utilité est de proposer un cadre cohérent pour un ou plusieurs modèles de prédiction ou de simulation. La présence d’une théorie explicative et acceptée permettrait d’avancer aussi le type de données qu’il est pos-sible de mobiliser.

Le manque de progrès dans la recherche à travers l’approche par les traits de personnalité est peut être lié aux théories et aux méthodes utilisées (Robinson et coll., 1991). L’incapacité à fournir une définition claire et consensuelle de « l’entre-preneur » et des frontières de l’entrel’entre-preneuriat (Cunningham et Lischeron, 1991 ; Brockhaus et Horwitz, 1985 ; Casson, 1991) entrave le développement théorique du champ (Carland, Carland et Stewart, 1996). Carsrud et ses collègues soulignent la nécessité de rendre compte de l’interaction dynamique entre l’entrepreneur indivi-duel et l’environnement (social, financier, technique, etc.) dans lequel les entreprises sont créées (Carsrud et Johnson, 1989 ; Carsrud, Olm, et Eddy, 1986). Pourtant, peu d’intérêt est porté au pouvoir explicatif des relations sociales ou à d’autres facteurs intervenant dans le processus entrepreneurial (Shane, 2003).

Pour asseoir le développement et la légitimité scientifique du champ, MacMillan et Katz (1992) identifient deux types d’apports possibles. D’un côté les emprunts

théoriques qui décrivent le « comment ? » et le « pourquoi ? » de certains processus. De l’autre, les emprunts méthodologiques qui sont les outils pour obtenir des infor-mations spécifiques. Le processus d’adoption peut prendre deux formes. L’adoption peut être directe, la théorie ou la méthode est appliquée directement dans un nou-veau champ. L’autre situation correspond à une adoption où les idées empruntées servent de modèle général pour l’application dans d’autres champs. Toutefois, comme le souligne Sexton (1987, p. 27), « un certain nombre d’efforts de recherche ont puisé dans la littérature d’autres domaines fonctionnels dans le passé. Cependant, lorsque cela s’est produit, le transfert a souvent été des plus anciens, et les informations sou-vent obsolètes ou l’utilisation de l’information qui n’est pas directement applicable ». Cette situation correspond à l’emprunt des théories de la personnalité pour l’étude de l’entrepreneuriat.

Certains continuent à soutenir le point de vue selon lequel la mobilisation de théo-ries issues d’autres champ ou domaine peut contribuer au développement de celui de l’entrepreneuriat. Dans ce sens Carsrud et Johnson (1989), suggèrent que l’iden-tification d’autres théories du comportement humain qui peuvent être transférées serait bénéfique. Les comportements humains nécessitent des modèles de recherche qui reflètent la richesse de processus. Les recherches futures doivent utiliser des mo-dèles comportementaux sophistiqués pouvant apporter plus de compréhension pour les comportements entrepreneuriaux.